Pneumopathie d’hypersensibilité chez une endivière

Pneumopathie d’hypersensibilité chez une endivière

Cas clinique Pneumopathie d’hypersensibilité chez une endivière G. Colin, J. Lelong, I. Tillie-Leblond, A.B. Tonnel Résumé Introduction Nous rapport...

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Cas clinique

Pneumopathie d’hypersensibilité chez une endivière G. Colin, J. Lelong, I. Tillie-Leblond, A.B. Tonnel

Résumé Introduction Nous rapportons le cas d’une pneumopathie d’hypersensibilité professionnelle chez une patiente conditionneuse d’endives. Observation Le diagnostic a été porté sur la coexistence d’une symptomatologie de broncho-alvéolite aiguë avec hyperthermie, de précipitines sériques dirigées vis-à-vis des moisissures présentes sur l’endive, et notamment Fusarium, mais aussi la disparition des signes cliniques et radiologiques après arrêt de l’exposition professionnelle. Conclusion La symptomatologie clinique, la notion de sensibilisation à Fusarium, l’évolution après éviction du risque évoque une pneumopathie d’hypersensibilité dans un contexte d’exposition aux feuilles d’endives. Mots-clés : Endive • Allergie professionnelle • Fusarium • Pneumopathie d’hypersensibilité.

Service de Pneumologie et Immuno-allergologie, Hôpital Albert-Calmette, Lille, France. Correspondance : I. Tillie-Leblond Clinique des maladies respiratoires, Hôpital Albert Calmette, 59037 Lille Cedex. [email protected] Réception version princeps à la Revue : 03.10.2006. 1ère demande de réponse aux auteurs : 04.12.2006. Réception de la réponse des auteurs : 19.03.2007. Acceptation définitive : 22.03.2007.

Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 1139-42 Doi : 10.1019/200720164

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© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Introduction Hypersensitivity pneumonitis in a chicory worker

G. Colin, J. Lelong, I. Tillie-Leblond, A.B. Tonnel

Summary Introduction We report a case of occupational hypersensitivity pneumonitis in a patient handling chicory leaves. Case report The diagnosis was based symptoms of bronchoalveolitis with pyrexia, positive precipitins to moulds present on chicory, especially Fusarium, and the disappearance of the clinical and radiological manifestations following cessation of exposure to chicory. Conclusion "Chicory worker’s lung" is an occupational disease which should be considered in cases of respiratory symptoms suggestive of hypersensitivity pneumonitis and chronic exposure to chicory leaves. Key-words: Chicory • Fusarium • Occupational allergy • Hypersensitivity pneumonitis.

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En pathologie professionnelle, les pneumopathies d’hypersensibilité (PnHS) liées à l’inhalation de particules organiques sont fréquemment décrites, particulièrement en milieu agricole. La profession d’endivier expose à l’inhalation de nombreux antigènes, en particulier de moisissures. Nous décrivons un cas de PnHS aux moisissures présentes sur les feuilles d’endive, probablement favorisé par le changement récent des modalités de culture.

Observation La patiente de 24 ans était adressée aux urgences pour une détresse respiratoire aiguë avec hyperthermie à 39°4 et expectoration purulente. Ses antécédents étaient marqués par un asthme évoluant depuis l’âge de 15 ans et un tabagisme estimé à 6 paquets-années. La patiente était sous contraception orale (Trinordiol®). La patiente exerçait depuis un an la profession de conditionneuse d’endives. Six mois avant l’hospitalisation, alors que le mode de culture avait changé (culture en terre), apparaissaient une dyspnée d’effort, des épisodes d’oppression thoracique, une toux nocturne et des lésions d’eczéma de contact au niveau des mains, atténuées par l’utilisation de gants. À l’admission, il existait une polypnée à 30 cycles/mn avec un tirage susclaviculaire. L’auscultation pulmonaire objectivait des râles crépitants et des sibilants à prédominance droite. Le reste de l’examen clinique ne retrouvait que des lésions eczématiformes des mains. L’hémogramme montrait après corticothérapie 30,6 x 103 leucocytes/mm3, dont 98 % de polynucléaires neutrophiles. La C reactive protein sérique était à 30 mg/L. Les sérodiagnostics vis-à-vis de Chlamydia pneumoniae, de Mycoplasma pneumoniae ainsi que la recherche de l’antigène urinaire de Legionella pneumophila étaient négatifs. Il existait un trouble ventilatoire restrictif avec un VEMS à 1,54 L (49 % de la théorique), un rapport de Tiffeneau à 82 %, une CVF à 2,22 L, (soit 62 %), et une CPT à 3 L (soit 61 %). Le transfert du monoxyde de carbone (TLCO) était abaissé à 50 %, avec un coefficient de transfert du CO (DLCO/VA) à 58 %. L’examen tomodensitométrique en haute résolution, mettait en évidence des plages de verre dépoli plurifocales, du lobe supérieur droit et du lobe moyen, sans adénopathie médiastinale (fig. 1). Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) réalisé 48 heures plus tard montrait une hypercellularité à 470/mm3, dont 72 % de macrophages, 14 % de polynucléaires neutrophiles, 5 % d’éosinophiles et 9 % de lymphocytes. Le score de Golde était négatif. Aucun micro-organisme n’a été retrouvé à l’examen direct du liquide de LBA ni en culture. La recherche de précipitines sériques (technique d’Ouchterlony) était positive à 2 arcs pour Aspergillus flavus et A. fumigatus, ainsi que pour de nombreuses moisissures d’origine tellurique (3 arcs pour Scedosporium sp et Fusarium sp, 2 arcs pour Rhizopus sp). La culture d’un échantillon d’endive sur milieu de Sabouraud permettait l’isolement de nombreuses colonies de Candida spp et de Fusarium sp. L’état clinique s’améliorait rapidement sous cure courte de corticoïdes (prednisolone : 60 mg par jour pendant 4 jours). Le diagnostic de pneumopathie d’hypersensibilité était retenu, et une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 45 B du régime agricole a été effectuée par la patiente. Après six semaines d’arrêt de travail, les images pulmonaires en verre dépoli avaient disparu, la fonction respiratoire s’améliorait et le TLCO passait de 50 % à 73 % de la théorique (le DLCO/VA passait de 58 % à 77 %). De plus le nombre d’arcs de précipitation diminuait de 2 à 1 arc pour A. fumigatus, et de 3 à 2 arcs pour Fusarium sp. Les prick-tests pour les pneumallergènes standards (y compris les moisissures en cause chez la patiente) étaient négatifs en lecture immédiate et semi-retardée. En revanche, des tests cutanés réalistes réalisés avec l’endive native et le jus d’endive étaient positifs, respectivement à 6 et 7 mm en lecture immédiate. Les IgE totales étaient à 207 KU/L (normale inférieure à 91 KU/L). Les IgE spécifiques d’A. fumigatus et d’un mélange de moisissures (dont Fusarium sp) étaient négatives.

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Fig. 1.

Scanner thoracique : infiltrats en verre dépoli lobaire supérieur droit.

Discussion L’histoire de cette patiente est très évocatrice d’une forme subaiguë de PnHS en rapport avec la manipulation des endives. Le diagnostic a été retenu devant l’exposition à des moisissures présentes sur les feuilles d’endives, la mise en évidence de précipitines sériques dirigées contre ces moisissures, les anomalies fonctionnelles et radiologiques compatibles avec le diagnostic de PnHS et la disparition des symptômes à l’arrêt de l’exposition. Une récente classification reconnaît trois tableaux évolutifs de PnHS [1] : forme aiguë progressive, forme aiguë intermittente non progressive et forme récurrente chronique. L’histoire de la patiente, marquée par l’installation insidieuse d’une dyspnée, sur laquelle se greffent des épisodes respiratoires d’intensité modérée, se rapproche plus de la forme aiguë intermittente non progressive. On peut s’interroger sur le diagnostic d’asthme professionnel chez cette patiente. La notion d’un asthme chez un endivier a déjà été décrite [2]. Cependant, dans notre observation, la présence d’un syndrome restrictif pur, des opacités en verre dépoli et les précipitines sériques sont plus en faveur du diagnostic de PnHS. Bien que compatible avec le diagnostic de PnHS, le tableau clinique peut faire également discuter une pneumopathie infectieuse, notamment en raison du caractère unilatéral des opacités en verre dépoli. Cependant, la culture du LBA, l’antigénurie de L. pneumophilia et les sérologies de M. pneumoniae et C. pneumoniae sont négatives et rendent ce diagnostic peu probable. D’autre part, une pneumopathie fongique est tout à fait exceptionnelle chez un patient immunocompétent et celle-ci n’aurait pas régressé sous corticoïdes seuls. Enfin, des symptômes compatibles avec une PnHS évoluaient depuis plusieurs mois et se sont amendés après l’éviction antigénique. La formule du LBA, plutôt

inhabituelle par sa neutrophilie, peut s’expliquer d’une part par le tabagisme actif de la patiente et d’autre part par la précocité de la réalisation du LBA par rapport à l’exposition antigénique. Fournier et coll. [3] ont montré qu’une alvéolite neutrophile transitoire survient immédiatement après l’inhalation de l’antigène dans la PnHS. La lymphocytose alvéolaire, liée à l’afflux de cellules T activées, survient plus tardivement [3-5]. Quant à la polynucléose neutrophile sanguine, elle peut s’expliquer par la libération, après contact de l’antigène, de médiateurs pro-inflammatoires, comme le TNF-α, l’IL-1 et surtout l’IL-8 [5]. Avant l’apparition des symptômes, la patiente manipulait des endives cultivées en hydroponie (culture sans terre, dans un substrat inerte fait d’eau et de sels minéraux). La symptomatologie a débuté quand elle a commencé à manipuler des endives poussant en pleine terre. De toutes les moisissures pour lesquelles le sérodiagnostic était positif, seul Fusarium sp a été retrouvé sur les feuilles d’endive, mais outre Fusarium sp, Cladosporium sp, Scedosporium sp, et Rhizopus sp font partie des moisissures d’origine tellurique. Ces éléments ont permis de rattacher la PnHS à cette modalité de culture en pleine terre. Initialement, la PnHS avait été décrite comme une réaction d’hypersensibilité à complexes immuns (type III de la classification de Gell et Coombs). Cependant, cette séparation des différents composants de la réaction immunitaire est artificielle, car un seul antigène peut engendrer plusieurs types de réponses immunitaires [5]. Ainsi, il a été mis en évidence chez notre patiente, en plus des précipitines sériques (réaction de type III), deux types d’hypersensibilité : type I ou immédiate avec la positivité du prick-test à travers la feuille d’endive, et une possible réaction retardée (type IV) qui peut être évoquée devant la présence de lésions eczématiformes des mains, s’atténuant avec l’utilisation de gants. Cependant, dans ce dernier cas, les substances en cause seraient les lactones de l’endive, déjà décrites comme cause d’eczéma de contact à l’endive [6]. À notre connaissance, il s’agit du premier cas décrit de pneumopathie d’hypersensibilité professionnelle aux moisissures d’endive. Dans la littérature, un cas de pneumopathie d’hypersensibilité chez un patient manipulant des endives avait déjà été rapporté [7]. Cependant, l’antigène mis en évidence était une protéine contenue dans la plante, sans qu’aucune réaction vis-à-vis de moisissures n’ait été mise en évidence. Ce patient manifestait également des réactions d’hypersensibilité immédiate alimentaire à l’ingestion d’endive, ce qui a également fait l’objet de plusieurs publications [8]. Notre patiente ne rapportait aucune manifestation à l’ingestion de la plante, sous forme cuite ou crue. Fusarium sp, qui a été retrouvé sur la culture de feuilles d’endive, a déjà été décrit comme allergène de PnHS, soit seul (F. napiforme mis en évidence au domicile d’un patient) [9], soit associé à d’autres levures, comme décrit dans la maladie des laveurs de fromages [10]. © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Étant donné les contacts répétés avec des endives, il est probable que cette sensibilisation ait été induite par une exposition professionnelle. Actuellement, la pneumopathie d’hypersensibilité chez l’endivier est reconnue comme une maladie professionnelle, dans le cadre du tableau n° 45 B du régime agricole [11]. La présence de précipitines sériques dirigées contre les moisissures d’endive est nécessaire pour la reconnaissance, sauf si l’exposition professionnelle est associée à une alvéolite lymphocytaire au LBA. Le traitement repose à l’évidence sur l’arrêt de l’exposition professionnelle.

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Références

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Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 1139-42

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