Péricardites lupiques : prévalence, caractéristiques cliniques et immunologiques

Péricardites lupiques : prévalence, caractéristiques cliniques et immunologiques

Presse Med. 2009; 38: 362–365 ß 2009 Publié par Elsevier Masson SAS. Article original en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sc...

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Presse Med. 2009; 38: 362–365 ß 2009 Publié par Elsevier Masson SAS.

Article original

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Péricardites lupiques : prévalence, caractéristiques cliniques et immunologiques Monia Smiti, Thouraya Ben Salem, Thara Larbi, Amel Braham Sfaxi, Imed Ben Ghorbel, Mounir Lamloum, Mohamed H. Houman

La Rabta Hôpital universitaire de Tunis, Département de médecine interne, Tunis, Tunisie Reçu le 6 mai 2008 Accepté le 27 août 2008

Correspondance :

Disponible sur internet le : 9 janvier 2009

Monia Smiti, La Rabta Hôpital universitaire de Tunis, Département de médecine interne, Tunis, Tunisie. [email protected]

Summary Pericarditis in systemic lupus erythematosus: prevalence and clinical and immunologic characteristics

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Purpose > Our study sought to determine the frequency and clinical and immunologic characteristics of pericarditis in patients with systemic lupus erythematosus (SLE). Methods > We retrospectively analyzed the files of all patients with SLE diagnosed between 1987 and 2005. The study included only those patients who had undergone echocardiography. They were divided in two groups according to whether or not they had pericarditis, and their clinical and immunologic characteristics and outcome were compared. Results > Our records found 180 patients with SLE, 97 of whom had had echocardiography. The frequency of pericarditis was 39%. The average age of the 34 women and 4 men with pericarditis at its onset was 36.4 years. There were 59 SLE patients without pericarditis, 56 women and 3 men with an average age of 28.8 years. Pericarditis was frequently associated with pleural effusions. The prevalence of anticardiolipin antibodies was significantly lower in the group of patients with pericarditis. Conclusion > Pericarditis is the most common cardiac manifestation in SLE. Its frequency in this sample of Tunisian patients was similar to that described in different ethnic groups. The association between pericarditis and pleuritis is standard. Anticardiolipin antibodies,

Résumé Objectifs > Le but de notre étude était de déterminer la fréquence de la péricardite, ses caractéristiques cliniques et immunologiques au cours du lupus érythémateux systémique dans une série de patients tunisiens. Méthodes > Les dossiers des patients atteints d’un lupus érythémateux systémique (diagnostiqués entre 1987 et 2005) ont été analysés rétrospectivement. Nous avons inclus les patients ayant été explorés par une échographie cardiaque. Ces patients ont été répartis en 2 groupes selon l’existence (groupe 1) ou non (groupe 2) d’une péricardite. Nous avons comparé les caractéristiques cliniques, paracliniques et évolutives des 2 groupes. Résultats > Parmi les 180 dossiers inclus, 97 patients ont été explorés par une échographie cardiaque. Une péricardite a été diagnostiquée dans 38 cas (soit 39 % des cas). Le groupe 1 était composé de 34 femmes et 4 hommes d’âge moyen au moment de l’apparition des premières manifestations du lupus de 36,4 ans. Le groupe 2 comportait 56 femmes et 3 hommes d’âge moyen de 28,8 ans. Les deux groupes étaient comparables quant à l’âge de début, le sexe ratio et le délai de diagnostic de la maladie. Les péricardites lupiques étaient plus fréquemment associées aux épanchements pleuraux. La prévalence des anticorps anticardiolipine était plus faible dans le groupe 1. Conclusion > La prévalence de la péricardite dans notre étude était comparable à celles des autres groupes ethniques. L’association péricardite et épanchements pleuraux est classiquement décrite.

tome 38 > n83 > mars 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.08.010

commonly positive in valve diseases, were less frequent in our patients with pericarditis.

Les anticorps anticardiolipine, plus fréquemment associés aux valvulopathies, avaient une prévalence plus faible chez nos patients ayant une péricardite lupique.

L

l’existence (groupe 1) ou non (groupe 2) d’une péricardite. Les patients ayant une autre maladie susceptible de se compliquer d’une péricardite (essentiellement une hypothyroïdie, un état d’anasarque, les causes infectieuses et en particuliers les viroses et la tuberculose) ont été exclus. Tous les patients ont eu un électrocardiogramme et une radiographie du thorax. La recherche des anticorps antinucléaires par immunofluorescence indirecte sur culture de cellules de fois de rat ou sur culture de cellules tumorales Hep-2 a été pratiquée à tous les patients. La recherche des anticorps anti-antigènes nucléaires solubles, anticardiolipine et anti-Bêta2 Glycoprotéine I a été réalisée par la technique ELISA à tous les patients. L’activité de la maladie était déterminée par l’index d’activité du LES (SLEDAI) [6]. Nous avons comparé les caractéristiques cliniques, paracliniques et évolutives des deux groupes au moyen du test de Chi2 corrigé par le test de Fisher et du test de Student.

Méthodes Nous avons étudié rétrospectivement les dossiers des patients atteints d’un LES (ayant au moins 4 des critères de classification de l’American college of rheumatology [5]) et diagnostiqués entre 1987 et 2005. Nous avons sélectionné les patients ayant eu une échographie cardiaque. Depuis 1996, l’échographieDoppler cardiaque avec mesure des pressions artérielles pulmonaires est réalisée systématiquement lors du diagnostique de LES. Avant 1996, l’échographie cardiaque était pratiquée en présence de signes cliniques et/ou électriques évoquant une péricardite ou en présence d’un épanchement pleural à la radiographie du thorax. Ces patients explorés par une échographie cardiaque ont été répartis en deux groupes selon

Ce qui e´tait connu - La péricardite est une manifestation fréquente et souvent révélatrice du lupus érythémateux systémique. - L’association péricardites et épanchements pleuraux au cours du lupus érythémateux systémique est classiquement rapportée et implique un mécanisme physiopathologique commun par le biais d’un dépôt de complexes immuns dans les séreuses.

Ce qu’apporte l’article - La prévalence des anticorps anticardiolipine étaient plus faible chez nos patients ayant une péricardite lupique. - Cette constatation n’a pas été rapportée dans d’autres groupes ethniques.

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Résultats Parmi les 180 patients atteints d’un LES, 97 ont été explorés par une échographie cardiaque. La fréquence de la péricardite dans notre série était de 39 % (38 patients). La péricardite était révélatrice du LES dans 5 cas (2,7 %). Un cas de tamponnade, révélatrice de la maladie, a été observé parmi les 180 patients. Le groupe 1 était composé de 34 femmes et 4 hommes d’âge moyen au moment de l’apparition des premières manifestations du LES de 36,4 ans. Le délai du diagnostic de LES dans ce groupe était de 16,28 mois. La péricardite se traduisait par une dyspnée dans 10,5 % des cas et une douleur thoracique dans 15,7 % des cas. Un microvoltage a été objectivé à l’électrocardiogramme dans 31,5 % des cas et des troubles diffus de la repolarisation dans 23,6 % des cas. Dans 52,6 % des cas, la péricardite était de découverte fortuite à l’échographie cardiaque faite à titre systématique. Le groupe 2 comportait 59 patients (56 femmes et 3 hommes) d’âge moyen au début de la maladie de 28,8 ans. Le délai du diagnostic de LES était de 20,32 mois. Les 2 groupes étaient comparables quant à l’âge, le sexe ratio et le délai du diagnostic de la maladie. Les fréquences cumulées des différentes manifestations cliniques apparues à un moment ou un autre de l’évolution de la maladie, des patients des deux groupes, sont dans le tableau I. Le groupe des patients ayant une péricardite lupique avait une

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a péricardite est la manifestation cardiaque la plus fréquente au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Cette fréquence varie entre 20 et 46 % selon le groupe ethnique étudié et la pratique systématique ou non de l’échographie cardiaque [1–4]. Le but de notre étude était de déterminer la fréquence de la péricardite au cours du LES à travers une série de patients tunisiens et d’identifier d’éventuelles particularités cliniques et/ou immunologiques des patients lupiques ayant cette manifestation.

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Péricardites lupiques : prévalence, caractéristiques cliniques et immunologiques

M Smiti, TB Salem, T Larbi, AB Sfaxi, IB Ghorbel, M Lamloum, et al.

Tableau I Comparaison des fréquences cumulées des manifestations cliniques entre les 2 groupes Groupe 1 % n = 38

Groupe 2 % n = 59

P

Manifestations cutanées

73,60

79,66

NS

Manifestations articulaires

84,20

81,13

NS

Manifestations rénales

50,00

44,06

NS NS

Manifestations cardiaques autres que les péricardites

7,89

6,77

Atteintes vasculaires

13,15

11,86

NS

Épanchements pleuraux

55,26

16,94

<0.000078

Manifestations neurologiques

26,31

30,50

NS

Atteintes hématologiques

76,31

86,44

NS

Manifestations digestives

15,78

32,20

NS

Tableau II Comparaison des fréquences cumulées des anomalies immunologiques des 2 groupes Groupe 1 % n = 38

P

100

NS

Anticorps anti-DNA

63,15

62,71

NS

Anticorps anti-Sm

44,73

47,45

NS

Anticorps antihistone

13,15

11,86

NS

Anticorps anti-SSA

23,68

23,72

NS

Anticorps anti-SSB

23,68

11,86

NS

Anticorps anticardiolipine

21,05

49,15

0.0022

Anticorps anti ˘b2 glycoprotéine I

10,52

8,47

NS

Anticorps anti-nucléaires

fréquence significativement plus élevée des épanchements pleuraux (55,2 % vs 16,9 %, p < 0.001). Les fréquences cumulées des principales anomalies immunologiques observées à un moment ou un autre de l’évolution de la maladie dans les 2 groupes sont dans le tableau II. La comparaison des 2 groupes au plan immunologique a montré une prévalence des anticorps anticardiolipine significativement plus faible en cas de péricardite associée (21 % vs 89 %, p = 0.04) alors qu’il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes concernant la positivité des anticorps anti b2GPI ni la coexistence d’un syndrome des anti-phospholipides (10,52 % vs 11,86 %). La moyenne du score SLEDAI, calculé au moment du diagnostic, était comparable entre les 2 groupes (12,57 vs 14,05). La fréquence des complications infectieuses était plus élevée dans le groupe des patients ayant une péricardite sans que la

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Groupe 2 % n = 59

100

différence ne soit statistiquement significative (47,36 % vs 33,89 %). Le taux de mortalité était comparable dans les 2 groupes (13,15 % vs 13,55 %).

Discussion La péricardite est une manifestation fréquente au cours du LES et qui peut révéler la maladie dans 10 à 40 % des cas selon les groupes étudiés [7,8]. Dans notre série la péricardite était moins fréquemment révélatrice de la maladie (2,7 % des cas). Cet épanchement est habituellement de faible abondance, non compressif, latent de découverte le plus souvent systématique et généralement corticosensible. Dans notre série, la fréquence de la péricardite était de 39 %, comparable à celles décrites dans les études portant sur d’autres groupes ethniques (entre 20 et 46 %) [1–4]. Etant donné que l’échographie cardiaque n’était pas de pratique tome 38 > n83 > mars 2009

systématique notamment en ce qui concerne les patients diagnostiqués entre 1987 et 1996 et que l’épanchement péricardique au cours du LES est souvent latent, la fréquence de la péricardite dans notre série est probablement sous estimée. Une association significative des péricardites aux épanchements pleuraux était classiquement rapportée dans la littérature [2] et également notée dans notre étude. Cette association peut être expliquée par l’hypothèse d’un mécanisme immunologique commun par le biais d’une activation du système du complément favorisant le dépôt de complexes immuns au niveau de la plèvre et du péricarde [2]. L’association fréquente aux manifestations articulaires, notamment les arthrites, classiquement rapportée dans la littérature [2], n’a pas été observée dans notre série. Cette association a été expliquée par un dépôt de complexes immuns au niveau de la synoviale comme cela a été décrit au niveau des séreuses. Dans notre étude, les fréquences des autres manifestations cliniques de la maladie dans les deux groupes étaient comparables à celles décrites dans les autres groupes ethniques. La prévalence des anticorps anticardiolipine dans notre série était significativement plus faible chez les patients ayant une péricardite lupique. La plupart des études confirment la corrélation entre les anticorps anti phospholipides et les atteintes cardiaques à type de valvulopathies et/ou de dysfonction du ventricule gauche [3,9–15], certains trouvent même une association avec une atteinte des coronaires [13] mais peu de

données existent concernant leur association avec les péricardites. Ce rôle « protecteur » des anticorps anticardiolipine n’a pas été rapporté dans d’autres publications. Nous ne disposons pas d’explication rationnelle face à cette constatation. Il serait probablement utile de confirmer cette hypothèse en recherchant systématiquement les anticorps anticardiolipine lors de la découverte de la péricardite. Les complications de la péricardite étaient exceptionnelles dans notre série, en effet un seul cas de tamponnade a été noté et aucune péricardite chronique constrictive n’a été diagnostiquée. La tamponnade a été rarement rapportée dans la littérature (2,5 % parmi 395 patients lupiques [16] et 11 parmi 1332 patients soit 0,8 % [1]). La péricardite constrictive était exceptionnelle [16] et reste la complication la moins fréquente (1 cas parmi les 1332 patients soit une fréquence inférieure à 0,1 % [1]). Les complications infectieuses n’étaient pas plus fréquentes dans le groupe de patients ayant une péricardite confirmant que les péricardites se compliquaient exceptionnellement de surinfection comme le rapportaient la plupart des auteurs (5/1332 patients : 0,4 % [1]). Il n’y avait pas de différence significative concernant le taux de mortalité chez les patients ayant ou non une péricardite. La plupart des auteurs s’accordent sur le caractère « bénin » de la péricardite au cours du LES et sa corticosensibilité.

Article original

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Conflits d’intérêts : aucun

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