Ostéome du méat acoustique interne

Ostéome du méat acoustique interne

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2010) 127, 16—19 CAS CLINIQUE Ostéome du méat acoustique interne夽 B. L...

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2010) 127, 16—19

CAS CLINIQUE

Ostéome du méat acoustique interne夽 B. Liétin a, A. Bascoul a, J. Gabrillargues b, S. Crestani a, P. Avan c, T. Mom a, L. Gilain a,∗ a

Service d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, CHU de Clermont-Ferrand, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France Service de neuroradiologie, CHU, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France c Service de biophysique, CHU, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France b

MOTS CLÉS Ostéome ; Méat acoustique interne ; Spasme de l’hémiface

Résumé Objectif. — L’ostéome se développe essentiellement au niveau de la tête et du cou. Il est rarement retrouvé au niveau du méat acoustique interne. Nous rapportons un cas d’ostéome découvert fortuitement lors de l’exploration radiologique d’un spasme de l’hémiface. Patients et méthodes. — Une patiente de 79 ans consultait pour un spasme de l’hémiface gauche associée à une cophose gauche. La symptomatologie évoluait depuis plus de 30 ans au moment de la réalisation des investigations radiologiques. Un examen tomodensitométrique et une IRM ont été réalisés. Résultats. — L’IRM a retrouvé une lésion en hyposignal T1 et T2 développée au niveau du méat acoustique interne. L’examen tomodensitométrique montrait une lésion opaque de densité osseuse caractéristique d’un ostéome. La taille de l’ostéome était de 0,6 cm dans son plus grand diamètre. En raison de la lenteur de l’évolution, aucun geste chirurgical n’a été proposé. Une surveillance clinique était recommandée. Conclusion. — Les ostéomes sont diagnostiqués fortuitement chez les patients asymptomatiques. Notre cas était symptomatique et pouvait faire discuter une attitude chirurgicale. Cet article permet de discuter de la présentation clinique et du mode de prise en charge de cet ostéome de localisation exceptionnelle. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Introduction L’ostéome est une tumeur osseuse fréquente qui élabore de l’os dense et siège le plus souvent dans les sinus de la

DOI de l’article original : 10.1016/j.anorl.2010.02.004. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Gilain). 夽

1879-7261/$ – see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.aforl.2010.02.004

face ou la voûte crânienne. Asymptomatique, elle est le plus souvent de découverte fortuite sur un scanner cérébral ou de la face. Le diagnostic est affirmé avec certitude devant une lésion condensante, bien limitée ou polylobée. En l’absence de symptôme, cette lésion ne requiert aucun examen complémentaire, ni biopsie, ni traitement. Nous présentons le cas d’une patiente présentant un ostéome développé au niveau du méat acoustique interne, présentant une symptomatologie riche et d’installation progressive. La rareté de ce cas dans la littérature et sa symptomatologie intracanalaire pure font l’intérêt de cette présentation.

Ostéome du méat acoustique interne

Figure 1 IRM en séquence T2, lésion hypo-T2 centré sur le paquet acousticofacial.

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Figure 2 TDM : coupe en fenêtre osseuse, reconstruction centrée sur le conduit auditif interne qui donne une impression d’oblitération complète de ce dernier.

Cas clinique Une patiente de 79 ans est adressée en consultation en raison de l’aggravation d’un spasme de l’hémiface gauche évoluant depuis 1974 non traité. Un traitement par carbamazépine avait été prescrit depuis de nombreuses années en dehors de tout lien direct avec la pathologie faciale. Elle présente une cophose gauche connue depuis 20 ans, n’ayant jamais été explorée. Il n’existe aucune plainte de vertiges ou d’instabilité et aucun autre antécédent ORL. En janvier 2008, une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) est prescrite à titre systématique dans le cadre d’un bilan de malaise. Elle permet de découvrir une lésion hypo-intense en T1, T2 et Ciss centrée sur le paquet acousticofacial gauche mesurée à 6 mm de grand axe, ne se réhaussant pas après injection de gadolinium (Fig. 1). Le reste de l’examen encéphalique est sans particularité. Un examen tomodensitométrique (TDM) des rochers et des angles pontocérébelleux avec reconstructions multiplanaires est demandé afin d’explorer cette image de « défect » du paquet acousticofacial ; elle révéle l’existence d’une opacité calcique typique d’un ostéome, élargissant le méat acoustique interne dans sa globalité et pédiculée au dépend de la paroi inférieure. Cet ostéome rétrécit significativement la lumière du méat acoustique interne gauche (Fig. 2 et 3). À l’examen clinique en consultation, on retrouve un syndrome vestibulaire harmonieux gauche avec instabilité intermittente, objectivée par la manœuvre de Romberg et la manœuvre du piétinement aveugle. Une asymétrie faciale inférieure est notée. L’otoscopie est normale ainsi que la sensibilité de la face. L’audiogramme tonal (Fig. 4) confirme la cophose gauche et retrouvre à droite une surdité moyenne avec une perte moyenne dans les fréquences conversationnelles et aiguës de 45 dB attribuée à une presbyacousie. Des examens complémentaires sont réalisés : • l’électromyogramme du nerf facial qui ne retrouve pas d’atteinte du nerf facial : les vitesses de contraction, les latences et les amplitudes des réponses calculées sur le

Figure 3 TDM en fenêtre osseuse, visualisation de l’ostéome dans le conduit auditif interne.

muscle frontal (branche temporofaciale) et sur le muscle de la houppe du menton sont normales ; • l’épreuve calorique calibrée montre une aréflexie vestibulaire gauche. Aucune autre exploration vestibulaire n’est réalisée ;

Figure 4 Audiogramme tonal : cophose gauche et presbyacousie droite.

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B. Liétin et al.

Figure 5

Potentiels évoquées auditifs non reproductibles à gauche.

• aucun potentiel évoqué auditif reproductible n’est trouvé à gauche (Fig. 5) ; • les oto-émissions acoustiques provoquées sont absentes (Fig. 6).

Aucune indication chirurgicale n’est retenue et il est décidé en accord avec la patiente de réaliser une surveillance à la fois clinique et par IRM, examen prévu 18 mois plus tard. La patiente est appareillée de fac ¸on satisfaisante sur l’oreille droite et il lui est proposé une prothèse à conduction osseuse ostéo-intégrée sur l’oreille gauche et une rééducation vestibulaire.

Discussion

Figure 6

Otoémissions acoustiques provoquées absentes.

L’ostéome du méat acoustique interne est rare [1,2]. Gerganov et al. [2] décrivent en 2008 le premier cas d’ostéomes bilatéraux des méats acoustiques internes. Aucune prévalence de l’ostéome du méat acoustique interne n’est retrouvée. Nous avons relevé seulement 14 ostéomes ou exostoses du méat acoustique interne dans la littérature internationale et aucun travail concernant la genèse de l’ostéome du méat acoustique interne. Seule l’étiopathogénie de l’ostéome du méat acoustique externe est ébauchée : traumatismes ou infections répétées et trouble du développement osseux. La présentation des symptômes est variable [3] et l’histoire de la lésion souvent difficile à préciser. Les symptômes sont ceux d’une atteinte du paquet acousticofacial : signes vestibulaires [2,3] avec vertiges, déséquilibre, et/ou signes auditifs [1,2] avec

Ostéome du méat acoustique interne surdité, acouphènes et/ou signes attestant d’une atteinte faciale. L’ostéome peut aussi être asymptomatique [2,3] et de découverte radiologique fortuite (incidentalome). La latence diagnostique serait de quatre à cinq ans. L’ostéome développé dans le méat acoustique interne compromet la lumière de cette structure et comprime les septième et huitième paires crâniennes expliquant les symptômes qui viennent d’être cités. Gerganov et al. [2] et Vrabec et al. [3] n’ont retrouvé aucun cas d’altération de la fonction faciale dans leur études de la littérature. L’atteinte faciale étant rare, on peut supposer que le nerf VII est plus résistant que le paquet cochléovestibulaire. On peut cependant souligner que la première manifestation de notre patiente est un spasme de l’hémiface. Des hypothèses ont été avancées pour expliquer les faibles atteintes nerveuses contrastant avec le degré de compression : la lenteur de croissance de la tumeur, les traumatismes nerveux répétés [3] qui créeraient des hémorragies intraneurales ou réactiveraient des virus par frottement du nerf contre l’ostéome. Les localisations des ostéomes les plus retrouvées dans la littérature sont le méat acoustique externe ou la corticale mastoïdienne, les os de la face et la mandibule [2]. Le diagnostic est établi sur les caractéristiques radiologiques : tumeur osseuse homogène, pédiculée, souvent solitaire, focale et dans une suture osseuse [3], la lésion est condensante bien limitée, arrondie ou polylobée. Il s’agit d’une tumeur bénigne de croissance lente, constituée de tissu osseux bien différencié, cortical ou spongieux : foyers d’ossification métaplasique réactionnelle. Les diagnostics différentiels sont une sténose [4] ou une exostose du méat acoustique interne [2,3] et plus généralement les autres lésions atteignant le tissu osseux : la maladie de Paget, la dysplasie fibreuse, l’otosclérose et l’ostéite de la pyramide pétreuse. Les autres tumeurs présentes dans le méat acoustique interne [4] sont le neurinome du nerf acoustique ou le neurinome du nerf facial, le méningiome, les kystes épidermoïde ou arachnoïdien, les lipomes, le neurofibrome du nerf acoustique ou du nerf facial, les métastases leptoméningées. On peut aussi retrouver des tumeurs extradurales débordant dans le méat acoustique interne. Les différents types de séquences d’IRM permettent d’en évoquer le diagnostic. Une biopsie à visée histologique peut confirmer le diagnostic d’ostéome mais se revèle dangereuse dans la localisation du méat acoustique interne. Par conséquent, les caractéristiques radiologiques sont déterminantes. Le traitement est soit purement symptomatique soit chirurgical. Certaines équipes pratiquent en effet une chirurgie décompressive avec ablation de l’ostéome par voie de la fosse moyenne ou voie sus-pétreuse [1] ou voie rétrosigmoïde [2]. La voie sus-pétreuse permet une exposition directe de la totalité du méat acoustique interne mais présente un risque d’atteinte du nerf facial. Elle est à notre avis

19 à privilégier en cas de décision chirurgicale et doit être réalisée sous monitoring continu du nerf facial et si possible, en cas d’audition utile, aidée par un monitorage du nerf auditif par des potentiels évoqués auditifs ou produits de distorsion ; une information précise et argumentée sur les risques opératoires potentiellement graves dans cet environnement anatomique doit alors être fournie au patient. Cependant, dans la majorité des cas, l’accroissement lent de cette tumeur, les résultats semblent-ils volontiers incomplets de la chirurgie [5] et sa lourdeur, militent en faveur d’une abstention chirurgicale. Cependant, en cas de vertiges associés invalidants, certaines équipes pratiquent une section du nerf vestibulaire [3], tandis que d’autres comme Ramsay et Brackmann [1] et Gerganov et al. [2] ont montré l’efficacité d’une chirurgie décompressive exclusive sur le syndrome vertigineux. L’âge de découverte et le souhait du patient sont évidement à considérer dans l’éventuelle indication chirurgicale. Dans le cas présent, aucune indication chirurgicale n’a été retenue en raison de symptômes non invalidants ou contrôlés (spasme de l’hémiface) de l’âge de la patiente et de son désir de poursuivre la surveillance.

Conclusion L’ostéome du méat acoustique interne est une entité à part dans les ostéomes du massif facial. Le diagnostic est porté soit de fac ¸on fortuite soit en raison de l’existence d’une symptomatologie cochléovestibulaire et/ ou faciale. Le diagnostic repose sur l’IRM et le scanner. Un éventuel traitement chirurgical ne doit être décidé qu’après en avoir soigneusement mesuré les avantages et les inconvénients.

Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.

Références [1] Ramsay HAW, Brackmann DE. Osteoma of the internal auditory canal, a case report. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1994;120:207—8. [2] Gerganov VM, Samii A, Paterno V, Stan AC, Samii M. Bilateral osteomas arising from the internal auditory canal: case report. Neurosurgery 2008;62:528—9. [3] Vrabec JT, Lambert PR, Chaljub G. Osteoma of the internal auditory canal. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2000;126:895—8. [4] Girard N, Magnan J, Caces F, Chays A, Raybaud C. Imagerie de l’angle pontocérébelleux et du conduit auditif interne normal et pathologique. EMC Otorhinolaryngologie 1998, 20-047-A80. [5] Marsot-Dupuch K, Portier F, Quillard J, Gayet-Delacroix M. Imagerie des tumeurs de l’oreille. EMC Otorhinolaryngologie 2004, 20-047-A70.