Rubrique proposée par Gérard Guez -
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DROIT DES SOCIÉTÉS
Le Gouvernement vient de prendre par ordonnance une série de mesures, entrées en vigueur le 3 août 2014, visant à simplifier et sécuriser le fonctionnement des sociétés, notamment l’assouplissement des règles sur le recours à l’expertise pour évaluer les parts ou actions, l’obligation de motiver la décision autorisant une convention réglementée et de réexaminer celles autorisées et dont l’exécution s’est poursuivie, la fixation des conditions de rachat des actions de préférence, la faculté pour une EURL d’être associée unique d’une autre EURL.
1. Cession de parts et d’actions L’acte de cession n’a plus à être déposé au greffe du tribunal de commerce. Désormais, la cession est rendue opposable aux tiers par le dépôt au greffe des statuts modifiés de la société faisant apparaître la nouvelle répartition du capital ; ce dépôt peut intervenir par voie électronique.
Fixation du prix de cession par un expert L’intervention d’un expert pour fixer le prix de cession des droits sociaux ou de leur rachat par la société en cas de contestation est un sujet qui revient sans cesse depuis quelques années. Nous avons publié dans RFL les différentes étapes de cette évolution qui intéresse les biologistes au premier chef, car c’est une situation qui se présente relativement souvent dans les LBM. Dernièrement, la Cour de cassation a étendu le champ d’application de ce texte et a consacré la totale liberté de l’expert pour évaluer les titres même en présence de clauses statutaires ou conventionnelles de détermination du prix. L’article 37 de l’ordonnance modifie l’article 1843-4 du Code civil qui prévoit cette intervention. La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 est entrée en vigueur le 3 août 2014. Elle est donc applicable aux demandes de désignation d’un expert faites sur le fondement de ce texte depuis cette date.
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Ordonnance de simplification du droit des sociétés
Cas d’applicabilité Jusqu’à présent, l’expertise de l’article 1843-4 s’appliquait dans tous les cas où étaient prévus la cession ou le rachat de droits sociaux. Désormais, cette expertise n’est obligatoire que : a) dans les cas où la loi renvoie à l’article 1843-4 « pour fixer les conditions de prix d’une cession » des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société. Notons que le Code civil et le Code de commerce renvoient expressément à l’article 1843-4, notamment pour la fixation du prix de rachat des droits sociaux en cas de refus d’agrément de l’acquéreur proposé, de l’héritier d’un associé décédé, et en cas de retrait d’un associé. Et rappelons que, dans les SAS, les statuts peuvent fixer les modalités de rachat des titres par la société en cas d’exclusion, de retrait d’un associé ou de refus d’agrément de l’acquéreur, l’article 1843-4 ne s’appliquant que dans le silence des statuts sur ce point. Enfin, il résulte de la nouvelle rédaction de l’article 1843-4 qu’en cas de renvoi légal à ce texte, la présence d’une clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix ne fait pas obstacle à l’expertise. Mais l’expert devra respecter les modalités d’évaluation organisées par cette clause ; b) dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable.
ba) L’expertise de l’article 1843-4 n’est maintenant ouverte, pour la cession ou le rachat organisé par les statuts, que si la valeur des droits sociaux n’est ni déterminée ni déterminable. Est ici visée tant l’hypothèse de l’absence d’une clause statutaire de détermination du prix que celle où cette clause ne permet pas d’aboutir à la fixation du prix. Si le prix est déterminable au regard des statuts, il n’est pas possible de recourir à l’expertise, et la jurisprudence selon laquelle l’expertise de l’article 1843-4 prime toute clause statutaire de détermination du prix n’est plus de mise. bb) En visant expressément les seules cessions prévues par la loi ou par les statuts, le nouvel article 1843-4 exclut l’application de plein droit de l’expertise pour les autres cessions ou rachats, notamment celles organisées par un pacte d’actionnaires. À noter : l’article 1843-4 subordonne le recours à l’expertise à l’existence d’une contestation sur le prix de cession ou de rachat des titres.
Mission de l’expert La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 ne revient pas sur les modalités de la désignation de l’expert : celui-ci est
RÉPONSES AUX QUESTIONS DU QCM (page 68) 1. A, B, C, E.
5. B, C, D, E
2. D.
6. B, D, E
3. A, C, E.
7. A, B, C
4. C, E.
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désigné soit par les parties, soit, à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. La jurisprudence antérieure relative à ces modalités de désignation demeure donc toujours applicable : la compétence du président du tribunal est exclusive ; les parties ne peuvent pas former un recours contre la décision du président. Sous l’empire de l’ancien article 1843-4, l’expert pouvait procéder à l’évaluation demandée selon les critères qu’il jugeait opportuns et il n’était donc pas tenu d’appliquer les méthodes d’évaluation préconisées par les parties, par les statuts, le règlement intérieur ou encore par le juge qui l’avait désigné. L’ordonnance met en grande partie un terme à cette liberté. En effet, l’expert doit désormais faire application, lorsqu’elles existent, des règles et modalités de détermination de la valeur fixées : r par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties lorsque son intervention est prévue par la loi ; r par toute convention liant les parties pour les cessions organisées par les statuts. Ce n’est donc qu’en l’absence de clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix, ou lorsque cette clause ne permet pas de déterminer le prix, que l’expert recouvre sa liberté d’évaluation. À noter : La modification de l’article 1843-4 ne remet pas en cause le principe selon lequel l’évaluation de l’expert s’impose au juge et aux parties à moins qu’il n’ait commis une erreur grossière.
2. SARL Réunion de l’assemblée annuelle Il est désormais à nouveau possible de demander en justice la prolongation du délai de réunion de l’assemblée d’approbation des comptes, sans qu’il soit précisé la forme de la demande. En tout état de cause, à côté de la demande présentée au président du tribunal de commerce par simple requête, on doit pouvoir agir en référé à condition de justifier de l’urgence de la situation.
3. Sociétés anonymes - SCA Conventions réglementées L’ordonnance apporte trois aménagements à la procédure d’autorisation des conventions réglementées dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés en commandite par actions (SCA).
Conventions conclues avec une filiale « à 100 % » La procédure d’autorisation des conventions réglementées n’est désormais plus applicable « aux conventions conclues entre deux sociétés dont l’une détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l’autre ».
Motivation de la décision d’autorisation La décision d’autorisation préalable des conventions par le conseil d’administration (ou de surveillance) doit être motivée en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées.
Réexamen annuel des conventions autorisées antérieurement Désormais, les conventions conclues et autorisées au cours d’exercices antérieurs dont l’exécution a été poursuivie au cours du dernier exercice doivent en outre être « examinées chaque année par le conseil d’administration » (ou de surveillance) et « communiquées au commissaire aux comptes » pour les besoins de l’établissement du rapport spécial présenté à l’assemblée générale. Sont concernées les conventions à durée indéterminée et les conventions à durée déterminée dont l’exécution s’étale sur plusieurs exercices. Les conventions renouvelables par tacite reconduction ne sont pas visées puisqu’elles constituent un nouveau contrat (sauf le cas de la reconduction du bail commercial ou si les parties en sont convenues initialement) ; elles doivent donc être autorisées en tant que nouvelles conventions.
Mention de certaines conventions dans le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire
Associé d’EURL
Le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire d’une SA doit désormais mentionner les conventions intervenues, directement ou par personne interposée, entre :
L’interdiction pour une EURL d’avoir pour associé unique une autre EURL est supprimée.
r d’une part, l’un des membres du directoire ou du conseil de surveillance, le directeur général, l’un des directeurs généraux
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délégués, l’un des administrateurs ou l’un des actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 %, d’une société mère ; r d’autre part, une filiale dont la société possède, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital. Sont néanmoins exclues les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. Cette nouvelle obligation, entrée en vigueur le 3 août 2014, vise les conventions conclues par un dirigeant ou un actionnaire significatif de la société mère avec une filiale. Il ne s’agit pas de conventions réglementées soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance puisque la société mère n’est pas partie à la convention. Les conventions constituant une opération courante conclue à des conditions normales sont exclues du champ d’application dans les mêmes termes que pour les conventions « libres » conclues avec la société de sorte que les solutions concernant les conventions libres sont transposables.
4. Rachat d’actions de préférence Les biologistes font parfois appel aux actions de préférence pour équilibrer leurs pactes d’associés. Ce qui suit les intéresse donc.
Conditions du rachat Les actions de préférence peuvent être rachetées dans les conditions et selon les modalités prévues pour le rachat par une société de ses actions ordinaires, à savoir notamment que le nombre d’actions pouvant être acquises est limité jusqu’à 5 ou 10 % du capital selon les cas, que le rachat ne doit pas avoir pour effet d’abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables, que la société doit disposer de réserves, autres que la réserve légale, d’un montant au moins égal à la valeur des actions détenues et qu’un registre des achats doit être tenu. Mais il est désormais possible de prévoir dans les statuts une clause organisant avant la souscription le principe et les modalités du rachat des actions de préférence. Dans ce cas, doivent uniquement être satisfaites, outre les conditions mentionnées aux articles L 225-210 à
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L 225-212 du Code de commerce comme dit ci-dessus, les conditions suivantes. 1) L’acquisition ne peut être réalisée qu’au moyen de sommes distribuables au sens de l’article L 232-11 du Code de commerce (bénéfice distribuable de l’exercice et montant des réserves libres) ou du produit d’une nouvelle émission de titres de capital effectuée en vue de ce rachat. 2) La valeur des réserves dont la société doit disposer en application de l’article L 225-210 du Code de commerce est calculée par référence à la valeur nominale des seules actions de préférence rachetées. Ces réserves ne peuvent, sauf en cas de réduction du capital souscrit, être distribuées aux actionnaires. Elles ne peuvent être utilisées que pour augmenter le capital par incorporation de réserves.
© Frank Bosto
3) Lorsque les statuts prévoient le versement d’une prime aux actionnaires à la suite du rachat, cette prime ne peut être prélevée que sur des sommes distribuables au sens de l’article L 232-11 du Code de commerce ou sur une réserve prévue à cette fin autre que celle prévue au 2). Cette réserve ne peut pas être distribuée aux actionnaires sauf en cas de réduction du capital souscrit. Elle ne peut être utilisée que pour augmenter le capital souscrit par incorporation de réserves, pour couvrir les frais d’émissions d’actions de préférence ou pour effectuer le versement d’une prime en faveur des détenteurs des actions de préférence rachetables. 4) Le rachat doit être à l’initiative exclusive de la société. L’émission d’actions rachetables à l’initiative des porteurs est donc interdite.
Sort des actions rachetées Les actions peuvent être utilisées aux mêmes fins qu’en cas de rachat par une société de ses actions ordinaires : notamment, annulation par voie de réduction de capital, attribution aux salariés ou dirigeants, remise en échange dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport. Si les actions sont rachetées en application d’une clause statutaire, elles peuvent être conservées dans les conditions de droit commun, notamment interdiction pour la société de détenir plus de 10 % des actions de préférence émises, sans quoi les actions détenues irrégulièrement doivent être cédées dans l’année de leur rachat. Elles peuvent être cédées ou transférées par tous moyens. Si les statuts et le contrat d’émission le prévoient, elles peuvent également être annulées dans le cadre d’une réduction de capital. Dans ce cas, les créanciers peuvent exercer leur droit d’opposition, sauf si les réserves dont la société doit disposer en application de l’article L 225-210 sont affectées au remboursement des créanciers ; le solde peut ensuite être distribué aux actionnaires. QQ
TEXTES JURIDIQUES Ministère des Affaires sociales et de la Santé (JO du 31/8/2014) Arrêté du 20 août 2014 relatif aux recommandations sanitaires en vue de prévenir les effets de la pollution de l’air sur la santé Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000029413664&dateTexte=&categori eLien=id Ministère des Affaires étrangères (JO du 6/9/2014) Décret n° 2014-1005 du 4 septembre 2014 portant publication de la liste 2014 des substances et méthodes interdites dans le sport (version 2, adoptée le 1er juillet 2014) (1) Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000029425961&dateTexte=&categori eLien=id Ministère des Affaires sociales et de la Santé (JO du 16/9/2014) Décret n° 2014-1047 du 15 septembre 2014 relatif à l’expérimentation de la délivrance à l’unité de médicaments appartenant à la classe des antibiotiques Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affich Texte.do?cidTexte=JORFTEXT000029460754&dateTexte= &categorieLien=id Arrêté du 15 septembre 2014 fixant la liste des médicaments appartenant à la classe des antibiotiques et faisant l’objet de l’expérimentation de la délivrance à l’unité par les officines de pharmacie en application de l’article 46 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affich Texte.do?cidTexte=JORFTEXT000029460791&dateTexte= &categorieLien=id Commission générale de terminologie et de néologie (JO du 16/9/2014) Vocabulaire de la biologie (liste de termes, expressions et définitions adoptés) Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000029461187&dateTexte=&categori eLien=id Vocabulaire de l’informatique et de l’internet (liste de termes, expressions et définitions adoptés) Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000029461191&dateTexte=&categori eLien=id Ministère des Affaires sociales et de la Santé (JO du 21/9/2014) Décret n° 2014-1066 du 19 septembre 2014 relatif aux conditions de prélèvements d’organes, de tissus et de cellules humaines et aux activités liées à ces prélèvements Texte accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000029477024&dateTexte=&categori eLien=id REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2014 - N°466//
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