Formation médicale continue Cas pour diagnostic
Ann Dermatol Venereol 2005;132:59-61
Placard érythémato-squameux linéaire plantaire F. BEN AMMAR (1), S. FENNICHE (1), R. BENMOUSLY (1), S. BEN JANNET (1), A. DEBBICHE (2), M. BEN AYED (2), I. MOKHTAR (1)
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ne femme de 35 ans, sans antécédent particulier, s’est présentée à notre consultation pour une kératodermie plantaire linéaire, unilatérale droite, évoluant progressivement depuis 5 mois. L’examen clinique mettait en évidence un placard érythémato-squameux à
(1) Service de Dermatologie, (2) Service d’Histopathologie, 1008, Hôpital Habib Thameur, Tunis, Tunisie. Tirés à part : S. FENNICHE, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected]
Fig. 1.
topographie linéaire, s’étendant du bord latéral interne du talon droit jusqu’au gros orteil (fig. 1). Les ongles n’étaient pas atteints et le reste de l’examen cutané ne trouvait pas d’atteinte similaire sur les autres régions cutanéomuqueuses. Le prélèvement mycologique était négatif. L’examen histologique montrait un épiderme hyperkératosique légèrement acanthosique et papillomateux, avec une discrète spongiose et quelques nécroses kératinocytaires. Dans le derme superficiel, on observait un infiltrat inflammatoire, lichénoïde,
mononuclée, en bande sous épidermique, associé à une incontinence pigmentaire (fig. 2). Un infiltrat inflammatoire profond était également observé, particulier par sa topographie périsudorale.
Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Inscrivez-les dans le cadre ci-dessous.
Fig. 2.
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F. BEN AMMAR, S. FENNICHE, R. BENMOUSLY et al.
Fig. 3. Infiltrat inflammatoire péri-annexiel.
Les hypothèses du Comité de Rédaction ont été :
– lichen striatus, – psoriasis linéaire.
Commentaires L’aspect clinique de dermatose érythémato-squameuse linéaire associé à des modifications eczématiformes de l’épiderme, à un infiltrat lichénoïde dermique et surtout la présence d’un infiltrat profond à topographie périsudorale (fig. 3) étaient en faveur du diagnostic de lichen striatus (LS). Un traitement à base de kératolytique était institué et l’évolution était favorable au bout de 3 mois. Cette dermatose rare, acquise, prédomine habituellement chez l’enfant mais peut se voir également à l’âge adulte [1, 2]. Elle réalise une éruption érythémato-squameuse linéaire caractéristique suivant les lignes de Blaschko. Le LS siége habituellement sur les membres ou le tronc et plus rarement sur la face [3, 4]. Nous n’avons pas retrouvé de LS à localisation plantaire isolée. Les diagnostics les plus couramment évoqués sont ceux d’un psoriasis linéaire ou d’un hamartome verruqueux linéaire inflammatoire. En fait, c’est surtout l’examen histologique qui permettra la confirmation du diagnostic. L’histologie du LS a été long60
temps considérée non spécifique et les aspects réalisés à type d’altérations lichénoïdes et/ou eczématiformes, pouvaient conduire à des difficultés diagnostiques avec d’autres dermatoses [5]. Récemment, plusieurs auteurs ont établi, à partir de grandes séries de biopsies cutanées, des critères histologiques propre au LS [6-8]. C’est ainsi qu’en plus des modifications psoriasiformes ou eczématiformes de l’épiderme et d’un infiltrat lichénoïde, la présence de foyers de nécrose kératinocytaire haut situés dans l’épiderme et d’un infiltrat inflammatoire profond périannexiel réalise une image histologique assez spécifique pour permettre le diagnostic histologique du lichen striatus et éliminer les autres dermatoses lichénoïdes. La présence d’un infiltrat inflammatoire de siège périannexiel est considérée par tous les auteurs comme un critère important pour le diagnostic du LS. En effet, parmi tous les signes histologiques notés par Gianotti [6], l’infiltrat périsudoral représentait le principal signe histologique retrouvé dans 15 cas sur 22, soit dans 68 p. 100 des cas. Ac-
kerman confirmait la particularité de cet infiltrat et soulignait l’importance de l’infiltrat inflammatoire le long des follicules pileux et/ou des canaux eccrines en association avec un infiltrat en bande sous épidermique et des lésions épidermiques [9]. De même, Miquel retrouvait dans presque tous les cas (12 sur 13) un infiltrat profond, d’allure pseudolymphomateuse, de topographie périannexielle et en particulier périsudorale [7]. L’infiltrat péripilaire est considéré par tous les auteurs comme étant aussi important que l’infiltrat périsudoral ; il constitue ainsi un critère majeur du diagnostic du LS. Sa fréquence variait entre 92 p. 100 des cas dans la série de Zhang [8], 68 p. 100 des cas dans la série de Gianotti [6] et dans toutes les biopsies ayant intéressé des follicules pileux dans la série de Miquel [7]. En conclusion, en dehors de ses localisations électives, le diagnostic de lichen striatus est à envisager devant un aspect clinique de kératodermie plantaire localisée, unilatérale et linéaire dont la confirmation sera histologique.
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Placard érythémato-squameux linéaire plantaire
Références 1. Cuny JF, Truchetet F. Lichen striatus. Ann Dermatol Venereol 2001;128:275-9. 2. Kennedy D, Rogers M. Lichen striatus. Pediatr Dermatol 1996;13:95-9. 3. Lee MW, Choi JH, Sung KJ, Moon KC, Koh JK. Linear eruption of the nose in childhood: a form of Lichen striatus? Br J Dermatol 2000;142:1208-12.
4. Fujimoto N, Tajima S, Ishibashi A. Facial lichen striatus: successful treatment with tacrolimus ointment. Br J Dermatol 2003;148:587-90. 5. Grosshans E. Acquired blaschkolinear dermatoses. Am J Med Genet 1999;85:334-7. 6. Gianotti R, Restano L, Grimalt R, Berti E, Alessi E, Caputo R. Lichen striatus: a cameleon: an histopathological and immunological study of forty-one cases. J Cutan Pathol 1995; 22:18-22.
7. Miquel C, Brousse N, De Prost Y, Fraitag S. Lichen striatus : évaluation des critères histologiques à partir de 13 cas. Ann Pathol 2000;20: 308-12. 8. Zhang Y, Mc Nutt NS. Lichen striatus: histological, immunohistochemical and ultrastructural study of 37 cases. J Cutan Pathol 2001;28:65-71. 9. Ackerman AB. Lichen striatus. In: Histologic diagnosis of inflammatory skin diseases. Second edition. William and Wilkins eds., 1997.
ERRATUM Concernant l’article FMC « Pédiculoses. S. Mostinckx, O. Vanhooteghem, A. Henrijean, M. De La Brassine. Ann Dermatol Venereol 2004;131:8425 », la figure 1, page 842, de l’article se rapportant aux pédiculoses montrait en fait un Phtirius pubis à la forme caractéristique de crabe et non un phtirius capitis dont les pattes sont plus graciles et le corps plus allongé. NDLR.
Fig. 1. Phtirius capitis à pattes graciles et corps allongé.
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