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Olivier Troisier, un pionnier de la médecine physique
Disponible en ligne 23 fe´vrier 2009
Notice ne´crologique C. Hamonet Service de me´decine physique et de re´adaptation me´dicale, Hoˆtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France
Olivier Troisier, un pionnier de la me´decine physique Olivier Troisier, a pioneer of physical medecine
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
O
livier Troisier nous a quitte´s le 20 fe´vrier 2008. Sa haute stature e´lance´e, toute en minceur, qui aurait pu paraıˆtre un peu « raide », a` l’instar de Britanniques qu’il avait beaucoup fre´quente´s, e´tait surmonte´e d’un sourire inimitable, a` la fois bienveillant et ironique, qui ne laissait pas indiffe´rent. Nous avons eu le privile`ge de le rencontrer a` plusieurs reprises, notamment dans le comite´ de re´daction du journal de kine´sithe´rapie dans lequel, encore interne, nous avons travaille´ aux coˆte´s de Jacques Samuel et d’E´ric Viel, lui aussi re´cemment disparu, aux coˆte´s d’Alain Copel, alors pre´sident d’une association influente de kine´sithe´rapeutes et, par la suite, lors de re´unions me´dicales (entretiens de Bichat et re´unions de la Socie´te´ nationale de me´decine physique qu’il pre´sidait). Nous le connaissions e´galement a` travers plusieurs de ses e´le`ves dont nous e´tions amis, comme Jacques Rodineau et Jean-Pierre Rabourdin, et enfin par les conversations avec notre maıˆtre, le Pr Andre´ Grossiord, qui le tenait en haute estime. Il nous a e´galement fait l’honneur de nous visiter alors que nous de´marrions le service de re´adaptation me´dicale au CHU Henri-Mondor dans des conditions pre´caires. Il porte un nom de´ja` ce´le`bre en me´decine, celui de Charles-E´mile Troisier, son grand-pe`re, interne des Hoˆpitaux de Paris en 1869, professeur agre´ge´ a` la faculte´ de me´decine de Paris, qui est passe´ a` la poste´rite´ en de´crivant le ganglion me´tastatique sus-claviculaire gauche (du coˆte´ du canal thoracique) qui porte son nom comme un signe re´ve´lateur de cancer sous-diaphragmatique. Son pe`re e´tait e´galement ancien interne des Hoˆpitaux de Paris et professeur de me´decine. Il s’est illustre´ en me´decine expe´rimentale. Ne´ en 1921, Olivier Troisier s’est oriente´ diffe´remment. De´laissant la voie de l’internat, il s’est nourri de clinique a` l’e´cole d’un grand interniste, le Pr Paul Harvier, a` Cochin, chez lequel e-mail : [email protected].
il sera externe de fac¸on que les me´decins qualifieraient de « chronique » durant trois semestres. Il a tre`s toˆt l’ide´e que la re´e´ducation fonctionnelle, pratiquement inexistante a` cette e´poque en France, est une discipline inte´ressante. Malgre´ le peu d’enthousiasme du Pr Harvier, il s’en ouvre au Pr Andre´ Grossiord qui a e´te´ son confe´rencier d’internat et qui venait d’ouvrir un service de re´e´ducation pour les personnes victimes de la poliomye´lite a` Garches. C’est Andre´ Grossiord qui lui conseille aussi de partir se former en Grande-Bretagne ou` la discipline semblait avoir davantage pris pied dans la pratique me´dicale. Il y rencontrera James Cyriax dans le Physical Department du Kings College Hospital avec lequel il s’est aussitoˆt trouve´ en sympathie. Il sera, par la suite, un temps, son assistant dans le service de me´decine physique de l’hoˆpital Saint-Thomas, a` l’ombre de Big Ben. James Cyriax e´tait un personnage haut en couleur que Troisier comparait, a` juste titre, a` Hitchcock pour son allure ge´ne´rale et son franc-parler plutoˆt provocateur. C’e´tait aussi un fe´ru de clinique qui rattachait syste´matiquement toute la pathologie du dos a` une le´sion discale. Cyriax avait transforme´ en service de me´decine physique un service initialement restreint a` la me´decine orthope´dique sans pour autant s’e´loigner beaucoup de la destination premie`re. Nous avons eu le plaisir de faire traduire Cyriax par le Dr Pierre Payri dans la collection de re´e´ducation fonctionnelle que nous avons cre´e´e et dirige´e aux e´ditions Masson. Cette rencontre avec Cyriax sera de´terminante pour l’orientation future d’Olivier Troisier qui deviendra l’homme du rachis. Il partagera d’abord son activite´ de me´decin entre trois patrons qui ont aussi e´te´ les miens : Grossiord, de Se`ze et Merle d’Aubigne´. En 1962, sur la proposition du Pr Grossiord, il est nomme´ chef de service a` l’hoˆpital Foch, a` Suresnes, ou` il se fixera de´finitivement et fondera, a` son tour, une e´cole qui comptera beaucoup en re´e´ducation. Reste´ clinicien avant tout, Troisier a cependant de´veloppe´ bon 35
0242-648X/$ - see front matter 10.1016/j.jmr.2009.01.017 Journal de re´adaptation me´dicale 2009;29:35-36
C. Hamonet
nombre de techniques nouvelles de traitement des le´sions rachidiennes en s’appuyant sur les progre`s de l’imagerie. Il regrettait que l’escamotage du temps clinique par des me´decins trop presse´s les fasse passer tout de suite a` l’imagerie avec le risque de de´couvrir des images qui n’ont aucun lien avec ce qui fait souffrir le patient, « ce qui engage sur une fausse piste », disait-il. Cette attitude de clinicien, insatisfait de la gymnastique en cyphose proˆne´e par Merle d’Aubigne´, en fera l’inventeur du verrouillage lombaire et de l’e´vitement des positions extreˆmes (recherche de la position interme´diaire de Troisier). Ce sont ces principes qui ont re´volutionne´ la re´e´ducation du mal de dos, transmis par Jean-Pierre Rabourdin, et qui nous ont guide´s dans la conceptualisation de notre e´cole du dos, imagine´e d’abord en Alge´rie dans des conditions pre´caires de re´e´ducation, puis de´veloppe´e en France, dans la droite ligne des principes enseigne´s par Troisier. Il a contribue´ a` introduire en France le massage transverse de Cyriax (MTP, ou « frotte ») qu’il pratiquait lui-meˆme comme bien des gestes de kine´sithe´rapie, comme doit le faire un me´decin spe´cialiste de me´decine physique. Son esprit de chercheur imaginatif l’a conduit a` aborder le disque interverte´bral par des voies non chirurgicales. Il a introduit la discographie par voie late´rale et la nucle´olyse (1976) a` la papaı¨ne qu’il allait chercher, lui-meˆme, initialement en Yougoslavie.
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Journal de re´adaptation me´dicale 2009;29:35-36
Il a œuvre´ scientifiquement au sein d’un groupe de travail le Gieda. Il a publie´ plusieurs ouvrages sur la pathologie rachidienne : en 1973, chez Masson, Se´miologie et traitement des algies discales et ligamentaires du rachis et Diagnostic clinique en pathologie oste´o-articulaire (1990) et plus re´cemment, chez Flammarion, Les lombalgies, du symptoˆme au diagnostic, dans lequel il consacre un chapitre a` ce qui l’a toujours, a` juste titre, pre´occupe´ : le raisonnement me´dical. Il apparaıˆt comme une figure emble´matique de notre spe´cialite´ a` ses de´buts, repre´sentant bien le versant de me´decine physique, pre´occupe´ par la douleur et la biome´canique du corps humain avec une recherche de solutions non chirurgicale comme une tre`s bonne pratique de notre me´tier peut en apporter. Il y a encore beaucoup a` faire a` ce niveau et bien des chirurgies inutiles base´es sur une surinterpre´tation de l’imagerie toute puissante pourraient eˆtre e´vite´es. Olivier Troisier ne re´futera pas la chirurgie syste´matiquement puisqu’il en be´ne´ficiera lui-meˆme avec ses quatre prothe`ses (genoux et hanches) dont il n’he´sitait pas a` faire mention.
Pour en savoir plus Interview d’Olivier Troisier. Maıˆtrise orthope´dique. Le journal orthope´dique sur le Web, no 109, janvier 2008. Gozlan E. In memoriam, Olivier Troisier. Rev Med Manuelle Osteopath 2008;24.
Notice ne´crologique C. Hamonet Service de me´decine physique et de re´adaptation me´dicale, Hoˆtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France
Olivier Troisier, un pionnier de la me´decine physique Olivier Troisier, a pioneer of physical medecine
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
O
livier Troisier nous a quitte´s le 20 fe´vrier 2008. Sa haute stature e´lance´e, toute en minceur, qui aurait pu paraıˆtre un peu « raide », a` l’instar de Britanniques qu’il avait beaucoup fre´quente´s, e´tait surmonte´e d’un sourire inimitable, a` la fois bienveillant et ironique, qui ne laissait pas indiffe´rent. Nous avons eu le privile`ge de le rencontrer a` plusieurs reprises, notamment dans le comite´ de re´daction du journal de kine´sithe´rapie dans lequel, encore interne, nous avons travaille´ aux coˆte´s de Jacques Samuel et d’E´ric Viel, lui aussi re´cemment disparu, aux coˆte´s d’Alain Copel, alors pre´sident d’une association influente de kine´sithe´rapeutes et, par la suite, lors de re´unions me´dicales (entretiens de Bichat et re´unions de la Socie´te´ nationale de me´decine physique qu’il pre´sidait). Nous le connaissions e´galement a` travers plusieurs de ses e´le`ves dont nous e´tions amis, comme Jacques Rodineau et Jean-Pierre Rabourdin, et enfin par les conversations avec notre maıˆtre, le Pr Andre´ Grossiord, qui le tenait en haute estime. Il nous a e´galement fait l’honneur de nous visiter alors que nous de´marrions le service de re´adaptation me´dicale au CHU Henri-Mondor dans des conditions pre´caires. Il porte un nom de´ja` ce´le`bre en me´decine, celui de Charles-E´mile Troisier, son grand-pe`re, interne des Hoˆpitaux de Paris en 1869, professeur agre´ge´ a` la faculte´ de me´decine de Paris, qui est passe´ a` la poste´rite´ en de´crivant le ganglion me´tastatique sus-claviculaire gauche (du coˆte´ du canal thoracique) qui porte son nom comme un signe re´ve´lateur de cancer sous-diaphragmatique. Son pe`re e´tait e´galement ancien interne des Hoˆpitaux de Paris et professeur de me´decine. Il s’est illustre´ en me´decine expe´rimentale. Ne´ en 1921, Olivier Troisier s’est oriente´ diffe´remment. De´laissant la voie de l’internat, il s’est nourri de clinique a` l’e´cole d’un grand interniste, le Pr Paul Harvier, a` Cochin, chez lequel e-mail : [email protected].
il sera externe de fac¸on que les me´decins qualifieraient de « chronique » durant trois semestres. Il a tre`s toˆt l’ide´e que la re´e´ducation fonctionnelle, pratiquement inexistante a` cette e´poque en France, est une discipline inte´ressante. Malgre´ le peu d’enthousiasme du Pr Harvier, il s’en ouvre au Pr Andre´ Grossiord qui a e´te´ son confe´rencier d’internat et qui venait d’ouvrir un service de re´e´ducation pour les personnes victimes de la poliomye´lite a` Garches. C’est Andre´ Grossiord qui lui conseille aussi de partir se former en Grande-Bretagne ou` la discipline semblait avoir davantage pris pied dans la pratique me´dicale. Il y rencontrera James Cyriax dans le Physical Department du Kings College Hospital avec lequel il s’est aussitoˆt trouve´ en sympathie. Il sera, par la suite, un temps, son assistant dans le service de me´decine physique de l’hoˆpital Saint-Thomas, a` l’ombre de Big Ben. James Cyriax e´tait un personnage haut en couleur que Troisier comparait, a` juste titre, a` Hitchcock pour son allure ge´ne´rale et son franc-parler plutoˆt provocateur. C’e´tait aussi un fe´ru de clinique qui rattachait syste´matiquement toute la pathologie du dos a` une le´sion discale. Cyriax avait transforme´ en service de me´decine physique un service initialement restreint a` la me´decine orthope´dique sans pour autant s’e´loigner beaucoup de la destination premie`re. Nous avons eu le plaisir de faire traduire Cyriax par le Dr Pierre Payri dans la collection de re´e´ducation fonctionnelle que nous avons cre´e´e et dirige´e aux e´ditions Masson. Cette rencontre avec Cyriax sera de´terminante pour l’orientation future d’Olivier Troisier qui deviendra l’homme du rachis. Il partagera d’abord son activite´ de me´decin entre trois patrons qui ont aussi e´te´ les miens : Grossiord, de Se`ze et Merle d’Aubigne´. En 1962, sur la proposition du Pr Grossiord, il est nomme´ chef de service a` l’hoˆpital Foch, a` Suresnes, ou` il se fixera de´finitivement et fondera, a` son tour, une e´cole qui comptera beaucoup en re´e´ducation. Reste´ clinicien avant tout, Troisier a cependant de´veloppe´ bon 35
0242-648X/$ - see front matter 10.1016/j.jmr.2009.01.017 Journal de re´adaptation me´dicale 2009;29:35-36
C. Hamonet
nombre de techniques nouvelles de traitement des le´sions rachidiennes en s’appuyant sur les progre`s de l’imagerie. Il regrettait que l’escamotage du temps clinique par des me´decins trop presse´s les fasse passer tout de suite a` l’imagerie avec le risque de de´couvrir des images qui n’ont aucun lien avec ce qui fait souffrir le patient, « ce qui engage sur une fausse piste », disait-il. Cette attitude de clinicien, insatisfait de la gymnastique en cyphose proˆne´e par Merle d’Aubigne´, en fera l’inventeur du verrouillage lombaire et de l’e´vitement des positions extreˆmes (recherche de la position interme´diaire de Troisier). Ce sont ces principes qui ont re´volutionne´ la re´e´ducation du mal de dos, transmis par Jean-Pierre Rabourdin, et qui nous ont guide´s dans la conceptualisation de notre e´cole du dos, imagine´e d’abord en Alge´rie dans des conditions pre´caires de re´e´ducation, puis de´veloppe´e en France, dans la droite ligne des principes enseigne´s par Troisier. Il a contribue´ a` introduire en France le massage transverse de Cyriax (MTP, ou « frotte ») qu’il pratiquait lui-meˆme comme bien des gestes de kine´sithe´rapie, comme doit le faire un me´decin spe´cialiste de me´decine physique. Son esprit de chercheur imaginatif l’a conduit a` aborder le disque interverte´bral par des voies non chirurgicales. Il a introduit la discographie par voie late´rale et la nucle´olyse (1976) a` la papaı¨ne qu’il allait chercher, lui-meˆme, initialement en Yougoslavie.
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Journal de re´adaptation me´dicale 2009;29:35-36
Il a œuvre´ scientifiquement au sein d’un groupe de travail le Gieda. Il a publie´ plusieurs ouvrages sur la pathologie rachidienne : en 1973, chez Masson, Se´miologie et traitement des algies discales et ligamentaires du rachis et Diagnostic clinique en pathologie oste´o-articulaire (1990) et plus re´cemment, chez Flammarion, Les lombalgies, du symptoˆme au diagnostic, dans lequel il consacre un chapitre a` ce qui l’a toujours, a` juste titre, pre´occupe´ : le raisonnement me´dical. Il apparaıˆt comme une figure emble´matique de notre spe´cialite´ a` ses de´buts, repre´sentant bien le versant de me´decine physique, pre´occupe´ par la douleur et la biome´canique du corps humain avec une recherche de solutions non chirurgicale comme une tre`s bonne pratique de notre me´tier peut en apporter. Il y a encore beaucoup a` faire a` ce niveau et bien des chirurgies inutiles base´es sur une surinterpre´tation de l’imagerie toute puissante pourraient eˆtre e´vite´es. Olivier Troisier ne re´futera pas la chirurgie syste´matiquement puisqu’il en be´ne´ficiera lui-meˆme avec ses quatre prothe`ses (genoux et hanches) dont il n’he´sitait pas a` faire mention.
Pour en savoir plus Interview d’Olivier Troisier. Maıˆtrise orthope´dique. Le journal orthope´dique sur le Web, no 109, janvier 2008. Gozlan E. In memoriam, Olivier Troisier. Rev Med Manuelle Osteopath 2008;24.