Physiopathologie des myopathies inflammatoires primitives

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M I S E A U P O I N T © 2004, Masson, Paris Presse Med 2004; 33: 1444-50 Médecine interne Physiopathologie des myopathies inflammatoires primit...

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© 2004, Masson, Paris

Presse Med 2004; 33: 1444-50

Médecine interne

Physiopathologie des myopathies inflammatoires primitives

1 - Service de médecine interne 1, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris (75) 2 - Department of neuropathology, Radcliffe Infirmary, Oxford, Royaume-Uni 3 - Laboratoire de biologie et thérapeutique des pathologies immunitaires, CERVI, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris (75)

Olivier Benveniste1, 2 Waney Squier , 3 Olivier Boyer , 4 David Hilton-Jones , 1 Serge Herson

Summary

Résumé

Pathogenesis of primary inflammatory myopathies

Des points communs Les myopathies inflammatoires primitives comprennent les dermatomyosites (DM), les polymyosites (PM) et les myosites à inclusions (MI). Ces myosites partagent certaines caractéristiques : installation progressive d’un déficit musculaire et apparition dans le muscle d’un infiltrat inflammatoire riche en cellules mononucléées. Des mécanismes différents L’analyse histologique permet cependant de les distinguer, ce qui est pour partie le reflet de leurs différentes physiopathologies. Le mécanisme responsable de la DM serait une microangiopathie médiée par le complément, dont l’infiltrat inflammatoire serait alors secondaire aux phénomènes ischémiques, tandis qu’au cours des PM, les fibres musculaires subiraient l’action cytotoxique de lymphocytes T CD8+ autoréactifs. Les facteurs déclenchant ces deux myosites ne sont pas connus. La MI pourrait être une maladie dégénérative, comprenant l’accumulation de diverses protéines, avec une composante inflammatoire du type de celle de la PM, peut-être secondaire à cette accumulation.

Common elements Primary inflammatory myopathies consist of dermatomyositis (DM), polymyositis (PM) and inclusion body myositis (IBM). They have certain characteristics in common: progressive muscle weakness and mononuclear inflammatory infiltrates in the muscle. Different mechanisms They may be distinguished by their histological features which also reflect their different underlying pathogeneses. The mechanism of DM would be complementmediated microangiopathy, the inflammatory infiltrate of which would be secondary to ischemic phenomena, whereas in PM the muscle fibres are damaged by cytotoxic CD8 T lymphocytes. The factors triggering-off these two forms of myositis remain unknown. IBM may be a degenerative disease with accumulation of a variety of proteins within the fibres. The inflammatory infiltrate, which is similar to that seen in PM, may be a reaction to accumulated proteins. O. Benveniste, W. Squier, O. Boyer, D. Hilton-Jones, S. Herson Presse Med 2004; 33: 1444-50 © 2004, Masson, Paris

4 - Muscle and Nerve Centre, Radcliffe Infirmary, Oxford, Royaume-Uni

Correspondance : Olivier Benveniste, Service de médecine interne du Pr. S. Herson, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, bd de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13 Tél. : 01 42 16 10 90 Fax : 01 42 16 10 65 [email protected]

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es myosites (ou myopathies inflammatoires) primitives sont un groupe hétérogène d’affections caractérisées cliniquement par l’installation progressive d’un déficit musculaire et histologiquement par l’apparition dans le muscle d’un infiltrat inflammatoire riche en cellules mononucléées. Trois entités principales sont distinguées selon leurs aspects cliniques et immunohistologiques. Il s’agit des dermatomyosites (DM), des polymyosites (PM) et des myosites à inclusions 1,2 (MI) . Les plus fréquentes sont les DM, les plus rares les PM. Les MI représentent, selon les séries, 15 à 30 % de l’ensemble des myopathies inflammatoires idiopathiques. Une quatrième entité appelée myofas3 ciite à macrophages est définie par

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l’existence d’un infiltrat macrophagique très localisé qui semble être secondaire à une réaction à des adjuvants de vaccin contenant de l’aluminium. Le cadre nosologique de cette dernière entité fait encore l’objet de controverse.

Aspects cliniques et anatomopathologiques L’incidence annuelle estimée des PM et des DM varie de 1,9 à 7,7 cas par 4,5 million d’habitants . Dans une étude nord-américaine menée de 1963 et 1982 et regroupant 127 patients atteints de myosites, l’incidence était de 5,5 cas par million 4 d’habitants , en nette augmentation (multipliée par 3) au cours des 10 dernières années de l’étude. La plu-

part des études ont été rétrospectives à partir de cas recensés à l’hôpital et l’incidence de ces maladies a été vraisemblablement sous-estinée. Les données concernant la prévalence sont encore plus éparses, les estimations provenant des États6 7 Unis et du Japon indiquent 50 à 63 cas par million de personnes. Les PM et les DM peuvent survenir à n’importe quel âge ;néanmoins,chez l’enfant,on n’observe,de façon quasi exclusive,que des DM (DM juvénile). Les MI ne débutent généralement qu’après l’âge de 50 ans ; elles représentent alors la myopathie inflammatoire la plus fréquente. La fréquence des PM et DM est plus élevée chez les femmes avec un sex ratio de 2/1. Les MI atteignent le plus souvent l’homme (sex ratio de 3/1). 20 novembre 2004 • tome 33 • n°20

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Au cours des PM et DM, le déficit moteur touche la musculature striée de façon bilatérale et symétrique. Il s’agit d’un déficit de type myogène, prédominant sur les muscles proximaux, notamment les ceintures scapulaire et surtout pelvienne et les muscles cervicaux.Le caractère bilatéral, symétrique et non sélectif de ce déficit moteur permet de le distinguer du déficit musculaire de certaines myopathies génétiques. L’intensité de la faiblesse musculaire est variable d’un sujet à un autre allant d’une simple gêne fonctionnelle à une grabatérisation. La survenue de manifestations cutanées (papules de Gottron, érythème lilacé des paupières, érythème en bande du dos des mains et des doigts,du pourtour unguéal et/ou poïkilodermie) caractérise la DM, mais celles-ci peuvent être discrètes voire absentes. Au cours de la MI, le caractère asymétrique de la distribution et l’atteinte sélective de certains muscles sont parfois évocateurs : atteinte du tibial antérieur et du quadriceps aux membres inférieurs, fléchisseurs du poignet et des doigts, palmaires aux membres supérieurs.

La biopsie musculaire constitue l’examen indispensable permettant d’affirmer le diagnostic, d’objectiver les caractéristiques de l’infiltrat inflammatoire, d’apprécier le degré d’atteinte du tissu musculaire. Certaines anomalies histologiques sont communes aux PM, DM et MI, d’autres sont plus spécifiques et permettent de les distinguer. Les anomalies musculaires communes associent typiquement des foyers de nécrose focale et de regénération des fibres musculaires, et une réaction cellulaire inflammatoire, d’intensité variable, étant constituée de cellules mononucléées, principalement lymphocytes B et T activés, cellules NK (Natural Killer) et 8,9 macrophages . L’analyse histologique est aussi le point de départ de la compréhension de la physiopathologie de ces maladies. Le siège des nécroses cellulaires et des infiltrats inflammatoires, la présence éventuelle de lésions endothéliales et le type de cellules mononucléées varient selon le type de myosite, reflet de leurs différentes physiopathologies (tableau 1).

Myosites et auto-anticorps Un mécanisme auto-immun est suspecté depuis longtemps dans la genèse des myosites, du fait notamment de la présence des infiltrats inflammatoires et, pour au moins les DM et les PM,de leur bonne réponse aux traitements immunosuppresseurs. La présence d’auto-anticorps (AAC) dans le sang a donc été active10 ment cherchée . Près de 50 % des patients atteints de myosite (sans restriction nosologique) ont des AAC dont les titres varient généralement peu au cours de l’évolution de leur 10 maladie . Des AAC non spécifiques des myosites comme les anti-RNP,anti-

Glossaire AAC

auto-anticorps

DM

dermatomyosite

MI

myosite à inclusion

MIh

myosite à inclusion héréditaire

MIs

myosite à inclusion sporadique

PM

polyomyosite

TCR

récepteur pour l’antigène T

Tableau 1

Caractéristiques cliniques, anatomopathologiques et physiopathologiques les plus typiques des trois principales myopathies inflammatoires primitives Élément de comparaison

Dermatomyosite

Polymyosite

Myosite à inclusion

Âge de survenue

Enfant, adulte

Adulte

> 50 ans

Déficit moteur

Proximal symétrique

Proximal symétrique

Proximal et distal Absentes

Atteintes cutanées

Typiques, inconstantes

Absentes

Réponse aux traitements immunosuppresseurs

Bonne

Bonne

Mauvaise

Cellules majoritaires de l’infiltrat musculaire

Lymphocytes B et T CD4+

Lymphocytes T CD8+ et macrophages

Lymphocytes T CD8+ et macrophages

Présence de vacuoles

Non

Non

Vacuoles bordées avec granulations éosinophiles Fibres rouges déchiquetées

Localisation de l’infiltrat musculaire

Périvasculaire

Endomysiale périnécrotique Tunnellisation centro-myocytaire

Endomysiale périnécrotique

Physiopathologie

Microangiopathie médiée par le complément Inflammation secondaire à l’ischémie

Lyse des fibres musculaires par des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques restreints par les molécules HLA

Lyse des fibres musculaires par des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques restreints par les molécules HLA Accumulation dans les fibres musculaires de protéines caractéristiques de la maladie d’Alzheimer = inclusions

Anomalies mitochondriales

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Figure 1 Dermatomyosite : atrophie périfasciculaire (flèches) [ATPase pH 9,4]

Figure 2 Dermatomyosite : microthrombus dans un capillaire (flèche) [hématoxyline- éosine]

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SSA, anti-PM-Scl (généralement associés à un syndrome de chevauchement PM – sclérodermie),etc,sont les 10,11 . plus fréquemment observés Des AAC spécifiquement associés aux myosites ne sont trouvés que dans 10 à 30 % des cas de DM ou PM, et plus rarement encore au cours des MI.Ils sont le plus souvent dirigés contre les enzymes aminoacyl-t-RNA-synthétases qui connectent chaque acide aminé à son ARN-t en vue de la synthèse protéique. Les plus fréquemment rencontrés sont 12 les Ac anti-JO1 (histidyl t-RNA) ,PL7 (thréonyl t-RNA), PL12 (alanine tRNA), OJ (isoleucil t-RNA) et EJ (glycyl t-RNA). Dans ce cadre, l’association classique (quoique peu fréquente) d’une PM avec arthrite, syndrome de Raynaud, pneumopathie interstitielle et AAC anti-JO1 est appelée syndrome des anti-synthé13 tases . Cependant, Mozaffar et Pestronk, en comparant les biopsies musculaires de 11 patients atteints de PM avec AAC anti-JO1 aux biopsies d’autres patients atteints de PM ou DM sans AAC, ont décrit des caractéristiques qui permettent de les distinguer (présence d’un infiltrat périvasculaire sans vasculopathie 14 dans le groupe AAC anti-JO1+) . Ceci suggère donc l’existence d’une physiopathologie différente qui pourrait rendre compte du cadre nosologique particulier décrit chez ces patients. S’il est certes reconnu que la présence d’AAC spécifiques de myosite peut aider au diagnos10 tic ,leur grande inconstance et l’absence de démonstration d’un rôle pathogène certain font que l’on ne peut retenir,à ce jour,un mécanisme d’auto-immunité humorale strict pour aucune des myosites.

Physiopathologie des dermatomyosites Figure 3 Dermatomyosite : infiltrat inflammatoire périvasculaire (flèche), nécrose ischémique des fibres musculaires (pointes de flèche) [hématoxyline-éosine]

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La cible primitive du processus conduisant à la DM se situe probablement au niveau de l’endothélium

vasculaire des petits vaisseaux du derme et du muscle. Les premières manifestations histologiques anormales sont trouvées au niveau de leurs cellules endothéliales qui apparaissent comme ayant un cytoplasme ballonnisé et pâle avec des microva15,16 . Ces altérations endothécuoles liales de la microvascularisation sont liées à l’activation du complément avec formation du C3b et du C4b conduisant au dépôt du complexe 17,18 . d’attaque membranaire C5b-9 Néanmoins, les facteurs induisant cette activation demeurent méconnus. Il pourrait s’agir de la formation de complexes immuns ; cependant aucun dépôt d’immunoglobuline n’a 19 pu être mis en évidence . Il existe quelques rares cas de patients atteints de DM et ayant des AAC anti-cellules 20,21 . Ces AAC, en se endothéliales fixant sur leur cible antigénique, pourraient être un facteur déclenchant l’activation du complément. La principale conséquence du dépôt du complément dans les capillaires est l’induction de phénomènes ischémiques qui se manifestent initialement par une atrophie des fibres musculaires périfasciculaires (zone la plus sensible à l’ischémie car la plus éloignée des vaisseaux, (figure 1) et ce seul critère,en présence de signes cliniques compatibles et en l’absence d’un lupus érythémateux disséminé, 22 suffit à porter le diagnostic de DM . Puis apparaissent des microthrombi (figure 2), des vacuoles ischémiques à l’emporte-pièce,des infarctus et l’in15,16,23 . Ces filtrat inf lammatoire lésions se situent donc essentiellement dans les régions périvasculaires (figure 3)15, 16, 23.L’infiltrat inflammatoire comprend une nette prédominance de lymphocytes B et CD4+ par rapport aux lymphocytes CD8+ ou NK,tandis que les macrophages sont 23 représentés à hauteur de 25 à 30 % . Ainsi,la DM peut être décrite comme une microangiopathie à point de départ endothélial médiée par le complément. 20 novembre 2004 • tome 33 • n°20

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Physiopathologie des polymyosites Au cours de la PM, rien ne permet de mettre en cause un phénomène de microangiopathie, ni d’ischémie musculaire comme au cours de la DM.L’analyse histologique des biopsies musculaires est en faveur de phénomènes de cytotoxicité directe de lymphocytes T CD8+ autoréactifs dirigés contre les fibres musculaires. La première lésion anatomopathologique observée est la présence de lymphocytes T CD8+ et de macrophages autour de fibres musculaires d’allure initialement normale mais qui expriment déjà les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité HLA de classe I (lesquelles sont normalement indétectables par des méthodes immuno-histologiques dans le muscle sain).Au cours de la progression de la maladie, les infiltrats inflammatoires prédomineront dans les régions endomysiales périnécrotiques (figure 4), sans topographie vasculaire, avec rareté des lymphocytes B et CD4+,et toujours prédominance nette de lymphocytes T 2,24,25 . CD8+ et de macrophages Encore plus caractéristique est la présence de lymphocytes T CD8+ qui détruisent focalement les fibres musculaires dans les zones non nécrotiques, avec parfois un aspect de tunnellisation centro-myocytaire (figure 5). D’autres arguments viennent étayer l’hypothèse cytotoxique : des souris transgéniques surexprimant des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I dans le muscle développent spontanément des signes cliniques et histologiques proches de ceux de la PM et ce, en l’absence de toute immunisa26 tion provoquée ; des lignées de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques obtenues à partir de prélèvements de patients atteints de PM exercent in vitro un effet cytotoxique contre 27 les myotubes autologues ; en 20 novembre 2004 • tome 33 • n°20

microscopie électronique et immunohistochimie, les lymphocytes T CD8+ et les macrophages présentent des expansions cytoplasmiques dirigées vers les fibres non nécrotiques,traversant ainsi la lame basale et pouvant par endroits déplacer ou 28 comprimer les fibres musculaires . La destruction des fibres musculaires semble liée à un phénomène d’exocytose granulaire des lymphocytes T CD8+ situés au contact des fibres musculaires qui libèrent différentes protéines lytiques (perforine, 29,30 . granzyme-B,protéine TIA-1,etc.) Cela endommage alors la membrane de la cellule cible et provoque sa mort par lyse osmotique.Aucun phénomène d’apoptose ne semble être mis en jeu dans l’induction de cette 31,32 .Différentes études ont permort mis de mettre en évidence des biais du répertoire des lymphocytes T au sein des biopsies musculaires de patients atteints de PM, c’est-à-dire l’existence d’expansions oligoclonales de certaines populations lymphocytaires T CD8+, caractérisables par leur récepteur pour l’antigène T (TCR) situé à leur surface membranaire. Utilisant une approche histochimique reposant sur les anticorps monoclonaux, Lindberg et al. ont mis en évidence une sur-représentration des TCR Vα2 et Vβ3 au sein 33 de l’endomysium des PM . Ce biais de répertoire n’était pas trouvé dans le sang. Il s’agit d’un argument en faveur de l’activation in situ de clones de lymphocytes T autoréactifs par les auto-antigènes musculaires. Il convient de noter que des biais de répertoire portant sur d’autres Vbêta ont aussi été mis en 34 évidence .Utilisant la RT-PCR à partir de biopsies musculaires de patients atteints de PM,Bender et al. ont caractérisé des clones de lymphocytes T utilisant Vα33.1, Vβ5 et 35 Vβ13 . De façon intéressante, 5/7 clones Vβ13.1+ utilisaient la même séquence nucléotidique,démontrant une expansion clonale au sein de

cette fraction du répertoire. L’ensemble de ces éléments est en faveur de l’implication d’un nombre restreint d’épitopes activant in situ des lymphocytes T autoréactifs. Nous avons montré par l’étude en RT-PCR du répertoire des lymphocytes T (méthode immunoscope), chez 10 patients atteints de PM comparativement à 10 atteints de DM, que seul les premiers ont de très importantes expansions oligoclonales de lymphocytes T CD8+ en périphérie. Ces mêmes cellules sont présentes aussi dans le muscle où 36 elles sont cytotoxiques . Des résultats similaires ont été rapportés par

Figure 4 Polymyosite : infiltrat inflammatoire endomysial périnécrotique (flèche) et fibres musculaires nécrotiques (pointes de flèche) [hématoxyline-éosine]

Figure 5 Polymyosite : invasion partielle de fibres musculaires non nécrotiques, avec aspect de tunnellisation centro-myocytaire (flèche) [hématoxyline-éosine] La Presse Médicale - 1447

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lymphocytes T CD8+ cytotoxiques auto-réactifs dont la reconnaissance des auto-antigènes est restreinte par des molécules HLA exprimées de façon anormale par ces mêmes fibres.

Physiopathologie des myosites à inclusions

Figure 6 Myosite à inclusions : vacuoles bordées dans des fibres musculaires (flèches) et fibre rouge déchiquetée (ragged red fibre, pointe de flèche) [trichrome Gomori]

Figure 7 Myosite à inclusions : vacuole bordée en microscopie électronique avec accumulation de débris membranaires (flèches) et de filaments (pointes de flèche)

Nishio et al.37. Ces expansions oligoclonales de lymphocytes T CD8+ semblent très stables dans le temps, quel que soit le statut évolutif des patients (rechute, aggravation très lentement progressive, guérison) (données personnelles). Ces résultats suggèrent de nouveau l’existence d’un nombre restreint d’épitopes activant in situ des lymphocytes T autoréactifs au cours de l’évolution de la maladie. Ainsi, le mécanisme vraisemblablement responsable de la PM est une lyse des fibres musculaires par des 1448 - La Presse Médicale

Le terme MI sporadique (MIs) est utilisé pour désigner des patients atteints d’une forme particulière de myosite par sa présentation clinique (survenue quasi exclusive après 50 ans, déficit moteur plus distal, réponse aux traitements immunosuppresseurs très incomplète voire inexistante) et la présence dans le muscle, en plus de l’infiltrat inflammatoire, de vacuoles et d’inclusions particulières (ces dernières n’étant visibles qu’en microscopie électronique). À côté de cette forme sporadique,des formes héréditaires de MI (MIh) ont été décrites par Askanas et 38 Engel en 1993 . Elles possèdent les mêmes caractéristiques histologiques que les MIs à l’exception de l’infiltrat inflammatoire qui n’est pas retrouvé. Ces formes héréditaires se transmettent sur un mode autosomique dominant ou récessif selon les familles. Leur description n’est 39 pas notre objet ici (pour revue ). L’analyse de la biopsie musculaire met en évidence, en microscopie optique, des vacuoles bordées de 3 à 30 µm de diamètre au sein de fibres musculaires normales ou atrophiques (figure 6). Ces vacuoles bordées contiennent des granulations éosinophiles et siègent dans le cytoplasme des cellules musculaires (figure 6). On observe, par ailleurs, des anomalies mitochondriales sous forme de fibres rouges déchiquetées (ragged red fibres, figure 6) et/ou d’absence d’activité cytochrome oxydase. Il s’y associe généralement des délétions 2,24 de l’ADN mitochondrial . La microscopie électronique met en évidence des structures tubulo-fila-

mentaires de 15 à 20 nm de diamètre à l’intérieur de ces vacuoles, rectilignes ou curvilignes (figure 7) et qui correspondent aux granulations éosinophiles. Ces inclusions filamentaires intracytoplasmiques et/ou intranucléaires permettent d’affirmer le diagnostic. La composition de ces inclusions — communes aux formes de MIs et MIh — est remarquablement analogue à celle des dépôts trouvés dans le système nerveux central au cours de la maladie d’Alzheimer. Elles sont constituées de protéines caractéristiques de cette maladie : β-amyloïde, précurseur β-amyloïde, tau phosphory40 lée,préseniline-1,etc.(pour revue ). Une étude a décrit que l’expression forcée de peptide β-amyloïde serait suffisante pour induire la mort des 41 myotubes humains et murins . À ces lésions élémentaires s’associent — et uniquement dans les formes sporadiques — des infiltrats inflammatoires. Ceux-ci sont constitués principalement de macrophages et de lymphocytes T 2,24 CD8+ .Leurs caractéristiques sont très proches de celles de la PM, témoignant probablement aussi d’un mécanisme d’immunité à médiation cellulaire. On peut observer des fibres musculaires intactes envahies par les lymphocytes CD8+ 42 activés (DR+) . On observe aussi une expression anormale des molécules HLA de classe I sur le sarcolemme des fibres musculaires envahies non nécrotiques. De nouveau, des expansions oligoclonales de lymphocytes T CD8+ ont pu être mises en évidence par l’étude du réper33,34,43-45 .Là encore, toire de leur TCR ces accumulations de lymphocytes T peuvent persister de nombreuses années in situ quel que soit le statut 46 évolutif des patients . Par ailleurs, Pruitt et al. ont fait le compte des dépôts amyloïdes, du nombre de fibres musculaires non nécrosées envahies par des cellules T et du nombre de fibres muscu20 novembre 2004 • tome 33 • n°20

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laires nécrosés, à partir des biopsies 47 de 31 patients atteints de MIs . Ils ont observé une bien plus grande fréquence de fibres musculaires non nécrosées envahies par des cellules T comparativement à toutes autres anomalies,que les patients reçoivent un traitement immunosuppresseur (n = 11) ou qu’ils ne soient pas traités (n = 20). Par ailleurs, il n’y a pas de corrélation entre la fréquence d’une particulière anomalie et la durée de progression de la maladie ou la prise d’un quelconque traitement.Enfin,après traitement au long cours par la prednisone (68,4 mois en moyenne), les fibres musculaires non nécrosées envahies par des cellules T représentent toujours l’anomalie histologique la plus souvent trouvée chez 10 des 11 patients ainsi traités. Ces arguments seraient en faveur d’un mécanisme de cytotoxicyté auto-immune, plutôt que dégénératif, dans la genèse des MIs. Si l’existence de ces anomalies semble donc en faveur d’une contribution dysimmunitaire au processus physiopathologique conduisant aux

MIs, elles ne prouvent pas pour autant un primum movens autoimmun. Il est remarquable, en effet, que les MIs soient dans leur très grande majorité résistantes aux traitements immunosuppresseurs contrairement aux PM/DM. D’autre part, il est connu que d’autres myopathies ne relevant pas d’un mécanisme auto-immun peuvent aussi être accompagnées d’un infiltrat inflammatoire, comme celles liées à un déficit héréditaire des gènes 48 codant la dysferline ou la laminine49 2 , ou comme au cours des dystro50 phies facioscapulohumérales . Des arguments exposés précédemment, il résulte donc deux hypothèses principales qui peuvent expliquer la genèse des MIs et qui s’opposent. Il est possible que l’infiltrat inf lammatoire (dont le facteur déclenchant reste inconnu) entraîne l’accumulation de protéines caractéristiques de la dégénérescence par l’élévation, dans le microenvironnement musculaire, de cytokines proinflammatoires et/ou de radicaux libres induisant des altérations mito-

chondriales. Il est aussi possible que l’accumulation des protéines caractéristiques de la dégénérescence (dont le facteur déclenchant reste inconnu) puisse induire une réponse immunitaire cytotoxique secondaire à l’égard des fibres musculaires les présentant. La physiopathologie exacte des MI reste mystérieuse.

Conclusion Les mécanismes physiopathologiques conduisant aux 3 principales myosites apparaissent comme bien distincts : microangiopathie médiée par le complément avec infiltrat inflammatoire secondaire aux phénomènes ischémiques pour la DM, cytotoxicité médiée par des lymphocytes T CD8+ autoréactifs à l’égard des fibres musculaires pour la PM et accumulation de diverses protéines avec une composante inflammatoire du type de celle de la PM pour la MI.Néanmoins,leurs facteurs déclenchants restent à découvrir (voir leurs caractéristiques les plus typiques dans le tableau 1). ■

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Physiopathologie des myopathies inflammatoires primitives

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20 novembre 2004 • tome 33 • n°20