L’Encéphale (2009) Supplément 2, S46–S52
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p
Ontogenèse des rythmes circadiens chez l’humain D. Pringuey*(a, b), O. Tible(a, b), F. Cherikh(a, c) (a) Fédération du Sommeil, CHU Pasteur Nice (b) Clinique de Psychiatrie, Pôle des Neurosciences Cliniques, CHU Pasteur Nice (c) Psychiatrie de Liaison Hôpital de l’Archet CHU de Nice « γιγνωσκε δ′οιοσ ρυτμοσ ανθρωπουσ εχει » « Reconnaît que le rythme gouverne l’homme ! » Archiloque Paros 712-662 av JC
MOTS CLÉS Ontogenèse ; Rythmes circadiens
KEYWORDS Ontogenesis ; Circadian rhythms
Résumé L’ontogenèse des rythmes circadiens chez l’homme, histoire de l’installation de la synchronisation du rythme du quotidien, dessine le déploiement d’une compétence adaptative qui assure un accrochage biologique vital à l’environnement. Les méthodes de datation des étapes de cette organisation temporelle ont progressé et l’étude de la maturation du système veille-sommeil domine l’approche génétique du cycle circadien. La pathologie marquera la régression fonctionnelle à l’un des différents niveaux de la genèse, ou par défaut révélera une atteinte lésionnelle. Perte d’amplitude et fragmentation ultradienne caractérisent la dysfonction circadienne qui appelle en correction la maîtrise de la pression ultradienne et sa stabilisation infradienne. Abstract Ontogenesis of circadian rhythms in human beings, the history of the development of synchronisation of the daily rhythm describes the deployment of an adaptive capacity providing vital biological linkage to the environment. Methods for dating the stages in this temporal organisation have advanced and the genetics approach to the circadian cycle is dominated by studies of the maturation of the awake-asleep cycle. Disease involves the functional regression to one of the different stages of genesis or alternatively will involve a pathological lesion. Circadian dysfunction is characterised by loss of amplitude and multi-day fragmentation, correction of which requires control of multi-day pressure and within-day stabilisation.
L’ontogenèse des rythmes circadiens est l’histoire de l’installation d’une synchronisation optimale d’un cycle vital aussi fondamental que méconnu, le rythme du quotidien, histoire brève, qui occupe tout au plus les trois premières années de la vie, mémoire du déploiement d’une compétence adaptative élémentaire qui assure accrochage corporel souple mais solide à l’environnement, et par là garantit notre séjour journalier ordinaire. L’évaluation de ce rythme basal, la datation de sa constitution, les limites de son fonctionnement et les formes de sa déconstruction régres* Auteur correspondant. E-mail :
[email protected] Conflits d’intérêts : none. © L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
sive forment une toile de fond de première importance à l’approche pathogénétique des troubles mentaux, au plan des régulations biologiques comme des élaborations stratégiques des comportements élémentaires. Les débuts de la médecine scientifique [7] retiennent de leurs observations préliminaires le primat du quotidien, annonçant l’importance de l’outil chronobiologique initié par Franz Halberg responsable du laboratoire de chronobiologie de la NASA à Minneapolis [16] puis abondamment déployé dans les différents secteurs périodiques [3].
Ontogenèse des rythmes circadiens chez l’humain
Le circadien et sa composition Parmi les secteurs biopériodiques opérationnels, le domaine circadien tient la primeur de relier les rythmes biologiques d’une période d’environ 24 h (entre 22-26 h) au cycle cosmique et à la rotation terrestre : l’alternance lumière-obscurité guide et accompagne les séquences activité – repos, veille – sommeil, ainsi que la plupart des variations des paramètres biologiques notamment le niveau de la température centrale, les hormones et les neuromédiateurs circulants, qui forment un « pace-maker » central « syntonisé » par la synchronisation externe [3, 15]. L’ultradien renvoie aux périodes inférieures à 20 h de variations apparaissant dans le déroulement des séquences de la journée et pour diverses stabilisations harmoniques à 12 h, 6 h, 3 h, 90 mn, minutes, secondes… La fluctuation ultradienne majeure par son amplitude se situe à 90 mn de période dans l’alternance de la plupart des variables biologiques et notamment les fluctuations hormonales et, dans le sommeil, de la séquence non REM-REM*. Ce rythme qui a été appelé par Nathaniel Kleitmann [25] « Basic Rest Activity Cycle » ou BRAC, marquerait l’heure biologique et sa marque géomagnétique en ce qu’elle approche la valeur de correction du gyrocompas dite Constante de Schuler à 85,5 mn (1 sur 2pi racine de R sur G) [39]. L’infradien concerne les périodes de plus de 28 h et dispose ce que l’on appelé « les temps de moindre résistance » : 7 jours, 15 jours, 21, 1 mois, 3, 6, 9 mois, 1 an, 3 ans, 7 ans… L’ontogenèse des rythmes circadiens aborde l’étude du profil développemental des rythmes biologiques et décrit la mise en place des structures qui les produisent du fait de la maturation biologique à base génétique et selon les étapes du neuro-développement [10]. La progression temporelle se caractérise par des phénomènes de recrutement, d’intégration et d’ajustement en synchronisation. Cette histoire évolutive peut fournir une clef pour comprendre la pathologie au titre d’une régression fonctionnelle et de la mise à jour des fondements voire conduire à un diagnostic lésionnel par défaut. Elle peut aussi proposer des arguments pour la prévention des troubles, dans la connaissance des vulnérabilités d’ordre génétique qui, par exemple, peuvent affecter le régime du « firing » neuronal circadien central guidé par la cinétique de dégradation des protéines rythmiques « Période » et « Cryptochrome » [37]. De même la connaissance et la validation du rôle des synchroniseurs peuvent guider l’animation thérapeutique d’un véritable projet chronobiotique [35].
S47 tion répétée dans le temps de la valeur d’une variable donnée, ou le nuage de points correspondant à la représentation graphique de cette variation temporelle, en une formule mathématique unique liant trois paramètres, l’amplitude, la position du maximum et le niveau moyen ajusté de la fluctuation (Fig. 1) [16]. Cette modélisation permet l’exploration aisée des articulations entre plusieurs variables et entre celles-ci et les facteurs fluctuants de l’environnement [4]. La détection du rythme relève de moyens divers : pour la période, sont utilisés la transformée de Fourier, la régression périodique, la démodulation, les auto-corrélations ou encore le spectre de puissance ; pour l’amplitude et la phase : le chronogramme, le lissage polynomial, le Cosinor. Du seuil de détection du rythme, soit du niveau de précision du calcul dépendra la datation de son apparition (Fig. 2). Mais déjà il faut mentionner que chaque variable physiologique prise isolément manifeste des rythmicités plus ou moins significatives sur plusieurs périodes, notamment 90 mn, surtout 24 h, mais aussi souvent à caractère mensuel, saisonnier et annuel (Fig. 3) [17]. Globalement l’ontogenèse des rythmes circadiens s’élabore depuis les synchroniseurs circadiens à partir du contrôle progressif de la dominance précoce des rythmes ultradiens et par stabilisation infradienne [10]. Le rythme circadien se constitue par synchronisation progressive au contraste jour-nuit avec fusion des périodicités ultradiennes, déploiement d’amplitude et stabilisation des phases (Fig. 4). Ce développement répond de la maturation des organes de perception et des dispositifs organisant les schémas d’action [32].
Les datations biorythmiques La datation de l’émergence d’une rythmicité circadienne a dans un premier temps relevé de l’observation de données macroscopiques [19]. Les premiers rythmes circadiens ont d’abord été identifiés quelques jours après la naissance, telle la résistance électrique cutanée. À la 3e semaine, l’alternance veille-sommeil s’installe, au 21e jour le nourrisson dort plus longtemps la nuit que le jour. L’entraînement Veille D’un nuage de points
L’outil chronobiologique
D’une ligne brisée
La chronobiologie est un outil numérique qui permet de réduire un listing horaire de chiffres résultant de l’évalua-
Acrophase
À la sinusoïde * Nous reprenons la dénomination internationale de sommeil R.E.M. ou « Rapid Eye Movements sleep » proposée initialement par Loomis, Aserinsky et Dement pour signifier chez l’homme le sommeil à Mouvements Oculaires Rapides et appelé « sommeil rapide » en contraste du « sommeil lent », et le différencier du sommeil dit « paradoxal » observé chez l’animal opéré.
Sommeil
Amplitude Moyenne À 3 paramètres liés
y(t) = M +Acos(wt+f)
Figure 1 La chronobiologie, un outil numérique [14].
S48
D. Pringuey et al. Pour la période Transformée de fourrier Régression périodique Démodulation Auto corrélations Spectre de puissance Déploiement ontogénique
Signification statistique
Pour l’amplitude et la phase Chronogramme Lissage polynomiale Cosinor
Figure 2 Seuil de détection du rythme.
Spectre de la thermovariance (température rectale) 0 1000
S variance/unité de fréquence
0 0100
0 0010
0 0001 336
30,5
1,04
0,992 0,987
1,0
t période, jours
Figure 3 Un spectre des fréquences disposant l’importance de l’amplitude de la variation de la température rectale relativement à chaque période [17].
Circadien 28 h
Ultradien 20 h
m
n
h 90
h
3
12
h
V-SA-SC ECG EEG
24
j
s
j 4
27
oi m
6
Ce nt 7a ns 1a n
Mensuel Saisonnier Annuel Biochron
4 s 1 0, s 4 s
Infradien
Figure 4 Ontogenèse du spectre biopériodique. Les flèches mentionnent l’ajustement d’amplitude des secteurs périodiques lors de la maturation (modifié d’après Stroebel, [41]).
externe est effectif à la 44,8e semaine post-conceptionnelle en moyenne. Au 30e jour, apparition du rythme de l’élimination urinaire des 17OH, du K et du Na, à la 6e semaine, du rythme de la température, en fait repérable entre 6 et 12 semaines, et même pour certains entre 8 et 16 semaines, et à 2 ans, les stéroïdes plasmatiques… Le perfectionnement dans la saisie des données biologiques aux moyens d’instruments spécialisés a abouti à la datation « microscopique » d’une rythmicité circadienne bien plus précoce, notamment depuis les enregistrements transpariétaux du fœtus. Avant la naissance, on sait reconnaître la sensibilité du noyau suprachiasmatique à la lumière dès la 28e semaine post gestationnelle [18]. L’installation du rythme veille sommeil est certes effective à 3 à 4 semaines chez 75 % des bébés mais dure un mois et demi lorsqu’il y a un libre-cours initial pour 7 % des cas [40]. L’alternance sommeil calme, sommeil actif, sommeil instable est perçue dès la 32e semaine post gestationnelle [32]. Ces mesures plus précises ont conduit à un ajustement des datations : pour l’apparition du rythme de la température, avant 6 semaines mais aussi dès la 1re semaine en synchronisation forcée [29], pour le cortisol plasmatique à 8 à 12 semaines [30], pour la mélatonine à 9 à 12 semaines [21], et même à 6 semaines [29]. Il faut compter avec l’effet maternel « masquant » soit l’induction par le soin maternel d’un rythme d’entraînement adopté passivement. On a identifié l’entraînement lié à l’activité dès le 1er mois [48], le suivi de l’entraînement précoce par la lumière [27], les modalités de stabilisation phasique du rythme du sommeil [1]. La maturation des organes de perception se déduit du marquage circadien significatif mais temporaire chez les prématurés exprimant une sensibilisation prénatale [32]. On a vérifié l’importance initiale de la sphère orale et tactile de la peau et des muqueuses, mise en jeu dans l’alimentation, notamment nocturne [21], l’emmaillotage, les bains, les promenades et, au 2e mois, les relais de la sphère visuelle et acoustique, par l’alternance lumière – obscurité, l’atmosphère bruyante de l’environnement, les contacts personnels par le regard et le langage.
Ontogenèse du rythme veille-sommeil, un modèle développemental Le processus de maturation du sommeil constitue un modèle de choix pour l’étude ontogénique du circadien [13, 45]. Ce processus occupe les 3 premières années de la vie et se développe par étapes (Fig. 5) [2, 24, 32]. Chez le nouveau né, une structure polyphasique initiale manifeste une séquence sommeil actif/sommeil passif occupant les 2/3 des 24 heures [20, 43]. À 3 mois, on note une diminution de l’éveil nocturne et l’apparition de la succession veille/sommeil lent/sommeil REM selon un cycle de 45 minutes, puis une tendance à la restriction du sommeil aux heures nocturnes [28]. À 3 ans, le cycle sommeil lent/sommeil REM s’allonge à 60 à 70 minutes, avec prédominance du sommeil lent en début de nuit et un pourcentage mature en sommeil R.E.M. de 25 % de la durée totale du sommeil [38].
Ontogenèse des rythmes circadiens chez l’humain 7h
S49
jour
23 h
nuit
7h
37e
semaine 1er mois Type 2 (74 %) Dès le 2e mois
Veille Sommeil Rythme ultradien prédominant (62 %)
Type 1a (7 %)
Libre cours période = 25 h
Type 1b (12 %)
Kleitman & Engelmann 1953 “Voielactée traversante” Période = 23 h
Après 4 mois Période = 24 h
Biotypes de Shimada et al. 44PtI + 40TI
Figure 5 Maturation des rythmes circadiens [40].
Avec l’âge, le déclin des fonctions d’adaptation sera marqué par une tendance régressive à l’expression polyphasique initiale [12]. Ce schéma évolutif importe car le sommeil est l’un des principaux marqueurs du « système circadien » (Fig. 6) [3, 46], dont la période spontanée endogène légèrement supérieure à 24 h doit être ajustée quotidiennement. Ce système relie la séquence veille-sommeil à un ensemble biologique pertinent appelé « pace-maker » circadien central gouvernant d’une part, au titre de notre articulation à l’environnement physique, l’évolution temporelle rythmique de la thermo-régulation (température centrale), d’autre part relativement aux comportements d’adaptation aux demandes de l’environnement, les fluctuations du système neuroendocrino-immunitaire (évolution des taux plasmatiques du cortisol) et de la régulation finalisée de cette adaptation (expression du sommeil rapide REM au sein du sommeil). Son expression optimale précède de peu le réveil, signifiant également l’époque de vulnérabilité circadienne maximale marquée par une forte instabilité neurobiologique (pic cortisol-REM/minimum température). Le système fonctionne en compression sur une tendance spontanée à s’étirer et à retourner à une alternance « poly-
phasique » caractéristique de ses débuts. Le libre cours [3], obtenu par un isolement temporel (Fig. 7), démasque une tendance à allonger les durées de la veille et du sommeil pour une période circadienne propre, dite endogène, de 25,7 h, sur environ 15 jours, chez ce sujet comme en règle générale, puis après un décrochage, sur une nouvelle période de 33 h et plus, en désynchronisation externe et interne croissante. Cette tendance à la dérive nécessite à l’état de synchronisation ordinaire une correction quotidienne et constante d’où résulte une dette matinale physiologique en sommeil, dette minime, variable mais nécessaire. C’est cette capacité à la dette qui disparaît dans l’insomnie primaire et que le traitement devra recouvrer.
La dysomnie, un modèle de régression ontogénique Dans l’approche de l’insomnie, l’une des armes thérapeutiques modernes les plus efficaces – l’agenda du sommeil (Fig. 8) – rapporte invariablement une fragmentation du sommeil, gêné par des éveils per-nocturnes, et une altération de la veille entrecoupée d’épisodes de somnolence
« Zietgeber »
Lumière Veille
Obscurité Asymétrie de compression
7h
Sommeil SL
Veille
23 h
Sommeil
7h Veille
REM
Sommeil Période = 25,7 h
Pacemaker Central = Cortisol plasmatique
Cycle
Synchronisation Couplage Corégulation Covariations
7h
23 h
Point temporel critique
7h
Température centrale Noyau suprachiasmatiquede l’hypothalamus
Figure 6 Le système circadien.
23 h
Figure 7 Le libre cours.
7h
Période = 33,5 h
S50
D. Pringuey et al. Forbidden zone 12 h
22 h
24 h
6h
12 h Veille Sommeil Sieste Somnolence Repas Free-run Forbidden zone de Peretz Lavie = Époque interdite au sommeil
Contrôle du stimulus : Régularitédu réveil, du coucher, des horaires d’activités Restriction du sommeil, abolition de la sieste
Figure 8 Agenda de la dysomnie.
diurne, fragmentation souvent couplée à une irrégularité des horaires des prises alimentaires et des activités sociales, le tout évoquant une régression fonctionnelle sur un mode polyphasique. L’étude des diverses formes d’insomnie rapporte invariablement un profil polygraphique instable évoquant une activation émotionnelle de l’éveil relevant d’un processus « d’internalisation » [44]. Cette activation couple : • un hyper-éveil neurobiologique dont témoigne une augmentation du métabolisme, du pouls, une vasoconstriction, une élévation de la température rectale, un accroissement de la motricité avant et pendant le sommeil – où on vérifie que la peur de ne pas dormir accentue l’éveil émotionnel et rend susceptible aux événements stressants déstabilisateurs ; • une activation métabolique manifestée par l’accroissement de la sécrétion de cortisol et des cathécholamines, l’élévation des taux plasmatiques circadiens d’ACTH, en soirée et la nuit, l’augmentation de la sécrétion des Cytokines et de l’Interleukine 6, ainsi que le TNFalpha [44] ; • un éveil EEG marqué par l’accentuation des hautes fréquences bêta et gamma, et une baisse delta [31] ; • une augmentation du métabolisme du glucose cérébral [33]. Cette activation de l’éveil induit une fragmentation du sommeil entrecoupé de nombreux éveils, ce qui ressemble fort à une image de régression à des stades précoces du développement du système veille-sommeil. Le principe thérapeutique central vise à installer un « contrôle du stimulus » [9, 14] par adoption d’un horaire régulier du lever, et aussi du coucher, par réduction de la durée du sommeil et surtout par abolition de la sieste et rétablissement d’un programme quotidien stable, ce qui revient à renforcer la synchronisation circadienne pour maîtriser l’instabilité ultradienne.
L’enjeu ultradien du circadien L’étude des troubles du sommeil et de la vigilance dans la dépression [22, 36] ont suggéré la manifestation non spécifique d’un pattern endogène [5, 8, 11] dont le profil est surtout marqué par une déconstruction de la progression des stades lent profond et rapide REM, avec réduction de la latence d’apparition d’un REM dont l’activité oculaire est accrue, et un éveil matinal précoce, valant pour une tentative de correction par privation partielle de sommeil [35, 36, 47]. Cette pression ultradienne significative est associée à l’effacement de l’amplitude du pace-maker circadien [42] soulignant l’importance de la désynchronisation dépressive circadienne et sa dépendance à l’exaltation ultradienne, offrant un schéma de régression fonctionnelle certes réversible mais plus importante que la seule internalisation, du fait notamment de la pression REM. Les thérapeutiques antidépressives concourent à réduire la pression ultradienne et restaurer le règne du circadien. Le vieillissement du sommeil est dominé par la déstabilisation du système veille/sommeil, l’accentuation de l’éveil au cours du sommeil et la réduction des stades fondamentaux qui débute en fait dès la trentaine [12]. L’altération « physiologique » porte surtout sur la qualité du sommeil : il est moins réparateur, certes moins nécessaire, plus court, moins profond dans sa structure, plus instable – ce dont témoigne la labilité des rapports veille/ sommeil, enfin plus fragile d’où la fréquence des désordres. C’est l’image d’une régression polyphasique rappelant l’ontogenèse du sommeil et dont l’importance est corrélée à l’insatisfaction au réveil indépendamment de la durée du sommeil. À l’extrême, l’hypnogramme du sujet dément manifeste une détérioration majeure du sommeil marquée par une fragmentation accrue, une dé-différentiation des stades, une disparition du sommeil lent et une diminution de la quantité du sommeil REM [6]. Fréquente et couplée aux troubles du comportement, une désorganisation circa-
Ontogenèse des rythmes circadiens chez l’humain dienne avec tendance à l’inversion du rythme veille/sommeil associe sommeil diurne, turbulence nocturne et ivresses du sommeil. La régression liée à l’âge est ici dépassée et confirme l’aspect lésionnel de la pathologie.
Conclusion On peut souhaiter déduire de ces considérations chronobiologiques divers guides thérapeutiques, élaborés sur l’assise d’une stratégie chronobiotique. Le maître mot s’énonce dans la priorité d’une maîtrise de l’ultradien soit du cadrage du « BRAC System » comportant, sur la base des propriétés synchronisantes de la séquence veille-sommeil, un « contrôle du stimulus ». Il s’agit de l’adoption d’un horaire de lever fixe, comme aussi celui du coucher, renforcé d’une abolition de la sieste et d’une restriction du sommeil à visée de compression, doublé d’une optimisation infradienne assurant la régularité des repas et collations, des activités, ainsi que du maintien de la restriction du sommeil le week-end et d’un programme de socialisation adapté et individualisé veillant au respect des horaires des rendez-vous et des activités partagées. Dans un but de synchronisation, on préconise une stimulation de l’éveil privilégiant l’activité physique diurne et le recours aux techniques corporelles telles le sport, la gymnastique, les promenades, ainsi que des stratégies de détente vespérale au moyen de soins coporels et de divertissements variés. On vient de vérifier scientifiquement, dans un établissement de long séjour pour sujets âgés à Taiwan l’intérêt thérapeutique de l’écoute musicale vespérale personnalisée, lors d’un essai conduit selon les règles de l’art par deux psychologues médicaux chevronnés [26]. « Face à la maladie, il faut agir contre le temps, car la médecine doit vaincre le temps » Theophrastus Bombastus von Hohenheim (1493-1541) dit « Paracelse »
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