Ostéome ostéoïde du talus et kyste osseux essentiel du calcanéus homolatéral. Une association rare

Ostéome ostéoïde du talus et kyste osseux essentiel du calcanéus homolatéral. Une association rare

Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94, 96—99 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com FAIT CLINIQUE Ost...

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Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94, 96—99 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

FAIT CLINIQUE

Ostéome ostéoïde du talus et kyste osseux essentiel du calcanéus homolatéral. Une association rare Osteoid osteoma of the talus and simple bone cyst of the homolateral calcaneus. A rare association S. Jerbi Omezzine a,∗, C. Hafsa b, H. Ben Ghozlane c, H.A. Hamza a, N. Sassi c, A. Gannouni b a

Service d’imagerie médicale, CHU Taher Sfar, 5100 Mahdia, Tunisie Service d’imagerie médicale, CHU Fattouma Bourguiba, 5000 Monastir, Tunisie c Service d’orthopédie, CHU Taher Sfar, 5100 Mahdia, Tunisie b

Acceptation définitive le : 24 octobre 2007 Disponible sur Internet le 1 f´ evrier 2008

MOTS CLÉS Ostéome ostéoïde ; Kyste osseux essentiel ; Pied ; Imagerie



Résumé L’ostéome ostéoïde et le kyste essentiel siégent volontiers au niveau des os longs mais peuvent se voir au niveau des os courts du pied. L’association de ces deux tumeurs au niveau du même pied est inhabituelle. Nous rapportons une association d’un ostéome ostéoïde du talus et d’un kyste essentiel du calcanéus au niveau de l’arrière pied gauche chez une adolescente de 15 ans, ayant consulté pour douleurs inflammatoires nocturnes de l’arrière pied gauche évoluant depuis quatre mois. L’examen clinique était normal. Les radiographies standard avaient montré un kyste essentiel simple du calcanéus qui n’expliquait pas les douleurs nocturnes et inflammatoires. Une scintigraphie et une tomodensitométrie du pied gauche avaient décelé un ostéome ostéoïde du talus. Une biopsie exérèse totale de l’ostéome ostéoïde associée à un curetage et comblement par l’os spongieux du kyste essentiel étaient réalisés. La patiente n’avait pas présenté de récidive tumorale avec un recul de trois ans. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Rue Jawhar Sekilli, 5090 Bekalta, Tunisie. Adresse e-mail : [email protected] (S. Jerbi Omezzine).

0035-1040/$ — see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rco.2007.10.012

Association OO—KE

KEYWORDS Osteoid osteoma; Simple bone cyst; Foot; Imaging

97 Summary Osteoid osteoma and simple bone cyst are readily observed in long bones, but are much less common in the short bones of the foot. The association of these two tumors in the same foot is exceptional. We report the case of a 15-year-old girl who presented an osteoid osteoma of the talus and a simple bone cyst of the calcaneus of the left foot. The patient complained of pain in the rear foot for four months which worsened at night and was of the inflammatory type. The physical examination was normal. Standard x-rays revealed a simple bone cyst in the calcaneus which could not explain the nighttime inflammatory pain. Scintigraphy and computed tomography of the left foot revealed an osteoid oseoma of the talus. Biopsy total resection of the osteoid osteoma with curettage and filling with cancellous bone of the simple bone cyst were performed. The patient has been free of recurrence at three years follow-up. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction Le kyste osseux essentiel (KE) est une tumeur osseuse bénigne de l’adulte jeune, siégeant dans 3 % des cas au niveau du calcanéus. Son diagnostic est évident sur les clichés standards dans la grande majorité des cas [1]. L’ostéome ostéoïde (OO) est une tumeur osseuse bénigne relativement fréquente du sujet jeune touchant rarement le pied [2,3]. Sa mise en évidence par les clichés standard n’est pas toujours facile et nécessite le recours à l’imagerie en coupe [4,5]. Nous rapportons les différents aspects en imagerie d’une association inhabituelle, au niveau du même pied d’un OO du talus et d’un KE du calcanéus lors de l’exploration d’un pied douloureux chez une adolescente.

Observation Une patiente âgée de 15 ans avait consulté pour douleurs inflammatoires nocturnes de l’arrière pied gauche évoluant depuis quatre mois. L’examen clinique était normal. La radiographie de la cheville gauche de profil avait montré une plage d’ostéolyse géographique de 3 cm de grand axe à la jonction grosse tubérosité — grande apo-

Figure 1 Radiographie de la cheville gauche de profil montrant une plage d’ostéolyse géographique à la jonction grosse tubérosité—grande apophyse du calcanéus, à contours nets. La corticale est amincie mais respectée.

physe du calcanéus à contours nets ; la corticale était amincie mais respectée, sans réaction périostée (Fig. 1). Ces constatations n’expliquaient pas la douleur nocturne et inflammatoire. Une scintigraphie était alors réalisée, elle avait décelé la présence d’une hyperfixation isolée en regard de l’arrière pied gauche. La tomodensitométrie (TDM) avait affirmé la nature liquidienne, homogène et bien limitée de la lésion calcanéenne posant le diagnostic de kyste osseux essentiel (Fig. 2). Elle avait également objectivé une géode centimétrique au niveau du talus contenant des calcifications et entourée d’une ostéocondensation évoquant un ostéome ostéoïde du talus (Fig. 3). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) avait montré, sur les séquences pondérées en T1, une formation kystique bien limitée siégeant au niveau du calcanéus gauche en hyposignal homogène associée à un hyposignal hétérogène au niveau du talus (Fig. 4). La séquence suppression de graisse par inversion récupération (STIR) avait démasqué un œdème au niveau du spongieux et des parties molles périlésionnelles (Fig. 5).

Figure 2 TDM en coupe axiale en fenêtre osseuse montrant la nature liquidienne, homogène et bien limitée de la lésion calcanéenne.

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Figure 3 TDM en coupe coronale en fenêtre osseuse montrant la présence d’une géode centimétrique au niveau du col de l’astragale contenant des calcifications et entourée d’une ostéocondensation (flèche).

S. Jerbi Omezzine et al.

Figure 5 Coupe sagittale en séquence STIR montrant un œdème au niveau du spongieux et des parties molles périlésionnelles (flèche).

Après injection intraveineuse de produit de contraste, il y avait un rehaussement de l’OO au niveau du spongieux et des parties molles périlésionnelles témoignant de la réaction inflammatoire périphérique. Le signal du kyste était non modifié. Une biopsie exérèse totale de l’OO par voie d’abord antéro-interne de la cheville et un curetage avec un comblement par de l’os spongieux du KE par voie d’abord externe de l’arrière pied étaient réalisés. L’examen anatomopatho-

Figure 6 Radiographie de la cheville gauche de profil après trois ans de recul : absence de récidive tumorale.

logique avait montré un aspect caractéristique de KE du calcanéus et d’OO du talus. La patiente est toujours suivie en consultation et ne présente pas de récidive tumorale (Fig. 6). Le recul actuel est de trois ans.

Discussion

Figure 4 IRM en pondération T1 dans le plan sagittal montrant une lésion kystique du calcanéum (flèche), et une lésion en hyposignal hétérogène au niveau du talus (flèche fine).

Notre patiente était affectée simultanément par deux tumeurs osseuses bénignes homolatérales : un KE du calcanéus et un OO du talus. La découverte radiologique d’un KE lors de l’exploration d’un pied très douloureux ne doit pas faire arrêter les explorations. Un bilan inflammatoire et une scintigraphie doivent être pratiqué pour ne pas méconnaître une lésion associée qui expliquerait mieux cette douleur. Le KE est une tumeur osseuse bénigne ostéolytique que l’on rencontre très souvent sur la métaphyse des os longs, notamment l’extrémité supérieure de l’humérus chez l’enfant. Sa localisation au niveau du calcanéus est rare

Association OO—KE (3 % des cas) et concerne le plus souvent l’adulte jeune pendant la troisième décennie. La prépondérance masculine est de deux hommes pour une femme [6,7]. Cliniquement, le KE simple est asymptomatique et sa découverte radiologique est alors fortuite. Dans les formes compliquées, la douleur liée à une fracture pathologique constitue le mode de révélation le plus fréquent [1]. Les clichés simples montrent, dans les formes typiques une plage d’ostéolyse centrale de type géographique, à bords nets, avec un liseré de condensation périphérique. La matrice est radiotransparente et homogène sans trabéculation osseuse visible [7]. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic est évident sur les clichés standard et aucune autre technique d’imagerie n’est nécessaire. La TDM est intéressante quand l’âge du patient et la localisation sont inhabituels. Grâce à l’étude des densités, elle affirme le diagnostic de kyste en montrant le contenu liquidien de la lésion et permet le diagnostic différentiel avec d’autres lésions d’aspect similaire en radiographie standard, notamment le lipome dans sa localisation calcanéenne [6,8]. L’IRM, inutile dans les formes typiques, permet de différencier un kyste non compliqué d’un kyste anévrismal constitué de lacs sanguins et des niveaux liquide—liquides [6,8]. La non-concordance entre l’expression clinique très bruyante, le type de la douleur et le KE simple retrouvé sur les radiographies standards, le diagnostic d’un OO doit être suspecté et confirmé par le couple scintigraphie—tomodensitométrie, et par l’examen histologique. L’OO est une tumeur osseuse bénigne, relativement fréquente (12 % des tumeurs osseuses bénignes). Il touche essentiellement le grand enfant et l’adolescent avec une prédominance masculine [4]. L’atteinte se fait préférentiellement sur la diaphyse d’un os long, notamment sur le fémur et le tibia [2]. La localisation au niveau du pied est beaucoup plus rare et représente 2 à 10 % des cas. Au pied, l’atteinte talienne est fréquente [9]. La douleur est le maître symptôme. Cette douleur est très intense, très localisée à recrudescence nocturne. Elle cède habituellement aux anti-inflammatoires non stéroïdes [4]. Sur les radiographies standards, l’image évocatrice de l’OO est une lacune de petite taille toujours inférieure à 1,5 cm, intracorticale, entourée par une ostéosclérose importante. Le nidus peut contenir des calcifications traduisant l’ossification de la matrice ostéoïde dans les lésions anciennes [2]. L’ostéosclérose manque souvent dans la forme intraspongieuse, essentiellement observée sur le rachis et le talus, et peut même siéger à distance du nidus. [3,4]. Contrairement à l’IRM qui a peu d’intérêt dans ce type de tumeur, la TDM en coupes fines jointives constitue la modalité d’imagerie la plus fiable dans le diagnostic d’ OO

99 particulièrement quand la lésion siège dans des zones anatomiques complexes et d’analyse difficile sur les clichés standard [5]. C’était le cas pour notre patiente. La sémiologie tomodensitométrique de l’OO est très évocatrice. L’image du nidus est classiquement une petite hypodensité à contours nets présentant dans 50 % des cas une calcification le plus souvent centrale, à contours réguliers [10]. La TDM joue également un rôle important dans le repérage préopératoire des OO avec le développement des résections percutanées [9]. La scintigraphie est indiquée devant un tableau évocateur alors que les radiographies standards sont interprétées comme normales. Elle montre presque toujours une hyperfixation caractéristique, très localisée [5,10]. Le traitement consiste en une exérèse marginale en bloc du nidus [4].

Conclusion Les associations tumorales sont possibles, leur diagnostic peut être aisé moyennant une stratégie d’imagerie bien codifiée et une sémiologie radiologique assez précise.

Références [1] Chagnon S, Badachi Y, Lacombe P. Kyste osseux solitaire. Encycl Med Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Radiodiagnostic-Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 2002;31-490-A-10:9 p. [2] Mohan R, Karthikeyan R, Wray CC. Osteoid osteoma of the neck of the talus. Foot 2000;10:49—50. [3] Hachem K, Haddad S, Aoun N, Tamraz J, Attalah N. Intérêt de l’IRM dans le diagnostic d’ostéome ostéoïde. J Radiol 1997;78:635—41. [4] Chicoisne MP, Assoun J, Giron J, Railhac JJ. Ostéome ostéoïde. Encycl Med Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Radiodiagnostic-Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 1993;31-482-A-10:7 p. [5] Kumar R, Chandrashekhar N, Dasan JB, Ashok S, Rastogi S, Gupta V, et al. Recurrent osteoid osteoma. A case report with imaging features. Clin Imaging 2003;27:269—72. [6] Stukenborg-Colsman C, Wulker N, Wirth CJ. Cystic bone lesions of the calcaneus and the talus: report of five cases. J Foot Ankle Surg 1999;5:33—8. [7] Weber K. Benign cystic lesions of bone. Curr Orthop 2001;15:51—6. [8] Narvaez JA, Narvaez J, Ortega R, Aguilera C, Sanchez A, Andia E. Painful heel. MR imaging findings. Radiographics 2000;20:333—52. [9] Spencer EE, Beirman JS, Femino JE. Osteoid osteoma of the fifth metatarsal: a case report and literature review. J Foot Ankle Surg 2002;8:71—8. [10] Kransdorf MJ, Stull MA, Gilkey FW, Moser RP. Osteoid osteoma. Radiographics 1991;11:671—96.