Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, S260—S270
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MISE AU POINT
Peut-on mieux comprendre le développement des embryons grâce à la physique ?夽 Can physics help to explain embryonic development? An overview
¸aise d’orthopédie pédiatrique V. Fleury , la Société franc 1 (SOFOP) Laboratoire matière et systèmes complexes, université Paris-Diderot, 10, rue Alice-Domon-et-Léonie-Duquet, 75013 Paris, France Acceptation définitive le : 25 juin 2013
MOTS CLÉS Embryogenèse ; Vertébrés ; Imagerie de time-lapse ; Biomécanique du développement
Résumé Des avancées techniques récentes (imagerie numérique et vélocimétrie de particules image par image) extraient l’ensemble des mouvements embryonnaires qui, à chaque instant, constituent le « champs morphogénétique » d’un animal en formation. La forme finale de l’animal résulte de la somme (intégrale) au cours du temps des mouvements qui forment les champs de vitesse de tous les éléments tissulaires. La microscopie in vivo permet de suivre précisément le développement des vertébrés aux stades embryonnaires les plus précoces. Les mouvements observés peuvent être comparés quantitativement aux modèles physiques donnant les champs de vitesse en fonction d’hypothèses simples sur la nature de la matière vivante (gel visco-élastique). Ces données renouvellent l’interprétation des mouvements de tissus embryonnaires, la fac ¸on dont ils se plient et s’organisent. Ils montrent que plusieurs discontinuités importantes du développement sont de simples changements physiques de conditions aux limites. C’est-à-dire que, sans rien changer à la biologie des mouvements, la physique des collisions de plis les uns contre les autres explique, pour une large part, la morphogenèse de structures importantes (la tête notamment). D’autres discontinuités sont des changements de situations physiques comme des bifurcations (changement de comportements physiques passés certains seuils de contrainte). Par exemple : le tissu plie, au-delà d’une certaine contrainte, sans qu’un gène nouveau soit mis en cause. Dès lors qu’on comprend la physique des
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.07.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. Adresse e-mail : vincent.fl
[email protected] 1 56, rue Boissonade, 75014 Paris. 夽
1877-0517/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.07.003
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mouvements, on comprend mieux les leviers sur lesquels joue l’évolution ; l’origine des animaux devient plus claire, à la lumière des lois fondamentales de la physique (principe de Newton, loi de l’action et de la réaction, changement d’échelle des brisures de symétries). Cet article propose de suivre le développement d’un embryon de vertébré, depuis le stade « informe » (masse de tissu ronde) jusqu’à l’apparition d’un petit bilatéral allongé, ayant des précurseurs de vertèbres, un début de hanches et d’épaules, une tête. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
Introduction On assiste en ce moment à une importante révolution en biologie du développement. Ces progrès discontinus ont pour cause concrète des avancées techniques en imagerie du vivant, qui permettent de suivre in vivo les mouvements embryonnaires, souvent en 3D [1], et parfois même avec la résolution cellulaire [2]. On découvre que la formation des animaux est un phénomène à peu près continu, qui s’analyse comme l’écoulement d’une pâte visco-élastique, analogue à un gel ou une mousse. Cependant, bien que l’écoulement du tissu soit continu, des discontinuités ont lieu, dont la cause réside dans les lois de la physique. Ainsi, le véritable progrès vient de l’interprétation physique des mouvements de développement et des discontinuités qui leur sont inhérents. Des techniques physiques ont été introduites en biologie, grâce auxquelles on peut comprendre les champs de déplacements (qui sont des vecteurs) et les champs de déformation (tenseurs). Ces techniques permettent de comprendre les mouvements lors de l’embryogenèse, et particulièrement les corrélations à longue portée entre différentes parties de l’embryon. C’est-à-dire qu’en vertu des lois de la physique, des forces exercées à un bout de l’embryon ont des conséquences à l’autre bout (et même, dans tout l’embryon), et d’autant plus que les mouvements embryonnaires commencent très tôt, dans une masse très petite. Ainsi, de nombreux mouvements, qu’on penserait induits localement par des expressions de molécules de morphogenèse (souvent appelées « morphogènes »), ne sont en fait que des conséquences passives de forces exercées ailleurs, ce qui change complètement la logique de la construction animale, oblige à revoir toutes les interprétations passées, et au final, simplifie grandement le problème. Comme l’embryon est très petit quand il entreprend sa morphogenèse (4 mm de diamètre environ), les mouvements causés par quelques cellules à un bout ont des répercussions à l’autre, et l’on ne peut rien comprendre à l’embryogenèse sans traiter les grands mouvements d’ensemble [3], d’une fac ¸on globale, comme le fait la physique quand elle traite, par exemple, les mouvements atmosphériques. Un autre aspect de l’interprétation physique se joue dans les conditions initiales. En premier lieu, les brisures de symétrie, c’est-à-dire les polarités induites dans l’embryon au démarrage du phénomène, avant tout commencement de mouvement, par exemple par l’anisotropie des divisions cellulaires, ou par le point d’entrée du spermatozoïde (lequel définit l’axe antéropostérieur). Les mouvements embryonnaires héritent de ces brisures de symétrie une typologie restreinte : par exemple les mouvements ont une symétrie gauche-droite (ce qui donne des bilatéraux ou bilatériens). On verra qu’ils ont aussi une symétrie haut-bas.
Par ailleurs, les mouvements dépendent également de ce qu’on appelle les conditions aux limites géométriques. Dans le cas particulier des embryons de vertébrés, les embryons sont initialement à peu près ronds, mais le contour se déforme peu à peu sous l’effet des mouvements, en sorte que le domaine géométrique se déformant, les vitesses sont elles-mêmes modifiées, sans qu’aucun gène particulier ne joue de rôle dans ces modifications : ce sont les limites géométriques qui changent. Enfin, un aspect physique profond et délicat concerne les lois d’échelle des phénomènes. On pense souvent en biologie que des lois complexes requièrent des explications complexes, alors qu’en réalité, les règles physiques simples, comme les lois de conservations physiques, imposent ce qu’on appelle des lois d’échelles aux phénomènes, qui n’ont en général rien d’intuitif : la diffusion se propage en t1/2 , les couches d’huiles diffusent sur l’eau comme t4/5 , les courants d’air froid dévalent des portes comme t1/3 , etc. Il va sans dire que le développement des embryons est un phénomène biologique d’une complexité inouïe [4], en apparence du moins. Cependant, ces phénomènes n’ont pas nécessairement des causes complexes. C’est un fait courant en physique que des causes simples produisent des effets complexes, et particulièrement que des champs de forces simples induisent des déformations spatiales, et des vitesses variant dans le temps et l’espace d’une fac ¸on qui peut apparaître comme très complexe : par exemple, le simple fait de souffler de la fumée brutalement crée des anneaux tourbillons, qui ont la particularité de jouer à saute-mouton les uns dans les autres, tout en avanc ¸ant, s’évasant et ralentissant. Ainsi, des lois physiques simples comme celles de l’hydrodynamique, avec des conditions initiales simples, engendrent des phénomènes très complexes en espace et en temps. L’analyse actuelle du développement embryonnaire a atteint le point où l’on peut dire que la morphogenèse d’un vertébré est en réalité très simple, dans son principe [5]. Bien entendu, la biochimie fournit un nombre considérable de propriétés ou paramètres chimiques fondamentaux, mais, néanmoins, les traits principaux des bilatéraux dans l’ordre des vertébrés, comme avoir des bosses aux épaules et aux cuisses (vertébrés terrestres), avec un cintrage au centre, sont inhérents au processus physique. La présence de certains traits faciaux, la présence d’un bourgeon caudal et même l’apparition d’un sac chorio-amniotique s’expliquent bien par la physique, à un niveau quantitatif. Ci-dessous, nous expliquons la logique de formation d’un amniote. Cette logique repose sur une technique spécifique d’imagerie que nous utilisons dans mon laboratoire pour filmer le développement du poulet (Fig. 1) [6]. À la vérité, filmer le poisson zèbre ou le xénope n’est pas si facile car ils sont 3D, même à des stades précoces [7]). Par
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Figure 1 Le dispositif expérimental comporte deux microscopes, un droit et un inversé (Leica Macro fluo et Leica MZFLIII). Les incubateurs sont deux Minitüb HT300. L’embryon est sorti de l’œuf, rincé, pour que le jaune ne brouille pas les images.
conséquent, bien que de merveilleux films en fluorescence soient produits, l’interprétation des mouvements reste très difficile, car les cellules croisent les plans de référence dans toutes les directions. Dans le cas des poulets, les choses sont plus simples, car au stade blastula, comme chez les humains, la blastula est plate et discoïdale. Pendant environ un jour de développement, l’embryon bouge en 2D. Le champ de vitesse est pratiquement 2D et facile à interpréter. En outre, la microscopie confocale, souvent utilisée pour reconstruire des mouvements à 3D (microscopie laser utilisant de la lumière collimatée), est assez nocive pour les tissus et comme les données doivent être acquises avec des résolutions temporelles fines (voisines de 1 image/10 s), il vaut mieux utiliser de la lumière blanche, à basse intensité. De ce point de vue, les embryons de poulet sont plus favorables, puisque, le champ de vitesse étant 2D, il est plus facile à reconstruire et requiert moins de détail, donc moins d’intensité lumineuse. Les mouvements chez le poulet peuvent donc être résolus en temps et espace avec assez de précision pour extraire la dynamique. Enfin, après environ dix heures de révolution dans le plan, de simples plis apparaissent qui sont des plis d’une surface plate. Par conséquent, le poulet est l’embryon le plus simple à étudier, c’est de surcroît un amniote, il est donc plus proche de l’homme que le poisson ou la grenouille. Nous allons donc maintenant décrire le mouvement de formation d’un embryon, en partant de la configuration initiale, telle que nous la recevons (à la sortie de la poule, l’œuf s’est déjà développé depuis un jour ou deux et a atteint le stade de quelques milliers de cellules). Nous suivrons simplement la logique physique du processus, qui implique une succession d’écoulements et de plis. Une fois reconnue la nature physique de cet écoulement, le fil rouge de l’exposé devient simplement le fil de l’écoulement luimême. Cependant, cet écoulement est un peu particulier, en cela qu’il s’écoule, comme nous le verrons, à la fois
vers l’avant et vers l’arrière, en sorte qu’il faut rassembler dans son esprit, dans le même mouvement, un écoulement allant vers la (future) queue et un écoulement allant vers la (future) tête (rappelons au passage que même les humains ont une petite queue, in utero, très rarement conservée à la naissance, bien que des cas soient documentés).
État initial ou « configuration de référence » Pour comprendre le développement, il faut se mettre d’accord sur ce qu’est un animal « informe », ce qu’on appelle en physique la configuration de référence. C’est la configuration de l’œuf tel que nous le recevons des centres d’accouvage. Cette configuration de référence est la plus simple qui soit pour un vertébré : c’est rond. Une sphère pour les amphibiens et les poissons, un disque pour l’homme ou le poulet. Par conséquent, nous expliquerons la formation des vertébrés à partir d’un disque. Les films discutés ici sont disponibles sur le site académique (http://www.msc.univ-paris-diderot.fr/∼vfleury). En réalité, le disque initial n’est pas uniforme. Il existe dans le disque une distribution de tailles de cellules inhomogènes, les cellules étant plus grandes au (futur) pôle postérieur. Les concepts habituels de « polarité » ou de « brisure de symétrie » qui sont un peu généraux et vagues, vont prendre une incarnation « opérationnelle » dans l’embryon, par le fait que la distribution de cellules n’est pas homogène, bien que la masse de cellules formée au stade dit « blastula » ait un contour rond, donnant l’apparence d’une symétrie de révolution. Ce point est connu depuis longtemps et bien établi [5]. Les premières divisions cellulaires (après la première) sont asymétriques, en sorte qu’il existe un gradient radial et orthoradial de tailles de cellules (les cellules sont plus grosses au bord, et les plus grosses sont plus grosses à
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Figure 2 Dans une blastula de poulet, la distribution de cellules n’est pas uniforme. Les cellules sont plus grosses le long d’un anneau extérieur et plus petites dans un disque intérieur. En outre, les grandes cellules extérieures exhibent un gradient orthoradial, les cellules étant encore plus grandes au pôle postérieur (à gauche) qu’au pôle antérieur (à droite). Cette distribution (brisure de symétrie) est héritée en cascade des premières divisions cellulaires, qui sont asymétriques à partir de la seconde.
l’arrière) (Fig. 2). À partir de cette configuration initiale, les mouvements vont fac ¸onner un embryon par un écoulement visco-élastique. Cependant, le mouvement va hériter de la configuration initiale, statique, un départ particulier, dû à l’inhomogénéité des distributions cellulaires. Dit simplement : si des cellules ayant une distribution inhomogène se mettent à bouger, le mouvement a une forme (distribution de vitesses) qui dépend de la forme de la distribution de cellules (distribution spatiale de la géométrie). Cet écoulement est finalement assez simple, car la « brisure de symétrie » n’est pas compliquée, mais il est difficile à comprendre si on ne le suit pas dès le départ, car il comporte trois étapes.
un bord pour le générer. La cause n’est pas compliquée : une traction suivant un bord, mais le résultat est « complexe » : un écoulement à quatre cadrans. Ce qui est codé génétiquement, c’est l’existence d’un bord annulaire (héritage des divisions successives) et le fait que les cellules tirent les unes sur les autres (dynamique de traction des membranes cellulaires, elles-mêmes équipées de molécules d’adhésion). Ce mouvement commence à déformer la blastula, qui commence à s’allonger un peu vers l’arrière. On voit donc
Première étape, mouvements dits de « Polonaise » L’inhomogénéité de taille de cellules provoque une rotation de l’embryon reconnaissable techniquement comme un écoulement quadrupolaire [8,9]. Cet écoulement a rec ¸u le doux nom de « polonaise » en embryologie classique [10]. Le disque entier virevolte, avec quatre rotations, deux grandes internes à la blastula et deux petites davantage sur le bord. Ce phénomène est contre-intuitif et ne peut s’expliquer par chimiotaxie. Or il s’explique simplement par la physique des fluides. Les cellules (qui ont la brisure de symétrie décrite précédemment) qui tirent le long d’une frontière (la frontière grosses/petites) engendrent spontanément ce type de mouvement par friction visqueuse (Fig. 3), comme on pourrait en engendrer en tournant deux cuillers à café dans son café. C’est ce qu’on appelle un comportement émergent : il n’est pas codé en tant que tel point par point : il suffit de tirer sur
Figure 3 De fac ¸on étonnante, le premier écoulement de cellules est organisé en larges tourbillons contra-rotatifs, qui admettent un point de stagnation (point col) La vitesse présente un pic sur le bord, à la frontière entre les grosses et les petites cellules (où l’ectoderme est délaminé de l’endoderme).
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Figure 4 Les cellules pénètrent sous la blastula par le point de stagnation de l’écoulement (flèche à gauche) et forment une vague de cellules différentiées qui s’écoulent en s’éloignant de fac ¸on centrifuge (deux flèches divergentes). Le front a un bord qui avance de fac ¸on non linéaire : le phénomène s’accélère (bien visible sur le graphique à droite).
comment une brisure de symétrie initiale, statique, devient un mouvement de morphogenèse : les vitesses sont inhomogènes, et cette inhomogénéité rétroagit sur la forme elle-même (le disque), qui devient progressivement moins rond (et peu à peu, un animal apparaîtra, comme nous le verrons progressivement). Ce mouvement s’apparente en fait à une vaste collision de la moitié gauche contre la moitié droite de l’embryon. Ainsi, il existe un point de haute pression ou « point col », ou « point de stagnation ». Là, les cellules se différencient (changent vers un type migrant) et invaginent. Cette invagination conduit à une seconde phase de l’embryogenèse. Au stade où cette invagination va commencer, l’embryon a acquis la forme d’une sorte d’ampoule allongée vers le « bas », sous l’effet de l’écoulement. Aucune génétique particulière ne code spécifiquement cette forme, c’est la dynamique du mouvement et ses lois (loi de conservation de la matière, loi du mouvement) qui sont la « cause » de cette forme. Les seuls ingrédients nécessaires sont : une force de traction constante, répartie sur des cellules dont la distribution est inhomogène (grosses cellules le long d’un anneau vers le bord et cellules de cet anneau plus grosses vers le bas).
Deuxième étape, « gastrulation » Tandis que les cellules changent de type et invaginent au point de stagnation de l’écoulement, un phénomène « explosif » remarquable se produit. Par explosif, il faut entendre non linéaire et qui accélère. En effet, les cellules se différencient vers un type migrant, mais les cellules qui passent par ce point utilisent ensuite les cellules non différenciées comme support de leur traction. Ainsi, tandis qu’elles migrent en s’éloignant, elles tirent pour cela sur le disque qui est, lui, au contraire ramené vers le centre (Fig. 4), par la loi de l’action et de la réaction. Ainsi, plus les cellules migrent de fac ¸on centrifuge, plus l’ectoderme migre de fac ¸on centripète. Or cela ne fait que ramener davantage de cellules vers le point de différenciation. Cela induit un effet boule-de-neige et une accélération
non linéaire de la gastrulation. De plus en plus de cellules pénètrent sous le disque et le « mouillent » comme on dit en physique du mouillage [5]. Le terme « mouillage » désigne l’écoulement d’un fluide sur une surface, comme une goutte d’eau s’étalant sur du verre. Ainsi les cellules de type mésenchymateux, ou fibroblastique, ont la propriété singulière de mouiller davantage les cellules épithéliales comme le sont celles de l’ectoderme. Techniquement, cela signifie qu’elles s’étalent comme de la confiture et tendent à recouvrir le plus possible l’ectoderme, qui se comporte, lui, plutôt comme des livres bien rangés sur une étagère. Physiquement, cela traduit l’existence d’une énergie d’interaction entre mésoderme et ectoderme, favorisant l’étalement du mésoderme à la surface de l’ectoderme. La physique du mouillage est d’une très grande importance dans beaucoup de domaines de la biologie comme par exemple la surface des plumes, des feuilles de végétaux, etc., et bien entendu dans l’industrie, des peintures à celle des pare-brises d’automobiles. Des phénomènes de mouillage semblables s’observent en migration de cellules cancéreuses [11]. Ce phénomène de mouillage, très rapide, permet aux cellules du mésoderme (celles qui migrent) de coloniser toute la face inférieure de l’ectoderme très rapidement, jusqu’à parvenir au bord. Mais en arrivant au bord, elles commencent à tirer sur le disque interne (par le simple fait qu’il existe un anneau plus rigide autour). Cela engendre les plis neuraux.
La neurulation En arrivant au bord, les cellules de mésoderme persistent dans leur traction. Mais elles tirent maintenant tout l’ectoderme interne, dans toutes les directions, mais surtout vers l’arrière, par où a commencé l’invagination. C’est là que les cellules sont les plus proches des bords et orientées le long du trou initial par où elles sont rentrées [5,9,10]. Cela induit une traction massive sur la surface et la formation de plis le long de l’axe antéropostérieur, formant
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Figure 5 Quand les cellules du mésoderme arrivent au bord, elles étirent la blastula, laquelle commence à plier en formant deux grands plis (à gauche : antérieur en haut, postérieur en bas). Ces plis rappellent les simples plis en caoutchouc (flambage) tendu (à droite).
les prémices du corps de l’animal, les premières structures dorsales hors-du-plan. On reconnaît un petit animal bilatéral, désormais 3D, avec ses plis dorsaux. Effectivement, en tirant simplement sur une surface molle on forme des plis allongés entre les points où s’exerce la traction. Il suffit de le voir sur un pullover, ou un morceau de caoutchouc. Cela signifie qu’un petit morceau de feuille vivante 2D devient sous l’effet de la traction, deux plis allongés, formant quasiment un tube. C’est la base du « pattern » des vertébrés, qui sont des « bilatériens » (symétrie gauche-droite, axe du corps allongé entre une tête et une queue). À ce stade, le petit animal ressemble à un céphalochordé [12]. De fac ¸on remarquable, les plis roulent comme des chenilles de chars et se dirigent l’un vers l’autre d’eux-mêmes. Le mouvement se poursuit jusqu’au contact des deux moitiés de la blastula, qui exhibent chacune ses plis (Figs. 5—7). Ce mouvement de chenille de char conduit à une recirculation des tissus vers l’avant et l’arrière, quand ils se touchent, par un simple effet de conservation viscoélastique de la matière [3]. Cela induit un surplomb des plis neuraux par-dessus le plan de la blastula, qu’on appelle en embryologie la formation du gut pocket ou poche viscérale.
Formation du gut Par conservation de la masse, les deux moitiés dorsales entrent en collision et recirculent vers l’avant et l’arrière, comme de la pâte à modeler écrasée sur une table, sauf qu’ici, la moitié gauche s’écrase contre la moitié droite. Il a été montré que les changements discontinus de vitesses, massifs (200 % !), ont pour seule cause le contact des deux
Figure 6 L’analyse fine des vitesses montre que les plis avancent comme des chenilles de char dans la région où le pli est apposé contre lui-même (en haut). Tandis que les plis avancent l’un vers l’autre, ils rentrent en collision. L’analyse quantitative montre une variation massive des vitesses, au moment du contact (en bas : les vitesses juste avant et juste après le contact des deux plis).
moitiés embryonnaires (Fig. 7) [13]. Il faut bien comprendre qu’avant ce contact, le problème est, mathématiquement, du ressort de ce qu’on appelle un problème à condition aux bords libres : les plis avancent sans rencontrer
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Figure 7 La discontinuité massive de vitesses peut être attribuée à la transition entre un écoulement dipolaire et un écoulement quadripolaire (haut). Cette transition a lieu lorsque les plis en forme de chenille de char arrivent en contact. Cette transition induit un changement de deux mouvements rotatifs indépendants, à quatre révolutions adjacentes (bas). Mathématiquement, cela revient à changer la condition aux limites pour l’écoulement le long de l’axe médian, de condition « libre » à condition « de réflexion ».
d’obstacle, tandis qu’après le contact des plis de la moitié gauche avec ceux de la moitié droite, il s’agit d’un problème à condition de réflexion (ou symétrie axiale le long de l’axe antéropostérieur). Cela change complètement la mathématique du problème. La véritable cause de la recirculation vers l’avant et l’arrière est véritablement physico-mathématique (conservation des flux, avec ou sans « paroi » le long de l’axe médian). Il n’existe aucune cause génétique au changement de direction des vitesses, pourtant de l’ordre de 200 % (les vitesses changent même de signe par endroit), et la variation dans l’espace, très complexe, s’explique simplement par la physique. La collision des moitiés droite et gauche induit trois effets : la fermeture progressive de la crête neurale, comme une fermeture « éclair ». Cette fermeture se poursuit aussi bien vers l’avant que vers l’arrière, dans les deux sens (la morphogenèse n’est pas orientée spécialement dans le sens postérieur ; elle est orientée dans les deux sens). En second lieu, le pli céphalique cisaille la blastula, passe par-dessus le plan comme un doigt de gant et engendre une cavité vide appelée gut pocket, qui a la forme d’une capuche qui se contracte et devient de plus en plus creuse et vaste (ce sera la cavité thoraco-abdominale) (Fig. 8). Cela est très contreintuitif et difficile à comprendre si on ne le voit pas en dynamique, comme on peut l’observer maintenant. Ces films (visibles sur le site académique indiqué plus haut) montrent un phénomène rapide, ne correspondant à aucun gène particulier, il s’agit du flambage visco-élastique d’une feuille molle. Troisièmement, un bord de pli apparaît (en forme de S dans la direction transverse) qui se contracte et tord localement le tissu de fac ¸on complexe. Cela donnera la partie inférieure du cœur (Fig. 8A). Le fond du pli sert de moule aux gros vaisseaux (comme les aortes dorsales, les artères brachiocéphaliques, etc.).
Figure 8 Tandis que les plis avancent, ils passent par cisaillement au-dessus du plan de la blastula (haut). Cela crée un pli sigmoïde, lequel forme une cavité creuse, et vide, ayant la forme d’une capuche. Cette cavité sera la cavité viscérale (gut pocket). Le bord de la « capuche » formera en se contractant une partie du cœur (bas).
La formation de l’amnios Nous arrivons ainsi au stade montré sur la Fig. 9 et de nouveaux « traits » caractéristiques des vertébrés apparaissent. En effet, les membres, la tête, le sac amniotique apparaissent progressivement, dans le mouvement même de morphogenèse, à partir du troisième jour de développement. On observe en particulier que le sac amniotique, si important puisqu’il caractérise les amniotes, comme l’homme, n’est que le pli situé devant la tête, qui se contracte également comme « un lien de porte-monnaie ». Il est donc complètement naturel que les amniotes soient postérieurs aux anamniotes : pour former un amnios, l’embryon doit pousser sur la blastula et cisailler le bord jusqu’à ce que le pli lui passe au-dessus de sa tête. Une fois que ce pli est formé, il se contracte indéfiniment jusqu’à fermeture complète. Comme on le voit, un sac n’est qu’un bord rond plié, qui se contracte comme un iris. Des mesures en dynamique montrent que le cœur et le sac amniotique se contractent à vitesse constante, quantitativement très proche pour les deux cas [12]. La physique de ces deux phénomènes semble être la même. Ainsi, comme précédemment pour la gastrulation, il n’existe pas de gène codant directement la forme concernée, ici le sac amniotique, ou bien le cœur. La forme concernée résulte d’un mouvement continu,
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Figure 9 Imagerie duale dorsoventrale montrant que l’amnios n’est qu’un pli de la blastula se formant devant la tête (à droite) et derrière la queue (à gauche). Le pli passe au-dessus de la tête puis se contracte comme « un lien de porte-monnaie ». On observe que ce « lien de porte-monnaie » se contracte à vitesse constante et collapse sur une singularité centripète, comme un iris qui se ferme.
dynamique, dont la véritable explication est « la physique des plis qui se contractent ».
Les membres Les membres et la tête sont plus compliqués qu’un simple sac. L’analyse détaillée des plaques latérales (c’est le nom donné aux tissus qui se rabattent sur le côté de l’axe antéropostérieur) montre que l’allongement des plis neuraux tire sur le tissu situé sur le côté et l’enroule comme une cuiller à café passée dans son café, ou plutôt dans un miel épais ou mieux un gel visco-élastique (sorte de confiture). C’està-dire que l’axe médian s’allonge postérieurement à vitesse constante, avec néanmoins un profil en ogive de vitesses pile sur l’axe médian, comme on s’attendrait d’une pâte poussée dans un tube. Sur le côté, les plaques latérales tournent comme un solide (Fig. 10). La Fig. 10 montre aussi la fermeture « éclair » des crêtes neurales. Ce comportement est typique d’un solide viscoélastique, exhibant des bandes de cisaillement : une ségrégation (terme technique décrivant l’apparition de deux domaines distincts séparés par une frontière, ici deux domaines de tissu uniforme séparés par un pli profond) en deux domaines du solide qui se structure spontanément avec une zone moins dense le long d’une ligne singulière. Cette ligne singulière est visible ici, entre l’axe du dos et la future hanche ; elle formera finalement la frontière entre les vertèbres et le bassin. Tout se passe comme si l’on cisaillait une galette de dentifrice. Sur la plaque latérale, la vaste rotation du tissu, passive, fac ¸onne les hanches. Dans la région supérieure, une situation symétrique a lieu, quoique compliquée par la proximité du cœur. Cependant,
une rotation avec un pli en épingle à cheveu y est également observée, dans la région des coudes présomptifs. Ces mouvements de rotation tournent, plient, tordent les plaques latérales, qui se déplient ensuite en formant progressivement les membres [14]. Il n’est donc pas surprenant qu’on ne puisse reproduire exactement le membre physiologique, par des artefacts, puisqu’il faudrait en toute rigueur reproduire exactement la fine physique des mouvements de rotation [15]. Bien qu’on puisse déclencher les pathways chimiques pertinents, il n’y a pas moyen de reproduire toutes les conditions initiales de la physique du problème, en plantant, par exemple, simplement une bille chargée de facteur de croissances sous l’ectoderme [15], comme les biologistes font couramment.
Formation de la tête Pour ce qui est de la tête, plusieurs phénomènes remarquables se produisent. D’abord, la collision des deux moitiés de tissu étale latéralement le tissu situé à l’avant. Cependant, le tube neural continue à se fermer à son extrémité jusqu’à fermeture complète. Cela crée une situation complexe, dans laquelle la fermeture du tube neural s’oppose au mouvement antéropostérieur qui évagine du coup latéralement. Cela génère un étalement du territoire optique qui est poussé sur les côtés comme de la pâte à modeler écrasée sous le pouce [16]. Ce phénomène est relié directement à des aberrations du développement très sévères comme l’holo-prosencéphalie [17]. En effet, suivant la force avec laquelle le mouvement aplatit la « pâte-à-modeler » antérieure, le territoire optique sera plus ou moins évasé latéralement et séparé en deux vésicules
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Figure 10 A. La suite du mouvement engendre la grande rotation des plaques latérales, qui suivent une dynamique de vortex. On peut mesurer in vivo ces vortex. La rotation dans ces vortex est typique d’une rotation « de cœur solide » (i.e. ¸ ca tourne « comme un manège »). B. On peut reconnaître la trace de ces mouvements sur un bassin adulte.
optiques bien indépendantes, c’est-à-dire écartées spatialement [18]. Cela explique le continuum de phénotypes entre la cyclopie et des « yeux rapprochés » asymptomatiques.
Couplage de la différentiation et de la morphogenèse Aux stades présentés jusqu’ici, il y a peu de différenciation. Essentiellement, deux : une différenciation d’épithélium à mésenchyme au cours de la gastrulation, une seconde au moment de la collision des crêtes neurales, qui induit ou contribue à induire, la migration des cellules de la crête neurale. Ces dernières formeront le système nerveux et réguleront de nombreux autres événements morphogénétiques, comme la formation des dents [19]. Ainsi l’embryon peut atteindre un stade où il est pratiquement complet,
en gros, (bien que chaque partie soit rudimentaire), avec très peu de différenciation : c’est une masse de gel mise en forme, pratiquement à volume constant (pour certains animaux en tout cas). Des études contemporaines s’orientent vers le couplage entre les événements de morphogenèse et de différenciation [20,21], la relation entre la rigidité des substrats et la différenciation [22], le mouvement et la différenciation [23]. La gastrulation est certainement reliée à la différenciation des cellules épithéliales en fibroblastes (qualifié plutôt de changement de type cellulaire), mais ces deux phénomènes rétroagissent l’un sur l’autre. Les mouvements localisent la différenciation aux points singuliers du mouvement, mais la différenciation se propage et rétroagit sur le mouvement lui-même. Des phénomènes semblables se produisent dans les yeux : la formation de la cupule optique et du cristallin a lieu
Peut-on mieux comprendre le développement des embryons grâce à la physique ? exactement à l’apex de la vésicule optique, lorsque celleci s’écrase contre l’ectoderme superficiel. Cependant, le tissu qui invagine exprime des gènes comme pax6 et shroom3 [24], liés intimement à la vision. Ainsi, il existe un lien étroit entre les forces qui fabriquent l’œil en tant qu’objet et la biochimie qui permet une activité comme la vision. Les yeux voient, non pas seulement parce qu’ils sont « câblés » pour voir, mais aussi parce que ce câblage est établi dans une cupule avec une lentille, dont la géométrie permet de collecter les rayons lumineux. Or la géométrie de cet objet relève de la morphogenèse physique. Des erreurs dans la morphogenèse (mauvais paramètres physiques) induisent des aberrations comme peut-être aniridia, une malformation génétique dans laquelle l’œil n’a pas d’iris, ou bien un iris mal formé [25]. De récents films produits par nos techniques révèlent les mouvements et l’origine manifestement mécanique des plis formant la cupule optique. Ils sont en cours d’investigation [26].
Flexion du rachis Les paragraphes précédents ont illustré une complexité progressive de la forme animale, qui, en partant d’un disque, devient d’abord une ampoule allongée, puis deux petits plis collés, puis des plis qui s’allongent en formant un surplomb (ventre) au-dessus de la blastula, puis l’allongement enroule ce qui sera les pattes et le bassin, etc. La forme du rachis sera le résultat final de tous ces mouvements, le long du dos, avec une complexité supplémentaire, la segmentation du dos en vertèbres, qui n’est pas traitée ici. Cependant, indépendamment de la segmentation, l’ondulation de la colonne est inhérente aux mouvements d’allongement et de croissance, qui s’imposent en cascade aux phénomènes de segmentation (et les précède). L’observation de ces ondulations pendant la morphogenèse est particulièrement ardue, puisqu’il faut dans ce cas observer l’embryon par le côté, ce qui suppose de délicates préparations des échantillons. Cependant, de telles observations peuvent être conduites sur le poulet, au moins pendant les premiers jours de développement. Elles révèlent que l’embryon subit des ondulations marquant un feedback entre la croissance et la flexion du « dos ». Au stade où l’embryon a la consistance d’un gel, la croissance rectifie les courbures et les courbures modifient l’intensité des forces de poussée de la croissance, en sorte que le résultat final est un dos ayant la courbure physiologique, héritée de mouvements dynamiques d’ondulation qu’on ne peut comprendre sans les filmer in vivo en time-lapse. Les malformations résultent probablement de dérapages de ces mouvements, soit qu’un des paramètres contrôlés indirectement par la génétique fasse défaut, soit que des problèmes posturaux idiopathiques, mais chroniques, altèrent de fac ¸on irréversible la morphogenèse du rachis. Ces mouvements commencent à peine à être étudiés.
Conclusion L’embryologie est dans une phase de refondation, où l’on comprend en profondeur les mouvements qui mettent en forme un animal. Ces progrès résultent d’approches interdisciplinaires, biologie/physique. La génétique, bien entendu,
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joue un rôle crucial, en fournissant tous les paramètres visco-élastiques de la matière vivante, ainsi que les rétroactions non linéaires, qu’on appelle « différenciations » et qui sont le propre des systèmes vivants. Du point de vue de la physique, une différenciation équivaut à un changement des termes de source de force au cours du processus de développement, lequel doit être considéré comme un problème visco-élastique. Ce dernier se calcule avec trois ingrédients, essentiellement : la brisure de symétrie de la condition initiale (par exemple quadrupolaire, pour les bilatéraux comme les vertébrés, mais monopolaire pour les radiés comme les méduses, les hydres, etc.) ; les paramètres visco-élastiques du matériau (viscosité, module élastique, etc.), les termes de source de force (en général, la traction cellulaire et la dilatation). Notre époque voit apparaître une mathématisation des premiers stades de l’embryogenèse, à un niveau quantitatif, qui traite dans son entier le champ viscoélastique. Il va sans dire qu’il reste beaucoup à faire, en particulier en regard de l’évolution.
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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