Place de la surveillance de la capnographie dans les détresses respiratoires aiguës

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Réanimation (2010) 19, 633—639 MISE AU POINT Place de la surveillance de la capnographie dans les détresses respiratoires aiguës Capnography monitor...

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Réanimation (2010) 19, 633—639

MISE AU POINT

Place de la surveillance de la capnographie dans les détresses respiratoires aiguës Capnography monitoring in patients with acute respiratory distress P. Jabre a,∗, X. Combes b, F. Adnet c a

Inserm, U970, centre cardiovasculaire de Paris, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France Samu 94, AP—HP, CHU Henri-Mondor, 94000 Créteil, France c Samu 93, AP—HP, CHU Avicenne, 93000 Bobigny, France b

Rec ¸u le 3 septembre 2010 ; accepté le 9 septembre 2010 Disponible sur Internet le 30 septembre 2010

MOTS CLÉS Capnographie ; Dioxyde de carbone ; Détresse respiratoire aiguë

KEYWORDS Capnography; Carbon dioxide; Acute respiratory distress



Résumé De mise en œuvre simple et non invasive, la capnographie est utilisée au bloc opératoire, en réanimation et dans les services d’urgences. Bien que la place de la capnographie pour le monitorage des patients en détresse respiratoire aiguë reste controversée, cette technique peut chez ces patients dépister précocement des complications ventilatoires ou hémodynamiques graves, orienter le diagnostic étiologique et pourrait dans certaines situations guider la thérapeutique. Cependant, la capnographie ne permet pas de s’affranchir de la mesure de la pression artérielle en CO2 (PaCO2 ) car de nombreuses pathologies cardiopulmonaires majorent la différence entre la PaCO2 et la pression de fin d’expiration en CO2 (PETCO2 ). Le gradient PaCO2 -PETCO2 doit être initialement calculé et ensuite réévalué pour éviter les interprétations erronées. L’évolution de ce gradient peut être utilisée comme un outil pour évaluer l’efficacité d’un traitement et optimiser les paramètres ventilatoires. © 2010 Société de réanimation de langue franc ¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Monitoring end tidal carbon dioxide values (ETCO2 ) with non-invasive capnography is a routine procedure in anaesthesia, intensive care and emergency medicine. Although controversy persists on whether patients with acute respiratory distress should be monitored with capnography, this technique can confirm endotracheal intubation and integrity of ventilatory apparatus, direct towards a diagnosis and in some situations, guide therapeutic. However, capnography does not allow to be freed from the measurement of arterial carbon dioxide pressure (PaCO2 ) because many cardiopulmonary diseases increase the difference between PaCO2 and ETCO2 . The PaCO2 -ETCO2 gradient must be initially calculated and then re-evaluated to avoid

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Jabre).

1624-0693/$ – see front matter © 2010 Société de réanimation de langue franc ¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2010.09.001

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P. Jabre et al. erroneous interpretations. The evolution of this gradient can be used as an effective clinical tool to evaluate the effect of therapeutic and the adequacy of the ventilatory parameters. © 2010 Société de réanimation de langue franc ¸aise. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La capnographie est la représentation graphique des variations de la concentration expirée en dioxyde de carbone (CO2 ). La capnométrie est la mesure de la concentration expirée du CO2 . Le plus souvent, les appareils de surveillance de ce paramètre affichent une courbe de capnographie et fournissent une mesure du CO2 expiré qui par convention est la valeur de la pression partielle de fin d’expiration en CO2 (PETCO2 ). Le monitorage de la capnographie permet d’évaluer la fonction ventilatoire et, indirectement, hémodynamique de manière continue et non invasive. La capnographie est utilisée au bloc opératoire, en réanimation, et aux urgences pour vérifier la position endotrachéale de la sonde d’intubation, surveiller le patient sédaté et ventilé et optimiser la prise en charge hémodynamique. La valeur du CO2 expiré a aussi été proposée comme indicateur pronostique de l’arrêt circulatoire. Ce monitorage a été rendu obligatoire en France pour les patients intubés dans le cadre d’une anesthésie se déroulant dans un bloc opératoire depuis le décret no 94-1050 de 1994 [1]. Son intérêt dans l’optimisation de la prise en charge des patients a été validé plus particulièrement chez des patients ne présentant pas de pathologie respiratoire. Il existe à l’heure actuelle une controverse quant à la place de la capnographie dans le monitorage des patients présentant une pathologie cardiopulmonaire [2]. L’objectif de cette mise au point est de préciser l’intérêt de la capnographie comme outil de monitorage chez les patients en détresse respiratoire aiguë. Les principales notions physiopathologiques ayant trait au métabolisme du CO2 au cours de l’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) seront abordées et une revue de la littérature concernant l’utilisation de la capnographie dans ce contexte clinique sera présentée.

Rappels physiologiques La présence de CO2 dans l’air expiré est due à la production métabolique de CO2 , de son transport vers les poumons et de son élimination par la ventilation (Fig. 1). Les modifications du CO2 expiré peuvent être influencées par le métabolisme, la circulation, la ventilation, les caractéristiques de l’arbre trachéobronchique et le fonctionnement du circuit respiratoire. La pression partielle artérielle en CO2 (PaCO2 ) constitue la mesure de référence du niveau de ventilation du patient et est une donnée indispensable pour l’interprétation des désordres acidobasiques. La PaCO2 normale est comprise entre 36 et 44 mmHg. Le mécanisme permettant la diffusion du CO2 du compartiment vasculaire vers l’air alvéolaire à travers la membrane alvéolaire s’appuie sur la différence de pression partielle entre les capillaires alvéolaires et l’air alvéolaire. Un équilibre entre les capillaires alvéolaires et l’air alvéolaire est

Figure 1 Circuit du dioxyde de carbone dans l’organisme. CO2 : dioxyde de carbone ; FiCO2 : fraction inspiratoire de CO2 ; PETCO2 : pression partielle de fin d’expiration en CO2 ; PACO2 : pression alvéolaire en CO2 ; PaCO2 : pression partielle artérielle en CO2 ; PvCO2 : pression veineuse en CO2 . Reproduction avec permission d’Oridion Medical 1987 Ltd.

établi en moins de 0,5 seconde chez un sujet présentant des poumons normaux et une perfusion normale, mais il peut être plus long à s’établir chez un patient souffrant d’affections pulmonaires. Ainsi, en l’absence de pathologie pulmonaire, la PETCO2 est considérée comme étant égale à la pression partielle alvéolaire en CO2 (PACO2 ). Dans ces conditions normales, les valeurs de la PETCO2 et la PaCO2 sont donc très proches ; le gradient PaCO2 -PETCO2 est de 2 à 5 mmHg en ventilation spontanée (Fig. 2) [3]. La PETCO2 est généralement inférieure à la PaCO2 traduisant la dilution des gaz provenant des alvéoles qui sont mieux ventilées que perfusées. Des valeurs de PETCO2 supérieures à la PaCO2 peuvent être néanmoins physiologiquement possibles. En cas d’IRA, le système respiratoire est incapable d’assurer des échanges gazeux en rapport avec les besoins métaboliques. En dehors des conditions extérieures telles que l’altitude, l’IRA est due à une altération soit de la fonction ventilatoire, soit de la fonction d’échange pulmonaire et parfois de l’association de ces deux mécanismes : • l’altération de la fonction ventilatoire est liée à une hypoventilation alvéolaire secondaire à l’atteinte de la

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Figure 2 Élimination du dioxyde de carbone (CO2 ) en cas de poumons sains (exemple). PETCO2 : pression partielle de fin d’expiration en CO2 ; PaCO2 : pression partielle artérielle en CO2 . Reproduction avec permission d’Oridion Medical 1987 Ltd.

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Figure 3 Diminution aiguë de la perfusion alvéolaire (exemple d’effet espace mort). PETCO2 : pression partielle de fin d’expiration en CO2 ; PaCO2 : pression partielle artérielle en CO2 . Reproduction avec permission d’Oridion Medical 1987 Ltd.

commande nerveuse (traumatisme crânien grave, accident vasculaire du tronc cérébral, intoxication aux psychotropes, myasthénie) ou à l’atteinte de l’arbre respiratoire (corps étranger, cancer ORL, pleurésie. . .). L’hypoventilation alvéolaire s’observe lors des troubles ventilatoires obstructifs (asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive), restrictifs (obésité, tétraplégie) ou mixtes. Elle est dans ce cas consécutive à une fatigue des muscles respiratoires, conséquence de l’augmentation prolongée du travail ventilatoire du patient ; • l’altération de la fonction d’échange pulmonaire est liée soit à des inégalités des rapports ventilation/perfusion (VA/Q) soit à un trouble de la diffusion alvéolocapillaire (maladie des membranes hyalines, pneumopathie). Le rapport VA/Q est le principal déterminant de l’élimination du CO2 et les meilleurs échanges pulmonaires s’effectuent entre un alvéole bien ventilé et un capillaire normalement perfusé. Les anomalies du rapport VA/Q s’accompagnent d’une augmentation de l’espace mort alvéolaire lorsque des territoires pulmonaires sont trop ventilés (distension) ou mal perfusés (embolie pulmonaire, états de choc, vasoconstriction hypoxique, syndrome respiratoire aiguë [SDRA]. . .). Dans ce cas le VA/Q devient supérieur à un (Fig. 3). En revanche, lorsqu’un alvéole est perfusé mais non ventilé, il existe une augmentation du shunt vrai ou de l’effet shunt (atélectasies, intubations endobronchiques, BPCO, bronchopneumonie, certaines cardiopathies congénitales cyanogènes, embolie pulmonaire. . .). Le VA/Q devient inférieur à un (Fig. 4). Dans toutes ces situations, la PETCO2 peut ne plus refléter la PaCO2 et le gradient PaCO2 -PETCO2 peut être modifié, parfois de manière importante.

Capnographie : aspects techniques Plusieurs techniques de détection et de mesure du CO2 dans le mélange expiré ont été proposées. La spectrophotométrie

Figure 4 Diminution aiguë de la ventilation pulmonaire (exemple de shunt intrapulmonaire). PETCO2 : pression partielle de fin d’expiration en CO2 ; PaCO2 : pression partielle artérielle en CO2 . Reproduction avec permission d’Oridion Medical 1987 Ltd.

par rayonnement infrarouge est la technique de capnographie la plus répandue actuellement en médecine. On distingue deux systèmes : • le système aspiratif sidestream où un échantillon de gaz est aspiré dans l’appareil pour être analysé ; • le système non aspiratif mainstream où la mesure se fait directement sur le flux gazeux du circuit respiratoire. Traditionnellement, le système aspiratif est indiqué pour les patients en ventilation spontanée car le dispositif de mesure est plus léger, alors que le système non aspiratif, plus encombrant est directement connecté à la sonde

636 d’intubation du patient intubé. Les progrès technologiques de ces dernières années ont rendu la distinction entre les dispositifs sidestream et mainstream moins importante grâce à la technique du microstream, qui est un en fait un système aspiratif amélioré par lequel le CO2 transite le long d’une très fine tubulure avant d’atteindre la chambre de mesure. Ce dispositif permet ainsi un temps de transit entre la bouche et la chambre de mesure beaucoup plus court. La courbe de capnographie visualisée devient alors quasi synchrone avec le flux d’air expiré. Ces dispositifs de mesure sont petits, compacts, légers, faciles d’utilisation et ne nécessitent que peu d’entretien. La précision de ces appareils, de l’ordre de 0,2 % pour le CO2 , est suffisante pour les applications cliniques. La présence d’oxygène ou de protoxyde d’azote fausse la mesure du CO2 , mais les dispositifs actuels corrigent automatiquement cet effet. Les variations de température ambiante et de la pression atmosphérique influencent la mesure et peuvent altérer le bon fonctionnement de certains capnographes notamment de type aspiratif. Chez les patients intubés, le filtre antibactérien induit une sous-estimation des valeurs de PETCO2 [4] mais, compte tenu du risque de contamination du dispositif médical par des agents infectieux conventionnels et du risque d’obstruction du système de mesure par les sécrétions bronchiques (pouvant conduire à de fausses mesures), il paraît souhaitable d’interposer le capnomètre entre le filtre et le système de ventilation manuelle ou mécanique. Pour monitorer le CO2 expiré chez les patients non intubés en ventilation spontanée, il existe des sondes permettant un apport séparé d’oxygène et un recueil du CO2 expiré. Elles permettent d’obtenir des valeurs relativement fiables du CO2 expiré.

Interprétation du capnogramme et modifications du gradient PaCO2 -PETCO2 Deux types de capnogrammes sont possibles : ceux qui explorent le CO2 expiré en fonction du temps (l’appellation courante de « capnographie » fait référence à ce type de courbes que nous détaillerons dans le paragraphe suivant) ou en fonction du volume expiré (capnographie volumétrique). La capnographie volumétrique permet de calculer le volume net de CO2 expiré par le patient, qui est exprimé en volume (mL/min) plutôt qu’en pression partielle. Les modifications des rapports VA/Q sont mieux appréciées par la capnographie volumétrique. La représentation graphique du CO2 expiré en fonction du volume permet de mesurer de fac ¸on automatisée l’espace mort physiologique (espace mort anatomique + espace mort alvéolaire) [5]. La capnographie volumétrique constitue probablement l’avenir de la capnographie mais il n’y a actuellement pas de données cliniques suffisantes pour utiliser en routine cette technique en situation d’urgence. La morphologie normale d’une courbe de capnographie comprend quatre phases (Fig. 5) : • la base inspiratoire (I) : la pression partielle de CO2 est égale à 0, elle correspond à la vidange de l’espace mort anatomique ;

P. Jabre et al.

Figure 5

Capnogramme et ses quatre phases.

• la montée expiratoire (II) : la valeur du CO2 expiré augmente progressivement correspondant à un mélange gazeux provenant de l’espace mort et d’air alvéolaire ; • le plateau expiratoire (III) : ce plateau est légèrement ascendant, il est séparé de la phase II par un angle ␣. La PETCO2 , valeur affichée du capnomètre, correspond à la valeur de fin de plateau ; • suit après un angle ␤ la phase 0 qui correspond à l’inspiration avec chute brutale du CO2 jusqu’à la ligne de base qui est normalement à 0 mmHg. Chez le patient en détresse respiratoire aiguë, la capnographie apporte des éléments de surveillance importants, si l’on interprète correctement le capnogramme et que l’on comprenne les déterminants du gradient PaCO2 -PETCO2 . L’analyse du capnogramme doit être systématique. Elle comprend l’analyse des quatre phases de la courbe et l’analyse du rythme respiratoire et du caractère brutal ou progressif des modifications de la courbe. Un capnographe muni de limite d’alarme appropriée permet ainsi de détecter une intubation œsophagienne, un débranchement, une apnée, une extubation, une obstruction complète de la sonde trachéale ou un mauvais fonctionnement du ventilateur. Dans tous ces cas, le CO2 expiré est nul. La capnographie est la méthode standard de vérification de la position endotrachéale de la sonde d’intubation, indispensable lors de l’intubation d’un patient en détresse respiratoire. En cas d’intubation œsophagienne, de très petites courbes de capnie peuvent être observées correspondant soit à du CO2 qui a pénétré dans l’estomac lors de la ventilation au masque soit à du CO2 contenu dans certaines boissons ou médicaments. Une diminution brutale de la PETCO2 sans modification du capnogramme chez un patient intubé doit faire suspecter une baisse du débit cardiaque. La capnographie ne peut cependant remplacer en toute circonstance le recours au prélèvement d’un gaz sanguin artériel considéré comme référence pour la mesure du CO2 sanguin. Le monitorage continu de la PETCO2 est insuffisant pour les patients qui justifient d’un contrôle strict de la PaCO2 surtout si la durée de prise en charge est prolongée. L’augmentation de l’espace mort alvéolaire, de l’effet shunt ou le shunt vrai a pour conséquence une augmentation du gradient PaCO2 -PETCO2 . De plus, les modifications du rythme respiratoire peuvent introduire des erreurs de mesure de la PETCO2 . Dans ces conditions, il est indispensable de calculer le gradient. Une fois le gradient de base calculé, la surveillance de la PETCO2 pourrait réduire

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spasticité de l’arbre bronchique et de guider l’efficacité des thérapeutiques mises en place [11].

Embolie pulmonaire

Figure 6 Différences entre un capnogramme normal et chez l’asthmatique. Reproduction avec permission d’Oridion Medical 1987 Ltd.

le recours au prélèvement d’un gaz sanguin artériel. Une modification brutale de la PETCO2 doit pousser rapidement le clinicien à mesurer la PaCO2 à l’aide d’un gaz du sang. La variabilité du gradient PaCO2 -PETCO2 entre individus et chez le même individu au cours du temps oblige aussi à répéter ces mesures [6]. Ainsi, pour toutes les pathologies associées à des anomalies du rapport VA/Q pulmonaire et à des modifications de l’espace mort alvéolaire, il faudra initialement combiner PETCO2 avec la mesure d’un gaz sanguin artériel pour apprécier l’importance du gradient PaCO2 -PETCO2 . Ce gradient doit être ensuite réévalué pour éviter les interprétations erronées. L’évolution de ce gradient peut être utilisée comme un outil clinique efficace pour évaluer l’efficacité d’un traitement et optimiser les paramètres ventilatoires [2,7].

Problèmes d’interprétation de la capnographie Patients asthmatiques Une grande partie des études cliniques publiées sur la capnographie concerne les patients asthmatiques en ventilation spontanée. Dans ce contexte, la PETCO2 n’est plus le reflet de la pression alvéolaire en CO2 du fait d’un trapping alvéolaire important. Cependant, le temps expiratoire est souvent prolongé chez les patients asthmatiques dont la majorité est jeune sans autre pathologie associée, entraînant une réduction du gradient PaCO2 -PETCO2 . Des valeurs moyennes de gradient dans les limites de la normale ont ainsi été observées [8]. Comparée à des patients sains, la valeur de la PETCO2 est significativement inférieure chez des patients asthmatiques en exacerbation aiguë [9]. La mesure de la PETCO2 après le premier et dernier bronchodilatateur peut être un moyen facile, objectif, non invasif, indépendant de l’effort, permettant d’évaluer la sévérité de l’asthme mais essentiellement pour des patients en états stables, non anxieux et coopérants [9]. En cas de pathologie pulmonaire obstructive, la forme du capnogramme est modifiée avec réduction du pseudoplateau expiratoire et augmentation de l’angle ␣ entre la phase ascendante et la phase plateau de la courbe à cause de la gêne à l’élimination du CO2 durant l’expiration (Fig. 6) [10]. La mesure de la pente du plateau expiratoire permet aussi de quantifier la

L’embolie pulmonaire augmente l’espace mort alvéolaire et entraîne ainsi une diminution de la PETCO2 et une augmentation du gradient PaCO2 -PETCO2 [12]. Les développements récents explorent la possibilité d’utiliser la valeur du CO2 expiré comme aide au diagnostic de l’embolie pulmonaire. Il s’agit d’exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire quand une probabilité clinique faible est associée à un gradient PaCO2 -PETCO2 normal chez un patient qui a des d-dimères positifs. Une autre approche d’analyse du capnogramme a été de mesurer la surface sous la courbe qui est diminuée chez les patients avec embolie pulmonaire [13]. L’intérêt du CO2 expiré pour évaluer l’efficacité d’une fibrinolyse dans l’embolie pulmonaire est aussi à valider. Actuellement, la capnographie volumétrique semble pouvoir être proposée dans le diagnostic et le suivi de l’embolie pulmonaire mais elle n’a pas montré de supériorité comparée aux mesures de la fraction de l’espace mort alvéolaire estimée par l’équation de Bohr modifiée [(PaCO2 PETCO2 )/PaCO2 ] pour exclure le diagnostic d’une embolie pulmonaire chez les patients non hospitalisés avec des ddimères positifs [14].

Syndrome respiratoire aiguë Dans le SDRA, la capnographie volumétrique procure des informations qui pourraient aider à la titration de la pression de fin d’expiration positive (PEEP) et dont la valeur semble pouvoir être un élément du pronostic de ces patients [15,16].

Détresse respiratoire aiguë Chez des patients non intubés pris en charge en milieu préhospitalier pour détresse respiratoire aiguë, la mesure de la PETCO2 ne reflétait pas de fac ¸on précise la PaCO2 avec un gradient moyen PaCO2 -PETCO2 de 12 ± 8 mmHg [17]. Comme dans l’étude de Belpomme et al. réalisée chez des patients intubés, les gradients les plus élevés étaient observés chez les patients hypercapniques [6,17]. L’hypercapnie est souvent due à une hypoventilation alvéolaire expliquant l’augmentation du gradient. De plus, les gradients les plus élevés étaient aussi observés chez les patients tachypnéiques [17]. Il est bien connu que plus la fréquence respiratoire est élevée, plus la valeur de la PETCO2 peut être sous-estimée [18]. L’expiration forcée pourrait diminuer ce biais, mais elle est souvent impossible à obtenir chez les patients en détresse respiratoire [19]. L’étude récente de Delerme et al., chez des patients dyspnéiques non intubés aux urgences, a aussi montré le manque de précision de la PETCO2 dans la prédiction de la PaCO2 [20].

Traumatisé grave Chez le traumatisé grave, les situations majorant le gradient PaCO2 -PETCO2 étant nombreuses (contusion pulmonaire,

638 hypovolémie, embolie graisseuse, embolie pulmonaire, bronchospasme, défaillance ventilatoire aiguë ou chronique), les variations de la PETCO2 ne reflètent les variations de la PaCO2 que dans 40 % des cas et dans 27 % des cas les deux paramètres varient en sens opposé [21].

Enfants La capnographie est souvent utilisée chez les enfants, surtout en anesthésie pédiatrique [22]. Elle permet de reconnaître les obstructions bronchiques distales et le bronchospasme [23]. L’étude de Moses et al. chez des enfants non intubés en détresse respiratoire modérée à sévère a montré une différence entre la PETCO2 et la pression veineuse en CO2 allant de −14 à + 13 mmHg, ce qui confirme la nécessité des gaz du sang pour pouvoir évaluer précisément le niveau de ventilation alvéolaire [24]. L’étude de McDonald et al. chez des enfants ventilés pour des pathologies pulmonaires minimes à modérées a montré une bonne corrélation (r2 = 0,72) entre PETCO2 et PaCO2 et soutient fortement la capnographie comme technique non invasive pour la surveillance de la ventilation de ces patients [25]. Cependant, la différence absolue entre PETCO2 et PaCO2 était moins de 5 mmHg dans seulement 54 % des cas et plus de 10 mmHg dans 20 % des cas. La mesure transcutanée du CO2 semble plus précise que la capnographie chez les patients, adultes ou enfants, présentant des inégalités des rapports VA/Q [26]. Les patients nécessitant un contrôle strict de la PaCO2 surtout si la durée de prise en charge est prolongée peuvent bénéficier de l’association de la capnographie et de la mesure transcutanée du CO2 [27,28].

Conclusion De mise en œuvre simple et non invasive, la capnographie est devenue un monitorage essentiel en anesthésie mais aussi en réanimation et aux urgences. Elle doit être utilisée chez les patients en détresse respiratoire aiguë nécessitant une intubation trachéale afin d’abord de confirmer le bon positionnement de la sonde d’intubation. La capnographie ne permet pas de s’affranchir de la mesure de la PaCO2 chez les patients en détresse respiratoire aiguë car de nombreuses pathologies cardiopulmonaires induisent une variation importante et non prévisible du gradient PaCO2 PETCO2 . Ce gradient doit ainsi être initialement calculé et ensuite réévalué pour éviter les interprétations erronées. La surveillance da la capnographie pourrait devenir un outil clinique intéressant pour évaluer l’efficacité de certains traitements et optimiser les paramètres ventilatoires mais les études cliniques sont encore peu nombreuses pour préciser la place exacte de ce monitorage, notamment chez les patients en ventilation spontanée.

Conflit d’intérêt Aucun.

P. Jabre et al.

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