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Mise au point
Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un épanchement pleural Pleural effusion: Diagnosis and management J. Pastré a,b,∗ , S. Roussel a,b , D. Israël Biet a,b , O. Sanchez a,b a b
Université Paris-Descartes, Paris Sorbonne Cité, 75005 Paris, France Service de pneumologie et soins intensifs, hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Épanchement pleural Ponction pleurale Biopsie pleurale Exsudat Transsudat
r é s u m é La prise en charge d’un épanchement pleural liquidien est une situation clinique fréquente, associée à un grand nombre de pathologies, qui peuvent être pulmonaires, pleurales ou extra-pulmonaires. Une approche systématique est nécessaire afin de permettre un diagnostic rapide et une prise en charge appropriée. La conduite à tenir diagnostique consiste habituellement en la réalisation d’un examen clinique, un bilan biologique et radiologique standard, et l’analyse du liquide pleural par ponction pleurale. Dans ces conditions, un diagnostic de présomption est obtenu dans la majorité des cas. Dans le cas contraire, une analyse complémentaire du liquide pleural, ou la réalisation d’imagerie thoracique, voire l’obtention d’une biopsie pleurale peuvent être nécessaires. Cette revue générale est destinée à souligner les éléments importants de la prise en charge d’un épanchement pleural. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
a b s t r a c t Keywords: Pleural effusion Thoracentesis Pleural biopsy Exudate Transudate
Pleural effusion management is a common clinical situation associated with numerous pulmonary, pleural or extra-pulmonary diseases. A systematic approach is needed to enable a rapid diagnosis and an appropriate treatment. Pleural fluid analysis is the first step to perform which allows a presumptive diagnosis in most cases. Otherwise, further analysis of the pleural fluid or thoracic imaging or pleural biopsy may be necessary. This review aims at highlighting the important elements of the work-up required by a pleural effusion. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Rappels anatomiques et physiopathologiques La plèvre est composée de deux membranes : la plèvre viscérale (PV) et la plèvre pariétale (PP) délimitant la cavité pleurale. Celle-ci, large de 20 micromètres, présente une pression négative de −5 cmH2 0, résultant des forces de rappel élastiques pulmonaires et thoraciques, opposées. Le liquide pleural de composition normale présente une concentration en protéines d’environ 15 g/L. Le fluide lui-même est pauci-cellulaire, avec un petit nombre de macrophages, de cellules mésothéliales et de lymphocytes. La
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Pastré).
vascularisation pleurale est assurée par les artères intercostales pour la PP et par les artères bronchiques pour la PV. L’innervation sensitive n’est présente que sur la plèvre pariétale. On retrouve une production quotidienne de deux litres de fluide principalement issue de la PV et résorbée en majorité par la PP au niveau de pores (appelés pores de Wang [1]) reliés au système lymphatique, principalement situés aux bases pleurales [2]. L’apparition d’un épanchement pleural résulte d’un déséquilibre de la balance entre l’accumulation du liquide pleural et sa résorption. Cinq mécanismes principaux peuvent être responsables de ce déséquilibre : • augmentation de la pression capillaire pulmonaire (c.-à-d. insuffisance cardiaque congestive) ;
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.360 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Pastré J, et al. Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un épanchement pleural. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.360
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Tableau 1 Étiologie habituelle des épanchements en fonction de l’histoire de la maladie, des symptômes et des signes physiques de l’examen clinique. Histoire clinique Interventions chirurgicales abdominales Intoxication éthylique ou pathologie pancréatique Exposition à l’amiante Cancer évolutif Hémodialyse Cirrhose hépatique Infection par le VIH Prise médicamenteuse Polyarthrite rhumatoïde Lupus Traumatisme thoracique Pontage aorto-coronaire Stimulation ovarienne
Causes possibles de l’épanchement pleural Épanchement pleural postopératoire réactionnel, abcès sous-phrénique, embolie pulmonaire Épanchement pancréatique Épanchement pleural bénin lié à l’amiante, mésothéliome pleural malin (MPM) Épanchement pleural néoplasique, embolie pulmonaire Insuffisance cardiaque, pleurésie urémique Épanchement pleural transsudatif, empyème bactérien spontané Épanchement para-pneumonique, tuberculose, lymphome pleural, sarcome de Kaposi Pleurésie médicamenteuse Épanchement rhumatoïde, pseudo-chylothorax Pleurésie lupique, épanchement para-pneumonique, embolie pulmonaire Hémothorax, chylothorax Épanchement pleural postopératoire [60], syndrome de Dressler Induit par le clomifène, prédomine à droite
Symptômes Fièvre Hémoptysie Altération de l’état général
Épanchement para-pneumonique, empyème, tuberculose Cancer broncho-pulmonaire, embolie pulmonaire, tuberculose Cancer broncho-pulmonaire, tuberculose
Signes physiques Ascite Signes d’insuffisance cardiaque gauche ou droite Ongles jaunes, lymphœdème
Décompensation œdémato-ascitique, cancer de l’ovaire, syndrome de Demons-Meigs Décompensation cardiaque gauche, péricardite Syndrome des ongles jaunes
• augmentation de la perméabilité capillaire (c.-à-d. épanchement para-pneumonique) ; • baisse de la pression pleurale (c.-à-d. atélectasie) ; • baisse de la pression oncotique (c.-à-d. hypo-protidémie) ; • obstruction lymphatique (c.-à-d. pathologie néoplasique) [3]. Les causes les plus fréquentes d’épanchement pleural sont : l’insuffisance cardiaque congestive, les pneumopathies infectieuses, une cause néoplasique et l’embolie pulmonaire [4,5]. S’il existe un très grand nombre d’étiologies, 90 % des cas sont en rapport avec une dizaine de diagnostics. 2. Diagnostic clinique d’une pleurésie La présentation radio-clinique d’un épanchement pleural n’est pas spécifique de l’étiologie. Les signes fonctionnels du syndrome d’épanchement pleural liquidien comprennent : dyspnée, toux et douleur thoracique pleurale vive et non irradiante. Celui-ci peut aussi bien être asymptomatique et de découverte fortuite. L’examen physique retrouve une diminution des vibrations vocales, une matité à la percussion et une diminution/abolition du murmure vésiculaire. Un souffle pleural auscultatoire, doux, lointain, voilé et expiratoire peut être entendu à la limite supérieure d’un épanchement de moyenne abondance, alors qu’un frottement pleural sera entendu en cas d’épanchement moins abondant ou après ponction évacuatrice. La connaissance de l’ancienneté de même que le caractère uni- ou bilatéral sont déterminants. La majorité des épanchements pleuraux bilatéraux ne sont pas liés à une atteinte primitive de la plèvre ou des poumons alors qu’un épanchement unilatéral est le plus souvent dû à une pathologie pleurale ou pulmonaire. La tolérance et le retentissement fonctionnel sont fonction de l’abondance de l’épanchement et d’éventuelles pathologies respiratoires associées.
ponction pleurale pour une analyse du liquide (aspect macroscopique, biochimie, cytologie et bactériologie). Ils permettent de confirmer et d’orienter le diagnostic dans la majorité des cas. L’aspect radiologique d’un épanchement pleural est souvent caractéristique avec la mise en évidence d’une opacité bordée par une ligne à limite supérieure concave remontant en axillaire ou ligne de Damoiseau. En cas d’épanchement de faible abondance (dès 50 mL), un simple émoussement du cul-de-sac pleural peut être observé. L’échographie pleurale dynamique, rapide, non irradiante, confirme le diagnostic avec une spécificité proche de 100 % pour un épanchement supérieur à 100 mL [6]. D’autre part, l’échographie permet de guider la ponction avec moins de risques de complication, notamment de pneumothorax [7]. Elle se révèle aussi utile en cas d’épanchement cloisonné. Cet examen fait partie des recommandations de bonne pratique avant ponction ou drainage thoracique en Grande-Bretagne [8], mais pas encore en France. La ponction pleurale exploratrice doit être réalisée chez tous les patients, excepté en cas de tableau clinique de décompensation cardiaque évident. La ponction pleurale doit être réalisée en urgence lorsque l’on évoque un hémothorax ou un empyème afin de confirmer le diagnostic. Les contre-indications relatives de ce geste sont : les troubles de l’hémostase sans seuil exclusif défini, un épanchement de moins de 1 cm sur une radiographie debout de face, ou une infection cutanée en regard du point de ponction [9]. En cas de trouble de la coagulation, une correction par transfusion plaquettaire ou facteur de coagulation avant le geste peut être proposée (plaquettes < 50 G/L ou TP < 50 %). De réalisation fréquente, la radiographie thoracique post-ponction pleurale n’est pas requise sauf en cas d’introduction d’air dans la plèvre au cours de la procédure ou d’apparition de symptômes telles que dyspnée, toux ou douleur thoracique dans les suites du geste. 4. Analyse du liquide pleural
3. Orientation étiologique 4.1. Aspect macroscopique La démarche diagnostique initiale face à un épanchement pleural repose sur une anamnèse rigoureuse et un examen physique complet (Tableau 1). Les examens complémentaires de première intention comprennent une radiographie de thorax de face et de profil, une échographie pleurale, des examens biologiques simples (hémogramme, ionogramme, coagulation) et la réalisation d’une
Dans la plupart des cas, l’épanchement ponctionné est clair et jaune citrin, ce qui ne permet pas de préjuger du caractère exsudatif ou transsudatif [10] et encore moins de l’étiologie. Certains aspects peuvent, par contre, orienter l’enquête étiologique. Par exemple, l’aspect trouble du liquide évoque un empyème, un aspect blanc laiteux, un chylothorax ou un pseudo-chylothorax.
Pour citer cet article : Pastré J, et al. Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un épanchement pleural. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.360
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Tableau 2 Causes habituelles des épanchements pleuraux, classées en fonction du caractère exsudatif ou transsudatif du liquide pleural. Exsudat
Transsudat
Fréquent
Épanchement para-pneumonique Épanchement pleural métastatique Embolie pulmonaire Tuberculose
Insuffisance cardiaque gauche aiguë ou chronique Cirrhose hépatique Embolie pulmonaire
Moins fréquent
Atélectasie Hémothorax Épanchement pleural bénin lié à une exposition à l’amiante Réactionnel à un infarctus du myocarde ou après pontage coronarien Pathologie pancréatique Maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, syndrome de Sjögren) Abcès sous-phrénique, hépatique ou splénique
Syndrome néphrotique Hypothyroïdie Sténose mitrale Dialyse péritonéale
Chylothorax Causes médicamenteuses Radiothérapie Rupture œsophagienne Syndrome des ongles jaunes Mésothéliome pleural malin (MPM) Sarcoïdose Vascularites
Syndrome de Demons-Meigs Urinothorax Stimulation ovarienne Obstruction de la veine cave supérieure
Rare
Un épanchement séro-hématique uniforme oriente vers une cause néoplasique par argument de fréquence. Une embolie pulmonaire avec infarctus pulmonaire, une cause traumatique ou une pneumopathie infectieuse peuvent être retrouvées [10]. Un liquide uniformément sanglant est évocateur d’un hémothorax. D’autres aspects du liquide sont classiquement décrits, bien que plus rares : noir (aspergillose), marron anchois (amibiase hépatique) ou plus exceptionnellement contenant des débris alimentaires (rupture œsophagienne).
4.2. Examen biochimique L’analyse biochimique du liquide pleural (protidopleurie et taux de LDH pleural, sur tube avec anticoagulant) permet la distinction entre exsudat et transsudat et oriente sur le mécanisme physiopathologique de sa formation (Tableau 2). Les protides sont le reflet de l’augmentation de la perméabilité pleurale, alors que la LDH représente plutôt son inflammation. Les critères de Light publiés en 1972 permettent de faire la distinction entre exsudat et transsudat (Tableau 3) [11]. Ces critères, très spécifiques pour établir le diagnostic d’exsudat (99,5 %), sont cependant moins sensibles pour la détection d’un transsudat, notamment chez les patients en insuffisance cardiaque gauche sous diurétiques ou ayant déjà été ponctionnés. Dans ce cas, certains auteurs proposent le calcul du gradient de protéine [12]. Ce gradient correspond à la valeur en protéine du sérum moins celle du liquide pleural. Il est en faveur d’un transsudat s’il est supérieur à 31 g/L (sensibilité 91 % contre 75 % pour les critères de Light). Le gradient d’albumine a aussi été décrit, la limite étant alors de 12 g/L [13].
Tableau 3 Critères de Light [11]. Le diagnostic d’exsudat est retenu si l’un des trois critères suivants est présent Rapport protides dans le liquide pleural/protides sériques > 0,5 Rapport LDH du liquide pleural/LDH sérique > 0,6 Taux de LDH > 2/3 de la norme sérique (> 200 UI/L)
Péricardite constrictive Dénutrition
4.3. Cytologie pleurale Si la numération présente peu d’intérêt pour l’orientation étiologique d’un épanchement pleural, la formule cellulaire est déterminante [14,15]. Le prélèvement doit être fait sur un tube avec anticoagulant. L’orientation étiologique en fonction de la prédominance cellulaire est résumée dans le Tableau 4. L’analyse cytologique est d’autant plus fiable que le prélèvement est acheminé rapidement au laboratoire. Cependant, le stockage à 4 ◦ C des échantillons est également possible temporairement (< 4 jours). La mise en évidence de cellules malignes lors de la première ponction est positive dans 30 à 60 % des épanchements néoplasiques [17]. La répétition de la ponction pleurale permet d’augmenter la rentabilité diagnostique [18], qui reste cependant dépendante de l’expérience du cytologiste, du type de tumeur et de l’importance de l’envahissement tumoral pleural. La rentabilité diagnostique est la plus faible pour le mésothéliome pleural malin (MPM) et le lymphome. La quantité de liquide prélevé et analysé est habituellement considérée comme un critère de rentabilité diagnostique. Cependant, plusieurs études réfutent cette notion et une quantité inférieure à 50 mL est alors décrite comme suffisante [19]. L’examen cytologique doit être complété par la réalisation d’une étude immuno-histochimique pour différencier l’atteinte pleurale primitive ou secondaire (exemple de marqueurs mésothéliaux : calrétinine, kératine 5/6, protéine WT-1), ou pour déterminer la nature d’un cancer primitif en cas d’épanchement métastatique [20]. La réalisation d’un culot cellulaire permet alors de sensibiliser la technique [21]. 4.4. Bactériologie pleurale L’examen bactériologique du liquide pleural ne devrait en théorie être réalisé que si une infection est suspectée. En effet, la fréquence de prélèvements positifs dans une population non ciblée est extrêmement faible [22]. La sensibilité de la culture est de 40 % (70 % si le liquide est franchement purulent [23]) et est améliorée par l’ensemencement du liquide pleural dans des flacons d’hémoculture aéro- et anaérobie. La positivité d’un examen direct ou d’une pleuroculture nécessite de réaliser un drainage pleural en urgence [24,25].
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Tableau 4 Orientation étiologique en fonction de la prédominance cellulaire du liquide pleural. Cellularité
Normes
Diagnostic suggéré
Hématies
> 100 000/mm3
Polynucléaires neutrophiles (PNN)
> 50 %
Lymphocytes
> 50 %
Pleurésie néoplasique, embolie pulmonaire avec infarctus pulmonaire, épanchement para-pneumonique, traumatisme thoracique Épanchement para-pneumonique, pleurésie purulente (polynucléaires altérés), empyème, tuberculose (phase précoce), embolie pulmonaire, pancréatite, abcès sous-phrénique Tuberculose ++, épanchement néoplasique, lymphome, leucémie lymphoïde chronique, pleurésie rhumatoïde, sarcoïdose
Commentaires
Éosinophiles
> 10 %
Épanchement néoplasique (26 %) [16], idiopathique (25 %), para-pneumonique (13 %), hémothorax, embolie pulmonaire, pleurésie médicamenteuse, parasitose
Cytologie tumorale
Présente
Épanchement néoplasique
Signe un phénomène aigu Les pleurésies tuberculeuses sont à prédominance de PNN dans 10 % des cas Un épanchement pleural composé de > 90 % de lymphocytes évoque la tuberculose ou un lymphome et justifie souvent la réalisation d’une biopsie pleurale Un épanchement pleural chronique quelle que soit son étiologie, à tendance à devenir lymphocytaire La significativité diagnostique d’une éosinophilie pleurale est discutée La notion habituelle selon laquelle une ponction pleurale antérieure ou la présence d’air dans la cavité pleurale soit responsable d’une élévation de l’éosinophilie pleurale est controversée Des cellules mésothéliales à multiplication rapide peuvent mimer les caractéristiques cytologiques d’un adénocarcinome
5. Autres examens biologiques pleuraux utiles en deuxième intention
5.1. Lors d’épanchement para-pneumonique ou d’empyème pleural
En fonction du contexte clinique, certains tests de deuxième ligne peuvent être utiles sur le liquide de la ponction initiale (Tableaux 5 et 6).
L’analyse du pH pleural (sur seringue héparinée avec lecture sur appareil de gaz du sang) est principalement utile en cas d’épanchement pleural para-pneumonique non purulent
Tableau 5 Analyses biologiques complémentaires du liquide pleural et orientations diagnostiques. Test pleuraux
Normes
Diagnostics suggérés
Commentaires
Hématocrite Pleuroculture
> 50 % de l’hématocrite sérique Examen direct et culture
Hémothorax Infection pleurale
pH
< 7,20
Glucose
< 0,6 g/L
Polymerase chain reaction (PCR) Adénosine désaminase (ADA) Interféron ␥
Positive > 40 UI/L
Épanchement para-pneumonique infecté ++, tumoral (facteur de mauvais pronostic), tuberculose, rupture œsophagienne Épanchement para-pneumonique infecté, tuberculose, tumoral ou polyarthrite rhumatoïde Par exemple : tuberculose, infection à Streptococcus pneumoniae Tuberculose pleurale
Nécessite de réaliser un drainage pleural en urgence La positivité de l’examen direct ou de la culture nécessite de réaliser un drainage pleural en urgence À réaliser en cas d’épanchement pleural para-pneumonique Permet de distinguer un épanchement réactionnel d’une infection pleurale associée
> 240 pg/mL
Tuberculose pleurale
BNP
> limites de la normale sérique
Insuffisance cardiaque gauche
Amylase
> limites de la normale sérique [28]
Cholestérol, triglycéride Créatinine
cf. Tableau 6
Pancréatite, rupture œsophagienne ou néoplasie, selon l’isotype enzymatique Chylothorax, pseudo-chylothorax
Facteur rhumatoïde
Marqueurs tumoraux (hors tumeurs primitives pleurales) Mésothéline soluble a
Créatinine pleurale > créatinine sérique 1/320e ou > dosage sérique
Pas de limites définies ; n’ont de spécificité que si le dosage est très supérieur aux normes sériques [29] Dosage sérique
Urinothorax Pleurésie rhumatoïde
Épanchement métastatique
Mésothéliome pleural malin (MPM)
À discuter si une cause infectieuse est suspectée En France, n’est pas recommandé en première intention, compte tenu de la faible prévalence de la maladie Moins disponible et plus cher que l’ADA. Présente cependant une très bonne sensibilité et spécificité, 89 et 97 %, respectivement [26] Le dosage pleural n’apporte pas d’élément supplémentaire par rapport au dosage sérique [27] N’est indiqué qu’en cas de suspicion de pathologie pancréatique ou de rupture œsophagienne. L’amylase est alors de type salivaire
Uropathie obstructive, traumatisme, chirurgie des voies urinaire, transplantation ou biopsie rénale La pleurésie rhumatoïde est le plus souvent exsudative lymphocytaire avec hypoglycopleurie (< 1 mmol/L) et diminution du complément C4 La place du dosage de ces marqueurs reste à définir ; n’ont probablement pas d’intérêt en tant que dosage de routine pour un épanchement d’étiologie indéterminéea Son utilisation peut être utile mais n’est pas validée dans le diagnostic du MPM
Cyfra 21.1 : cancer broncho-pulmonaire ; CA125 : néoplasie ovarienne ou endométriale ; ACE, CA15.3 : néoplasie mammaire.
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Tableau 6 Critères lipidiques diagnostiques de chylothorax. Chylothorax Triglycéride, mmol/L (mg/dL) Cholesterol, mmol/L (mg/dL) Cristaux de cholestérol Chylomicrons
> 1,24 (110) < 5,18 (200) Non Oui
À réaliser en cas de prélèvement pleural unilatéral exsudatif laiteux et opalescent. La mise en évidence d’un chylothorax traduit alors une fuite chyleuse sur le trajet du canal thoracique. Les causes habituelles de chylothorax sont principalement traumatiques et post-chirurgicales (chirurgie œsophagienne, notamment) ou néoplasiques (lymphome principalement) [30]. Se résorbe en période de jeûne. Un pseudo-chylothorax ne contient pas de chylomicron, et présente un taux de cholestérol pleural > 5,18 mmol/L. Il est principalement retrouvé dans les pleurésies rhumatoïdes chroniques.
macroscopiquement. Elle permet de distinguer un épanchement réactionnel stérile d’une infection pleurale par contiguïté (épanchement para-pneumonique compliqué). Un pH < 7,20 suggère un épanchement para-pneumonique compliqué nécessitant alors le drainage thoracique [9,31]. Le dosage de la glycopleurie, si elle est < 0,6 g/L, permet également de conforter l’indication du drainage d’un épanchement para-pneumonique. Le diagnostic d’un épanchement para-pneumonique à Streptococcus pneumoniae pourrait être facilité par la recherche de l’antigène pneumocoque dans le liquide pleural [32] ou par la réalisation d’une PCR [33]. 5.2. En ce qui concerne les pleurésies tuberculeuses La mise en évidence de Mycobacterium tuberculosis dans le liquide pleural n’est retrouvée en culture, au maximum, que chez 30 à 40 % des patients [34] et seulement dans 5 % des cas à l’examen direct. La mise en culture des prélèvements pleuraux sur milieu liquide pourrait permettre une meilleure sensibilité et l’obtention de résultats plus précoces que la mise en culture sur milieu solide [35]. Enfin, la recherche de BAAR dans les expectorations doit être recherchée car elle est positive dans 56 % des cas même en l’absence d’anomalies parenchymateuses associées à la radiographie [36]. La sensibilité de la PCR pour la détection pleurale de M. tuberculosis varie de 40 à 80 %, la spécificité est supérieure à 90 % [37]. L’adénosine désaminase (ADA) est une enzyme clé du métabolisme des purines, qui joue un rôle important dans la prolifération lymphocytaire et monocytaire. Une élévation de l’ADA pleurale à un taux supérieur à 40 UI/L a une sensibilité de 90 % et une spécificité de 85 à 95 % pour le diagnostic de pleurésie tuberculeuse [38,39], quel que soit le statut immunitaire du patient [40]. La spécificité augmente au-dessus de 95 % si le liquide est exsudatif à prédominance lymphocytaire. Paradoxalement, un taux très élevé d’ADA pleurale (> 250 UI/L) n’est pas spécifique de tuberculose pleurale. On évoque alors une pleurésie purulente, une pleurésie néoplasique (lymphome ou carcinome) ou une connectivite [41]. Dans les pays à faible prévalence de tuberculose pleurale (< 3 % des épanchements pleuraux) comme la France, la valeur prédictive positive du test diminue. La valeur prédictive négative reste cependant très élevée [42]. 5.3. Marqueurs tumoraux Marqueurs tumoraux dans les épanchements pleuraux néoplasiques secondaires : leur sensibilité est en général faible (< 30 %) [29]. L’utilisation d’une combinaison de différents marqueurs pourrait augmenter la sensibilité mais doit être intégrée aux données cliniques et aux résultats des tests conventionnels. L’utilisation de ces marqueurs pourrait toutefois jouer un rôle pronostique [43].
5
Marqueurs tumoraux du mésothéliome pleural malin (MPM) : la mésothéline soluble (SM), initialement évaluée dans l’étude de Robinson et al. [44], a fait l’objet de nombreuses publications [45]. Sa place dans la prise en charge des patients n’est pas encore définie mais pourrait représenter une aide diagnostique, dans le suivi, ou la réponse au traitement. D’autres marqueurs diagnostiques sont à l’étude (fibuline-3 [46]). 6. Examens non biologiques Certains examens non biologiques peuvent être utiles en deuxième intention, en cas de doute diagnostic ou si le diagnostic n’est pas obtenu avec l’analyse du liquide pleural (Fig. 1). 6.1. Scanner thoracique Il permet de confirmer le diagnostic de pleurésie et notamment de différencier la présence d’un épanchement d’un épaississement pleural. De plus, il permet l’analyse des parties molles juxtapleurales, de la plèvre, du parenchyme pulmonaire sous-jacent, et ainsi orienter l’étiologie (pneumonie infectieuse, lésion suspecte de malignité parenchymateuse ou nodule pleural suspect). L’injection de produit de contraste est indispensable à l’analyse des feuillets pleuraux. En cas de suspicion d’embolie pulmonaire, un angioscanner thoracique doit être réalisé (Fig. 2) [9]. 6.2. Le TEP-scanner Il présente un intérêt grandissant dans la prise en charge des pathologies pleurales malignes primitives ou secondaires, même si son utilisation n’est pas validée en routine clinique. Dans l’exemple du MPM, le TEP, sans remplacer la pleuroscopie diagnostique, pourrait être utile : • pour distinguer les pathologies pleurales bénignes ou malignes [47] ; • dans la stadification du MPM ; • pour le pronostic ; • pour la réponse au traitement [48]. 6.3. La fibroscopie bronchique Elle n’est pas recommandée en première intention. Elle est, par contre, indiquée en présence d’une hémoptysie associée, d’une atélectasie, ou d’infiltrats pulmonaires scanographiques [49]. Il conviendra alors, dans la mesure du possible, de réaliser une évacuation de la plèvre avant l’exploration endoscopique afin de limiter l’aspect de compression extrinsèque endobronchique. 7. Biopsies pleurales En cas d’épanchement pleural inflammatoire persistant inexpliqué, une biopsie pleurale est indiquée. La biopsie peut être percutanée, réalisée à l’insu ou sous contrôle radiologique, ou par thoracoscopie. La biopsie pleurale à l’insu est principalement indiquée en cas de suspicion de pleurésie tuberculeuse, compte tenu du caractère habituellement diffus des lésions granulomateuses. Sa rentabilité diagnostique en cas d’épanchement lymphocytaire suspect de tuberculose est proche de 90 % [50]. Les limites des biopsies pleurales percutanées sont cependant nombreuses : expérience de l’opérateur, effets indésirables (douleurs, pneumothorax, hémothorax, et faible rentabilité diagnostique en cas d’atteinte pleurale maligne [51]). Dans cette indication, plusieurs études montrent que la biopsie pleurale à l’insu ne fait pas mieux que la répétition
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Epanchement pleural Radiographie de thorax Argument pour une décompensaon cardiaque Poncon pleurale diagnosque : analyse pour prodes, LDH, bactériologie et cytologie
- Hémothorax - Empyème Transsudat
Exsudat
Epanchement parapneumonique compliqué
Exploraon d’une éologie extrarespiratoire
Drainage thoracique
Pas de diagnosc
Dosage de deuxième intenon (Tableau 5), voire répéon de la poncon pleurale Pas de diagnosc Scanner thoracique injecté
Fibroscopie bronchique si atélectasie, hémoptysie ou anomalies scanographique Persistance Biopsie pleurale diagnosque ± talcage pleural si récidivant Fig. 1. Conduite à tenir devant un épanchement pleural.
des ponctions pleurales avec analyse cytologique [31]. En cas de lésions pleurales nodulaires mises en évidence à l’imagerie, la biopsie pleurale percutanée à l’aiguille sous contrôle scanographique ou échographique représente une alternative possible. La thoracoscopie est l’examen de référence en cas d’exsudat inexpliqué, principalement si une cause néoplasique est suspectée. Elle permet l’exploration de l’ensemble de la cavité pleurale, la réalisation de biopsies pleurales de bonne taille ciblées sur des anomalies macroscopiques. Elle permet enfin de réaliser une symphyse pleurale. La rentabilité diagnostique de cette technique est excellente (95 % pour la tuberculose pleurale, 97 % pour un épanchement néoplasique, 98 % pour le MPM contre 20 à 70 % en cas de biopsie à l’insu [52]). Cependant, 15 à 20 % des exsudats demeurent inexpliqués après thoracoscopie, 20 % d’entre eux se révèlent être secondairement de nature néoplasique [53], justifiant une surveillance et au besoin la répétition de l’examen.
para-pneumoniques, il est montré que l’utilisation de drains de faible diamètre (≤ 14 Fr) n’est pas moins efficace sur l’évolution de la pleurésie que les drains plus larges, au prix d’un meilleur confort pour le patient et d’une plus grande facilité de pose [54]. Dans le cadre des épanchements para-pneumoniques compliqués, l’administration intra-pleurale de fibrinolytiques semble bénéfique mais demeure très discutée [55].
8. Drainage thoracique Le drainage thoracique est indiqué en cas d’épanchement pleural symptomatique de grande abondance, d’hémothorax, d’empyème ou d’épanchement para-pneumonique compliqué selon les critères macroscopiques ou biochimiques précédemment décrits. Il peut être réalisé par différentes techniques : dissection, au trocart de Monod, technique de Seldinger, etc. De fac¸on générale, et plus spécifiquement dans les épanchements
Fig. 2. Angioscanner thoracique : mise en évidence d’une embolie pulmonaire droite proximale (flèche), avec épanchement pleural de faible abondance homolatéral.
Pour citer cet article : Pastré J, et al. Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un épanchement pleural. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.360
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Fig. 3. Cathéter pleural relié à une chambre implantable sous-cutanée : a : matériel ; b : pose.
9. Situations cliniques particulières
Tableau 7 Pleurésie et maladies systémiques.
9.1. Épanchements récidivants néoplasiques
Pathologies
Pleurésie spécifique
Épanchement d’autre nature
La survenue d’un épanchement pleural au cours d’une maladie néoplasique est source d’inconfort et d’altération de la qualité de vie des patients. Afin de prévenir la récidive, plusieurs techniques sont disponibles (pleurodèse chirurgicale, bouillie talquée injectée par un drain thoracique, ou cathéters pleuraux ambulatoires). La pleurodèse chirurgicale par poudrage de talc est la technique présentant les meilleurs résultats et recommandée en première intention (recommandation SOR 2002 et British Thoracic Society 2010), bien que certaines études ne retrouvent pas de différence par rapport à l’introduction d’une bouillie talquée par le drain thoracique [56]. Le talc, et notamment le talc franc¸ais dont les particules sont plus grosses, est l’agent symphysant de référence [57]. Les cathéters pleuraux reliés à une chambre implantable sous-cutanée sont indiqués chez les patients dont l’état général est altéré ou présentant un poumon atélectasié [58]. Ils permettent de réaliser facilement des ponctions évacuatrices répétées pour soulager les symptômes. La technique de pose est simple et les complications sont rares (Fig. 3).
Polyarthrite rhumatoïde
+++
Lupus systémique Maladie périodique
+++ ++
SGS
+
Amylose
+
Sclérodermie systémique Dermato-polymyosite Vascularites
− − Horton/SCS
Pseudochylothorax EP, infection Cardiaque, rénale, infections IVG, infections, cancers Cardiaque, rénale, infections Cancers Infections, cancers Cardiaque, rénale, infections
9.2. Épanchements pleuraux médicamenteux En cas d’exsudat d’étiologie inconnue, il est important de dresser la liste et la chronologie d’introduction des traitements rec¸us par le patient. Il est impossible de connaître la liste de tous les médicaments impliqués dans la survenue d’un épanchement pleural. Le site internet Pneumotox (http://www.pneumotox.com) recense la plupart des toxicités médicamenteuses pulmonaires et peut être utile à cet égard. Les médicaments les plus fréquemment impliqués (> 100 cas rapportés) sont l’amiodarone, le méthotrexate, la phénytoïne et la nitrofurantoïne [59]. 9.3. Épanchement pleural des maladies systémiques Certaines maladies systémiques sont classiquement pourvoyeuses d’épanchements pleuraux (Tableau 7), bien qu’il s’agisse d’un mode de révélation rare. Les affections le plus souvent en cause sont la polyarthrite rhumatoïde, le lupus systémique, plus rarement la fièvre méditerranéenne familiale. En cas de maladie systémique identifiée, il est important de différencier les pleurésies spécifiques, habituellement associées à des signes d’activité de la maladie, des autres causes de pleurésie (infectieuse, embolique, cardiogénique, etc.).
SGS : syndrome de Gougerot-Sjögren ; SCS : syndrome de Churg et Strauss ; EP : embolie pulmonaire ; IVG : insuffisance ventriculaire gauche.
10. Conclusion L’orientation diagnostique en cas d’épanchement pleural mis en évidence sur une radiographie thoracique nécessite une approche rigoureuse et progressive. Elle débute par une anamnèse et un examen clinique complet suivi d’une ponction pleurale dans la quasi-totalité des cas. L’analyse du liquide pleural permet de réduire le champ diagnostique. L’examen macroscopique associé aux examens de première intention peuvent apporter le diagnostic ou indiquer l’étape diagnostique suivante. Dans les épanchements transsudatifs, une cause extra-respiratoire doit être recherchée et traitée. En cas d’épanchement exsudatif dont le diagnostic n’a pu initialement être avéré, un scanner thoracique doit être réalisé. Si le diagnostic n’est toujours pas obtenu, une biopsie pleurale (percutanée ou par thoracoscopie) doit être discutée. Chez certains patients, on peut observer une régression progressive spontanée de l’épanchement, nécessitant dans tous les cas une surveillance. En pratique, une prise en charge pneumologique doit être envisagée lorsque la ponction pleurale est techniquement difficile, que l’étiologie est incertaine après une première ponction, ou lorsque le drainage de la plèvre est indiqué.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Pour citer cet article : Pastré J, et al. Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un épanchement pleural. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.360
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