Origine et dynamique postglaciaire de la forêt mixte au Québec

Origine et dynamique postglaciaire de la forêt mixte au Québec

Review of Palaeobotany and Palynology, 79 (I 993): 31-68 31 Elsevier Science Publishers B.V., Amsterdam Origine et dynamique postglaciaire de la fo...

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Review of Palaeobotany and Palynology, 79 (I 993): 31-68

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Elsevier Science Publishers B.V., Amsterdam

Origine et dynamique postglaciaire de la for& mixte au Quebec Pierre J.H. Richard D~partement de gkographie, UniversitO de Montrbal, C.P. 6128, Succ. "A", Montreal, Qukbec H3C 3J7, Canada (Received le 20 Mars, 1992; revised and accepted le 10 Juin, 1993)

R]~SUMI~ Richard, P.J.H., 1993. Origine et dynamique postglaciaire de la for& mixte au Qu6bec. [The origin and postgiacial dynamics of the Mixed Forest in Quebec.] In: G.M. MacDonald, K.D. Bennett and L.C. Cwynar (Editors), Palaeoecological Perspectives and the Vegetation of Canada - A Festschrift in Honour of J.C. Ritchie. Rev. Palaeobot. Palynol., 79: 31-68. La For6t mixte est essentiellement d6finie au Qu6bec par l'abondance du sapin baumier (Abies balsamea) associ6 aux bouleaux (Betula papyrifera et B. alleghaniensis). Sa signature pollinique est intimement li6e ~ la sous-repr6sentation du sapin baumier, r6gissant les conditions de son identification dans les diagrammes polliniques. Los spectres polliniques prodults par les diverses unit6s du gradient latitudinal de la v6g6tation au Qu6bec sont 6rig6s en une s6quence-6talon/t laquelle les spectres anciens sont confront6s. La repr6sentation pollinique des essences dominantes des stations m6siques joue le r61e central dans l'utilisation de cette s6quence-6talon. La pal6o-s6quence et la dur6e des maximums polliniques des principales esp6ces d'arbres dans les diagrammes sont par ailleurs examin6es en regard de la position et de la strat6gie de d6veloppement que leurs populations adoptent de nos jours au sein des successions. L'interpr6tation des donn6es pal6opalynologiques et leur confrontation aux mod61es analogiques que constituent la zonation latitudinale actuelle et la succession permettent d'identifier des 6poques durant lesquelles, et des r6gions au sein desquelles les sapini6res diff6raient de celles de la For6t mixte actuelle par leur composition ou par leur dynamisme. Les modalit6s de l'implantation-des populations v6g6tales arborescentes et du d6veloppement de la For6t mixte varient grandement au sein du territoire. C'est durant l'Holoc6ne inf6rieur que les 6carts aux mod61es sont les plus nombreux et les plus manifestes, principalement en raison d'un climat r6gional froid et d'une incidence 61ev6e des feux. L'analyse spatiale des donn6es permet de circonscrire des provinces palynostratigraphiques contrast6es traduisant des zones pal6ophytog6ographiques qul ob6issent fi des gradients non lin6aires dans les conditions g6ographiques,.notamment en ce qui a trait au climat/t la marge m6ridionaie de l'inlandsis laurentidien entre 10,000 et 7000 ans BP. ABSTRACT The Mixed Forest in Qu6b~ is basically defined by the abundance of balsam fir (Abies balsamea) in association with birches (Betula papyrifera and B. alleghaniensis). Its palynological signature and its identification in the pollen diagrams are intimately linked to the under-representation of balsam fir. The pollen spectra produced by the various vegetation units of the latitudinal gradient in Qu6bec are translated into a standard sequence against which the subfossil spectra are compared. The pollen representation of the dominant species on the mesic sites plays a central role in the use of this standard sequence. The sequential order and the duration of the pollen maxima of the major tree species in the pollen diagrams are examined against their present-day positions and strategies in the successional development of their populations. The interpretation of the palaeopalynological data and their examination in the light of the zonal and successional analogical models lead to the identification of periods during which, and regions in which, the balsam fir communities differed in their composition and/or their dynamics from those of the present-day Mixed Forest. The modes for the establishment of arboreal populations and for the development of the Mixed Forest vary widely throughout the territory. The departures from the models are most numerous and conspicuous during the Early Holocene, mainly because of a cold regional climate and a high incidence of natural fires. Spatial analysis of the data leads to the identification of contrasted palynostratigraphical provinces corresponding to palaeophytogeographical zones reflecting non-linear paiaeoenvironmental gradients, especially for the climate at the southern edge of the Laurentian Ice Sheet between 10,000 and 7000 yr BP.

0034-6667/93/$06.00

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Introduction Nous sommes ~. l'6re de l'exploitation des grandes bases de donn6es groupant les r~sultats de l'analyse pollinique des s6diments lacustres ou des tourbi6res (Jacobson et al., 1987; Webb, 1987, 1988; COHMAP members, 1988; Huntley, 1988, 1990). Les syntheses pal+ophytog6ographiques ou pal6oclimatiques continentales ou h6micontinentales fond6es sur ces donn~es sont de plus en plus fr6quentes (Gaudreau and Webb, 1985; Delcourt and Delcourt, 1987; Ritchie, 1987; Huntley and Webb, 1988; Prentice et al., 1991). C'est toutefois fi plus grande 6chelle que j'aborderai la question de la dynamique postglaciaire de Ia zone de transition entre la For~t temp6r6e et la For~t conif6rienne bor~ale au Qu+bec. Malgr6 l'avancement des connaissances, les palynologues nord-am6ricains se satisfont le plus souvent de la Formation v6g6tale, comme unit+ d'expression des r6sultats de l'analyse pollinique en termes de couvert v6g6tal ou de climat, tant pour les synth+ses que pour les reconstitutions locales ou r6gionales. J'examinerai doric la possibilit6 d'identifier des unit6s plus d~taill~es au sein de la For~t mixte, permettant peut-~tre des reconstitutions plus fines tant pour la v6g6tation que pour le climat ou les autres facteurs du milieu. Par ailleurs, la dynamique postglaciaire des esp6ces arborescentes est un sujet qui ne fut trait+ que relativement r6cemment du c6t+ am6ricain de l'Atlantique. Cette dynamique est essentiellement livr6e par l'examen des courbes polliniques individuelles des taxons, plut6t que par celui des spectres polliniques. L'exercice conduit fi rechercher les causes de i'implantation, du maintien, du d6veloppement et de la r6gression des populations v6g6tales arborescentes repr6sent6es par les taxons polliniques (Watts, 1973; Davis, 1976, 1981a; Bennett, 1985, 1988). Cet aspect fondamental, dont le couvert v6g6tal (composition, structure, physionomie) n'est finalement que le r~sultat spatialement per~u, sera 6galement abord6 pour la For~t mixte du Quebec. J'6tablirai d'abord la sp6cificit+ de la For6t mixte qu+b6coise. Cette d6marche pr+liminaire est rendue n6cessaire par les lacunes patentes dont font encore ~tat les plus r6centes synth6ses sur le couvert

PJ.H. RICHARD

veg6tal de l'Am6rique du Nord, quant fi la v6g6tation du Qu6bec (voir Barbour and Billings, 1989, par exempte). J'examinerai ensuite les donn6es touchant son histoire postglaciaire en mettant l'accent sur les 6carts, sur les divergences des donn6es par rapport fi deux mod61es conceptuels soutenant l'interpr6tation. Le premier mod61e est le mod61e analogique que constitue la zonation latitudinale actuelle du couvert v6g6tal du Quebec; il sera utilis6 pour exploiter les donn6es livr6es par l'interpr6tation des spectres polliniques en termes de v6g6tation. Le deuxi6me mod61e est celui de la succession; il sera mis fi profit pour analyser, malgr+ la diff6rence d'6chelle temporelle, la dynamique holoc+ne des esp6ces arborescentes. L'examen des 6carts ou divergences par rapport aux mod61es permettra de proposer des hypoth+ses explicatives pouvant constituer des voles fi explorer pour les recherches futures. Enfin, je tenterai de d6gager comment une intensification de l'approche fi m6so6chelle et une analyse r6gionale des donn6es pourrait contribuer fi r6v61er des facettes inconnues de l'6cologie de certaines esp6ces de plantes et, 6ventuellement, 6clairer les interpr6tations pal6ophytog6ographiques nord-am6ricaines.

Phytog~ographie actuelle A l'6chelle de l'Est de I'Am6rique du Nord, la For~t mixte occupe un territoire de pr6s de 1 × 106 km 2 centr6 sur les Grands Lacs et le nord de la cha]ne montagneuse des Appalaches (Fig. 1). C'est hi l'6chelle des biomes ou des formations v~g~tales traduisant tes grands r~gimes climatiques plan6taires, 6chelle qui masque n6cessairement une part de la differentiation spatiale du couvert v~g6tal induite par le climat. Cette diff~renciation spatiale peut ~tre traduite, pour les l~tats-Unis d'Am6rique, par la carte de K/ichler (1964) repr6sentant les types majeurs de v6g6tation naturelle (Fig. 2). Cette carte montre que la formation des For~ts mixtes est domin~e par ce qu'il est convenu d'appeler les "Feuillus nordiques" ou les "Bois Francs" dont l'6rable fi sucre (Acer saccharum), le bouleau jaune (Betula alleghaniensis) et le h~tre am~ricain (Fagus grandijolia) constituent les essences dominantes (la nomenclature taxonomique est celle de Fernald, 1950). La carte montre

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ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~'T MIXTE AU QUEBEC

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du Labrador

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OCEAN AT L A N T I Q U E

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G.F.

Fig. 1. La For~t mixte dans l'Est de l'Am6rique du Nard.

Fig. 1. The Mixed Forest in the eastern part of North America.

aussi que cette zone comprend de nombreuses enclaves de peuplements v6g6taux apparent6s aux formations v6g6tales voisines: For& conif6rienne au nard, dans le Maine et au Wisconsin (Picea, Abies), Prairie ~ l'ouest, For& d6cidue au sud et au sud-est (Quercus, Carya). Dans l'ensemble de la zone, c'est principalement la pruche de l'Est (Tsuga canadensis) et le pin blanc (Pinus strobus) qui sont responsables du caract6re "mixte" de la formation v~g&ale, par rapport aux for&s d6cidues

et aux for&s conif6riennes qui la jouxtent au sud et au nard, respectivement.

D~finition et localisation de la ForEt mixte Dans le continuum que constitue le couvert v6g6tal, la diff6renciation spatiale per~ue au Quebec s'exprime par le "domaine de v6g&ation" (Grandtner, 1966; Thibault, 1985, 1988). C'est une unit~ cartographique qui repr~sente une portion

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P.J.H. RICHARD

Types majeurs de v e g e t a t i o n (d'apres Kiichler (1964),modifie) FORET CONIFI~RIENNE • ~1 Picea- Abies [ ~ Pinus FORI~T MIXTE Acer- Betula- Fagus-Picea-Tsuga Acer-Betula-Abies-Tsuga (Grands Lacs) ~]~ Acer-Betula- Fagus-Tsuga 1 ~ Ouercus- Pinus Ouercus-Carya-Pinus Fagus-Liquidambar-Magnolia-Pinus-Ouercus Ouercus- Nyssa-Ta xodium FORINT DI~CIDUE Quercus Acer-Aesculus - Fagus-Liriodendron-Ouer¢us-Tili~ rlTI] Fagus-Acer Ouercus-Carya Ulmus-Fraxinus Acer-Tilia E~

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PRAIRIE et FORINT PRAIRIE

Fig. 2. V6g&ation naturelle potentielle de l'Est des l~tats-Unis d'Am6rique (d'apr6s Kfichler, 1964). Fig. 2. Potential natural vegetation in the eastern part of the USA (after Kiichler, 1964).

de territoire dont les stations m6siques portent toutes les m6mes groupements v6g6taux matures. Ces groupements v6g6taux, identifi6s par la m6thode zuricho-montpellieraine (Braun-Blanquet, 1938), sont nomm6s d'apr6s leurs essences dominantes et donnent aussi leur nom au domaine de v6g&ation correspondant (Fig. 3). Cette conception est tr6s proche de celle explicitement adopt6e par Greller (1988, p. 295) pour traduire la diff6renciation spatiale de la formation de la For& d6cidue nord-est am6ricaine. Cet auteur nomme toutefois "association" les complexes d'unit6s de v6g&ation que nous r6unissons sous l'appellation de "domaine de v6g6tation". Pour ce qui est de l'association (sic) de la For~t d6cidue temp6r6e nordique, Greller r6unit darts un m6me ensemble cartographique les types majeurs reconnus par Kfichler (1964) pour le nord-est des l~tats-Unis d'Am6rique, masquant ainsi l'h6t6rog6n6it6 spatiale de cette sous-formation ~ proximit6 des Grands Lacs et dans le nord de l'6tat de New York et de la Nouvelle-Angleterre (voir la Fig. 2), sans parler

du sud de l'Ontario et du Qu6bec (Greller, 1988, fig. 10.4, pp. 294-295). Cette g6n6ralisation cartographique est peut-6tre justifi6e par le fait que Greller centre son propos sur la for6t m6sophytique qui occupe une position centrale au sein de la formation de la For& d6cidue, mais elle n'en conduit pas moins ~t simplifier ~ outrance la r6alit6 du couvert v6g6tal occupant la transition entre la For& d6cidue et la For& bor6ale dans l'Est de l'Am6rique du Nord. La carte des domaines de v6g6tation du Qu6bec-Labrador (Fig. 3) illustre la diff6renciation spatiale et pr6cise la nature de cette transition dans son expression la plus orientale et septentrionale, c'est-h-dire au Qu6bec. La formation v6g6tale de la For~t d6cidue temp~r6e nordique (sensu Greller, 1989)comprend, au Qu6bec, les domaines de l'l~rabli6re ~ caryer, de l'l~rabli~re fi tilleul et de l'l~rabli6re fi bouleau jaune (Fig. 3). La For& conif6rienne bor6ale comprend pour sa part le domaine montagnard de la sapini6re fi 6pinette noire (en Gasp6sie et au coeur des Laurentides au nord de la viUe de Qu6bec;

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ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLAC1AIRE DE LA FOR~T MIXTE AU QUI~BEC

DU Q U E B E C - L A B R A D O R ~$ et Brands d o m a i n e s r P i e r r e J.H. RICHARD 8 ~ o g r a p h i e , U n i v e r s i t ~ de M o n t r e a l

Limite des krummholz Toundra /T>l ~tag e alpin Toundra ~ Ioresti~re

(14%) ~e

arbustive "ior'e'st'i~r*e ( 1 7 % ] ~

Pessi~re ~ cladines (taiga) (30%) • Cladmo

- Peceelum

Pessi~re ~1 mousses hypnac~es (22%) ~ Hvpno

-

Piceetum

Sapini~re ;~ (~pinette notre (1%) ~ Piceefo

marranae

- ADieletum

Sapini~re ;, (~pinette blanche (1%) ~ Piceeto

glaucae

- Ableleturn

Sapini~re ~ bouleau blanc (5%) *c Betulo

papyrtferae

-

Abmtetum

Sapini~re ~ bouleau jaune (3%)# 8eluto

i

luteae

-

Ab,eletum

Sapini~re b ~rable rou8e (< I%) # Aceti

,,m

rubrae

- Abtelefum

i~rahli~re ~ bouleau jaune (4%} e Befulo

-

Acetelum

sacchart

Erablit.*re ~ tilleul (2%) # Tilio

_ Acerelum

saccharf

Erabliere ~ caryer Caryo

-

Acerelum

( < 1%)# $acchart

En pourcentaae de la sur|ace totale Reproduction: Rolland Renaud 1987 Conception 8raphique: Guy Frumi8nac 1987

Fig. 3. Carte de la v6g6tation du Qu6bec-Labrador(Richard, 1987). Fig. 3. Vegetationmap of Quebec-Labrador(Richard, 1987).

Fig. 4a) et, le long du gradient latitudinal, elle r6unit le domaine de la Pessi6re ~ 6pinette noire et mousses hypnac6es et le domaine de la Pessi6re noire h cladines. ,~ ces domaines succ6dent, vers le nord, les formations de la Toundra foresti6re (Rousseau, 1952; Payette, 1983) et de la Toundra. Des toundras alpines d'exposition et des for&s ouvertes subalpines occupent les plus hauts sommets des massifs montagneux, notamment en Gasp6sie. Le domaine de la Sapini~re ~ 6pinette blanche (Fig. 3) est, pour sa part, essentiellement insulaire (Ile d'Anticosti) ou c6tier (Gasp6sie; non illustr6 sur la Fig. 3 en raison de l'6chelle).

La formation de la For6t mixte correspond donc au domaine de la Sapini6re ~ bouleau jaune, celui de la Sapini6re ~t 6rable rouge restreint ~ la r6gion de la Sagamie (Jurdant et al., 1977), et au domaine de la Sapini6re ~ bouleau blanc (Fig. 3). Contrairement $ Thibault (1988) qui affecte ce dernier domaine ~ la For6t conif6rienne bor6ale, je rattribue ~ la For& mixte en raison d'abord de sa grande diversit6 floristique arbor6enne par rapport ~ celle du domaine de la Pessi6re ~ 6pinette noire situ6 au nord (Fig. 3; Tableau I), et ensuite de l'abondance du bouleau blanc au sein des peuplements domin6s par le sapin baumier. Les

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Fig. 4. Toponymie r6gionale, orographie, climat et d6glaciation du Sud du Qu6bec. Fig. 4. Regions, orography, climate and deglaciation of southern Quebec.

trois domaines de la Sapiniere s'alignent le long d'un gradient de thermophilie d6croissante. Le domaine de la Sapini6re fi 6rable rouge est aujourd'hui essentiellement agricole dans la r6gion du lac Saint-Jean, en haute Sagamie (Figs. 3, 4a). I1 est toutefois fortement forestier le long du Saguenay et pr6s du Saint-Laurent, off il est souvent repr6sent~ par des peuplements issus de coupes de bois et d'incendies forestiers fr6quents, donc domin6s par le bouleau blanc (Betula papyrifera) et le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides). C'est pr6s du Saint-Laurent que les sapini6res ~ 6rable rouge (Acer rubrum) matures

sont les plus r6pandues, dans des paysages agroforestiers. Ce domaine abrite de nombreux petits peuplements d'6rable ~i sucre (Acer saccharum), d6voilant ainsi ses affinit6s m6ridionales. Une station grandement disjointe de chine rouge (Quercus rubra var. borealis) existe d'ailleurs juste au sud du lac Saint-Jean, sur les premiers contreforts des Laurentides (G6rardin et Jurdant, 1968), en contact avec le domaine de la Sapini6re fi bouleau jaune. Par ailleurs, les peuplements de pin gris (Pinus banksiana) y sont fr6quents sur les terrasses sableuses comme sur les affleurements et les abrupts rocheux or1 des pins blancs (Pinus strobus),

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ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~T MIXTE AU QUI~BEC

TABLEAU I Gradients latitudinaux de richesse floristique au Qufbec (plantes vasculaires) [Latitudinal gradients in the floristic stock, Qufbec (vascular flora)] ARBRES UNIT~SDE V~.GE~TATION ENSEMBLEDU QUI~BEC

IT

2R

FLORE 3L

TOTALE

~rI'AXONS ATFEIGNANT RICHESSE LEURLIMITE: SUD

NORD

3000

49

N/104km2 1,7

Toundra

2k

0

2k

320

34

3

13

Toundra foresti~re

6

3

2

500

72

41

16,3

Pessi~re/t cladines

8

3

4

600

58

85

11

Pessi~re h mousses hypnacfes

96

9

2

6

850

24

Sapini~re h ~'pinette noire**

8

2

4

500

-

277

Sapini~re h 6pinette blanche**

8

2

4

550

-

305

12

3

8

500

Sapini~re h bouleau blanc

56 13

Sapini&e h boulean)aune Sapini&e h 6ruble rouge**

18

3

9

900

18

4

9

800

l~mbli~re/i bouleau janne

23

5

13

900

l~mblifre h tilleul

43

6

16

l~rabli/~re h earyers*

49

7

20

22

75 125 800

10

115

125

1500

94

417

1600

124

1600

* Domaines de faible superflcie, ** et non alignfs selon le gradient latitudinal 1 Nombre total (T) d'esl~ces d'arbres (d'aprfs Richard (1987) et J. Rousseau (1952) pour le nord) 2 Nombre d'esp~ces montraat une dominance spatiale rfgionale (R) 3 Nombre d'esp~ces montrant une dominance spatiale locale (L) 4

D'apr~s C. Rousseau (1974), fond6 sur 934 taxons indig~nes

k Essences formant des krummholz

(Pinus resinosa) ou des "cfdres" (Thuja occidentalis) 6pars l'accompagnent ou le des pins rouges

remplacent. Les paysages vfgftaux de ce domaine apparaissent dans l'ensemble trfs morcelfs mais le sapin baumier (Abies balsamea) y domine nettement. Le caractfre agro-forestier du domaine de la Sapinifre ~ bouleau jaune (Fig. 3) n'est pour sa part apparent que sur ses marges mfridionales, l'ensemble &ant carrfment forestier. C o m m e le prfcfdent,.c'est un domaine floristiquement assez fiche (Tableau I). Le sapin baumier y trouve sa croissance optimale accompagn6 du bouleau jaune

(Betula alleghaniensis) sur des stations bien drainfes • sol morainique profond, largement rfpandues sur le territoire. D ' u n point de vue physionomique ce domaine est vfritablement une for& mixte, la proportion des essences rfsineuses et des essences feuillues &ant particulifrement 6quilibrfe dans l'ensemble. Les paysages gfnfralement collinfens 6talent a b o n d a m m e n t leur sylve dominfe par la sapinifre h bouleau jaune qui ne se trouve interrompue que le long de certains cours d'eau importants dont les plaines alluviales abritent des peuplements de la sffie de l'ormeraie h frfne noir

( Ulmus americana, Fraxinus nigra, Populus balsami-

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fera). Les stations tes plus riches, sur les basversants avec seepage ou sur les sommets des collines ~i sol profond portent de petites +rablirres ~i bouleau jaune. Quant au domaine de la Sapini~re ~i bouleau blanc (Fig. 3), c'est 1~ le royaume du sapin baumier qui peut y former de vastes peuplements presque purs off les bouleaux blancs sont 6pars ou en bosquets, ou des formations carr~ment mixtes off les deux essences sont bien m~lang~es, selon le relief et les alias de la rrgrnrration apr~s des incendies forestiers et des 6pid+mies fongiques ou d'insectes phytophages (Choristoneura fumiferana, surtout). Bien que quelques stations de la c6te septentrionale gasp~sienne portent de petits peuplements satellites de chines rouges ou d'rrables ~i sucre et de bouleaux jaunes, le domaine de la Sapini~re ~ bouleau blanc est grn~ralement drpourvu d'essences thermophiles dans la majeure partie de son aire de rrpartition. Ainsi la For~t mixte, au Qurbec, se manifestet-elle essentiellement par le sapin baumier (Abies balsamea) qui y rralise sa plus grande extension spatiale et son plus grand d~veloppement, dans un maximum de conditions physiographiques. De part et d'autre des deux grands domaines de la Sapinirre bouleaux, la richesse floristique globale, le nombre d'essences foresti~res et le nombre de dominants subissent des variations notables (Tableau I); la For& mixte du Quebec constitue la zone d'extension ultime d'un nombre relativement faible d'esprces des flores septentrionales ou des flores mrridionales (Tableau I), traduisant des zones de tension floristique qui se situent en effet surtout au sud, dans les domaines de l'l~rablirre, et au nord, dans le domaine de la Pessirre ~i 6pinette noire et mousses hypnac+es. On aura not+ que notre drfinition de la For~t mixte est fortement influencre par la position borrale du Qurbec. Des conif~res comme Tsuga canadensis et Pinus strobus qui, on l'a vu, caract+riseraient la For& mixte per~ue ~ l'rchelte continentale (Figs. 1 et 2) sont considrr~s au Quebec comme des essences plut6t thermophiles et sont de nos jours retativement peu abondants dans les groupements matures des stations mrsiques, au sein des divers domaines de l'l~rabli~re (pour Tsuga canadensis) ou de la Sapini+re (pour Pinus strobus).

PA.H. RICHARD

Dans la perspective qurbrcoise, il est clair que les for&s mrsiques dominres par Acer saccharum appartiennent ~t la formation de la For~t d&;idue (Grandtner, 1966). La classification de Greller (1989) a l e mrrite de reconnakre cette appartenance. Dans le systrme des domaines de vrgrtation, la majorit6 des forrts mrsophytiques nord-est amrricaines appartient aux divers types de chrnaies, relayres au nord par les 6rablirres (Greller, 1988). D'ailleurs, les donnres d'inventaire forestier rrsumres par Delcourt et al. (1984) traduisent bien ce relai qui s'rtablit dans la dominance des chrnes ~i celle de l'rrable ~t sucre, au sein de la formation de la For~t d+cidue nordique. Cette d~finition de la zone de For& mixte (sensu stricto) a une implication majeure pour la pal~ophytog+ographie nordest am+ricaine puisqu'elle conduit ~ rechercher non seulement la transition entre la dominance de Picea et celle de Quercus, mais aussi la transition entre l'abondance d'Abies et celle d'Acer.

Contexte gkokcologique et diffkrenciation spatiale La zone de transition entre la For~t drcidue temprrre nordique et la For~t conif~rienne bor~ale s'rtablit donc, en Am+rique du Nord, dans les rrgions m~ridionales de l'Ontario et du Qurbec (Fig. 5). Au Qurbec, elle couvre environ 150,000 km 2. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-l~cosse et en Nouvelle-Angleterre (Fig. 2), des enclaves maritimes ou altitudinales de for&s conif+riennes pr+sentent aussi une transition plus ou moins 6tendue avec la For& drcidue. Dans ces rrgions toutefois, l'rpinette rouge (Picea rubens), qui appartient fi l'616ment floristique de la Plaine c6tirre nord-est am~ricaine (Rousseau, 1974), contribue fortement aux peuplements conifrriens qui n'ont ainsi de borral que la physionomie. C'est sans doute au centre et dans l'est du Qurbec que la zone de transition entre la For~t d~cidue nordique et la For& conif+rienne borrale est la plus diff+rencire, la plus manifeste dans l'espace (Fig. 3). En Ontario au nord du lac Huron et dans l'ouest du Quebec, elle est plus diffuse en raison surtout d'un relief moins accus6 entrainant une rrpartition en mosaique complexe des facteurs abiotiques du milieu, notamment les formes de

39

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FORINTMIXTE AU QUf=BEC

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Fig. 5. Localisation des sites dont les courbes (Abies) ou les diagrammes polliniques sont illustr6s aux Figs. 6 et 7 (@), avec les limites de la For6t mixte sensu stricto (voir Fig. 3). Localisation d'autres diagrammes, complets (m) OUpartiels (e). Fig. 5. Locality map of the sites for which the curves (Abies) and pollen diagrams are illustrated in Figs. 6 and 7 (0), together with the limits of the Mixed Forest sensu stricto (see Fig. 3). Sites for other diagrams: • = complete; • = partial.

terrain, le long du gradient latitudinal (Liu, 1982, 1990; Ritchie, 1987, tableau 2.3). La For~t mixte occupe au Qu6bec une tranche altitudinale variant g6n6ralement entre 300 et 900 m. Le relief y est tant6t plat ou ondul6 comme en Abitibi ou sur les plateaux 6tag6s de la Gasp6sie, tant6t montueux et bach6 comme dans les Laurentides au nord de la ville de Qu6bec (Fig. 4b); mais le plus souvent, le relief est constitu6 de collines rocheuses. Les gradients latitudinaux des temp6ratures (Fig. 4c) sont modifi6s par le relief mais ce sont surtout les pr6cipitations (Fig. 4d) qui sont affect6es par les massifs montagneux qui interceptent les masses d'air maritimes, tant atlantiques (anticycloniques) que celles provenant du Golfe du Mexique. Le nombre de degr6s-jours (au-dessus de 5°C) passe de 1450 environ dans la partie m6ridionale du domaine de la Sapini6re h bouleau jaune ou dans le domaine de la Sapini6re h 6rable rouge, ~ environ 900 dans les r6gions hautes du domaine de la Sapini6re ~tbouleau blanc (Fig. 4e). La temp6rature moyenne annuelle dans la For6t mixte du Qu6bec varie de 0/t 2.5°C. Sur le Bouclier canadien, l'action glaciaire sur les roches granitiques a laiss6 surtout des tills rocheux, souvent tr6s minces sur les sommets et les hauts versants. Des lacs proglaciaires ont d6pos6 des argiles et des silts dans les cuvettes,

mais ces d6p6ts abondent surtout dans l'ouest, en Abitibi et au T6miscamingue (Fig. 4a). Les basses terres du lac Saint-Jean, en Sagamie, portent aussi des argiles diss6qu6es mais elles y sont d'origine glacio-marine, h6rit6es de la Mer de Laflamme lors du retrait des glaces. Les d6p6ts glaciaires sont g6n6ralement minces en Gasp6sie et au Bas-SaintLaurent, bien que les roches appalachiennes y soient souvent plus tendres (schistes, calcaires, ardoises, gr6s). Partout, les d6p6ts fluvioglaciaires colmatent les fonds de vall6e. Les lacs sont rares dans les basses terres sagamiennes mais les tourbi6res y sont 6tendues, comme en Abitibi. Lacs et tourbi6res de toutes tailles foisonnent sur le Bouclier, contrastant ainsi vivement avec les Appalaches, notamment la Gasp6sie o~ ils sont plus 6pars. La diff6renciation spatiale actuelle du couvert v6g6tal au sein de la For& mixte du Qu6bec est livr6e par les donn6es du tableau 2 qui traduisent sch6matiquement la composition arborescente et les pr6f6rences 6cologiques des essences dans les r6gions occidentales et orientales des domaines de la Sapini6re ~t bouleau jaune (m6ridionale et thermophile) et de la Sapini6re A bouleau blanc (septentrionale et rigophile). On y notera d'abord la supr6matie du sapin baumier et l'absence du pin gris dans l'est, puis le plus grand nombre d'esp6ces

40

et teur amplitude 6cologique g6n6ralement plus grande dans l'ouest. La plus grande abondance de l'6pinette noire (Picea mariana) dans l'ouest y traduit la plus grande extension des stations humides et des tourbi6res. C'est aussi dans l'ouest que le tremble (Populus tremuloides) et le bouleau blanc (Betula papyrifera) sont ies plus abondants apr6s perturbations natureiles ou coupes foresti6res, d'apr6s tes donn6es de l'inventaire forestier. Ces donn6es, couvrant 60 unit6s territoriales de gestion foresti6re au Qu6bec, pr6cisent et amplifient les contrastes r6gionaux d6j~t illustr6s fi plus petite 6chelle par les cartes d'isophytes produites par Delcourt et al. (1984) pour l'ensemble de l'est de l'Am6rique du Nord. I1 est remarquable que ce soient essentiellement les mfimes essences qu'au Qu6bec qui constituent la transition entre la For~t des Grands Lacs et la For~t bor6ale, au nord du Minnesota, dans le Boundary Waters National Park pr6s du lac Sup~rieur (Heinselman, 1973). En effet, seuls l'~rable fi sucre et l'6pinette rouge (Tableau II) y sont remplac6s par de rares tilleuls d'Am6rique (Tilia americana). Toutefois, les for6ts naturelles y sont largement domin6es par le pin gris, le tremble et le bouleau blanc en raison des fr6quents incendies sous un climat nettement moins arros6 (pr6cipitations annuelles: 710mm en moyenne, avec de fr6quentes s6cheresses). C'est donc lfi l'extr6mit6 occidentale d'un gradient de continentalit6 dont la Gasp6sie occupe l'autre extr6me, au sein de la For6t mixte sensu stricto.

Signature poilinique actueHe Le Tableau IIl livre la gamme des pourcentages polliniques enregistr6s dans les s6diments lacustres de surface ou dans les coussinets de sphaignes pr61ev6s dans des endroits d6gag6s des tourbi6res, au sein des secteurs orientaux et occidentaux des domaines de la Sapini6re ~i bouleau jaune et de la Sapini6re fi bouleau blanc (Richard, 1976; Webb et al., 1978; Liu, 1982, 1990; donn6es in6dites). La somme pollinique de base est celle de l'ensemble du pollen des plantes vasculaires non aquatiques. Les donn6es du Tableau II touchant l'abondance des essences sont report6es sur le Tableau III, pour chaque taxon pollinique.

P.JH RICHARD

D'embl6e, Abies balsamea apparait fortement sous-repr6sent6 polliniquement malgr6 son abondance au sein des domaines de v6g6tation. Des pourcentages atteignant ou d~passant 10 sont exceptionnels. Iis sont rencontr6s en Gasp6sie et dans les Laurentides au nord de la ville de Qu6bec, l~t ot~ la pluviosit~ est maximale. La sur-repr6sentation pollinique notoire des genres Betula et Pinus ressort clairement, comme la tout aussi r6put6e sous-repr6sentation de Populus tremuloides et de Thuja occidentalis (Cupressaceae sur le Tableau III). Chez le genre Picea, la repr6sentation pollinique de Picea mariana s'explique surtout par la proximit6 des individus occupant les rives souvent tourbeuses des lacs 6tudi6s, ou croissant sur les tourbi6res m~mes. La sous-repr6sentation de Picea glauca para~t s'expliquer au contraire par l'+loignement relatif des individus par rapport au milieu de d+p6t pollinique, puisque l'essence, toujours 6parse dans les conditions naturelles sauf dans le domaine c6tier de la Sapini6re ~i +pinette blanche (Fig. 3, Tableau I), colonise surtout les stations bien drain6es. Plusieurs feuillus (Acer rubrum, Fraxinus nigra, Populus balsamifera, Ulmus americana) et le m616ze (Larix laricina), m~me s'ils dominent souvent des peuplements riverains ou hygrophiles, sont toujours peu repr6sent6s par leur pollen mais ce caract6re correspond assez bien ~i leur abondance 5. l'6chelle r6gionale. La large gamme des pourcentages polliniques pour chaque taxon refl6te sans doute les variations de leur abondance dans les environs des milieux de d6p6t, mais une part importante de cette variabilit6 est certainement due aussi ~i l'interaction des sources polliniques (sensu Janssen, 1966) et de la repr6sentation diff+rentielle des taxons, scion la taille des milieux de d6p6t, la composition des peuplements et leur r6partition spatiale dans des contextes physiographiques tr6s divers (Jackson, 1990). La representation poUinique du sapin baumier (Abies balsamea) dans le domaine de la Sapini6re ~ bouleau blanc, notamment, d6pend plus de la pr+sence ou non du bouleau blanc (Betula papyrifera) dans la v6g+tation r6gionale (m~me quand il y constitue moins de 5% de la sylve) et de la pr+sence ou non de peuplements riverains d'6pinette noire (Picea mariana), que de

41

ORIGINE ET DYNAMIQUEPOSTGLACIAIREDE LA FORET MIXTE AU QUI~BEC T A B L E A U II Composition et C..ologie du couvert arborescent au sein de la For& mixte du Qu6bec [Composition and ecology of the tree components within the Mixed Forest in Qu6bec] POSITION I~COLOGIQUE PRI~FI~RENTIELLE 2 % DU VOLUME MARCHAND] ESPI~CES

Oucst

Abies balsamea

19-24 51-70

Est

Ouest

Est

M,h,x

M,h,x

M,h,x

M,h,x Th, h

M,h,x

M,h,x

20-22

3-6

P, M, h, X

P, M, h, X

M,h,x

M,h,x

5-8

9-16

M, x

M, x

M,x

M,x


0-3

Betula papyrifera

Acer saccharum Quercus rubra 1-3

Pinus resinosa

<1

Pinus banksiana

1-9

Thuja occidentalis

Ouest

I-3

3-13

Pinus strobus.

Domaine de la Sapini~re/l bouleau blanc

Th, h

Betula aHeghaniensis Picea 81auca Picea rubens

Est

Domaine de la Sapini&e/t bouleau jaune

1-4

<1

M,x

x

Th, h

Th, h

Th, x

Th, x

X,M

X,M

X,M

X,M

Th, h Th, x Th, X

Th, X

X

0

X

2-5

H, T, R, Ca P, h, x

P,h,x

P,h,x

P, h, x

I-5

P, M, h, x

P, M , h , x

P, M , h , x

P,M,h,x

P,M,h,x

P , M , h, x

1-2

h, x, R, Ca

M, R, Ca

h, x, dpars

Acer rubrum Populus tremuloides Populus 8randidentata

10-16

Picea mariana

8-22

9-16

T, R, h

T,R,h

T, R , h , x

T, R, h, x

<1

<1

T,R,h

T,R,h

T,R,h

T,R,h

0-1

R,H,h

R,H

R,h

R

R,H,h

R

R

R

R,H,h

R,h

R

R

Larix laricina Populus balsamifera Fraxinus nigra Ulmus americana

1 Tir~ des profils biophysiques des unitds de 8estion forestNere, Service des Plans d'amdnagement, Minist&e de

l'l~nergieet des Ressources, Gouvernementdu Quebec. Documentationinterne. 2 M: mfisophile;h:.l&g&ementhygrophile;x: h~g~rementx&ophile;Th: relativementthermophile; X: xdrophile; H: hygrophile; R: riverain; Ca: calcieoleou basiphile; P: abondantapr~sperturbations;T: tourbieole.

son abondance propre au sein de la v6g&ation (Richard, 1968). Dans un tel contexte ressurgissent avec vigueur les questions fondamentales, anciennes mais toujours d'actualit6, touchant (1) le degr6 de pr6cision avec lequel les spectres polliniques refldtent la composition et la distribution spatiale de la v6g6tation arborescente r6gionale, et (2) l'existence m6me de spectres polliniques v6ritablement caract6ristiques d'une unit6 de v6g&ation donn6e. A ce propos il n'est pas inutile de rappeller l'opinion pessimiste de Grayson (1957), bien qu'elle portfit sur l'6cotone for&-toundra:

"There is no a priori reason to believe that a boreal woodland formation of the past would have exactly the same spectrum as this formation exhibits now. Likewise, there is no a priori reason to believe that spectra similar to that of the present formation have not been produced by a different type of vegetation." La multiplication des inventaires du d6p6t pollinique actuel et des &udes portant sur les processus de la repr6sentation pollinique des plantes et de la v6g6tation durant les 35 dernidres ann6es a toutefois permis de mieux circonscrire le niveau de pr6cision avec lequel nous pouvons identifier

42

P.J.H. RICHARD TABLEAU III Repr6sentation pollinique actuelle au sein de la For6t mixte du Quebec (d'apres Richard, 1976; Webb et al., 1978; Liu, 1982) [Present-day pollen representation within the Mixed Forest in Qu6bec (from Richard, 1976; Webb et al., 1978; Liu, 1982)] GAMME DES POURCENTAGES POLLINIQUES % DU VOLUME MARCHAND TAXONS

OUeSt

Est

Domaine de la Sapini~re h bouleau ~aune Ouest

Domaine de la Sapini6re ~ bouleau blanc

Est

Ouest

Est

Abies balsamea

19-24 ~51-70

0,1-5

2-10

0,5-5

3-15

Betula

23-35

4-9

10-50

30-65

15-40

30-70

5-8

9-16 0,2-1

0,1-0,2

0,2-0,5

0,2-0,5

5-30

5-10

5-15

I-5

25-50

0,1-2

5-50

0,1-2

Picea glauca Aces s a c c h a r u m Pinus strobus

1-3

<1

Pinus banks./resinosa

1-9

Cupressaceae

1-4

2-5

0-5

0-8

Acer rubrum Populus cf. tremuloides

1-2 10-16

1-5

0-3

1-10

Picea mariana

8-22 ] 9-16

3-5

<1

0-2

Larix laricina Populus cf. balsamifera

<1 0-1

3-6

10-15

5-20

0-3

Fraxinus nigra Ulmus americana quercus

2-4

]

0-1

0-1

0-1

• pr6sences occasionnelles

le couvert v6g6tal du pass6. D6s 1967, les travaux de M.B. Davis faisaient 6tat du potentiel 61ev6 d'identification fi l'6chelle des formations v6g6tales en Am6rique du Nord, et ceux de E.J. Cushing, tout en identifiant les formations v6g6tales actuelles correspondant aux s6quences polliniques postglaciaires du Minnesota, r6v6laient plus clairement qu'auparavant l'existence d'assemblages polliniques sans 6quivalents modernes, notamment pour la fin du Pl6istoc6ne et le d6but de l'Holoc6ne et sp~ialement pour la For6t mixte (Cushing, 1967; Davis, 1967). Depuis, les reconstitutions des paysages v6g6taux se sont appuy6es sur un nombre accru de spectres polliniques actuels (Ritchie and Lichti-Federovich, 1963, 1965, 1967; Lichti-Federovich and Ritchie, 1965; Ritchie,

1974; Davis and Webb, 1975; Webb and McAndrews, 1975; Richard, 1976; MacDonald and Ritchie, 1986; Ritchie et al., 1987; Gajewski, 1991) et sur l'utilisation de techniques quantitatives pour l'identification des types de v6g6tation correspondant aux spectres anciens (Davis et al., 1975; Ritchie, 1977; Ritchie and Yarranton, 1978a,b; Liu, 1982, 1990; Delcourt et al., 1983; Liu and Lam, 1985; Overpeck, 1985; Delcourt and Delcourt, 1987; Anderson et al., 1989). N6anmoins, des m6thodes largement qualitatives sont rest6es grandement utilis6es m6me r6cemment pour les synth6ses m6ga-r6gionales (Delcourt and Delcourt, 1981, 1984; Watts, 1983; Davis and Jacobson, 1985; Richard, 1985, 1989; Ritehie, 1984, 1987). Quant aux reconstitutions climat-

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~,T MIXTE AU QUI~BEC

iques fond6es sur des fonctions de transfert pollen-climat, bien qu'elles 6chappent ~i l'&ape de la reconstitution du couvert v6g6tal, elles reposent fondamentalement sur la d6monstration de rexistence de spectres polliniques actuels caract6ristiques d'une combinaison donn6e des param6tres climatiques, combinaison correspondant un territoire et ~i un couvert v6g6tal donn6s. La question de l'identification des spectres polliniques "analogues" y demeure capitale (Birks, 1981).

Pal~ophytog~ographie Quel est l'6tat de nos connaissances de l'histoire de la for& mixte au Qu6bec, de cette formation v6g6tale 6tendue qui mat6rialise la transition entre la For~t d6cidue temp6r6e et la For& conif6rienne bor6ale? A quelle 6chelle peut-on 6tablir et retracer 6ventuellement l'int6grit6 temporelle de la For~t mixte et des domaines de v6g6tation qui s'y trouvent localis6s aujourd'hui, compte tenu des niveaux de perception impos6s par la nature des milieux de d~p6t et ceux inh6rents ~ l'analyse pollinique? Quand et comment cette formation s'est-elle constitube au Qu6bec? Dans quelles conditions pal6o6cologiques? Quelles variations a-t-elle connues dans l'espace ou dans le temps? Quel est rapport des donn6es pal6opalynologiques ~ila connaissance de l'~cologie des esp6ces arborescentes? L'examen de ces questions n6cessite au pr6alable de brosser un tableau succint des conditions pal6og6ographiques qui ont pr6sid6 ~ la colonisation postglaciaire des terres par la v6g&ation, dans la r6gion qui nous int6resse. I1 n6cessite aussi que soit clairement 6tablie la m6thodologie de l'interpr6tation des donn6es polliniques. Ces deux aspects seront abord6s tour fi tour.

Esquisse pal~og~ographique postglaciaire du Qubbec mbridional Au sud du Qu6bec, la d6glaciation (Fig. 4f), a d'abord affect6 le pourtour de la Gasp6sie vers 14,000 ans BP, progressant dans l'axe de l'estuaire du Saint-Laurent en y cr6ant une vaste baie de v61age d'icebergs au sein de la Mer de Goldthwait (Parent et al., 1985; Dyke and Prest, 1987). Lorsque le retrait continental des glaces vers le

43

nord atteignit la r6gion de la ville de Qu6bec des masses glaciaires appalachiennes furent alors d6finitivement coup6es de l'inlandsis laurentidien; puis la Mer de Champlain occupa les basses terres de la Laurentie et la Mer de Laflamme, celles de la Sagamie entre 12,000 et 9000 ans BP environ. Les glaces ont lib6r6 enti6rement le territoire couvert actuellement par la For& mixte vers 11,000 ans BP au sud, en Gasp6sie, et vers 9000 BP au nord, sur le Bouclier; quelques petits appareils glaciaires ont toutefois pu fonctionner jusque vers 10,000 ans BP sur les plateaux et dans les vall6es du nord de la Gasp6sie (H6tu and Gray, 1985). Les lacs proglaciaires Barlow (au T6miscamingue) puis Ojibway (en Abitibi) se sont constitu6s puis d6faits entre 10,400 ans et 7900 ans BP, leurs rives d6coup6es, complexes se d6pla~ant continuellement vers le nord avec le retrait des glaces et le rel6vement de la croftte terrestre. Ces traits pal6og6ographiques ont sans doute grandement affect6 le d6ploiement vers le nord des populations v6g6tales, d61imitant des voies ou des barri6res pour l'extension de leur aire de peuplement et g6n6rant des conditions pal6oclimatiques diversifi6es autour des mers et des lacs proglaciaires. Par ailleurs, ces conditions initiales r6gionales s'inscrivent dans les conditions g6n6rales de la fin du P16istoc6ne et du d6but de l'Holoc6ne dans tout l'Est de l'Am6rique du Nord, tant en ce qui a trait h la g6ographie de l'inlandsis laurentidien et des anc&res des Grands Lacs qu'en ce qui touche l'6tablissement des r6gimes climatiques n6arctiques et les variations de la radiation solaire incidente aux moyennes latitudes de l'h6misph6re nord (COHMAPmembers, 1988).

Identification palynologique de la For~t mixte Les reconstitutions palynologiques s'appuient sur: (1) la repr6sentation pollinique de la v6g&ation actuelle dans son ensemble (m&hode des spectres analogues); (2) la repr6sentation pollinique des populations des taxons (m&hode de l'6talonnage des taxons). La m&hode utilisant des spectres polliniques analogues aux spectres anciens conduit essentiellement ~ chercher les localit6s (et les types de v~g6tation correspondants) ayant pu produire ces

44

spectres anciens, et fi en inf6rer des conditions abiotiques (p6dologiques, climatiques) et biotiques (composition floristique, interactions) analogues. Cette approche tient rarement compte, toutefois, des diff6rences souvent marqu6es qui existent dans la localisation (latitude, continentalit6) ou dans la physiographie g6n6rale des localit6s compar6es, localisation et physiographie qui affectent n6cessairement la physiologie et la r6partition des plantes les unes par rapport aux autres et, cons6quemment, leur repr6sentation pollinique mutuelle. La grande variabilit6 des pourcentages de repr6sentation pollinique des essences au sein d'une unit6 de v6g&ation donn6e (Tableau III) est essentiellement due fi de telles diff6rences d'ordre g6omorphologique. Le professeur Ritchie a d'ailleurs tr6s t6t propos6 que ce soit fi l'6chelle des formes de terrain ("landform units") qu'il faille 6tudier la variabilit6 des spectres polliniques produits par la v6g6tation actuelle (Lichti-Federovich and Ritchie, 1965); mais cet objectif est encore loin d'6tre atteint. I1 est bien connu par ailleurs que les relations quantitatives entre le pourcentage pollinique et rabondance r6elle des essences dans le paysage sont tr6s variables (Davis, 1963; Livingstone, 1968) affectant ainsi la m&hode qui proc6de par 6talonnage des taxons. Les travaux de Delcourt et al. (1984) et de Delcourt and Delcourt (1987) l'illustrent bien pour l'Est de l'Am6rique du Nord. En ce qui a trait ~ Abies balsamea, par exemple, m6me si le taxon est g6n6ratement sous-repr6sent6 par son pollen, il se trouve n6anmoins 5% des stations off il apparait sur-repr6sent6 et dans 15% des cas, sa repr6sentation pollinique correspond 6troitement fi son abondance r6elle. Les 6quations lin6aires de r6gression ne traduisent toutefois que sa tendance moyenne fi une forte sousrepr6sentation, Appliqu6e ~ la Gasp6sie, l'6quation propre ~ la repr6sentation pollinique d'Abies balsarnea (Delcourt et al., 1984) conduit au mieux une proportion de 30% du stock arbor6en, bien que le sapin y consti,tue en fait de 50 fi 70% (voir Tableau II). Les reconstitutions de l'abondance relative d'une essence dans le pass6 (pal6odominance) et celles des variations spatiales et temporelles de cette abondance sont pourtant fond6es sur ces relations

P.J.H. RICHARD

quantitatives moyennes. De telles reconstitutions quantitatives automatiques impliquent donc que les conditions de la repr6sentation pollinique de l'essence en question durant la p6riode consid6r6e aient 6t6 relativement constantes, et analogues (ou du moins semblables) aux conditions moyennes de l'ensemble des sites ayant permis l'6talonnage de l'essence et ce, tant en ce qui a trait aux autres essences en pr6sence qu'au type de paysage physique ou aux caract6res rnorphom6triques des milieux de d6p6t pollinique (Jackson, 1990). Or, l'une ou l'autre ou toutes ces conditions ont certainement vari6 dans le pass6. L'usage des taux d'accumulation pollinique (influx), plut6t que des pourcentages, permet toutefois de mieux suivre le d6veloppement des populations autour d'un site donn6 (Ritchie, 1977; Davis, 1981a, 1983; Green, 1981, 1987; Bennett, 1985, 1988), malgr6 les variations dues aux processus s6dimentaires dans les |acs (Davis et al., 1984) et entre les lacs (Davis et al., 1973; Webb et al., 1974). I1 est clair que l'application de ces deux m6thodes a permis des reconstitutions relativement pouss6es et surtout plus objectives, touchant l'histoire postglaciaire de la v6g6tation ou le d6veloppement des populations arborescentes. I1 est toutefois possible d'explorer autrement la dynamique du couvert v6g6tal du pass6 tout en tenant compte des connaissances acquises touchant l'aut6cologie des plantes et les modalit6s de leur repr6sentation pollinique dans les diverses conditions de milieu de d6p6t et d'environnement physique rencontr6es au sein de leur aire de peuplement actuelle. Cette m6thode s'appuie essentiellement sur des taxons-guides auxquels sont rattach6s des r61es 6cologiques fond6s sur leurs r61es actuels. L'interpr6tation des diagrammes polliniques consistera alors ~i v6rifier cette analogie des r61es 6cologiques par rapport l'actuel. Dans la m6thode des taxons-guides, la question de l'identification de la For6t mixte sensu stricto se r6sout essentiellement en l'interpr6tation des pourcentages ou des taux d'accumulation du pollen d'Abies balsamea, accompagn6 du pollen de Betula (B. papyrifera ou B. alleghaniensis, distingu6s par la taille des grains et par les macrorestes), dans les spectres polliniques. Les autres essences accompagnatrices dans les domaines de Sapini6res sont en

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FORinT MIXTE AU QUEBEC

effet aujourd'hui peu nombreuses et peu abondantes sur les stations mfsiques. Sur les autres stations, leur extension dfpend de celle des biotopes auxquels elles sont associfes (par exemple: terrasses sableuses, cuvettes humides, tourbifres, affleurements rocheux, rives). La reprfsentation pollinique des autres essences est donc fi mes yeux accessoire pour l'identification de la For& mixte sauf s'il s'agit de Picea (notamment Picea mariana) ou d'Acer saccharum, auxquels cas l'interprftation peut conduire fi la reconstitution de domaines de Pessifres ou d'l~rablifres, selon le contexte. Cette vision rfductrice de l'identification de la For~t mixte se fonde sur la constatation qu'il y a au Qufbec un nombre restreint d'essences de type stratfges-K qui dominent aujourd'hui les stations mfsiques, se relayant le long du gradient latitudinal. Ce sont, du nord au sud, Picea mariana, Abies balsamea et Acer saccharum, typifiant respectivement la Forft borfale, la Forft mixte (sensu stricto) et la For& dfcidue nordique. La zonation latitudinale actuelle de la vfgftation sur les stations mfsiques constitue alors un modfle analogique de la dynamique postglaciaire de la vfgftation en un lieu donnf, dans un contexte de rfchauffement progressif du climat (clisfre progressive). Cette zonation (Fig. 3) est donc traduite en une sfquence temporelle des types de vfgftation qui constitue un gradient-ftalon auquel nous pouvons comparer les sfquences temporelles reconstitufes par les donnfes pollenanalytiques. L'exercice d'interpr&ation, illustr6 au Tableau IV, difffre fondamentalement d'une reconstitution fondfe simplement sur la qufte des spectres polliniques actuels correspondants aux spectres anciens en ce qu'il recherche d'abord la manifestation palynologique d'un certain comportement 6cologique des essences dominant les stations mfsiques, comportement qui soit analogue fi leur comportement actuel. Au-delfi des multiples variations dans la reprfsentation pollinique des formations vfgftales et des domaines de vfg6tation, cette approche pose l'hypothfse qu'aprfs l'afforestation d'une localitf, ce soient des essences fi stratfgie de type "K" qui se sont d6veloppfes ou relayfes dans le temps, jusqu'~ nos jours. Cette approche pose aussi l'hypothfse que les espfces arborescentes ou arbustives ~ stratfgie de type "r", toujours prf-

45

sentes ici ou l~i au sein des paysages vfgftaux, aient 6t6 rapidement remplacfes rfgionalement par la compftition engendrfe par les stratfges-K. La v6rification de ces hypothfses dans la zone de transition entre la For& dfcidue nordique et la For~t borfale coniffrienne permet d'identifier des pfriodes durant lesquelles, et des espaces gfographiques au sein desquels la dynamique postglaciaire de la vfgftation fut conforme ou non aux mod6les interprftatifs. La recherche des causes de la conformit6 ou des 6carts constituera l'apport de la palynologie ~ l'&ablissement de l'amplitude 6cologique virtuelle des taxons reprfsentfs par leur pollen, amplitude que l'examen aussi pouss6 soitil des seules conditions actuelles ne saurait 6tablir. L'analyse macrofossile intervient dans cette approche m6thodologique pour confirmer la prfsence d'un taxon ~ proximit6 des fives, souvent pour prfciser son identification et surtout, pour mieux 6valuer la signification des variations dans son abondance pollinique, comme nous le verrons plus loin. Avant d'aborder enfin les questions proprement palfophytogfographiques touchant la For& mixte, il convient de prfsenter le cadre gfnfral dans lequel s'insfre son expression palynologique.

Synopsis de la palynostratigraphie postglaciaire au Qubbec mbridional Le Tableau V illustre les assemblages polliniques actuellement connus pour les diagrammes du Qufbec mfridional. Ces assemblages sont nommfs d'aprfs les taxons polliniques dominants (par leur pourcentage) et sont rfunis sous trois phases de dfveloppement progressif du couvert vfgftal postglaciaire. Ils sont prfsentfs dans l'ordre temporel off ils sont gfnfralement rencontrfs au sein de chaque phase, bien que des inversions soient parfois notfes surtout pour ceux appartenant ~ la phase forestifre. Ces assemblages ne sont 6videmment pas tous prfsents dans un mfme diagramme pollinique; les diagrammes provenant du sud du Qufbec en sont naturellement les mieux pourvus en raison d'une dfglaciation plus ancienne (durant le Tardiglaciaire) et de la constitution d'un couvert vfgftal ultimement plus riche en espfces. L'examen du tableau montre d'abord la richesse des assemblages polliniques de la phase initiale

46

P.JH. RICHARD TABLEAU IV Organigramme d'interpr6tation des courbes poUiniques des taxons-guides [Flow chart for the interpretation based on indicator taxa] I

Maximum pollinique (%)

Maximumde la population ? [

m

|

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d'accumulationp o l ~

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I-o l~tablirla realitd du maximum de la populationet dventuellementcelle de sa dominancesur les autres populations vdgdtales, notamment pour les esp6cesarborescentes.

~_sddimentai~.~_...~ [

2-o I~tablirl'originegdographiquela plus probable de la populationqui prdsente un maximumde sa reprdsentation pollinique, selon les divers caract~resdu milieu de ddp6t pollinique (morphomdtriedes lacs ou tourbi/~res).

I Maximumde la population • Optimumpour le taxon? I

3-o Examinerles diverses conditions abiotiques et biotiques du succ~sdes populations en tenant comptede reffet 6ventuelde la compensation gdo-dcologique(Boyko, 1947).

I

D'o6 vient le pollen ?

I

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Comportemant&:olosiqueanalogueh l'actuel et positiondans la sdquer~e conformeit la zomUionlafitudinale?

I

4g Confronterles interpr6tations aux mod,~lesservant d'~talon.

~

It~ I

Hypoth/:sede la zonationlatitudinale v6rifl~e. Relations6coiogiques analoguesaux relatiom actuelles.

Comport~aent ~cologiquedifferent ] Hypoth~e de la zonation latitudinale de l'actuel;po6itiondans la s~quence [:~ inflrmb~. Relations6eololgiques diff6rentede la zo~ti~a latiludinale ? diffc:,rentesdes relationsactueiles.

I

Dominancedes taxonsarborescents I Hypoth~'sede la successioninfirm,%. ou arbustifs delmS,santde beaucoupla t:~ Conditions6cologiquesdtff~ntes Ioagdvit6habituelle des individus ? des conditionsactuelles.

I

non-arbor6enne. D u r a n t cette phase, de n o m b r e u x diagrammes pr6sentent au moins trois de ces assemblages, t6moignant d ' u n e s6quence de colonisation v6g6tale herbac6e puis arbustive diff6renci6e, suite au retrait des glaces et avant l'arriv6e des arbres, n o t a m m e n t dans les r6gions pi6montaises des Laurentides et des Appalaches sises de part et

d'autre des basses terres laurentiennes de m6me qu'en C6te-du-Sud, au Bas-Saint-Laurent et en Gasp6sie (Richard, 1989). Les macrorestes confirment g6n6ralement l'absence des arbres dans ces r6gions, d u r a n t cette phase initiale de la colonisation v6g6tale attribuable d u n e forme o u une autre de la Toundra.

ORIGINE ET DYNAMIQUEPOSTGLACIAIREDE LA FORINTMIXTEAU QUI~BEC

47

TABLEAU V Cadre palynostratigraphique post-Wisconsinien du sud du Qu6bec (d'apr6s Richard, 1977; Labelle et Richard, 1981) [Post-Wisconsian stratigraphic framework for southern Qu6bec (after Richard, 1976; Labelle and Richard, 1981)] PHASE NON-ARBORI~ENNE Arbres - CP minimale (olantes arctiaues) ,.qa/L~Gramineae - Cypemceae, p]antes arctiques Cyperace~ - Gramineae (plantes arctiques) SML~ Cyperaceae, plames arctiques Betula arbustif

PHASE D'AFFORESTATION P o p u l u s - Picea - ( C u n r e s s a c e ~ : B e t u l a - A l n u s ctispn A l n u s ctispa - Plcen

type Jun/vems)

PHASE FORESTI~RE P/cea P i n u s banksinnn . B c m l a P i n u s -Picen -Betula P i n u s - Betula-Piom -QUCl"CUS Tsuga Fasus Betula- Pinus.Picea . A i n u s crispa . Abies - ~UCF~J8 Tsuga . Tsuga =Fagus -F~us B e t u l a - TsuBn B e t u l a - Picea - Pinus - Abies -

-

.

Ambrosia

Soulign~: taxons affichant un maximum mais qui ne dominent pas dans l'assemblage Entre parenthF~es: taxons pouvant ~tre absents ou peu exptim~s darts I'assemblage

La phase d'afforestation des terres est marqu6e par des assemblages dominbs par Betula (B. papyrifera, d'apr6s le diam&re des grains de pollen ou les macrorestes: graines, bract6es) ou par Populus (P. tremuloides et P. balsamifera, d'apr6s le pollen et les macrorestes) dans lesquels Picea joue presque toujours un r61e secondaire. La dominance du pollen de Picea (le plus souvent attribuable fi Picea mariana et confirm6 par les macrorestes) est en effet plut6t rare et traduit alors sans doute un couvert forestier ferm6, typique de la phase foresti6re. Cette phase foresti6re est traduite au Qu6bec par des assemblages polliniques qui sont tous

domin6s par Betula ou Pinus. Ces taxons polliniques g6n6riques comprennent souvent, dans le sud et dans l'ouest du Qu6bec, un relai de deux esp~ces fi savoir Betula papyrifera et B. alleghaniensis, et Pinus banksiana et P. strobus. I1 faut faire intervenir un troisi6me taxon, dans l'ordre de dominance, pour diff6rencier le contenu pollinique des s6diments, qu'ils soient lacustres ou tourbeux. Parmi les trois esp6ces qui se relaient le long du gradient latitudinal de v6g6tation, seuls Picea et Abies sont suffisamment repr6sent6s pour caract6riser les assemblages polliniques fi Pinus-Betula ou Betula-Pinus. Dans les Laurentides au nord de la ville de Qu6bec (Fig. 4a), Picea arrive toutefois en

48

deuxi6me position apr6s Betula, au sein du domaine de la Sapini6re/t 6pinette noire (Fig. 3). Nulle part Acer saccharum est-il suffisamment abondant pour caract6riser de tels assemblages polliniques d6finis par l'ordre de la dominance. Toutefois, des pourcentages polliniques sup6rieurs fi l'unit6, en courbe continue, traduisent g6n6ralement la dominance de l'6rable ~ sucre sur les stations m6siques entourant les lacs et les tourbi6res (Richard, 1976). En utilisant la m6thodologie des taxons-guides (Tableau IV), je retracerai d'abord l'existence de la For& mixte au sud, au sein, puis au nord de son aire de peuplement actuelle au Qu6bec (Fig. 5). Ensuite, j'examinerai les modalit6s de son implantation puis celles de son 6volution au cours de l'Hoioc6ne. Les donn6es polliniques qui illustreront notre propos apparaissent sur les Figs. 6 et 7. La Fig. 6 livre les variations spatiales et temporelles de courbes polliniques repr6sentatives du sapin baumier en 16 localit6s couvrant l'ensemble du Qu6bec m6ridional. Ces sites constituent divers transects au sud du domaine de la Pessi6re fi 6pinette noire et mousses hypnac6es de la For6t conif6rienne bor6ale (Figs. 3 et 5). Les courbes illustrent en partie les donn6es du Tableau III; elles permettent en outre une certaine 6valuation de la r6alit6 des maximums polliniques exprim6s en pourcentages par la superposition des courbes du taux d'accumutation pollinique (influx). Quant fi la Fig. 7, elle pr6sente les diagrammes polliniques cumulatifs partiels des m6mes localit6s en mettant l'accent sur les trois taxons-guides fi strat6gie de type " K " du mod61e analogique zonal (Picea, Abies et Acer) et sur les quelques taxons qui permettent de distinguer des provinces ou des p6riodes palynostratigraphiques particuli6res au sein du territoire. Elle permet de v6rifier, selon les 6poques et les r6gions, l'hypoth6se du relai temporel dans la dominance des trois taxons-guides qui nous int6ressent.

Pal~ogkographie postglaciaire de la For~t mixte au Qukbec Au sud de leur aire actuelle de peuplement, dans les domaines de l'l~rabli6re ~ tilleul et de l'l~rabli6re bouleau jaune (Fig. 3), les sapini6res caract6risant

P.JH. RICHARD

la For& mixte se sont constitu6es vers 10,000 ans BP en Estrie (Fig. 4a), soit 2000 ans environ apr6s la d6glaciation r+gionale (Figs. 6a et 7a: sites Bromont et Shefford). Elles s'y sont maintenues jusque vers 8000 ans BP, repr6sent~es principalement par la sapini6re fi bouleau blanc (Richard, 1975a, 1978). La sapini6re fi bouleau jaune s'y est constitu6e plus tardivement et dans certaines localit6s seulement, avec l'implantation puis le d6veloppement du bouleau jaune (Betula alleghaniensis) et du pin blanc (Pinus strobus). Ailleurs, la sapini6re bouleau blanc fut progressivement remplac6e directement par l'~rabli6re, comme en Mont~r~gie au sud-est de Montr6al (site Shefford; Richard, 1978). Dans l'actuel domaine de l'l~rabli6re ~i caryer durant cette p~riode, seuls les sommets des collines mont6r6giennes, alors des Ties dans la Mer de Champlain puis au sein du Lac ~ Lampsilis 6taient disponibles pour la colonisation v6g&ale. Ce n'est que vers 7000 ans BP que le fleuve SaintLaurent occupa son lit actuel. la marge du Bouclier, dans les Basses Laurentides au nord de la ville de Montr6al, les sapini6res se constitu6rent aussi 2000 ans apr6s la d6glaciation r6gionale, soit vers 9000 ans avant l'actuel, et furent remplac6es quelque 1000 ans plus tard par les 6rabli6res (Figs. 6a et 7a: site Castor). ,~ l'est de ces r6gions, en basse Mauricie (Laurentides) et en Beauce (Appalaches), les sapini6res se constitu+rent entre 9000 et 8000 ans avant l'actuel mais y rest&ent dominantes jusque vers 7000 ans BP (site Busque). Dans les Basses Laurentides pr6s de la ville de Qu6bec et au BasSaint-Laurent, c'est seulement entre 8000 et 7000 ans avant l'actuel que les populations de sapin connurent leur abondance maximale, plus de 3000 ans apr6s la d6glaciation r6gionale, avant de faire place aux 6rabli6res un millier d'ann6es plus tard (site Fourche). Le site Robin, au sud de la Gasp6sie, traduit une implantation relativement pr6coce du sapin baumier (9500 BP) dans une r6gion lib6r6e des glaces tr6s t6t (vers 12,500 BP) et actueUement proche des domaines de Sapini6res. C'est toutefois aussi vers 8000 ans BP que l'essence y a present6 son maximum d'abondance. Dans l'ensemble de ces r6gions m6ridionales du Qu6bec, la For6t mixte a donc connu un d6ploiement diachrone entre 10,000 et 7000 ans BP du

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FORf:T MIXTE AU QUI~BEC 0

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Fig. 6(a).

sud au nord et du sud-ouest au nord-est, avec un

d61ai de 2000/t 3000 ans par r a p p o r t / t l'~ge de la d6glaciation et avec des dur6es allant de plus de 2000 ans au sud-ouest ~ moins de 1000 ans au nord-est, de part et d'autre de la Laurentie

(Fig. 4a). Elle y a laiss6 des enclaves sur les plus hauts reliefs (montagnes appalachiennes) et dans les d6pressions humides. Au sein m6me de son aire de peuplement actuelle sur le Bouclier (Fig..5) les sapini6res caract6risant

50

P,J.H. RICHARD

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TURCOTTE

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Fig. 6. ~x:hantillon de courbes des pourcentages et des taux d'accumulation polliniques d'Abies balsamea (localisation des sites sur la Fig. 5), (a) Rang6e du haut: sites m~ridionaux; rang6e du bas: transect occidental SW-NW. (b) Rang6e du haut: sites occupant la For~t mixte actuelle sur le Bouclier; rang6e du bas: sites gasp6siens ou nordiques. Fig. 6. Diagrams of percentage and pollen accumulation of Abies balsamea (see Fig. 5 for location of sites). (a) Top: meridional sites; bottom: SW-NW oceidental transect. (b) Top: Current Mixed Forest sites on the Canadian Shield; bottom: Gaspesian and northern sites.

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FORINT MIXTE AU QUI~BEC 8 9 0 0 BP

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Fig. 7(a).

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20 10 0

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52

P.J.H. RICHARD

50 40 30 20 10 0

SO 40 30 20 10 0

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10870 BP

50

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Fig, 7(b).

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ORIGINE ET DYNAMIQUEPOSTGLACIAIREDE LA FOR~T MIXTEAU QUI~BEC

la For& mixte se sont &ablies r6guli6rement autour de 8500 BP, de l'Abitibi ~i la Sagamie (Fig. 4a), entre 250 et 750 m d'altitude et 1500 a 2000 ans apr6s la d6glaciation, scion les r6gions (Figs. 6a et 7a: sites Neume et Yelle; Figs. 6b et 7b: sites Bride, Martini et Montagnais). Dans les r6gions montagneuses sises de part et d'autre du Saguenay, c'est toutefois plus tard, vers 6500 ~ 6000 ans BP qu'un couvert forestier ferm6 domin6 par la sapini6re ~ bouleau blanc s'est constitu6 (site Valin, par exemple; Figs. 6b et 7b). Quant au site Mimi localis6 a la marge sud-est du Bouclier et d6glaci6 d6s 11,500 ans BP, il a au contraire connu une implantation et un d6ploiement des populations du sapin baumier relativement t6t (9800 BP), mais son abondance ne s'y est affirm6e que vers 8500 ans BP, comme ailleurs dans cette r6gion physiographique. Un gradient tr6s net de repr6sentation pollinique croissante du sapin est manifeste, d'ouest en est, dans cette portion de l'aire de peuplement de la For6t mixte (Fig. 6). I1 traduit le succ6s 6cologique du sapin baumier au d6triment des autres essences, dans les r6gions les mieux arros6es du territoire. Dans le secteur appalachien (gasp6sien) de la For& mixte (Fig. 5), l'6poque de l'expansion du sapin baumier se situe vers 9500 ans BP mais des macrorestes furent identifi6s dans les s6diments du lac Turcotte d6s 10 300 BP, en raison de la d6glaciation r6gionale plus pr6coce que sur le Bouclier, rappelant ainsi la situation qui a pr6valu dans les environs du site Robin, au sud. Dans les monts Chic-Chocs, pr6s du secteur occup6 actuellement par le domaine de la Sapini6re ~i 6pinette noire (Fig. 6b: site Diable), la sapini6re ~ bouleau blanc s'est toutefois 6tablie seulement vers 7000 arts avant l'actuel, comme sur les Hautes

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Laurentides du Bouclier, au nord de la ville de Qutbec (Fig. 4a). Au nord de la For& mixte actuelle, il n'y a pas d'indice d'une expansion ancienne de la sapinitre fi bouleau blanc. Au site Desautels (Figs. 5, 6b et 7b), les populations de sapin baumier se sont implanttes progressivement depuis 9000 BP, peu aprts la dtglaciation rtgionale, pour former les sapinitres ~ 6pinettes noires qui caracttrisent les stations mtsiques de ce secteur mtridional de la For& bortale fermte. Dans la rtgion du lac Delorme, au coeur du domaine de la Pessi~re cladines (Fig. 3), le sapin baumier aujourd'hui cantonn6 dans de rares stations thermophiles rut plus abondant qu'actuellement entre 5000 et 3500 ans avant l'actuel, mais dans un contexte domin6 par les coniftres, sans grande place pour le bouleau blanc ou d'autres feuillus (Richard et al., 1982). Dans la rtgion de la Basse Ctte-Nord (Fig. 4a) et dans la pattie sud du Labrador terre-neuvien, le sapin baumier a connu un dtveloppement important de ses populations entre 7000 et 5500 BP e t a constitu~ les toutes premitres for&s fermtes; il succtdait alors fi une ta'iga dominte par l'tpinette blanche (Picea glauca) et il fur ensuite remplac~ par l'tpinette noire. Ce comportement est original par rapport au module zonal, inversant la stquence Picea mariana-Abies balsamea. L'expansion du sapin baumier serait attribuable ~ sa suptriorit~ compttitive par rapport aux 6pinettes, en l'absence de perturbations telles les feux de for~t. Son dtclin en faveur de l'tpinette noire est attribu6 par Lamb (1980) soit /t un changement climatique ayant favoris6 les incendies auxquels le sapin est moins bien adaptt, soit fi une diminution de la qualit~ des sols dtfavorisant le sapin au profit de l'tpinette noire. Les deux phtnomtnes ont bien stir pu jouer

Fig. 7. Diagrammes poUiniques cumulatifs des sites pr~sent~s dans le m~me ordre que sur la Fig. 6. L'~helle de gauche r~ftre aux courbes cumulatives de Picea, d'Abies balsamea, d'Acer saccharum et, exceptionnellement, de Populus (Castor, Mimi). L'~chelle de droite rtftre aux courbes du total du pollen d'arbres (PA/T) et d'Alnus crispa et, exceptionnellement,/~ celles des Cupressaceae, de Myrica et du type Juniperus. La date ~4C basale est indiqu~e sur chaque diagramme; les ~ges plus anciens (fi gauche de la position de la date) sont extrapotts. Fig. 7. Cumulative pollen diagrams of the sites presented in the same order as in Fig. 6. The scale on the left refers to the cumulative values for Picea, Abies balsamea, Acer saccharum and, exceptionally, Populus (Castor, Mind). The scale on the right refers to the total value of pollen of trees (PA/T) and Alnus crispa and, exceptionally, Cupressaceae, Myrica and Juniperus type. The basal ~'*C date is indicated on all diagrams; the higher ages (right of the position of the date) have been extrapolated.

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mais l'hypoth6se p6dologique est soutenue par les changements s6dimentaires dans les lacs (passage de la gyttja au dy) et par le caract6re diachrone du maximum pollinique d'Abies: 7000 ~ 6200 BP Sept-Iles (Mott, 1976), 6500 ~ 5000 BP vers Schefferville (King, 1986) et 6000 ~ 5500 BP au Labrador (Lamb, 1980). Les valeurs atteintes par le pollen de Betula (papyrifera) durant le maximum du sapin y sont trop faibles (10-20%) pour en d6duire l'existence de communaut~s v6g6tales apparent6es fi la sapini6re ~i bouleau blanc et, cons6quemment, la constitution d'une For~t mixte. Seul le diagramme du lac Petel, au nord de SeptIles (Fig. 5), para~t traduire l'6tablissement de sapini6res/t bouleau blanc entre 6500 et 5500 ans BP, apr6s une phase de pessi6re (King, 1986). Ce serait 1~ l'unique cas d'une expansion de la For& mixte sensu stricto au-delfi de son aire actuelle, dans le domaine de la Pessi6re noire fi mousses hypnac6es. Ainsi, dans l'ensemble de son aire de r6partition actuelle, la For& mixte date de 9500 ans BP en Gasp6sie, de 8500 ans BP sur le Bouclier, et s'est &ablie aussi tardivement que vers 6000 ans BP dans les montagnes des deux r6gions entre 500 et 900 m d'altitude. Elle ne s'est pas 6tendue plus au nord durant l'Holoc~ne, mais a effectu6 une pouss6e de pr6s de 100 km vers l'est sur la C6teNord, entre 6500 et 5500 ans BP. L'implantation de la For~t mixte au Qukbec Les modalit6s de l'implantation de la For6t mixte varient beaucoup au sein du territoire en fonction de l'6poque, des conditions du milieu et de la nature du stock floristique disponible. Cette variation s'exprime d'abord en deux modalit6s contrast6es selon que l'implantation correspond ou non au module analogique de la zonation latitudinale actuelle. L'implantation en s~quence normale Plusieurs diagrammes polliniques m6ridionaux pr6sentent un premier maximum plus ou moins bien exprim6 (2-8%) de la repr6sentation du sapin baumier succ6dant ~i un maximum de repr6sentation pollinique de l'6pinette noire, et suivi de pourcentages polliniques de l'6rable ~i sucre typiques de la dominance des 6rabli6res. Cette mod-

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alit6 est manifeste dans les sites suivants (Fig. 7): Bromont et Shefford au sud, puis Castor, Busque et Fourche vers l'est et le nord-est, au sud de la For& mixte (Figs. 5 et 7a). Les sites Bride, Martini, Mimi et Diable, align6s d'ouest en est au sein m6me de la For6t mixte (Figs. 5 et 7b), ne montrent clairement qu'un passage des pessi6res aux sapini6res; les courbes d'Acer saccharum n'y traduisent en effet que l'existence de peuplements tr6s localis6s d'6rable fi sucre dans les sapini6res r6gionales. Quant aux sites Yelle, Neume, Robin et Turcotte (Fig. 7a,b), ils t6moignent pour leur part uniquement d'une s6quence passant de Picea Abies, en l'absence d'6rable fi sucre. M6me si les taxons-guides affichent partout dans ces localit6s la s6quence attendue selon ie mod61e de la zonation latitudinale, les valeurs initiales de Picea mariana y sont le plus souvent beaucoup moindres que celles atteintes de nos jours dans le domaine de la Pessi6re ~ 6pinette noire et mousses hypnac6es et son maximum pollinique y est g6n6ralement de courte dur6e, de l'ordre de quelques centaines d'ann6es. En effet, m6me dans les localit6s off le maximum pollinique initial de Picea est le mieux exprim6 (sites Fourche, Turcotte, Diable et Robin; Fig. 7), il y d6passe rarement 50%, voisinant plut6t 30% et pour quelques si6cles seulement. Cela contraste fortement avec la situation homologue dans les r6gions proches de la limite m6ridionale de i'inlandsis wisconsinien (Bryant and Holloway, 1985). Ainsi, la pessi6re initiale fut-elle relativement fugace au Qu6bec, en raison de l'implantation pr6coce et de l'expansion des populations de plusieurs essences autres que les 6pinettes (notamment les bouleaux) sous des conditions du milieu sans doute tr6s instables. Malgr6 cela on peut d6duire de ces sites une tendance nette au succ6s comp6titif, l'une apr6s l'autre et dans l'ordre zonal, des trois essences dominant aujourd'hui le gradient latitudinal de la v6g6tation foresti6re du Qu6bec. Cela traduit sans doute l'existenee d'un r6chauffement climatique graduel favorisant l'implantation ou le d6ploiement s6quentiel des populations des trois taxonsguides sur le territoire. En outre, l'6rable fi sucre n'a pas accru de fagon notable ses populations et ne s'est pas d6ploy6 plus au nord qu'actuellement

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~T M1XTE AU QUI~BEC

dans ces r6gions durant l'Optimum climatique de rHoloc6ne moyen.

L'implantation progressive sans sbquence Dans les sites Montagnais, Valin et Desautels (Figs. 5, 6b et 7b), les populations de sapin baumier se sont implant6es avec celles de l'6pinette noire, parall61ement, sans les remplacer. Seule une tendance vers la dominance du sapin baumier et de l'6pinette noire sur les autres plantes est d6celable dans les diagrammes polliniques pendant tout l'Holoc~ne. Cette modalit6 caract6rise les localit~s les plus rigophiles, celles situ6es aujourd'hui dans le domaine de la Sapini6re fi 6pinette noire (sites Desautels et Montagnais) ou sises en altitude au sein du domaine de la Sapini6re fi bouleau blanc (site Valin et autres sites des Hautes Laurentides qu6b6coises). Les conditions paraissent y avoir 6t6 propices ~i l'implantation simultan6e des 6pinettes et des sapins, sans favoriser le d6veloppement des populations des unes ou des autres. L'afforestation du territoire dans ces r6gions s'6carte donc du mod61e-6talon repr6sent6 par l'actuelle zonation. D'autres 6carts au mod61e zonal sont enregistr6s dans divers diagrammes poUiniques, particuli6rement dans les secteurs occidentaux et orientaux de la For& mixte du Qu6bec. Ils se manifestent par des m61anges importants d'616ments floristiques ou par une dur6e et une dominance inusit6es de certains strat6ges-r.

Les mblanges floristiques Au T6miscamingue (Fig. 4a), des populations de ch6nes (Quercus) mais aussi d'ormes (Ulmus), de fr6ne (Fraxinus) et d'ostryer de Virginie (Ostrya virginiana) se sont implant6es d6s la d6glaciation sur les collines qui 6taient alors des iles au sein du lac proglaciaire Barlow. Ces populations arborescentes relativement thermophiles ont c6toy6 au d6but (de 10,400 fi 9500 ans BP) celles de plantes arctiques-alpines dans une pessi6re ouverte de type ta'iga. Elles d6clin6rent par la suite avec la constitution de la for& ferm6e, au profit des plantes du cort6ge des sapini6res. Le ch6ne (rouge) est aujourd'hui absent de la r6gion du site Neume off il abondait il y a plus de 8000 ans (Fig. 7a). Ces reconstitutions sont fond6es sur trente sites pal6o-insulaires couvrant plus de 30,000 km 2 au

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T6miscamingue, et montrant les m6mes assemblages polliniques initiaux 6tal6s entre 10 400 et 8500 ans BP (Richard et Larouche, 1989). L'analyse macrofossile y confirme la coexistence des flores bor6ales et arctiques, et l'interpr6tation des taux d'accumulation pollinique permet d'y 6tablir solidement l'existence locale des essences temp6r6es. Les graines ont dfi ~tre apport~es par les vents et, dans le cas du ch6ne, par les animaux, notamment les oiseaux (Webb, 1986). Quoi qu'il en soit, le mod61e zonal est ici manifestement invalid6, des plantes appartenant aujourd' hui aux trois grandes formations v~g6tales du Qu6bec s'6tant implant6es ensemble au T6miscamingue, d6s la d6glaciation, sans doute sur divers segments du gradient physiographique. Ce cas illustre bien le caract6re individuel de la r6action des plantes aux conditions du milieu. Toutefois, il faut expliquer pourquoi la colonisation v6g6tale postglaciaire du T6miscamingue diff6re tant de celle des r6gions orientales voisines. En effet, ailleurs au Qu6bec m6ridional, les diagrammes polliniques ne traduisent pas de tels m61anges floristiques; les phases de la colonisation v6g6tale postglaciaire y sont le plus souvent tranch6es, tant dans les Appalaches qu'fi la marge m6ridionale du Bouclier (tab. 5). Nulle part ailleurs les pourcentages et les influx polliniques initiaux de Quercus et d'Ulmus sont-ils aussi 61ev6s qu'au T6miscamingue. En cons6quence, ils y sont g6n6ralement attribu6s fi des apports polliniques lointains, extra-r6gionaux. La sp6cificit6 du T6miscamingue peu apr6s la d6glaciation tiendrait ~i la fois du climat et de la pal6og6ographie de l'inlandsis wisconsinien entre 10,500 et 8000 ans avant l'actuel. A titre d'hypoth6se, contrairement aux r6gions sises de part et d'autre des mers proglaciaires de Champlain et de Goldthwait, le T6miscamingue n'aurait pas 6t6 soumis si fortement aux vents catabatiques violents issus de l'inlandsis dont il a 6t6 d'ailleurs plus rapidement 61oign6. Les plantes ont ainsi pu y profiter plus t6t qu'ailleurs de la plus grande radiation solaire estivale (scion la th6orie de Milankovitch) et de la mise en place progressive de la circulation atmosph6rique interglaciaire sur le continent, notamment des incursions des masses d'air provenant du Golfe du Mexique. Dans les

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r6gions amphi-champlainiennes, sises en outre ~i de plus hautes altitudes, ces apports de chaleur et d'humidit6 se seraient but6s aux conditions p6riglaciaires et aux hautes pressions locales ou y auraient engendr6 des pr6cipitations neigeuses. Tout en s'att6nuant, ces traits climatiques y auraient persist6s jusque vers 8000 ans BP, 6poque ~i laquelle l'inlandsis entama r6solument sa phase finale de d6cr6pitude. Ces traits seraient grandement responsables des modalit6s contrast6es de la colonisation v6g6tale entre l'est et l'ouest du Qu6bec.

La durke et la dominance des strat~ges-r Les taxons de ce type reconnus en analyse pollinique sont relativement peu abondants dans les spectres de surface et durant la majeure partie de l'Holoc+ne, au Qu6bec m6ridional. Toutefois, certains d'entre eux, comme Alnus crispa et Populus, montrent souvent un maximum poUinique marqu6 durant la phase d'afforestation. S'il est peu 6tonnant que leurs populations participent ~i la constitution initiale des paysages forestiers dans un contexte de succession primaire et qu'ils soient mieux repr6sent+s par leur pollen durant cette p~riode, il est toutefois remarquable que dans certaines r6gions, ces populations paraissent dominer les autres ou, du moins, rester abondantes et ce, durant plusieurs centaines d'ann+es, voire pendant des mill6naires. Cette abondance et cette dur6e inusit6es peuvent d'abord ~tre interpr+t6es comme refl&ant l'absence des essences h strat6gie de type K pouvant leur faire comp6tition, en raison de d+lais dans leur implantation (distance des refuges, barri6res g6ographiques, sols immatures, climat n6faste; Richard, 1977). L'analyse macrofossile peut alors +tayer (mais non prouver) l'hypoth6se de l'absence des strat6ges-K. Mais lorsque les macrorestes de ces essences qui sont hautement comp6titives, dans le contexte actuel, sont pr6sents pendant toute la dur6e de dominance ou d'abondance des strat6gesr, alors il faut bien faire intervenir des conditions expliquant la mise en ~chec des strat6ges-K. I1 faut expliquer reffusion temporelle (Dansereau, 1956) de ces plantes qui ne constituent que de simples stades 6ph~m~res de la succession foresti~re dans

P,J.H. RICHARD

les conditions actuelles du Qu6bec. Examinons les cas particuliers.

Alnus crispa Dans la plupart des diagrammes polliniques du Qu6bec m6ridional, Alnus crispa (Alnus type crispa) affiche un maximum mod6r6 (10-20%) la charni6re entre la phase initiale de v6g6tation non arbor6enne, et la phase d'afforestation. I1 participe souvent ~ la phase de toundra arbustive et accompagne l'implantation des arbres, enrichissant sans doute les sols en produits azot6s. C'est le cas au site Shefford (Fig. 7a) rnltis m6me l~i, comme dans t o u s l e s diagrammes oti il est peu abondant, Alnus crispa pr6sente ses plus forts pourcentages apr6s et non avant le maximum pollinique de Picea, c'est-~i-dire apr6s le d6but de l'afforestation et durant la phase d'implantation des sapini&es de la For& mixte. Au Bas-Saint-Laurent et en Gasp6sie, dans les sites Fourche (Fig. 7a), Turcotte et Diable (Fig. 7b), le ph6nom6ne est consid6rablement amplifi& La r6alit6 du maximum initial de Picea y est solidement &ablie par les influx, et la pr6sence de Picea mariana au maximum de sa repr6sentation vers 9500 ans BP et pendant toute la dur6e de la phase ~ Alnus crispa y est corrobor6e par les macrorestes. Le caract6re r6gional de la diminution des populations d'arbres y est confirm6 par des influx polliniques de ux fois moindres que ceux mesur6s durant la phase subs6quente de for& ferm~e caract6risartt chaque site (Labelle et Richard, 1984; Richard et Labelle, 1989; Richard et al., 1992). Dans ces trois cas et dans plusieurs autres sites voisins montrant les m~mes caract6res, le mod61e de la succession progressive est invalid& Des populations d'arbres s'y sont en effet 6tablies et d6velopp6es, mais elles ont ensuite d6clin6, permettant le d6veloppement et favorisant la repr6sentation pollinique des populations d'un arbuste h61iophile constituant aujourd'hui des buissons ou des arbustaies denses de moins de 3 m de hauteur et ce, durant 1000 h 3000 ans. La taille r6elle des populations d'aulne durant le maximum de repr6sentation pollinique d'Alnus crispa est difficile ~i &ablir, puisque c'est une esp6ce fortement sur-repr6sent6e. Au Yukon, des pourcentages polliniques passant de 1-5% ~i 30-65% refl6teraient la constitution de paysages dans

ORIGINE ET DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~,T MIXTE AU QUI~BEC

lesquels l'aulne, rare ou absent au dfpart, ne dominerait au mieux que 5% du couvert vfg&al (Ritchie, 1984, p. 147). I1 paraSt toutefois raisonnable de penser que dans les cas qui nous intfressent, l'augmentation des populations d'aulne, quelle que soit leur importance spatiale, fut d'extension rfgionale au sein des pessifres ouvertes. Quoi qu'il en soit, puisque les arbres sont restfs prfsents durant toute la pfriode (en roccurrence Picea mariana, mais aussi Picea glauca, Betula papyrifera, Larix laricina et Abies balsamea, du moins sporadiquement d'aprfs les macrorestes), il faut expliquer leur 6chec dans l'afforestation. I1 faut aussi expliquer pourquoi le phfnomfne, dans son expression la plus manifeste, affecte la Gaspfsie et le Bas-Saint-Laurent. Le climat paraSt devoir ~tre invoqu6 comme l'agent direct de la mise en 6chec du dfveloppement des populations arborescentes dans ces rfgions. L'accroissement des apports d'eaux froides lifes au drainage du lac proglaciaire Agassiz, durant la phase de Mattawa de rhistoire postglaciaire des Grands Lacs entre 9600 et 8300 ans BP, serait en effet la cause d'un retour ~t des conditions climatiques froides dans l'ensemble du bassin de drainage du Saint-Laurent (Lewis et Anderson, 1989). Entre 10,100 et 9600 ans BP, la rfduction de ces apports d'eaux froides durant la phase Ottawa-Marquette aurait entrain6 l'existence d'un climat relativement plus clfment permettant l'implantation des arbres (Richard et al., 1992). Le feu paraSt aussi devoir ~tre invoqu6 comme un agent important de la mise en 6chec des populations arborescentes. En effet, les charbons microscopiques atteignent un maximum de concentration dans les sfdiments durant le maximum de reprfsentation pollinique de l'aulne crispf. Par ailleurs, les incendies forestiers les plus efficaces pour faire rfgresser les populations arborescentes sont ceux survenant durant une pfriode climatique froide ou en climat rfgional froid (et sec?), dffavorisant ainsi la rfgfnfration aprfs feu (Payette et Gagnon, 1979: Payette et al., 1989). De telles conditions ont pu rfgner en Gaspfsie et au Bas-Saint-Laurent plus qu'ailleurs au Qufbec parce que ces rfgions sont restfes plus longtemps proches (100-200 km) de la marge mfridionale de l'inlandsis laurentidien, entre 10,000 et 7000 ans BP. Elles furent alors soumises aux vents catabat-

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iques secs engendrfs par la glace et soufflant du nord-est. Ailleurs, notamment au sud et fi l'ouest, raction climatique pfriglaciaire et le refroidissement fiverain &aient attfnufs par la mise en place de la circulation atmosphfrique interglaciaire. Les feux, certainement aussi prfsents, y agissaient en climat plus clfment et sur un stock flofistique difffrent, plus fiche en essences, donc en paysage vfgftal plus diversifi6 spatialement. Leur action a dfi y 6tre moindre. I1 est toutefois probable que la courbe pollinique d'Alnus crispa, bien que faiblement exprimfe dans les diagrammes de ces rfgions, y tfmoigne aussi d'une instabilit6 des successions due au froid et ~ une plus grande incidence des feux. Au site Valin (Fig. 7b) localis6 en altitude, il n'y a pas de maximum pollinique initial de Picea. Nfanmoins, l'aulne crisp6 y est rest6 abondamment reprfsent6 par son pollen durant 4000 ans aprfs la d~glaciation rfgionale. Cette lente afforestation pourrait &re attribufe dans ce cas aux seules rigueurs climatiques montagnardes car la concentration des charbons microscopiques y augmente avec l'augrnentation des arbres (du combustible), sans maximum ~t l'Holocfne inffrieur. Au site Mimi, 6galement localis6 en altitude mais ~ la marge mfridionale du Bouclier (Figs. 5 et 7b), le pic poUinique de raulne crisp6 correspond en touts points ~ ceux de la Gaspfsie ou d~ BasSaint-Laurent mais le phfnomfne y fut pa§~ager, couvrant quelques sifcles au plus. Cette di§parit6 pourrait traduire la position plus mfridifn~le, donc plus thermophile du site Mimi, d'autant plus qu'il est soumis ~t l'influence estuarienne, sans doute plus humide. Au Labrador (Lamb, 1980; K~las~ 1986), le pollen d'Alnus crispa prfcfde ou acco~pagne l'expansion des populations de Picea et y atteint 50-55%. Ailleurs, notamment dans les monts Adirondak (Jackson, 1990) et dans les White Mountains au New-Hampshire (Spear, 1981), des maximums polliniques d'Alnus crispa succfdant alors h Picea y atteignent 25 fi 45%, persistant plus longtemps avec l'altitude. Ils contrastent ainsi avec les valeurs moindres et gfnfralement 6phfmfres caractfrisant gfnfralement les diagrammes de l'est des l~tats-Unis. Lamb, King, Jackson et Spear soulignent aussi le rfle d'Alnus comme fixa-

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teur d'azote, et rapprochent son comportement 6cologique durant la phase d'afforestation ~i celui d'une plante facilitant rimplantation puis le dfveloppement des populations arborescentes durant une succession progressive; mais ils n'ftablissent pas de liens ni avec le climat, ni avec les feux. Ils notent toutefois l'analogie des spectres anciens avec ceux de l'actuelle Toundra forestifre, au nord de la Forft borfale fermfe (Davis, 1967; Gajewski, 1991), ce qui revient ~ leur attribuer un climat froid.

Populus C'est peut-&re le cas le plus controversf, &ant donn6 sa reprfsentation pollinique faible ou alfatoire apparemment causfe par une rapide dfgradation du pollen, dans les conditions actuelles (Lichti-Federovich and Ritchie, 1965; Hadden, 1978). On a mfme propos6 d'exclure Populus de la Somme pollinique en raison de la grande variabilit6 de sa reprfsentation (Davis, 1967, p. 19). Quoi qu'il en soit, Populus a constitu6 un genre important durant l'afforestation dans l'ensemble de l'Est de l'Amfrique du Nord (Davis and Jacobson, 1985; Ritchie, 1987), off il accompagne le plus souvent Picea. Ce qui est remarquable dans plusieurs sites au Qufbec, c'est l'ampleur (25-35%) du maximum pollinique de Populuset surtout sa durfe dfpassant souvent 1000 ans, avant qu'il ne soit remplac6 par Picea. C'est aussi le fait que les stations off le phfnom~ne est le mieux exprim~ dans les diagrammes polliniques sont sises fi la marge sud du Bouclier (sites Castor et Mimi, Fig. 7a,b) ou au Bas-Saint-Laurent (site Fourche, Fig. 7a). Plusieurs autres diagrammes de la Mauricie (Figs. 4a et 5) prfsentent les m~mes caract~res, ~tayant ainsi cette rfpartition gfographique assez bien iocalisfe. La position de Populus (Populus tremuloides et Populus balsamifera, d'aprfs le pollen et les macrorestes) dans la sfquence des maximums polliniques de ces diagrammes est celle qui est normalement attendue d'un stratfge-r. Mais la durfe du maximum pollinique est telle qu'il faut bien faire intervenir des conditions emp~chant les stratfgesK de prendre le dessus durant tout ce temps. Ces conditions pourraient encore une fois &re un climat froid et surtout trfs sec, correspondant aux

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conditions continentales de l'actuelle TremblaieParc canadienne sise au nord des Prairies, conjugu6 l'action des feux puisque les charbons microscopiques sont abondants ~i la mfme 6poque dans plusieurs sites. Notons de plus qu'en Basse Mauricie, dans six diagrammes polliniques rfpartis sur 1000km 2 dont le site Castor (Fig. 7a), le maximum de Populus est accompagn6 d'un maximum (10-25%) des Cupressaceae attribufes ~i Juniperus et surtout, d'un maximum de Myrica atteignant 40%. Or, Myrica gale (l'espfce la plus probable) est aujourd'hui essentiellement riverain et relativement peu reprfsent6 par son pollen (1-5%). Quelles furent donc les conditions ayant entrain6 de tels maximums polliniques? Myrica gale dfployait-il alors ses populations bien au-del~ des rives au sein d'une forft trfs ouverte, d'une tremblaie-parc? Par ailleurs, si le pollen du type Myrica reprfsentait en fait d'autres espfces de Myricaceae (Myrica pensylvanica, Comptoniaperigrina), l'hypothfse de conditions 6daphiques trfs sfches et des incendies forestiers serait, d'aprfs leur 6cologie actuelle, grandement confortfe. Voil~ un problfme que seule l'identification de macrorestes pourra~t trancher. Quant ~i Juniperus, tout aussi sous-reprfsent6 polliniquement, son maximum 6voque aussi l'existence des conditions particulifrement propices ~ son dfveloppement, notamment en ce qui a trait /~ l'ensoleillement au sol et sans doute aussi ~ la relative sfcheresse. Les indices sont donc convergents: le climat parait avoir ~t6 tr~s sec, sans doute froid, mais les incendies, certainement frfquents. J'avais d'abord propos6 que la dominance de Populus Pour de longues durfes, avant le maximum de reprfsentation pollinique de Picea, ait 6t6 causfe par la localisation des sites au-delh de la Mer de Champlain ou de la Mer de Goldthwait (Richard, 1977). Ces mers auraient alors fait office de barrifres au dfploiement des arbres vers le nord et, pour un temps, auraient favoris6 l'implantation de Populus en raison de ses graines 16gfres, aisfment dispersfes. Le maximum de Populus6tant maintenant enregistr6 dans plusieurs autres sites et &al6 entre 10 500 et 9000 ans BP, les mers (et le lac fi Lampsilis) n'ont pu servir de barrifre qu'au tout

ORIGINE El" DYNAMIQUE POSTGLACIAIRE DE LA FOR~T MIXTE AU QUI~BEC

d6but. C'est sans doute d'abord la combinaison climat-feux qui fut responsable du ph6nom6ne. Bien que le cas de Populus et des taxons qui l'accompagnent n'infirme aucunement le mod61e, il r6v61e 61oquemment l'existence d'une importante effusion temporelle dans un "stade" de la succession primaire (Dansereau, 1956). I1 montre que les conditions d'implantation puis de d6ploiement des populations de Picea et d'Abies furent tr6s rigoureuses dans certaines r6gions du Qu6bec, notamment dans celles ofl plus tard est survenue l'expansion d'Alnus crispa. L ~volution holoc~ne de la For~t mixte au Qubbec

Apr6s son implantation dans les diverses r6gions du Qu6bec, la For& mixte, toujours domin6e par le sapin baumier, a connu divers changements dans sa compositon arborescente et arbustive. D'autres variations du cort6ge floristique ont dfi survenir, mais elles 6chappent h l'analyse pal6obotanique ou pollinique. Enfin, comme on l'a vu, les sapini6res furent remplac6es par les 6rabli6res entre 8000 et 7000 BP dans les r6gions sises au sud de la For6t mixte actuelle (Fig. 5). Parmi ces changements, les plus importants ou les moins bien compris sont examin6s tour ~i tour. Pinus banksiana Le pin gris marque une &ape importante de l'6volution de la For6t mixte pour l'Holoc6ne inf6rieur. Dans les r6gions m6ridionales et occidentales du Qu6bec, il pr6sente un maximum pollinique manifeste (20-50%) durant la p6riode de dominance des sapini6res, notamment de la sapini6re/t bouleau blanc. I1 y est progressivement remplac6 ensuite par le maximum pollinique du pin blanc avec l'av6nement des 6rabli6res. Plus au nord, dans les limites actuelles de la For~t mixte, les valeurs atteintes par Pinus banksiana sont moindres (20-30%) mais le remplacement par Pinus strobus est tout aussi marqu6, du moins dans le domaine de la Sapini6re fi bouleau jaune (Fig. 3). Dans l'ensemble des r6gions, la p6riode de repr6sentation pollinique maximale du pin gris va de 10,000 /t 7000 BP. Les charbons microscopiques dans presque toutes les s6quences s6dimentaires 6tudi6es affichent une concentration maximale en m6me temps que le pollen de pin gris. Cela traduit

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sans aucun doute une fr6quence 61ev6e des feux naturels. Les simulations de Bonan et Hayden (1990) et de Overpeck et al. (1990) portant sur les essences bor6ales ont montr6 que l'abondance du pin gris 6tait maximale lorsque le cycle des feux 6tait fix6 ~ moins de 115-100 ans, sur les stations s6ches. Les travaux de Desponts (1990) ont par ailleurs &abli que les populations nordiques de pin gris ne pouvaient qu'exceptionnellement survivre localement /t une p6riode de plus de 150 ans sans feux. En cons6quence, la courbe pollinique du pin gris traduirait essentiellement l'~volution de la fr6quence des incendies, c'est-~i-dire l'6volution des conditions optimales pour le d6veloppement de ses populations. C'est l~i, dans un contexte plus m6ridional et occidental, rexpression phytologique homologue de celle d'Alnus crispa pour le nord-est du Qu6bec m6ridional. Les deux types de r~action sont assez bien synchrones et r6pondent ~ des conditions pyroclimatiques qui traduisent l'existence d'un gradient orient6 du nord-est au sudouest, progressivement plus cl6ment mais de m6me nature, agissant en pleine phase de For& mixte ferm6e au sud-ouest, mais correspondant ~ la phase d'implantation des sapini6res au nord-est. Il faut ici rappeler que le sapin baumier est une essence tr6s mal adapt6e au feu. D'ailleurs, il domine actuellement les r6gions les plus arros6es de l'Est de l'Am6rique du Nord, fi plus faible incidence des feux. C'est l'inverse pour le pin gris. Or, entre 10,000 et 7000 ans BP, les conditions paraissent avoir 6t6 optimales fi la fois pour le pin gris et pour le sapin, dans le sud-ouest du Qu6bec, bien que les conditions pyroclimatiques optimales des deux esp6ces soient oppos6es. Aussi ne faut-il pas exag6rer l'importance des incendies, notamment leur importance spatiale. Je crois que des conditions climatiques froides et s6ches ont favoris6, par le truchement des feux, l'augmentation puis le maintien des populations de pin gris l'Holoc6ne inf6rieur, mais que ces populations 6taient restreintes aux stations les plus s6ches, laissant tout l'espace voulu aux populations de sapin baumier qui, sur des stations m6siques et moins fr6quemment incendi6es, dominaient toujours les paysages v6g6taux. Une approche physiographique para$t s'imposer pour expliquer ces

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comportements refl~tant des tendances climatiques apparemment divergentes mais ayant eu lieu de toute 6vidence sous un m~me climat r6gional.

Quercus Dans les sites les plus m6ridionaux de ia For& mixte ou dans ceux localis6s dans les domaines de l'l~rabli6re, le maximum pollinique du pin gris est souvent accompagn6 par des pourcentages relativement 61ev~s du pollen de chine (10-15%). Contrairement au cas du T6miscamingue, la courbe pollinique de Quercus affiche alors des valeurs progressivement croissantes traduisant un d6veloppement graduel des populations au sein des sapini6res, si le pollen est bien de source r6gionale. En effet, il n'est pas exclu qu'une part importante du pollen de Quercus, reconnu pour son abondante production et pour sa large dispersion polliniques, soit attribuable ~ des apports lointains, puisque les ch~naies dominaient alors au sud (Bryant and Holloway, 1985). Le cas de Quercus pose encore une fois le probl6me de l'identification de la pr6sence de populations fi la limite septentrionale de leur aire de peuplement. Des sapini6res ~t chine rouge existent actuellement la fine pointe de la Gasp6sie (Majcen, 1981) et pr6s du lac Saint-Jean (G-~rardin et Jurdant, 1968), mais on n'en connait pas ailleurs. Le ch6ne rouge, une des essences les plus thermophiles atteignant la For& mixte (Tableau II), a donc pu faire partie des paysages domin6s par les sapini6res l'Holoc6ne inf6rieur, dans les r6gions les plus m6ridionales du Qu6bec et m6me dans la partie sud-occidentale de la For6t mixte actuelle. C'est certainement un cas qui m6riterait des recherches plus pouss6es. Pinus strobus L'implantation puis le d6veloppement du pin blanc (Pinus strobus) est un autre cas de changement qui a affect6 surtout le domaine de la Sapini~re ~i bouleau jaune dans toute l'aire de r6partition de la For& mixte, mais ~ l'Holoc6ne moyen, cette fois. Son pollen pr+sente en effet un maximum pollinique atteignant 40-50% entre 8000 et 5000 ans BP. Terasm~e et Anderson (1970) et plus r6cemment Liu (1982, 1990) ont &abli clairement la plus grande extension septentrionale de l'aire de peuplement de ce taxon aux environs de 5000 ans BP, suivie peu apr6s d'une r6cession

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vers le sud voisinant 100km, dans l'ouest du Qu6bec et l'est de l'Ontario. Le pin blanc s'est en quelque sorte surimpos6 aux sapins baumiers. En effet, dans la plupart des sites m+ridionaux de la For~t mixte (Fig. 5), les influx polliniques d'Abies balsamea restent assez +lev6s durant la p6riode de dominance du pin blanc (sites Fourche et Robin, Fig. 6a; sites Bride, Mimi et Turcotte, Fig. 6b). Ils chutent surtout dans les sites off le sapin est remplac+ par l'6rable sucre (sites Shefford, Bromont, Busque, Castor). I1 est donc probable que le couvert v+g~tal soit rest6 domin6 par le sapin baumier et ait constitu6 une For& mixte apparent6e ~ la sapini~re fi bouleau jaune actuelle, mais plus riche en pins blancs. Cette interpr6tation est confort6e par un maximum pollinique simultan6 de l'if du Canada (Taxus canadensis) aujourd'hui abondant dans le domaine de la Sapini+re/t bouleau jaune. L'optimum du pin blanc marque l'Optimum climatique de l'Holoc6ne moyen, un climat consid6r6 par la majorit6 des chercheurs comme ayant &6 plus chaud et plus humide que l'actuel, avec une faible incidence des feux.

Thuja occidentalis Les Cupressaceae sont g6n6ralement peu repr+sent6es dans les diagrammes polliniques du Quebec sauf durant la phase d'afforestation off, atteignant parfois 20%, leur pollen est attribu~ au genre Juniperus (site Castor, Fig. 7a). Lorsque des c6dri~res ou des sapini~res humides fi thuya assez 6tendues occupent les rives des lacs, le pollen des Cupressaceae peut atteindre 15-25% de la Somme pollinique (lac Geai, Basses Laurentides montr6alaises; donn+es in+dites). Les pourcentages sont similaires dans les r~gions off des cuvettes ou des sillons humides portant les m~mes groupements totalisent 55% du territoire, comme dans les basses terres estuariennes du BasSaint-Laurent (site Fourche, Fig. 7a), dans le domaine de l'l~rabli+re h bouleau jaune. Dans les r6gions abitibiennes sises de part et d'autre de la fronti6re entre l'Ontario et le Quebec (Figs. 4a et 5), plusieurs diagrammes polliniques affichent un maximum des Cupressaceae (jusqu'fi 35%; site Yelle, Fig. 7a; Richard, 1978) l'Holoc+ne moyen. Liu (1982, 1990) a d+montr6 qu'il s'agit du c6dre (Thuja occidentalis), d'apr6s

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des macrorestes. Le thuya se serait implants dans la rrgion peu aprrs la drglaciation mais ses populations se sont multiplires en mrme temps ou 16grrement aprrs celles du pin blanc, entre 6000 et 3000 ans BP. Ce qui est remarquable, c'est que ce maximum pollinique du thuya est centr6 sur la Grande Ceinture d'Argile, aux sols le plus souvent argileux, lourds et riches en carbonates. De telles conditions sont a priori propices au crdre et ce serait leur raret6 tout autour qui expliquerait l'existence d'une province palrophytogrographique Thuja occidentalis. Liu (1982) attribue ce maximum pollinique du thuya soit au drveloppement de populations riveraines ou tourbicoles suite h l'assrchement des terrain sous un climat chaud et sec, soit au drveloppement des populations non riveraines sous un climat chaud et humide entrainant une rrduction de l'incidence des feux de for&. Plus tard, l'auteur opta pour un climat chaud et sec permettant l'essence de drborder les stations riveraines ou tourbicoles et d'envahir les autres stations ~t l'occasion d'un abaissement de la nappe phrratique rrgionale (Liu, 1990). Or le site Yelle (Fig. 7a) permet de trancher. I1 occupe une petite drpression structurale dans une colline rocheuse et est donc drpourvu de rives 6tendues pouvant porter une crdrirre tourbeuse ou un autre groupement humide riche en thuyas. Par ailleurs, les charbons de bois microscopiques sont plus abondants dans les srdiments avant 6500 et aprrs 3000 BP, ce qui traduit une incidence comparativement faible des feux durant la prriode du maximum pollinique des Cupressaceae. Ces donnres appuient le scrnario d'un climat plus humide propos6 par Liu (1982). Quant au caractrre plus chaud de ce climat, il n'est pas certain qu'il soit nrcessaire pour expliquer le drveloppement des populations du crdre puisqu'un tel drveloppement prend place ~ l'Holocrne suprrieur, ailleurs (site Fourche, Fig. 7a). l~tant donn6 la grande longrvit6 du crdre et sa grande susceptibilit6 au feu (Heinselman, 1973; Bergeron et Dubuc, 1989), c'est probablement surtout l'existence d'une longue prriode ~ faible incidence d'incendies qui rende compte au premier chef du drveloppement de ses populations, quelle que soit l'rpoque durant

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l'Holocrne. Une telle prriode ne serait pas favorisre par un climat chaud et sec. Aujourd'hui, les rrgions off les populations de thuya drpassent 10% du volume des forrts sont le nord du Minnesota et du Michigan, l'Ontario et le Maine (Delcourt and Delcourt, 1987, p. 59). l'Holocrne moyen, les conditions optimales pour leur drveloppement se situaient donc de 100 ~t 200 km plus au nord et, en raison des caractrres 6daphiques, 6taient concentrres dans la Grande Ceinture d'Argile trans-abitibienne.

Picea L'Holocrne suprrieur est marqu6 par une recrudescence des populations d'rpinettes (Picea) au sein de la For& mixte, mais aussi dans rensemble des diagrammes polliniques du nord-est de l'Amrrique du Nord. Cette recrudescence accompagne souvent celle des populations d'Abies balsamea, rant en For& mixte (sites Neume, Yelle, Bride, Turcotte, Diable) que dans les domaines de l'l~rablirre (sites Bromont, Shefford, Busque). Le m~me phrnomrne se rencontre dans les monts Adirondak (Jackson, 1989) et dans les Montagnes Blanches (Spear, 1981), y conduisant aux sapinirres 6pinette rouge (Picea rubens) qui caractrrisent actuellement l'&age subalpin de ces massifs. Dans ces derniers cas, il s'agit de la constitution tardive d'il6ts sommitaux de for& conifrrienne faisant intervenir une esprce de l'616ment floristique de la Plaine c6tirre. En effet, l'rpinette rouge prrsente une distribution centrre fi l'est et au sud-est, dans des rrgions trrs arrosres homologues des sommets appalachiens. Ailleurs mais fi plus basse altitude, dans les Appalaches du sud du Qurbec, l'rpinette rouge occupe aussi les sapinirres sur les stations mrsiques, tant dans le domaine de la Sapinirre bouleau jaune que dans celui de l'l~rablirre bouleau jaune (Fig. 3). L'esprce est toutefois exclue du domaine de la Sapinirre ~t bouleau blanc et n'atteint pas la Gasprsie. I1 est probable que l'envahissement par Picea rubens ait drbut6 il y a 3000 ans environ mais il est certain qu'au Qurbec, une part du pollen de Picea est attribuable h la multiplication des populations de Picea mariana occupant les stations hydriques souvent entourbres des abords de plusieurs lacs au stade de paludification avancr. L~t comme dans la Forrt mixte mrme, l'expansion des populations d'rpinette noire n'a

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sans doute affect6 que tres peu les populations des arbres occupant les stations m6siques. Ainsi, pour une large part, les maximums polliniques de Picea durant l'Holoc6ne sup6rieur traduisent l'expansion des populations locales, riveraines, contrairement aux maximums survenant durant l'Holoc6ne inf6rieur qui, eux, refl6taient surtout le d6ploiement des populations r6gionales (Fig. 7a,b). I1 en va de m6me pour les maximums polliniques d'Abies balsamea pour les localit6s sises au sud des domaines de Sapini6res. La signification climatique de ces maximums polliniques n'est donc pas la m6me partout et en tout temps. Acer saccharum L'6rable ~ sucre pr6sente des populations restreintes dispers~es dans des stations satellites qui s'~gr6nent le long du littoral nord de la Gasp6sie, dans le domaine de la Sapini6re fi bouleau blanc, done en pleine For6t mixte. Dans la vall6e de Mont-Saint-Pierre, en contrebas du site Turcotte (Figs. 5 et 7b), une telle population satellite se r+g~n6re aujourd'hui abondamment. Le diagramme pollinique du lac fi L~onard, voisin, refl6te un d~ploiement important des populations d'Acer saccharum depuis environ 4700 ans, apparemment peu apr6s son implantation (Labelle et Richard, 1984). En effet, sa repr+sentation pollinique passe de 0.2-0.5% ~i 4% presque jusqu'fi l'actuel. Le diagramme du site Turcotte montre pour sa part que l'6rable ~i sucre n'a jamais occup+ le plateau, fi 300 m d'altitude. Cette station fut donc probablement colonis~e tardivement et les populations d'~rable fi sucre s'y sont done d6velopp~es en plein refroidissement climatique, bien qu'il s'agisse d'une essence m~ridionale, thermophile dans le contexte du stock floristique r6gional. La colonisation tardive de la vall~e serait attribuable ~i la discontinuit6 des stations (vall6es, vallons perch6s) pouvant h6berger l'6rable ~ sucre, le long d'un g+olittoral gasp~sien g6n6ralement escarl~. Ce cas montre surtout que l'6rable fi sucre n'a pas r6agi l'Optimum climatique. I1 met en relief l'int6r6t d'une approche ~i moyenne 6chelle dans les inventaires pal6opalynologiques, afin de serrer au plus pros la dynamique des populations v6g6tales scion les conditions 6cologiques sp6cifiques ~i chaque r6gion. Acer spicatum Le pollen de l'6rable ~i 6pis atteint

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6% et d6passe r6gulierement l'unit6 entre 9000 et 5000 ans avant l'actuel au lac ~i L6onard, dans la vall6e de Mont-Saint-Pierre en Gasp6sie. Cet arbuste est r6pandu partout dans les for6ts et abonde souvent dans les clairi6res ou dans les bfich6s. I1 forme toutefois de vastes 6rabli6res fi 6pis colonisant les longs talus d'6boulis rocheux qui flanquent les vall6es gasp6siennes ou qui bordent l'estuaire du Saint-Laurent, quand ces talus sont actifs. Malgr6 cela, les spectres polliniques de surface des lacs voisins n'enregistrent que des traces sporadiques, comme c'est le cas dans la plupart des diagrammes polliniques que je connaisse et ce, durant tout l'Holoc6ne. La repr6sentation pollinique relativement 6Iev6e d'Acer spicatum durant la premi6re moiti6 de l'Holoc~ne ~i MontSaint-Pierre traduit done sans doute une grande activit6 g6omorphologique sur les versants situ6s ~i proximit& Cette activit6 se situe pourtant en pleine phase de v6g6tation r6gionale foresti6re, ce qui remet en cause les interpr6tations g6omorphologiques fond6es sur l'alternance de p6riodes biostasiques et rh6xistasiques (H6tu et Gray, 1980). L'activit6 g6omorphologique locale doit ~tre distingu6e de l'activit~ r~gionale, et l'6rable/t 6pis, parmi les plantes de la For~t mixte, r6v61e le ph6nom6ne. Betula Cette revue des variations qu'a connu la For6t mixte durant l'Holoc6ne au Quebec serait incompl6te sans l'examen du r61e de Betula. On a vu qu'il dominait les assemblages polliniques (Tableau V) dans la plupart des diagrammes du Qu6bec et dans la majeure partie des domaines de la Sapini~re ~ bouleau jaune et de la Sapini6re ~i bouleau blanc (Tableau III). I! reste dominant m~me dans les spectres du domaine montagnard de la Sapinibre ~ 6pinette noire (Fig. 3). I1 ne c6de cette dominance des assemblages polliniques que dans les r6gions occidentales ou m6ridionales du Qu6bec, l~i o~ le pin blanc ou le pin rouge (au sud), ou le pin gris (surtout au nord-ouest) sont plus abondants. Partout, avec ou sans Pinus, Betula contribue ~i masquer rexpression pollinique des autres essences, dont celles qui dominent les paysages v6g6taux: Acer, Abies et m~me Picea, plus au nord ou dans les massifs montagneux. Betula est un genre sur-repr6sent6 par son pollen, mais la repr6sentation pollinique sp6cifique est

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moins bien connue, notamment celle de Betula alleghaniensis. Les exigences 6cologiques et le statut dynamique de Betula papyrifera et de Betula alleghaniensis sont bien diffrrents. I1 faudrait pouvoir &ablir l'rpoque de l'implantation et la taille des populations de l'une ou l'autre esprce. C'est sans doute l'analyse macrofossile drtaillre des srdiments de petits lacs qui fournira les donnres les plus sores (Anderson et al., 1986; Davis and Kuhn, in Ritchie, 1987, p. 122; Jackson, 1989; Jackson and Whitehead, 1991), au moins pour la vrg&ation proximale. Quant d la vrgrtation distale par rapport aux lacs, la morphomrtrie du pollen de Betula permet d'identifier la dominance de l'une ou l'autre esprce, mais la mrthode reste d'application drlicate. Quoi qu'il en soit, Betula constitue le genre principal dont les repr6sentants, associrs diversement /t Abies balsamea, caractrrisent la For~t mixte telle que je l'ai drfinie pour le Qurbec. .~ ce titre, ses variations durant l'Holocrne doivent &re prises en compte. Dans les diagrammes polliniques siturs dans le domaine de la Sapinirre d bouleau jaune, les donnres morphomrtriques du pollen de Betula permettent grnrralement de reconnaitre un passage de la dominance initiale du bouleau blanc dcelle du bouleau jaune. Hrlas, l'rpoque de ce passage est ditficile ~i prrciser pour les raisons 6voqu6es plus haut. Dans les diagrammes polliniques siturs actuellement dans les domaines de l'l~rablirre /t bouleau jaune et de l']~rablirre d tilleul, c'est surtout le bouleau blanc qui parait associ6 au sapin, durant la prriode de F6ret mixte. Quand le pollen attribuable au bouleau jaune domine, alors la vrgrtation de ces rrgions appartient drj/t le plus souvent aux ~rablirres. Ainsi, les sapinirres thermophiles de la For~t mixte sont-elles d'origine rrcente, l'association du sapin baumier et du bouleau jaune en tant que dominants ayant 6t6 fugace avant qu'elle ne se concrrtise au sein de son aire de peuplement actuelle. Discussion

L'histoire de la For~t mixte du Qurbec s'inscrit dans celle de la vrgrtation postglaciaire du Canada (Ritchie, 1987). Qu'apporte donc de plus au tableau d'ensemble une focalisation spatiale sur le

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Qurbec et une focalisation thrmatique sur la For& mixte? La rrponse est dans la question: ces focalisations mrnent ~ une vision/t plus grande 6chelle permettant de mieux tenir compte de la diffrrenciation grorcologique de la couverture vrgrtale actuelle et de mettre en lurnirre les particularismes rrgionaux dans la vrgrtation reconstiture par l'analyse pollinique et l'analyse macrofossile. Notre drfinition de la Forrt mixte met en relief l'importance d'Abies balsamea, ce qui permettra de rrexaminer son r61e d l'rchelle de l'Est de l'Amrrique du Nord. Les travaux de Delcourt and Delcourt (1987) sont en effet parmi les rares qui rendent un peu justice d cette essence dans les reconstitutions palrophytogrographiques 6tats-uniennes, par le truchement des cartes de l'rvolution de la palrodominance. Les reconstitutions du couvert vrgrtal et de la dynamique postglaciaire des populations arborescentes ouarbustives que je propose rrsultent d'inventaires palynologiques relativement nombreux et bien rrpartis, mais sans doute encore insuffisants. Les donnres permettent nranmoins de reconnaitre des catrgories d'assemblages polliniques (Tableau V) et de-srquences polliniques dont la variation spatio-temporelle est cohrrente. Leur interprrtation (Tableau IV) en termes de vrgrtation ou de dynamique des populations arborescentes s'appuie sur la reprrsentation pollinique actuelle des groupes de communautrs et des populations d'arbres, d la lumirre des modrles analogiques que constituent la zonation latitudinale et la succession. J'esprre avoir rrussi d mettre en lumi~re pour la Forrt mixte du Qurbec les divers cas of~, /t telle ~poque ou dans telle rrgion, les donnres confirmaient ou infirmaient ces modrles interprrtatifs proposrs comme des hypothrses sujettes ~i v6rification. Les causes de la conformit6 ou des 6carts aux mod61es sont toutefois diverses, li6es principalement ~ la pal6og6ographie, ~ la nature du climat, l'intensit6 ou d la fr6quence des perturbations, la composition des stocks floristiques. Pour chaque diagramme pollinique et pour chaque groupe de diagrammes dans une r6gion donn6e, les causes propos6es pour expliquer les modalit6s particuli6res d'implantation et de d6veloppement des populations v6g6tales constitutent autant d'explic-

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ations ad hoc fond6es sur la convergence des indices. Ce type d'explications correspond sans doute fi la phase narrative du d6veloppement des sciences descriptives (Birks, 1985), soit aux meilleures explications possibles pouvant 6tre tir6es des faits observ6s. Ces interpr6tations pourront 6tre modifi6es, enrichies ou invalid6es par la d6couverte d'autres indices ou m6me par l'application d'autres raisonnements. En ce sens, elles constituent autant d'hypoth6ses v6rifiables, tendant ainsi vers une approche analytique, d6ductive, pr6dictive bien qu'elles soient difficilement quantifiables. Les v6rifications ult6rieures de ces hypoth6ses explicatives devront tenir compte du contexte physiographique des stations off auront lieu les analyses polliniques et autres analyses additionnelles, tant fi l'6chelle r6gionale qu'fi celle de l'ensemble du sud du Qubbec (m6so-6chelle) et pour les diverses ~poques du Pl6istoc6ne sup~rieur et de l'Holoc6ne. L'opposition apparente de l'optimum de repr6sentation pollinique des populations d'Abies balsamea et de Pinus banksiana entre 10,000 et 7000 ans BP au sud-ouest du Quebec, par exemple, ne peut &re mieux comprise que par un 6chantillonnage prenant en compte le contexte physiographique. La comparaison de la For& mixte de la Gasp6sie avec celle du nord du Minnesota montre bien en effet que pour un m~me stock floristique arborescent, la r6partition physiographique, les combinaisons sociologiques et l'abondance des arbres sur le territoire peuvent varier grandement, refl6tant des conditions 6cologiques contrast6es. L'abondance des populations arborescentes traduit le succ6s 6cologique global des esp6ces concern6es; mais la r6partition de ces populations dans la mosa'ique des biotopes pouvant les h6berger coupl6e ~t l'identit6 des esp6ces pouvant se faire comp6tition sur ces biotopes rec61e une information capitale pour identifier les facteurs 6cologiques pr6pond6rants et appr6cier leur action. La question de la r6solution spatiale de l'analyse pollinique prend iqi tout son sens. La loi de la compensation g~o~cologique traduit la diff6renciation physiographique du couvert v6g~tal. Elle stipule que: "La distribution topographique particuli~re (micro-distribution) d'une esp~ce 6cotypique ou d'une communaut~ v~g&ale est une

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fonction parall~le fi sa distribution g6ographique g6n6rale (macro-distribution), puisque l'une et l'autre sont gouvern6es par les m~mes amplitudes 6cologiques et, en fin de compte, par des exigences physiologiques uniformes" (Boyko, 1947; voir Dansereau, 1957, 1972). L'esprit de cette loi doit 6tre pris en compte dans les reconstitutions pal6ophytog6ographiques. La signification climatique de pessi~res riveraines et de pessi6res rbgionales, ou de sapini~res hygrophiles et de sapini6res m6sophiles n'est 6videmment pas la m6me. Aussi devons-nous d6ployer tous les efforts possibles pour parvenir fi des reconstitutions spatialement et physiographiquement diff6renci6es des populations arborescentes et des combinaisons d'esp~ces, malgr6 le caract6re partiel oblig6 de telles reconstitutions. Une telle am61ioration est possible par l'6tude poUinique et macrofossile de sites rapproch6s localis6s dans des unit~s physiographiques contrast6es, et par le choix de milieux de d6p6t pollinique spatialement pr6cis (Jacobson and Bradshaw, 1981; Ritchie, 1987, pp. 123-124; Bradshaw, 1988; Jackson, 1990). Les pal6oisopolles livrent bien des informations spatiales, mais /t petite ~chelle et portant sur la g6ographie des pourcentages polliniques, pas n~cessairement sur la g6ographie des populations v6g&ales. Elles ne peuvent donc pas se substituer aux reconstitutions physiographiques qui nous sont n6cessaires, m6me quand elles portent sur des territoires plus restreints (Webb et al., 1978). Quant aux reconstitutions climatiques, dies resteront g6n6rales tant et aussi longtemps qu'elles s'appuieront sur des relations 6tablies au niveau des formations v6g6tales et sur des assemblages polliniques r6duits aux seuls taxons bien repr6sent6s partout et ce, sans prise en compte des contextes physiographique et 6cologique r~gionaux. Dans leur ensemble, les plantes holarctiques sont avant tout des plantes des latitudes moyennes qui s'6tablissent occasionnellement au nord de leur aire habituelle de peuplement (Davis, 1981a). La composition et la r6partition actuelles du couvert v6g6tal, dans l'h6misph6re Nord, ne correspondent sans doute pas ~i l'~tat modal du couvert v6g~tal ~i l'6chelle du Quaternaire, ni m6me de l'Holoc~ne. Cela pose le probl6me m6thodologique du transfert, dans le pass6, des relations phytosocio-

ORIGINEET DYNAMIQUEPOSTGLACIAIREDE LA FORINTMIXTEAU QUI~BEC

logiques et 6cologiques constat6es de nos jours, notamment du transfert plante-climat et, a fortiori du transfert pollen-climat. I1 est maintenant de plus en plus admis que des combinaisons climatiques sans 6quivalents modernes se sont constitutes et ont vari~ constamment fi l'6chelle du Quaternaire. D'un point de vue phytog6ographique, il importe surtout d'&udier la r6action fi long terme des populations v6g6tales face fi des conditions ~daphiques et climatiques changeantes reconstitubes indbpendamment des plantes ou de la v6g6tation, sous peine de cercle vicieux. De telles reeonstitutions ind6pendantes peuvent 6tre fournies par l'&ude g~ochimique des s6diments et par celle d'autres t6moins biotiques tels les col~opt6res, les diatom6es, les chironomides, etc. C'est sans doute aussi possible d'obtenir des donn6es ind6pendantes portant sur la dynamique de la v6g6tation par simulation informatique, en faisant varier les conditions limites des facteurs abiotiques, la fr~quence des perturbations et les combinaisons des esp6ces (Solomon et al., 1981; Ritchie, 1984). Les r6sultats seraient alors confront6s/t ceux issus de l'interpr&ation des diagrammes polliniques et non directement avec ces derniers, en raison des nombreuses distorsions dans la repr6sentation pollinique des taxons. Cela permettrait de mieux circonscrire l'amplitude 6cologique virtuelle des plantes, au-delfi donc de l'amplitude qu'elles r6alisent dans les conditions actuelles. C'est donc fi mon sens le d6passement de l'actualisme strict en pal6ophytog6ographie qui permettra fi terme de mieux comprendre l'6cologie des plantes et leurs r6actions fi un milieu abiotique et biotique changeant.

Remerciements Cette mise au point sur la pal6ophytog6ographie de la For& mixte du Qu6bec doit beaucoup aux enseignements prodigu6s par le r6cent livre du professeur Ritchie portant sur la v6g6tation postglaciaire du Canada (Ritchie, 1987). Partout dans son livre, il consid6re d'abord l'information particuli6re livr6e par chaque site, dans son propre contexte 6cologique. Les faits pal6opalynologiques individuels, localis6s g6ographiquement, bien

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&ablis techniquement et soigneusement interpr6t6s y sous-tendent des g6n6ralisations toujours prudentes. Cette approche analytique minutieuse est difficilement r6alisable dans le cadre d'un article mais c'est n6anmoins inspir6 par de semblables pr6occupations que j'ai voulu esquisser l'histoire de la For& mixte au Qu6bec. Je suis donc grandement redevable fi Jim d'une constante stimulation intellectuelle. Je tiens aussi fi remercier mes collaborateurs, &udiants et techniciens d'hier et d'aujourd'hui, sans les travaux desquels cette synth6se aurait 6t6 impossible. Ma reconnaissance particuli6re s'adresse ~i Alayn Larouche,/t Nicole Morasse, H616ne Jett6, ainsi qu'~t mort 6pouse Dominique, collaboratrice des premi6res heures et de mille fagons.

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