Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 407—412 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
LETTRES À LA RÉDACTION Pancytopénie au cours d’un traitement par efalizumab
malade n’était pas traité pour son lymphome lors de la découverte de la pancytopénie. Discussion
Efalizumab-induced pancytopenia ®
L’efalizumab (Raptiva ) est un anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité CD11a de l’intégrine leucocytaire LFA1. Inhibant l’activation et le recrutement des lymphocytes T dans la peau, il est indiqué dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère. L’efalizumab est connu pour induire des thrombopénies dans 0,3 % des cas. Nous rapportons l’observation d’une pancytopénie de survenue brutale sous efalizumab. Observation Un homme âgé de 47 ans, aux antécédents alcoolotabagiques, avait depuis 20 ans un psoriasis étendu associé à un rhumatisme psoriasique. Il avait successivement été traité par rétinoïdes, puvathérapie, méthotrexate, anti-CD4 et ciclosporine, avec un résultat clinique insatisfaisant et une mauvaise tolérance biologique. Alors que le malade était traité depuis 16 mois par efalizumab avec un résultat clinique et des paramètres biologiques corrects, étaient constatées une thrombopénie à 5 × 109 /l, une anémie à 9,8 g/dl et une neutropénie à 1,06 × 109 /l. Le myélogramme et la biopsie ostéomédullaire révélaient une diminution quantitative et qualitative des différentes lignées, sans infiltration médullaire anormale, pouvant être compatible avec une toxicité médicamenteuse (absence d’hémophagocytose). Les lymphocytes CD4 étaient discrètement abaissés, il y avait une cytolyse modérée, une augmentation initiale des LDH (6000 UI/l) et de la ferritine (2384 g/l) avec une hémoglobine glyquée normale. Le reste des examens biologiques (fonction rénale, complément, autoanticorps, bilan d’hémolyse, sérologies virales des hépatites, cytomégalovirus, parvovirus, recherche de mycobactéries) était normal. L’arrêt de l’efalizumab associé à une corticothérapie orale à 1 mg/kg par jour permettait la normalisation en sept jours du taux de plaquettes et de polynucléaires neutrophiles. Le taux d’hémoglobine était à 10 g/dl. Il n’y a pas eu de poussée psoriasique lors de l’arrêt du traitement. Parallèlement, le malade a développé un lymphome B testiculaire de type plasmoblastique avec expression de l’ARN de l’EBV au sein des cellules lymphomateuses. Le
Les effets secondaires hématologiques de l’efalizumab sont rares mais graves, pouvant toucher chaque lignée sanguine. Une origine auto-immune a été suspectée dans quatre cas d’anémie hémolytique et dans neuf cas de thrombopénie au cours du traitement de 3291 malades par efalizumab [1]. Des infections virales ou la prise concomitante de médicaments tels que l’acide valproïque ou la céfalexine, ont également été incriminées dans la survenue de thrombopénies, ce qui n’est pas le cas dans notre observation [2]. Une pancytopénie auto-immune a récemment été rapportée après quatre semaines de traitement avec présence d’anticorps antiplaquettes, d’un test de Coombs positif et d’une dysmyélopoïèse sans insuffisance médullaire, plaidant en faveur d’une origine immunologique, d’autant que l’amélioration a été rapide après arrêt du traitement, associé à une corticothérapie générale et des immunoglobulines intraveineuses [3]. Aucun cas de pancytopénie avec insuffisance médullaire n’a été rapporté en association au lymphome testiculaire. Dans notre cas, la pancytopénie est survenue à la soixante-quatrième semaine de traitement, sans mise en évidence de phénomènes auto-immuns biologiques. Une toxicité directe de l’efalizumab sur les précurseurs des trois lignées médullaires paraît donc plausible. Le mode d’action pourrait être expliqué par la présence de la molécule CD11a, cible de l’efalizumab, à la surface des progéniteurs myéloïdes, lymphoïdes et érythroblastiques, l’expression de cette dernière étant perdue aux stades tardifs de la différenciation des érythrocytes [4]. Il n’a été rapporté aucun cas similaire dans la littérature. En conclusion, le suivi régulier de la numération formule sanguine au cours du traitement par efalizumab reste donc plus que jamais recommandé afin de dépister au plus tôt des effets secondaires potentiellement graves et nécessitant l’arrêt du traitement. Références [1] Scheinfeld N. Efalizumab: a review of events reported during clinical trials and side effects. Expert Opin Drug Saf 2006;5:197—209. [2] Warkentin TE, Kwon P. Immune thrombocytopenia associated with efalizumab therapy for psoriasis. Ann Intern Med 2005;14:761—3.
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Lettres à la rédaction
[3] Tom WL, Miller MD, Hurley MY, Suneja T, Kudva G, Leornardi CL, et al. Efalizumab-induced auto-immune pancytopenia. Br J Dermatol 2006;155:1045—7. [4] Papayannopoulou T, Brice M. Integrin expression profiles during erythroid differentiation. Blood 1992;79:1686—94.
A. Nosbaum, C. Allombert-Blaise, A. Ly, D. Jullien, M. Faure, A. Claudy ∗ Service de dermatologie, hôpital Edouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, pavillon R, 69437 Lyon cedex 03, France
M. Simon Service de médecine interne, hôpital Edouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, pavillon R, 69437 Lyon cedex 03, France ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Claudy) Rec ¸u le 2 avril 2007 ; accepté le 11 mai 2007
doi: 10.1016/j.annder.2007.05.005
Ochronose exogène chez une Tunisienne Exogenous ochronosis in a female Tunisian patient L’ochronose exogène est une affection cutanée très inesthétique pouvant être en rapport avec l’utilisation prolongée d’hydroquinone. L’application de produits dépigmentants représente dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Sud un véritable phénomène de société. En effet, une proportion importante de la population adulte féminine de ces régions, estimée entre 25 et 67 %, utiliserait ces produits quotidiennement pendant des années [1,2]. En Tunisie, l’utilisation de topiques dépigmentants est essentiellement utilisée pour le traitement du mélasma. L’observation rapportée constitue, à notre connaissance, le premier cas d’ochronose décrit en Tunisie.
Figure 1. Pigmentation grisâtre inhomogène du visage, parsemées de papules discrètement pigmentées et associée à un hirsutisme de la lèvre et du menton.
lactine, la FSH-LH, la 17-OH progestérone étaient normaux. L’examen anatomopathologique du placard pigmenté de la joue mettait en évidence des dépôts pigmentés de couleur ocre du derme moyen associés à un épaississement des fibres de collagène (Fig. 2). Discussion L’ochronose est une entité rare, caractérisée par un dépôt de pigment jaune brun, ocre. Deux formes se distinguent
Observation Une femme âgée de 39 ans, de phototype foncé, sans antécédent pathologique particulier, a consulté en janvier 2006 pour une pigmentation du visage évoluant depuis une vingtaine d’années. L’interrogatoire trouvait la notion d’application quotidienne depuis 1980 d’une crème dépigmentante contenant de l’hydroquinone. L’examen physique notait une pigmentation grisâtre des joues, s’étendant aux régions temporales, parsemées de papules discrètement pigmentées. Les zones périorbitaires, médiofrontale et la pointe du nez étaient épargnées. Il existait également une discrète hypopigmentation prétragienne droite et des sillons nasogéniens ainsi qu’un hirsutisme de la lèvre et du menton (Fig. 1). Le reste de l’examen cutanéomuqueux et somatique était normal. Les examens hormonaux comprenant le dosage de la cortisolémie de base, l’ACTH, la testostéronémie libre et totale, la déhydroépiandrostérone, la 4-androsténedione, la pro-
Figure 2. Examen histologique cutané : fibres collagène œdématiées épaissies prenant par endroit une pigmentation brunâtre (HE × 40).