Ostéosynthèse des fractures complexes du naviculaire par plaque verrouillée : à propos de dix cas

Ostéosynthèse des fractures complexes du naviculaire par plaque verrouillée : à propos de dix cas

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, S21—S29 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉ...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, S21—S29

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D’ORTHOPÉDIE ET DE TRAUMATOLOGIE DE L’OUEST. RÉUNION DE NANTES, JUIN 2012. MÉMOIRE ORIGINAL

Ostéosynthèse des fractures complexes du naviculaire par plaque verrouillée : à propos de dix cas夽 Internal fixation of complex fractures of the tarsal navicular with locking plates. A report of 10 cases

P. Cronier ∗, J.-M. Frin , V. Steiger , N. Bigorre , A. Talha Département de chirurgie osseuse, CHU d’Angers, LUNAM université, 49933 Angers cedex 9, France

MOTS CLÉS Fracture ; Naviculaire ; Fixateur interne ; TDM

Résumé Introduction. — Les fractures du naviculaire sont rares et les fractures comminutives sont de traitement particulièrement difficile. Depuis 2007, les auteurs disposent de reconstructions TDM en 3D et de plaques verrouillées spécifiques. Ils ont voulu savoir dans quelle mesure ces deux éléments pouvaient améliorer la prise en charge de ces cas graves. Patients et méthode. — Entre 2007 et 2011, dix fractures comminutives du naviculaire ont été traitées en prospectif. Toutes ont eu une TDM 3D, avec suppression du tarse postérieur. Les voies d’abord ont été adaptées à chaque type lésionnel. La réduction articulaire a été faite en s’aidant au besoin d’un mini-distracteur, la fixation réalisée par plaque verrouillée AO (SynthesTM ). Les patients ont été revus avec évaluation clinique (Maryland Foot Score, AOFAS Score) et radiologique. Huit patients ont eu une analyse TDM postopératoire. Résultats. — Tous les patients ont été revus au recul moyen de 20,5 mois. Tous les patients ont consolidé, aucun n’a été arthrodésé. Le Maryland Foot Score moyen était 92,8/100 et l’AOFAS Score 90,6/100. Un patient avec fracture comminutive associée du calcanéus conservait des séquelles minimes d’un syndrome des loges du pied. Discussion. — Les auteurs n’ont retrouvé dans la littérature aucune série mentionnant l’analyse en TDM avec reconstruction 3D des fractures du naviculaire. Les images obtenues après suppression du tarse postérieur, ont permis d’identifier de fac ¸on systématique un fragment plantaire latéral solidaire du ligament calcanéonaviculaire plantaire, essentiel pour la stabilité et d’en déduire des manœuvres de réduction. La fixation de ces fractures par plaque verrouillée n’a pas été rapportée.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.03.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Cronier). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.03.001

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P. Cronier et al. Conclusion. — Les fractures comminutives du naviculaire peuvent être traitées efficacement avec une imagerie adaptée et particulièrement des reconstructions TDM 3D pour choisir la voie d’abord et les manœuvres de réduction. La plaque verrouillée pour naviculaire semble être une solution satisfaisante pour le traitement de ces fractures particulièrement difficiles. Niveau de preuve. — IV. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction Les fractures du naviculaire sont rares [1], mais peuvent avoir des conséquences graves compte tenu du rôle essentiel de l’articulation talonaviculaire. Cette articulation est associée à l’articulation subtalaire pour former l’acétabulum pedis [2], qui conditionne les mouvements de l’ensemble du pied. Le « bloc calcanéo-pédieux » [3] pivote autour de la tête du talus au niveau de l’acétabulum pedis, ou coxa pedis. L’articulation talonaviculaire est la plus mobile des articulations du médio-pied [4]. Les fractures comminutives sont de traitement particulièrement difficile et si l’ostéosynthèse est impossible, certains auteurs recommandent même une arthrodèse de première intention ou secondaire [1,5]. La nécrose avasculaire partielle ou avec collapsus secondaire est fréquente après fracture du naviculaire [1,5]. Depuis 2007, nous réalisons nous-mêmes, des reconstructions en 3D à partir des coupes tomodensitométriques (TDM) et disposons de plaques verrouillées spécifiques pour fractures du naviculaire1 . Nous avons voulu savoir si l’imagerie 3D permettait une planification chirurgicale adaptée pour obtenir une réduction optimale et si l’utilisation de plaques verrouillées permettait une fixation stable en diminuant le risque de nécrose.

Patients et méthodes Entre 2007 et 2011 nous avons traité en prospectif dix fractures comminutives du naviculaire par plaque verrouillée, chez dix hommes d’âge moyen 29 ans (Tableau 1). Toutes les fractures ont bénéficié d’une analyse TDM préopératoire avec reconstructions 3D et suppression du tarse postérieur pour parfaitement visualiser les différents composants fracturaires. Les patients étaient ensuite opérés avec des voies d’abord adaptées à chaque type lésionnel. La capsule articulaire était ouverte du côté du talus pour respecter au maximum la vascularisation du naviculaire (Fig. 1). La réduction articulaire a été faite (Fig. 2) en s’aidant six fois d’un minidistracteur entre la tête du talus et un des os cunéiformes (médial : trois fois, intermédiaire : deux fois et latéral : un fois). Après désimpaction et fixation provisoire des fragments intermédiaires par broches sous contrôle de la vue, la réduction finale du massif articulaire reconstruit contre le fragment plantaire latéral était obtenue en relâchant la traction et en utilisant un davier réducteur à pointes,

1

Plaque verrouillée pour naviculaire SynthesTM , Synthes — France, DepuySynthes, Johnson & Johnson company, 1078, avenue Oehmichen, 25460 Étupes, France.

la pointe plantaire étant glissée sous le naviculaire au-dessus des tendons fléchisseurs (Fig. 3), et la pointe dorsale, en dorsomédial ou en dorsolatéral en fonction du type de fracture. Cette réduction était obtenue sous contrôle fluoroscopique. La fixation était ensuite assurée avec la plaque verrouillée (Fig. 4). La plaque était positionnée en dorsal, dorsomédial ou dorsolatéral en fonction du type fracturaire. Elle était glissée sous les parties molles, sans dégager le périoste dorsal pour respecter au maximum la vascularisation. Sur cette plaque les vis sont perpendiculaires à la plaque mais la plaque doit être modelée et recoupée à la longueur adaptée. Le cintrage de la plaque est nécessaire pour que les vis soient correctement dirigées. Les vis les plus proches de l’articulation talonaviculaire étaient dirigées légèrement obliquement vers l’avant pour éviter une pénétration articulaire à travers cette surface très concave (Fig. 5). Les vis les plus distales étaient au contraire, dirigées légèrement obliquement vers l’arrière pour atteindre le(les) fragment(s) plantaire(s) à proximité de la surface articulaire. Dans un cas d’une fracture-luxation avec une très importante comminution plantaire, les vis les plus médiales ont été dirigées vers le cuboïde dans lequel elles ont pénétré sur quelques millimètres pour obtenir une stabilité suffisante. Aucun brochage complémentaire talonaviculaire n’a été réalisé. Un contrôle TDM postopératoire était réalisé huit fois sur dix. Une immobilisation complémentaire par attelle puis botte était réalisée dans tous les cas. La reprise progressive de l’appui était autorisée à six semaines sauf dans un cas (deux mois) en raison de lésions associées.

Figure 1 Coupe sagittale tomodensitométrique (TDM) en fenêtre « parties molles » d’une fracture-luxation du naviculaire. L’abord (flèche) est fait en ouvrant la capsule articulaire du côté du talus pour préserver la vascularisation du naviculaire.

Résumé des données.

No

Âge

Mécanisme

Suivi (mois)

Sangeorzan

Lésions associées

Abord

Démontage

Ablation du matériel

Arthrose talonaviculaire

Nécrose

Maryland Foot Score

AOFAS

1 2 3 4

49 20 17 25

Moto Écrasement Moto Moto

25 49 33 6

Type Type Type Type

Simple Simple Simple Simple

Non Non Vis cassée Non

Non Non Oui Non

Non Non Oui Non

Partielle Non Non Non

93 100 90 95

95 100 87 90

5 6 7

30 37 21

Moto Moto Chute

21 20 17

Type 3 Type 3 Type 3

Simple Double Double

Non Non Non

Non Non Non

Non Non Non

Non Non Non

95 82 89

90 87 87

8 9 10 Moyenne Variation

24 53 34 31 20—53

Moto Vélo Vélo

12 12 10 20,5 6—49

Type 2 Type 3 Type 2

Talus Non Calcanéus Calcanéus, talus Non Non Talus, pilon, Lisfranc Lisfranc Non Cuboïde

Double Double Double

Non Non Non

Non Non Non

Non Non Non

Non Non Non

95 94 95 92,8 82—100

90 90 90 90,6 87—100

3 3 3 3

Ostéosynthèse des fractures complexes du naviculaire par plaque verrouillée

Tableau 1

S23

S24

P. Cronier et al.

Figure 2 Différentes étapes de l’ostéosynthèse : a : état initial ; b : la distraction permet la réduction de l’impaction sous contrôle visuel ; c : la réduction finale est assurée par un davier dorsoplantaire sous contrôle fluoroscopique.

Les patients ont bénéficié au recul, d’une évaluation clinique (Maryland Foot Score [6] AOFAS Midfoot Score [7]) et radiologique.

Résultats

Figure 3 Reconstruction tomodensitométrique (TDM) en 3D avec visualisation partielle des tendons, sur laquelle on a superposé l’image d’un davier à pointes dorsoplantaire. Il n’y a pas de risque pour les éléments nobles si on reste au contact de l’os au-dessus des tendons fléchisseurs.

Figure 4

Plaque verrouillée pour naviculaire SynthesTM .

L’étude TDM avec reconstructions 3D et suppression du calcanéus (Fig. 6) a permis de retrouver de fac ¸on constante un fragment plantaire et latéral plus ou moins volumineux, toujours en place, même dans les fractures-luxations (six cas). Ce fragment comportait une excroissance plus ou moins marquée, le « bec » du naviculaire de Sarrafian [2]. La localisation de la comminution faisait choisir un abord en regard de cette comminution, éventuellement associé à un contre abord. Les voies d’abord étaient adaptées au type lésionnel : dorsomédiale : trois fois, dorsale pure : deux fois, et double, médiale et dorsolatérale : cinq fois. Aucune greffe n’a été utilisée sur le naviculaire. La réduction était jugée anatomique sur les clichés standard des deux patients qui n’avaient pas eu de contrôle TDM. Pour les huit patients ayant eu un contrôle TDM, la réduction était anatomique : quatre fois, et presque anatomique (marche ou bascule entre 1 et 2 mm sur un fragment intermédiaire de moins de 7 mm de large) : quatre fois. Dans les suites opératoires il n’y a pas eu d’infection, ni de problèmes vasculaires ou nerveux. Un syndrome des loges du pied dans le cadre d’un traumatisme complexe de l’arrière pied a nécessité une fasciotomie dorsale. Tous les patients ont été revus au recul moyen de 20,5 mois (6—49). Il n’y a eu aucun déplacement secondaire. L’analyse des radios ne montrait qu’une seule vis cassée sur l’ensemble de la série. Toutes les fractures étaient consolidées, aucune n’avait nécessité d’arthrodèse secondaire. La

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Figure 5 Coupes tomodensitométriques (TDM) sagittales postopératoires. Les vis proximales sont dirigées obliquement en avant pour éviter une pénétration articulaire. Les vis distales obliquement vers l’arrière pour atteindre le fragment plantaire.

reprise de travail avait été possible en moyenne à 4,5 mois (3—6) pour les neuf patients concernés (1 inactif). Le Maryland Foot Score moyen était à 92,8/100 (82—100) et le score AOFAS à 90,6/100 (87—100). Le patient pour lequel il avait été nécessaire de diriger les vis les plus médiales jusque dans le cuboïde (cas no 5 du Tableau 1), présentait un Maryland Foot Score à 95/100 et un AOFAS score à 90/100. La mobilité de son couple de torsion était normale, symétrique de celle du côté sain. Aucun patient ne présentait de collapsus secondaire par ostéonécrose mais un patient présentait une augmentation de la densité osseuse sur la partie latérale du naviculaire correspondant probablement à une nécrose partielle. Il présentait une discrète ostéophytose dorsale mais l’articulation était strictement indolore et la mobilité du couple de torsion était absolument symétrique. Un patient qui avait présenté un traumatisme complexe de l’arrière pied avec fracture complexe du calcanéus associée et compliquée de syndrome des loges du pied, présentait un interligne légèrement irrégulier, sans pincement mais avec une réaction ostéophytique. Il était bien axé, indolore, mais très enraidi.

Discussion L’analyse des reconstructions TDM en 3D a été pour nous un élément essentiel de la technique. Les coupes simples habituelles dans les trois plans sont déjà informatives par rapport aux radiographies standard, cependant, du fait de la concavité de la facette articulaire et compte tenu du déplacement, il est difficile d’avoir sur une même coupe tous les éléments utiles. Avec la reconstruction 3D et la suppression du talus, nous avons pu clairement mettre en évidence le fragment plantaire latéral (Fig. 6), constant, comportant le bec du naviculaire, qui était resté en place, y compris dans les fractures-luxations. Cela s’explique par l’insertion à ce niveau d’un faisceau du ligament

calcanéonaviculaire inférieur. Sur une dissection (Fig. 7), on individualise clairement ce faisceau ascendant, tendu entre le tubercule calcanéen et le bec du naviculaire. Ce faisceau n’a jamais été vraiment décrit à notre connaissance. Il n’en est pas fait mention dans l’article pourtant très détaillé de Taniguchi et al. [8]. Implicitement, le ligament calcanéonaviculaire plantaire ou spring ligament n’a été étudié jusqu’à présent que dans le cadre de son rôle stabilisateur de la tête du talus au niveau de l’acétabulum pedis et donc avec des dissections localisées à l’acétabulum pedis. Son rôle de stabilisation en traumatologie n’a jamais été évoqué à notre connaissance. Nous considérons pourtant qu’il s’agit d’un élément essentiel à prendre en compte, particulièrement dans les fractures-luxations. En cherchant systématiquement à obtenir une prise avec une ou plusieurs vis dans ce fragment, nous n’avons jamais eu de déplacement secondaire dans cette série. Il a toujours été possible d’obtenir une stabilité satisfaisante même en cas de fracture-luxation. Une seule fois, il a été jugé prudent d’étendre le vissage médial jusque dans le cuboïde, car le fragment plantaire latéral était très comminutif. Il n’a jamais été nécessaire de réaliser un brochage talonaviculaire comme cela est parfois recommandé en cas de lésions instables [1]. La plaque verrouillée avec les vis correctement positionnées assure donc une fixation stable. Lorsque ce fragment est volumineux, débordant en dorsal le cuboïde, il peut être facile d’obtenir la réduction avec un davier à pointes dorsal. Lorsqu’il est de petite taille, nous avons découvert qu’il était possible d’utiliser un davier dorsoplantaire, dont la pointe plantaire est glissée par l’incision médiale jusqu’au bec du naviculaire, en passant sous le tendon du tibial postérieur, au-dessus des tendons du long fléchisseur commun et du long fléchisseur de l’hallux, donc à distance des éléments nobles (Fig. 3). Cela nous a conduit à trois types de voie d’abord (Fig. 8). Si le fragment plantaire médial est volumineux, il est possible de se contenter d’une voie d’abord dorsale centrée sur la zone de comminution. S’il est de petite taille, un abord

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P. Cronier et al.

Figure 6 Six exemples de fractures comminutives du naviculaire avec reconstructions tomodensitométriques (TDM) 3D et suppression du tarse postérieur. Noter la présence constante d’un fragment plantaire latéral non déplacé au contact du cuboïde.

médial est nécessaire pour utiliser le davier dorsoplantaire. Si une comminution dorsolatérale est associée, il faut faire un abord dorsolatéral associé pour réaliser la réduction sous contrôle visuel. Cette étude porte sur un petit nombre de cas, mais les fractures du naviculaire sont rares [1]. Nous n’avons inclus dans cette série que les fractures comminutives, les fractures simples étant traitées par vissage et/ou haubanage. Le recul n’est pas important (20,5 mois) mais l’étude la plus récente retrouvée dans la littérature [9] rapporte un recul de 16 mois (2—72). Notre patient qui a seulement six mois de recul est un marginal qui ne s’est pas présenté aux convocations ultérieures. Il avait des douleurs « météorologiques », marchait normalement, avec un couple de torsion à deux

tiers et un saut unipodal possible. L’articulation talonaviculaire était normale à la radiographie. Avant les 20 cas d’ostéosynthèse par vis et broches de Sangeorzan et al. [1], seuls, quatre cas d’ostéosynthèse du naviculaire avaient été rapportés. Encore récemment, des techniques de brochage additionnel [10] ou de pontage temporaire par plaque sur la colonne médiale [11] ou fixateur externe [12] ont été publiées comme case reports. La seule série d’ostéosynthèses par plaques publiée rapportait les résultats de 24 cas retenus sur 30, en six ans [9]. Il s’agissait de plaques conventionnelles pour mini-fragments (série 2,0 ou 2,4, droites ou en T). La série comportait 16 cas de fractures comminutives (type 3 de Sangeorzan) [1] parmi lesquels quatre avaient développé une arthrose, dont une

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Figure 7 Dissection d’un arrière pied avec ablation du cuboïde et des cunéiformes : a : vue antérieure ; b : vue antérolatérale. Le faisceau inférieur du ligament calcanéonaviculaire plantaire est clairement individualisé.

avec collapsus osseux par nécrose. Un double abord avait été réalisé dans la moitié des cas. Les auteurs précisaient avoir préféré ce risque de dévascularisation supplémentaire à une réduction insuffisante. Nous pensons que l’utilisation

d’une plaque verrouillée permet de diminuer ce risque vasculaire dans la mesure où la plaque est glissée sous les parties molles, sans dépériostage. Nous n’avons qu’un seul cas de nécrose partielle asymptomatique. Dans une série

Figure 8 Choix de la voie d’abord en fonction de la tomodensitométrique (TDM) 3D : a : abord dorsal pur ; b : en cas de comminution médiale un abord médial est nécessaire pour le contrôle articulaire et pour l’utilisation du davier dorsoplantaire ; c : en cas de comminution dorsolatérale un abord dorsolatéral est nécessaire pour le contrôle articulaire, associé à un abord médial pour l’utilisation du davier dorsoplantaire.

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P. Cronier et al.

Figure 9 Cas no 7 du Tableau 1 : fracture-luxation du naviculaire associée à une fracture-luxation du Lisfranc et à des fractures partielles du talus et du pilon. Ce cas correspond aux images des Fig. 5 et 8c ; b : contrôle à 17 mois : Maryland Foot Score à 89/100 ; AOFAS Midfoot Score à 87/100.

plus ancienne et malgré des précautions pour limiter la dévascularisation, Sangeorzan et al. [1] retrouvaient six cas de nécrose avasculaire sur 21 ostéosynthèses par vis. Ils retrouvaient une augmentation de la densité osseuse, partielle dans quatre cas et totale dans deux cas, dont un avec collapsus osseux. Une plaque verrouillée ne peut pas être considérée comme moins délétère qu’un vissage simple sur le plan de la vascularisation osseuse. En revanche, nous pensons qu’une meilleure appréciation de la morphologie par l’imagerie 3D permet d’avoir les gestes les plus efficaces sans dévascularisation inutile. Sangeorzan et al. [1] n’avaient pas d’imagerie TDM et avaient utilisé systématiquement un abord antéromédial isolé. Cependant, dans une publication ultérieure [13], ils proposaient l’adjonction d’un abord antérolatéral en cas de visualisation insuffisante. Nous pensons que la qualité de la réduction est un élément essentiel. Dans notre série, il a toujours été possible de restaurer la longueur de la colonne médiale sans déplacement secondaire, sans nécessité de greffe associée. La qualité de la réduction articulaire a été jugée optimale six fois et acceptable quatre fois. Nous pensons que la qualité de réduction est influencée par plusieurs facteurs : • la qualité de l’imagerie permettant la planification ;

• l’utilisation peropératoire d’un mini-distracteur particulièrement utile pour obtenir un contrôle visuel direct de la réduction des fragments intermédiaires. Nous l’avons utilisé dans deux tiers des cas. Il est recommandé par plusieurs auteurs [1,5,9,14] ; • l’utilisation d’un davier à pointes, dorsoplantaire qui a été pour nous un élément déterminant pour obtenir la réduction finale dans deux tiers des cas. L’utilisation d’un davier à pointes est parfois mentionnée dans la littérature [1,5,9,14], mais son utilisation en dorsoplantaire n’a jamais été décrite à notre connaissance.

Conclusion Il est possible d’obtenir de bons résultats dans ces fractures rares et difficiles (Fig. 9). Ces bons résultats reposent sur la qualité de la réduction et sur une fixation stable. La planification préopératoire nous paraît indispensable. L’imagerie TDM en 3D est un apport considérable pour cette planification. Le chirurgien doit avoir une part active dans la réalisation des images 3D, en demandant la suppression du tarse postérieur ou au moins du talus, ce qui n’est généralement pas réalisé en routine par les radiologues. En peropératoire, l’utilisation d’un mini-distracteur facilite beaucoup la réduction en cas de comminution articulaire.

Ostéosynthèse des fractures complexes du naviculaire par plaque verrouillée L’utilisation d’un davier dorsoplantaire permet d’achever la réduction contre le fragment plantaire latéral, clé de la stabilité. La plaque verrouillée permet une fixation optimale des fractures complexes, tout en minimisant les risques de dévascularisation.

Déclaration d’intérêts L’auteur principal (P. Cronier) est un ex-membre de la commission Foot and Ankle Expert Group de l’AO-ASIF (Association pour l’étude de l’Ostéosynthèse — Association for the Study of Internal Fixation), à but non lucratif, mais liée avec le producteur SynthesTM . Il est régulièrement invité comme orateur à des cours de l’AO International. Autres auteurs : aucun conflit d’intérêt.

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