Peut-on mesurer l’utilisation de la contention lors des soins douloureux en pédiatrie ?

Peut-on mesurer l’utilisation de la contention lors des soins douloureux en pédiatrie ?

Table ronde Soins douloureux du quotidien à la maltraitance Peut-on mesurer l’utilisation de la contention lors des soins douloureux en pédiatrie ? B...

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Table ronde Soins douloureux du quotidien à la maltraitance

Peut-on mesurer l’utilisation de la contention lors des soins douloureux en pédiatrie ? B. Lombarta, *, D. Annequina, P. Cimermanb, P. Martreta, A.-C. Chary-Tardya, B. Tourniairea, M. Galinskib aUnité

fonctionnelle de lutte contre la douleur, AP-HP, Hôpital Armand Trousseau, Paris, France national de lutte contre la douleur, AP-HP, Hôpital Armand Trousseau, Paris, France

bCentre

L’univers de l’enfant et celui des soins ne sont a priori, pas compatibles. Le jeune enfant incapable de rationnaliser les soins prodigués, inquiet de se retrouver dans un monde inconnu, n’est pas naturellement enclin à accepter les soins. Ce constat introduit la problématique de la contention lors des soins. Le jeune enfant est incapable de comprendre pourquoi des soins, des actes sont réalisés. Les soignants se retrouvent souvent face à un enfant opposant, qui s’agite, qui se débat, le recours à la contention physique est alors la «  seule solution  » pour réaliser le soin. L’usage courant voire banal de la force pour faire des soins en pédiatrie est évoqué depuis peu dans la littérature ; l’induction anesthésique de l’enfant a donné lieu aux premiers questionnements éthiques et cliniques  [1-3]. L’utilisation du terme « brutacaïne » dans les services d’urgence évoque bien la brutalité de cette contention [5-7]. Ce phénomène sort aujourd’hui de la seule perception empirique. Cette question est même désormais envisagée d’un point de vue épidémiologique. En  1999 (étude publiée en  2010) pendant 1  an, 433  épisodes (8,6 %) d’agitation ont été observés sur 5045 procédures (malgré un protocole de sédation) à l’hôpital d’enfants de Boston [8]. En  2009, une première étude préliminaire sur la prévalence de la contention lors des soins dans 8  services cliniques auprès de 212 enfants hospitalisés a été réalisée à l’hôpital Trousseau à Paris [9]. En  2011 une étude prospective a pu mesurer quantitativement et qualitativement la prévalence de l’utilisation de la contention aux urgences de Melbourne [10] : 11 % des soins réalisés sur des enfants de moins de 4 ans nécessitaient une contention forte. En  2011 une seconde étude prospective sur la prévalence de la contention lors des soins dans 24 services cliniques auprès de 599 enfants hospitalisés a été réalisée à l’hôpital Trousseau.

1. Mise en place à Trousseau des études sur la contention Initialement ce type d’étude semblait très difficile à réaliser. Il paraissait peu probable que les soignants acceptent de rapporter systématiquement leur usage de la contention lors des soins *Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

202 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2013;20:202-203

dans le cadre d’une étude. Dans un premier temps, une grille descriptive permettant d’évaluer le niveau de contention, a été élaborée (tableau I). Tableau I Grille d’évaluation du niveau de contention Niveau 0

Pas de contention l’enfant est calme et détendu.

Niveau 1

« Contention douce » : une partie du corps de l’enfant est juste maintenue (par une personne) sans réaction de retrait de l’enfant.

Niveau 2

« Contention moyenne » : une ou plusieurs parties du corps de l’enfant sont maintenues (par une personne) avec réaction de retrait de l’enfant.

Niveau 3

« Contention forte » : une ou plusieurs parties du corps de l’enfant sont maintenues fermement (par plusieurs personnes), l’enfant proteste, crie, pleure.

Niveau 4

« Contention très forte » : une ou plusieurs parties du corps de l’enfant sont maintenues (par plusieurs personnes) avec réaction de retrait, agitation importante, l’enfant se débat fortement malgré la contention.

Dans un second temps, cette grille a été présentée au Comité de lutte contre la douleur (CLUD). Finalement, les référents du CLUD de l’hôpital ont accueilli favorablement la proposition d’évaluer de manière prospective le niveau de contention : la collaboration ancienne et quotidienne entre l’unité douleur et les référents CLUD est probablement à l’origine de cette confiance. La volonté de changer les pratiques, la forte implication de l’équipe transversale « douleur » (sessions d’information dans les services sur l’étude et l’utilisation de la grille de contention) ont permis de réaliser cette étude.

2. Résultats de l’étude préliminaire de 2009 [9] Il était demandé aux soignants (volontaires) de préciser la nature du soin, l’antalgique administré, le délai

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d’administration, si le MEOPA était proposé, si le masque avait été accepté d’emblée, si les parents étaient présents, si le soin avait été arrêté. L’intensité de la douleur (de 0 à 10) était également évaluée. Huit unités de soins ont participé à cette étude qui a concerné 296 gestes chez 212 enfants. Quarantedeux pour cent des soins étaient des ponctions veineuses ou pose de cathéter court, 17 % des ponctions capillaires, 10 % des pansements, 6 % des aspirations rhino-pharyngées et 5 % des ponctions lombaires : • 28 % de ces gestes ont un niveau entre « 2 » et « 4 » ; • 9 % des gestes ont nécessité une contention forte ou très forte (niveau 3 et 4) ; • les enfants de moins de 2 ans présentent un risque majoré de contention ; • pour 66 % des enfants ayant eu une contention importante on constate un déficit d’analgésie (un seul moyen antalgique utilisé ; voir aucun.). • le soin qui se « déroule mal » n’est quasiment jamais arrêté.

3. Seconde étude de 2011 Cette étude promue par l’unité douleur et le comité de lutte contre la douleur a été soutenue par la direction des soins de l’hôpital. Les chefs de services et les cadres infirmiers ont reçu une première information. L’équipe transversale «  douleur  » a informé spécifiquement les référents « douleur » de chacun des services. Des affichettes informant l’ensemble des équipes ont été diffusées. Les services, les infirmières qui ont participé à cette étude étaient volontaires, sans aucune obligation institutionnelle. L’étude a pu évaluer le niveau de contention de 1037 gestes de mai à juillet 2011. Les résultats définitifs seront présentés lors du congrès.

4. Conclusion Il est possible d’évaluer au quotidien le niveau de contention lors des soins chez l’enfant. La diffusion de ces résultats constitue de profonds leviers de changement pour améliorer les pratiques.

Références [1] Christiansen E, Chambers N. Induction of anesthesia in a combative child; management and issues. Paediatr Anaesth 2005;15:421-5. [2] Przybylo HJ, Tarbell SE, Stevenson GW. Mask fear in children presenting for anesthesia: aversion, phobia, or both? Paediatr Anaesth 2005;15:366-70. [3] Thomas J. Brute force or gentle persuasion? Paediatr Anaesth 2005;15:355-7. [4] Benger J. “Brutacaine” vanquished, but pain remains. Emerg Med J 2006;23:823. [5] Loryman B, Davies F, Chavada G, et al. Consigning “brutacaine” to history: a survey of pharmacological techniques to facilitate painful procedures in children in emergency departments in the UK. Emerg Med J 2006;23: 838-40. [6] McGlone RG, Ranasinghe S, Durham S. An alternative to “brutacaine”: a comparison of low dose intramuscular ketamine with intranasal midazolam in children before suturing. J Accid Emerg Med 1998;15:231-6. [7] Sonderskov ML, Hallas P. The use of ‘brutacaine’ in Danish emergency departments. Eur J Emerg Med 2012 (in press). [8] Lightdale JR, Valim C, Mahoney LB, et al. Agitation during procedural sedation and analgesia in children. Clin Pediatr (Phila) 2010;49:35-42. [9] Lombart B, Annequin D, Cimerman P, et al. Prevalence of physical restraint in children for procedural pain. 13th World Congress on Pain, IASP (international association for study of pain) Montreal, 2010. [10] Crellin D, Babl FE, Sullivan TP, et al. Procedural restraint use in preverbal and early-verbal children. Pediatr Emerg Care 2011;27:622-7.

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