Polymyosite et dermatomyosite

Polymyosite et dermatomyosite

3  j  Chapter Title 1193 156 Toby Bates  •  Teresa K. Tarrant Polymyosite et dermatomyosite Introduction La polymyosite (PM) et la dermatomyos...

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3  j  Chapter Title

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Toby Bates  •  Teresa K. Tarrant

Polymyosite et dermatomyosite Introduction La polymyosite (PM) et la dermatomyosite (DM) sont des myopathies idiopathiques inflammatoires. Les deux maladies peuvent commencer de manière insidieuse, par de la faiblesse musculaire proximale et symétrique. La maladie extramusculaire peut se manifester comme une maladie cardiaque, digestive, respiratoire, cutanée ou arthritique. La PM et la DM peuvent survenir en association avec d’autres maladies auto-immunes et des cancers. L’incidence réelle de ces maladies est difficile à évaluer en raison de leur rareté. L’incidence annuelle serait de 2,18 à 7,7 cas par million et par an ; la répartition selon l’âge est bimodale ; l’apparition chez l’enfant survient entre 10 et 15 ans et, chez les adultes, entre 45 et 60 ans. La DM est plus fréquente que la PM, en particulier chez les enfants. Comme avec la plupart des maladies auto-immunes, les femmes sont 2 fois plus souvent touchées que les hommes, et l’incidence serait plus forte chez les Afro-Américains que chez les Blancs. Une augmentation globale de l’incidence a été suggérée, mais l’amélioration des critères diagnostiques et une attention plus grande portée à ces affections pourraient expliquer cette tendance.

Étiologie et pathogénie L’étiologie et la pathogénie de la PM et de la DM demeurent inconnues. Les rapports de maladie musculaire idiopathique inflammatoire dans plusieurs membres d’une même famille et chez des jumeaux monozygotes suggèrent une prédisposition génétique. Des corrélations ont été observées avec l’antigène leucocytaire humain (HLA)DRB1*0301 chez les Blancs atteints de PM et avec HLADQA1*0501 dans la DM juvénile. Des anticorps propres à ces maladies ont été identifiés ; toutefois, on ignore encore si ces anticorps jouent un rôle pathogène. Trois groupes d’anticorps spécifiques de myosite ont été bien étudiés, et des profils cliniques ont été décrits pour chaque groupe (tableau 156.1). Bien que les tableaux cliniques de la PM et de la DM soient similaires, les processus immunologiques sousjacents aux deux maladies paraissent bien différents. La DM aboutit à une microangiopathie, à la destruction des capillaires de l’endomysium et à une ischémie musculaire due à une réaction immunitaire humorale. Les cellules B prédominent dans l’infiltrat inflammatoire périvasculaire,

des immunoglobulines et les produits de dégradation du complément se déposant dans les vaisseaux sanguins. En revanche, l’inflammation de la PM dépend d’un mécanisme cellulaire. Les muscles exprimant le complexe majeur d’histocompatibilité (MHC) de classe I sont infiltrés de lymphocytes cytotoxiques CD8+. Des myopathies inflammatoires peuvent survenir dans le cadre d’une connectivite hétérogène avec une superposition de caractéristiques de sclérodermie, de lupus érythémateux disséminé (LED), de connectivite mixte ou de syndrome de Sjögren. Moins fréquemment, la PM et la DM sont associées à une polyarthrite rhumatoïde, à la maladie de Still de l’adulte ou à une granulomatose de Wegener. La faiblesse musculaire est souvent un symptôme important dans ces syndromes de chevauchement. Le risque de malignité est augmenté en cas de PM et de DM, mais le risque relatif est plus élevé dans la DM. Les cancers le plus souvent associés à ces myopathies inflammatoires sont ceux de l’ovaire, du sein, de l’estomac, du côlon et le lymphome non hodgkinien ; tout autre type de tumeur peut être observé. Le risque de malignité est le plus élevé

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1194 SECTION XV  j  Affections du système immunitaire, du tissu conjonctif et des articulations Tableau 156.1  Anticorps spécifiques en cas de myosite Autoanticorps

Manifestations cliniques

Résultats du traitement

Anti-aminoacyl-ARNt synthétase (Anti-Jo-1, les plus fréquents)

Risque accru de maladie pulmonaire interstitielle Syndrome antisynthétase : fièvre, arthrite, maladies pulmonaires interstitielles, phénomène de Raynaud et mains de mécanicien Apparition soudaine d’une dermatomyosite, souvent avec le signe du châle Polymyosite

Variable

Anti-Mi-2 Antiparticule de reconnaissance du signal (SRP)

Favorable Médiocre

Maladie grave et aiguë Association possible avec myosite nécrosante

Tableau 156.2  Manifestations cutanées de la dermatomyosite Manifestation cutanée

Description

Papules de Gottron

Pathognomoniques de la DM. Papules de couleur rouge sombre à violacée, plates ou surélevées, sur la face dorsale des articulations MCP ou IPP. Peuvent survenir sur les poignets, les coudes, les genoux et les malléoles. Le LED diffère en ce que l’éruption se produit entre les articulations MCP et les IPP (voir la figure 156.2). Hautement caractéristique de la DM. éruption de couleur lilas/violet avec souvent un œdème périorbitaire. Peut impliquer le menton, le front et la région malaire. Contrairement au LED, elle n’épargne pas les plis nasogéniens (voir la figure 156.2). Moins spécifique. Lésions maculaires confluentes, érythémateuses, violacées du cou et du thorax antérieur. Moins spécifique. Lésions maculaires, érythémateuses, violacées du cou, impliquant la nuque, le haut du dos et l’arrière des épaules. Moins spécifique. Lésions maculaires, érythémateuses, violacées sur les faces latérales des cuisses. Hyperkératose, desquamation et fissuration de la portion latérale des doigts et des paumes. Ce signe peut être associé à un syndrome antisynthétase. Sous-cutanées, dans les fascias et intramusculaires. Principalement dans la DM juvénile. Peuvent être étendues, invalidantes et indépendantes de l’implication inflammatoire musculaire. Signe non spécifique observé dans la DM et la PM, ainsi que dans d’autres connectivites.

éruption héliotrope

Signe V Signe du châle Signe de l’étui de pistolet (holster) Mains de mécanicien

Calcifications

Télangiectasies du sillon latéral de l’ongle, érythème périunguéal et prolifération cuticulaire

DM : dermatomyosite ; IPP : interphalangienne proximale ; LED : lupus érythémateux disséminé ; MCP : métacarpophalangienne ; PM : polymyosite.

au cours de la première année du diagnostic, puis diminue, mais ne rejoint jamais celui de la population normale.

Tableau clinique La PM et la DM sont définies par la survenue insidieuse de faiblesse symétrique des muscles proximaux en plusieurs semaines ou plusieurs mois, ce qui explique pourquoi les patients consultent leur médecin assez tard et ce qui retarde le diagnostic définitif. Classiquement, une faiblesse musculaire sans douleur est caractéristique de la maladie, mais des myalgies accompagnent la faiblesse dans jusqu’à 30 % des cas. Les patients peuvent se plaindre de difficultés à se lever, seul ou sans l’utilisation des mains, d’une chaise ou des toilettes (figure 156.1). La faiblesse de la partie proximale des

membres inférieurs rend la marche instable, provoquant un dandinement, dite « marche de Duchenne » ou « marche en canard ». Monter des escaliers ou quelques marches relève du défi, surtout si une rampe n’est pas disponible. Si la ceinture scapulaire est atteinte, la faiblesse rend le patient incapable de se laver les cheveux ou de les peigner (voir la figure 156.1). Lorsque les muscles du tronc et du cou sont impliqués, passer de la position couchée à la position debout ou soulever la tête de l’oreiller devient pénible. Au fil du temps, la faiblesse musculaire peut devenir distale, mais la participation des muscles oculaires et faciaux est extrêmement rare. Comme son nom l’indique, la caractéristique clinique qui distingue la DM de la PM est l’atteinte cutanée (tableau  156.2 ; figure 156.2), qui peut précéder, se développer simultanément ou survenir après des manifestations musculaires. Les éruptions sont souvent photosensibles.



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Figure 156.1  S  ignes de myopathies inflammatoires.

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Figure 156.2  M  anifestations cutanées classiques de la dermatomyosite.

L’œdème et la décoloration héliotrope autour des yeux constituent un signe classique. Une éruption érythémateuse étendue peut aussi être présente

Difficulté de se lever d’un siège, souvent une des premières plaintes

Difficulté de lever le bras pour le brossage des cheveux

Une minorité des patients développent des lésions cutanées classiques, sans atteinte musculaire ; ce syndrome est appelé « dermatomyosite amyopathique » ou « dermatomyosite sans déficit musculaire ». La PM et la DM sont des maladies systémiques pouvant impliquer plusieurs systèmes d’organes. La prévalence de la maladie pulmonaire interstitielle est très variable, allant de 5 à 65 % ; elle peut survenir à tout moment au cours de l’évolution. Le syndrome peut être asymptomatique (27 %) ou se manifester par des symptômes allant d’une toux sèche à une dyspnée franche. La présence d’anticorps anti-histidyl ARNt synthétase (anti-Jo-1) est associée à un risque accru de maladie pulmonaire interstitielle. Toutefois, la dyspnée en cas de maladie musculaire inflammatoire n’est pas toujours due à une maladie pulmonaire interstitielle ;

Érythème et/ou éruption papuleuse et squameuse autour des ongles des doigts, et sur le dos des articulations interphalangiennes

elle peut résulter d’une faiblesse des muscles thoraciques ou de fausses déglutitions chroniques causées par un dysfonctionnement œsophagien. L’atteinte cardiaque se manifeste généralement sous forme de modifications du tracé électrocardiographique ; elle est asymptomatique dans 50 % des cas. Une arythmie significative, une myocardite et une insuffisance cardiaque congestive sont rares. Dans près d’un tiers des cas, le patient se plaint de dysphagie. Elle est due soit à la faiblesse des muscles oropharyngés, soit à une atteinte des muscles striés du tiers supérieur de l’œsophage. Une pneumonie par aspiration, une régurgitation nasale ou une dysphonie peuvent ­résulter d’une faiblesse musculaire oropharyngée ou ­œsophagienne. Bien que rares chez l’adulte, les saignements gastro-intestinaux

1196 SECTION XV  j  Affections du système immunitaire, du tissu conjonctif et des articulations Encadré 156.1  D  iagnostic différentiel d’une faiblesse musculaire 1. Myosite à inclusion 2. Infection a. Virale : influenza A, B ; hépatite B, VIH, virus Coxsackie, mononucléose b. Bactérienne : Staphylococcus, Streptococcus c. Parasitaire : Trichinella, Toxoplasma 3. Endocrine a. Hypothyroïdie, hyperthyroïdie b. Hyperthyroïdie, hypoparathyroïdie c. Hypokaliémie, hypocalcémie 4. Médicaments : liste partielle a. Inhibiteurs de l’hydroxyméthylglutaryl-coenzyme A réductase (statines) b. Corticostéroïdes c. Colchicine d. Hydroxychloroquine e. Cimétidine f. éthanol, cocaïne, héroïne g. Zidovudine h. Dérivés de l’acide fibrique 5. Dystrophies musculaires génétiques a. Dystrophie musculaire des ceintures b. De Duchenne/Becker c. Facio-scapulo-humérale 6. Myopathies des glycogénoses : déficit en maltase acide de l’adulte, maladie de McArdle 7. Myopathies liées à des anomalies du stockage des lipides : déficit en carnitine, déficit en palmityltransférase 8. Neurologie a. Myasthénie b. Sclérose latérale amyotrophique c. Polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique (PDIC) 9. Amylose 10. Myopathie aiguë des soins intensifs

peuvent survenir dans la DM juvénile, secondaires à des lésions de vasculite. Une arthrite de type rhumatoïde non déformante peut se développer, mais elle est généralement bénigne. En revanche, les patients produisant des anticorps anti-Jo-1 et ceux qui sont atteints du syndrome antisynthétase peuvent être victimes d’une arthrite destructrice, qui s’attaque aux mains et détruit la première articulation interphalangienne, déformant le pouce en « Z ».

Diagnostic différentiel Les patients atteints de faiblesse musculaire requièrent une anamnèse et un examen physique complets. La PM et la DM sont des maladies rares : il faut donc rechercher des mani­festations indicatives d’autres étiologies (encadré 156.1). Différencier la PM de la myosite à inclusions peut être cliniquement difficile (tableau

156.3), d’où la nécessité de recourir à une biopsie musculaire pour poser un diagnostic définitif.

Démarche diagnostique La PM et la DM peuvent se superposer à d’autres connectivites, particulièrement à la sclérodermie et au LED ; aussi, un examen approfondi des systèmes est indispensable. Tous les médicaments doivent être pris en considération en tant que causes potentielles de faiblesse (voir leencadré 156.1). Il est utile de noter toutes les activités qui ne peuvent pas être exécutées. Par exemple, tester la force des muscles proximaux des membres inférieurs en faisant se lever le patient d’une position assise sans l’utilisation des bras ou en lui faisant faire des flexions de genoux en position debout est un moyen facile d’évaluer la réponse au traitement. Les premières analyses de laboratoire devraient comprendre un hémogramme complet, les paramètres chimiques et les électrolytes, les enzymes hépatiques, la créatine kinase (CK), l’aldolase, la vitesse de sédimentation (VS), la thyréostimuline, les anticorps antinucléaires (ANA) et une électrophorèse des protéines sériques. L’enzyme musculaire la plus sensible est la CK ; elle s’élève avant que la faiblesse musculaire ne devienne détectable et devrait se normaliser avant qu’une réponse au traitement ne se manifeste. Des augmentations de l’aldolase et des aspartate et alanine aminotransférases peuvent également être observées, et sont généralement des marqueurs de la dégradation musculaire. Généralement, mais pas toujours, les marqueurs de l’inflammation (VS, protéine C réactive) sont augmentés. On trouve des ANA chez 80 % des patients. L’électromyographie (EMG) est un test sensible des maladies musculaires inflammatoires, mais il est non spécifique. Les infections et les troubles métaboliques peuvent donner des résultats EMG similaires à ceux de la DM et de la PM. Puisque tous les muscles ne sont pas nécessairement impliqués, plusieurs sites devraient être évalués, en particulier parce que l’EMG permet de repérer le site où la biopsie sera effectuée. Les résultats typiques de l’EMG sont des fibrillations spontanées, une irritabilité à l’insertion de l’aiguille, des potentiels d’action polyphasiques de faible amplitude et de courte durée et un recrutement précoce. L’EMG est également utile au cours du traitement de ces patients, car elle peut distinguer la myopathie due aux stéroïdes (des stéroïdes sont utilisés de manière chronique dans le traitement de la DM et de la PM) de la maladie inflammatoire restant active. Parce que les enzymes musculaires et les résultats de l’EMG peuvent être anormaux dans une variété de troubles musculaires (voir le tableau 156.3), une biopsie du muscle est l’examen de référence pour le diagnostic de la PM et de la DM. Traditionnellement, la biopsie était effectuée de manière chirurgicale, mais actuellement, on recourt surtout aux biopsies percutanées à l’aiguille, car elles sont



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Tableau 156.3  C  aractéristiques différenciant la polymyosite, la dermatomyosite et la myosite à corps d’inclusion Polymyosite

Dermatomyosite

Myosite à corps d’inclusion

Âge Genre Faiblesse musculaire

> 2e décennie Rapport femme-homme 2 : 1 Symétrique et proximale

Tout âge (bimodal) Femme > homme Symétrique et proximale

ANA Lésions cutanées CK Anticorps anti-Jo-1 Biopsie musculaire

Fréquents Non £ 50 fois la normale Jusqu’à 20 % Immunité cellulaire CD8+, infiltrat endomysial

Atteintes de plusieurs systèmes d’organes ? Traitement

Oui

Fréquents Oui £ 50 fois la normale Oui Immunité humorale CD4+, infiltrat périvasculaire et atrophie interfasciculaire et périfasciculaire Oui

> 50 ans Homme > Femme Asymétrique, proximale et distale ; atrophie musculaire des quadriceps et des fléchisseurs des doigts Peu fréquents Non Souvent £ 5 fois la normale Non Infiltrat CD8+, fibres musculaires vacuolisées, dépôts amyloïdes intracellulaires Non

Sensible

Sensible

Souvent réfractaire

ANA : anticorps antinucléaires ; CK : créatine kinase.

moins invasives et de multiples échantillons peuvent être prélevés, ce qui augmente la sensibilité du diagnostic. Pour écarter les dystrophies musculaires liées à des maladies de stockage du glycogène ou des lipides, on doit soumettre le prélèvement à des examens immunohistochimiques, biochimiques et génétiques. La biopsie du muscle de PM montrera des fibres ­dispersées, nécrotiques et en voie de régénération. L’inflammation sera localisée autour de fibres musculaires isolées, avec une prédominance de lymphocytes CD8+. Le MHC de classe I n’est normalement pas exprimé sur les muscles. Des colorations immunocytochimiques supplémentaires et des tests génétiques sont importants, car la pathologie décrite dans la PM peut être observée dans les dystrophies musculaires et dans la myosite à inclusions. La DM, qui est un processus dépendant de l’immunité humorale, montre une inflammation périvasculaire et interfasciculaire avec des micro-infarctus associés et une atrophie périfasciculaire. Après que le diagnostic de la DM ou de la PM a été posé, il importe d’évaluer les atteintes extramusculaires. Une radiographie thoracique et une spirométrie avec mesure de la capacité de diffusion font partie de l’évaluation initiale d’une atteinte pulmonaire. Une tomodensitométrie ou un lavage bronchoalvéolaire peuvent être indiqués si des symptômes ou des anomalies trouvées au dépistage suggèrent une maladie pulmonaire interstitielle. La mise en évidence des anticorps anti-Jo-1 peut prédire le risque de développer une maladie pulmonaire interstitielle, car jusqu’à 70 % des patients produisant des anticorps anti-Jo-1 développent cette complication. Les

troubles de la motilité œsophagienne sont fréquents, et il ne faut donc pas hésiter à demander un transit baryté pour la mise au point d’une dysphagie ou d’une dyspnée. Compte tenu des associations à des tumeurs malignes, un dépistage de cancer en fonction de l’âge s’impose.

Soins et traitement Traitement optimal Les corticoïdes constituent le traitement de première ligne (figure 156.3). Pour les maladies graves, des corticoïdes par bolus intraveineux sont administrés durant 3 j à 1 g/j ; on passe ensuite à des stéroïdes par voie orale à 1 mg/kg/j. Plus souvent, on commence le traitement par des stéroïdes oraux à 1 mg/kg/j. L’adaptation de la posologie commence dès la normalisation des examens musculaires et des enzymes, ce qui peut prendre plusieurs mois. Actuellement, cette adaptation n’est pas guidée par des résultats d’essais cliniques, mais l’opinion de consensus recommande une diminution de 20 % toutes les 3 à 4 semaines. Lorsque la dose est ramenée à 10 mg/j, elle est poursuivie pendant environ 1 an. L’American College of Rheumatology recommande un traitement aux biphosphonates chez les patients qui auront besoin de corticostéroïdes pendant plus de 3 mois. Quand un patient souffre de troubles de motilité œsophagienne, le pamidronate par voie intraveineuse est le biphosphonate de choix. Intégrer dès le début la physiothérapie dans le plan thérapeutique des patients atteints d’une myosite inflammatoire est indispensable. Lorsque les corticostéroïdes ne peuvent être diminués ou ne sont que partiellement efficaces, un agent d’épargne des

1198 SECTION XV  j  Affections du système immunitaire, du tissu conjonctif et des articulations Figure 156.3 Arbre de décision thérapeutique de la polymyosite et de la dermatomyosite. IgIV : immunoglobulines intraveineuses ; TNF : facteur de nécrose tumorale. Consulter un rhumatologue

Corticostéroïdes, formation, physiothérapie Sevrage impossible, effets secondaires, maladie réfractaire ou s’aggravant

Méthotrexate 10 mg/semaine (ajuster jusqu’à 20–25 mg/semaine ou Imuran® 50 mg/j (ajuster à 1–2 mg/kg)

Nouveaux traitements potentiels

Maladie réfractaire

IgIV 2 g/j durant 2–5 j

· IgIV · Ciclosporine · Tacrolimus · Cyclophosphamide

stéroïdes peut être ajouté ; il l’est généralement au début de la maladie afin de réduire autant que possible les complications des corticoïdes à forte dose. L’azathioprine ou le méthotrexate sont le plus souvent utilisés pendant la phase active du traitement ou durant le maintien de la rémission. Un essai prospectif contrôlé par placebo de la combinaison de l’azathioprine et des corticoïdes a montré que les résultats fonctionnels et la possibilité de sevrage des corticoïdes étaient améliorés. Une série rétrospective a révélé que, chez 71 à 88 % des patients atteints de DM et PM, l’adjonction de méthotrexate à la prednisone était bénéfique. Toutefois, en raison de l’effet indésirable idiosyncrasique d’atteinte pulmonaire avec le méthotrexate, l’azathioprine est préférée chez les patients souffrant de maladie pulmonaire interstitielle et lorsque les anticorps anti-Jo-1 sont présents. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) sont utilisées chez les patients atteints d’une maladie grave pulmonaire ou cardiaque. Elles le sont également comme agents de deuxième intention pour les patients réfractaires à la prednisone, à l’azathioprine ou au méthotrexate. Dans la DM, un essai en double insu contrôlé contre placebo a montré que des IgIV amélioraient la force musculaire et l’état fonctionnel. D’autres agents immunosuppresseurs utilisés dans les maladies musculaires inflammatoires comprennent la ciclosporine, le tacrolimus et le cyclophosphamide. Leur utilisation est motivée par l’absence de réponse aux autres médicaments, par la gravité de la maladie ou par une atteinte extramusculaire. La ciclosporine et le tacrolimus se sont avérés capables d’améliorer la force musculaire et l’état fonctionnel. Ces deux médicaments, dans des séries de cas,

· Agents anti-TNF · Mycophénolate mofétil · Rituximab

semblent bénéfiques contre la myosite inflammatoire, la pneumopathie interstitielle associée et le syndrome antisynthétase. Plus récemment, des séries de cas ont montré les effets bénéfiques du mycophénolate mofétil, des antagonistes du facteur de nécrose tumorale α, du rituximab et du léflunomide, mais d’autres études contrôlées sont nécessaires pour évaluer l’efficacité de ces médicaments. Éviter les erreurs de traitement Comme pour toute maladie, le diagnostic doit être confirmé avant le lancement d’un traitement. Ensuite, la surveillance de la toxicité est essentielle. La plupart des médicaments utilisés contre la DM et la PM provoquent une immunosuppression importante et augmentent le risque d’infection. En conséquence, une aggravation des symptômes, tels que faiblesse et dyspnée, ne reflète pas nécessairement l’activité de la maladie. Plus précisément, la corticothérapie prolongée peut entraîner une faiblesse secondaire à une myopathie aux stéroïdes. Non reconnue, elle peut conduire à une exposition inutile à plus d’immunosuppression et de toxicité. Dans un autre exemple, la dyspnée accrue pourrait résulter de manifestations pulmonaires connues de la DM et de la PM, mais peuvent aussi être la conséquence d’infections secondaires pulmonaires ou de pneumopathie d’hypersensibilité à un médicament (par exemple le méthotrexate). La créatine kinase et l’aldolase, des marqueurs de la dégradation musculaire, sont souvent utilisés pour la surveillance de l’activité de la maladie chez un patient stable. Souvent, il existe un décalage entre l’augmentation initiale de ces marqueurs et le début détectable de la faiblesse. Bien



que le traitement ne doive pas être modifié en fonction des seuls résultats du laboratoire, leur altération doit accroître la vigilance du patient et du médecin.

Futures directions En 2000, le groupe IMACS (International Myositis Outcome Assessment Collaboration Study) a été créé pour contribuer à la normalisation de la planification des essais et de l’évaluation des résultats. Le groupe a défini des critères quantitatifs pour l’évaluation de l’activité des maladies et des résultats, a proposé une définition de l’amélioration clinique et des lignes directrices de consensus pour les essais cliniques en cas de myosite. Plusieurs initiatives visant à déterminer l’utilité des nouveaux médicaments sont au stade de l’enrôlement des patients, soit en attente d’approbation. Ces études évaluent la thérapie antilymphocytes B dans la myopathie idiopathique, l’étanercept dans la DM de l’adulte, l’infliximab dans la DM et la PM, le méthotrexate dans la PM et la DM et l’antagoniste du récepteur de l’interleukine 1 dans la myopathie inflammatoire chronique. Les résultats de ces essais pourraient élargir les options thérapeutiques de manière significative.

Ressources supplémentaires American College of Rheumatology. Acessible à http://www.rheumatology.org. Ce site offre des informations pour la formation du patient. Klippel JH. Primer on the rheumatic diseases. 12e éd. Atlanta : Arthritis Foundation ; 2001. p. 369-76. Les auteurs donnent un aperçu de base de l’épidémiologie, de l’anatomo­ pathologie et des données cliniques.

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Données probantes 1. Briani C, Doria A, Sarzi-Puttini P, et al. Update on idiopathic inflammatory myopathies. Autoimmunity 2006 ; 39 (3) : 161-70. PMID : 16769649. Cette revue approfondie des myopathies inflammatoires s’étend au-delà de la description de la DM et de la PM. 2. Choy EHS, Hoogendijk JE, Lecky B, et al. Immunosuppressant and immunomodulatory treatment for dermatomyositis and polymyositis. The Cochrane Database of Systemic Reviews 2005, Issue 3. Art. no CD003643.pub2. DOI : 10.1002/14651858.CD003643. pub2. Cet article fournit une revue concise des études disponibles sur le trai­ tement de la DM et de la PM. 3. Choy EHS, Isenberg DA. Treatment of dermatomyositis and polymyositis. Rheumatology 2002 ; 41 : 7-13. PMID : 11792873 Les auteurs proposent une revue concise et une discussion des options thérapeutiques. 4. Christopher-Stine L, Plotz PH. Adult inflammatory myopathies. Best Pract Res Clin Rheumatol 2004 ; 18 (3) : 331-44. Cette revue des myopathies inflammatoires comprend une section sur la myosite à inclusions. 5. Dalakas MC, Illa I, Dambrosia JM, et al. A controlled trial of high-dose intravenous immunoglobulin infusions as treatment for dermatomyositis. N Engl J Med 1993 ; 329 : 1993-2000. PMID : 8247075. Cet essai croisé en double insu contrôlé par placebo sur 15 patients dont la DM était réfractaire à un traitement examine si les IgIV peuvent devenir un traitement important pour les patients atteints d’une grave invalidité. 6. Okada S, Weatherhead E, Targoff IN, et al. Global surface ultraviolet radiation intensity may modulate the clinical and immunologic expression of autoimmune muscle disease. Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 2285-93. PMID : 12905483. Les auteurs examinent si des facteurs géoclimatiques influencent la nature et la fréquence de la DM, de la PM et des autoanticorps.