Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique et atteinte du système nerveux autonome

Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique et atteinte du système nerveux autonome

1228 Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 12, 1228-1231 Brève communication Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique et atteinte du sys...

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Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 12, 1228-1231

Brève communication Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique et atteinte du système nerveux autonome S. Boukhris1, L. Magy1, Y. Li1, C. Debras2, J.-M. Vallat1 1

Service de Neurologie, Hôpital Universitaire Dupuytren, Limoges. Cabinet Médical, Angoulême. Reçu le : 24/02/2005 ; Reçu en révision le : 25/05/2005 ; Accepté le : 24/06/2005. 2

RÉSUMÉ Introduction. Les manifestations cliniques d’atteinte du système nerveux autonome au cours des polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC) restent exceptionnelles. L’hyperhydrose localisée et le syndrome de Claude Bernard Horner (CBH) ne semblent jamais avoir été mentionnés parmi les signes possibles de PIDC. Observation. Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 65 ans, droitier, sans antécédent examiné pour une hyperhydrose de l’hémithorax et de l’hémiface droits, un syndrome de Claude Bernard Horner gauche et une fatigabilité à la marche et chez lequel le diagnostic de PIDC a été retenu. Aucune autre étiologie n’a été retrouvée. L’évolution a été lentement favorable après trois perfusions intraveineuses d’immunoglobulines polyvalentes. Conclusion. L’atteinte du système nerveux autonome peut être attribuée à la PIDC comme dans le syndrome de Guillain-Barré. L’atteinte multifocale du système nerveux sympathique et l’amélioration spectaculaire de tous les symptômes sous traitement sont deux arguments en faveur de cette association.

Mots-clés : Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC) • Syndrome de Claude Bernard Horner • Hyperhydrose • Système nerveux autonome

SUMMARY Autonomic nervous system involvement in chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy . S. Boukhris, L. Magy, Y. Li, C. Debras, J.-M. Vallat, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 12, 1228-1231 Introduction. Involvement of the autonomic nervous system during Chronic Inflammatory Demyelinating Polyneuropathy (CIDP) is rare. Localised hyperhydrosis and Claude Bernard Horner (CBH) syndrome have never been reported in patients with CIDP. Case report. We report the case of a 65-year-old right handed man who presented with hyperhydrosis localised to the right hemithorax and hemiface and a left CBH syndrome. After an extensive workup, the patient was found to have CIDP as the only cause of autonomic nervous system involvement. The symptoms resolved slowly after three courses of intravenous immunoglobulins. Conclusion. Signs of autonomic nervous system involvement can be observed in CIDP as in Guillain-Barré syndrome. This case report shows that immunomodulatory treatment can be effective against dysautonomia in CIDP.

Keywords: Chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy (CIDP) • Claude Bernard Horner syndrome • Hyperhydrosis • Autonomous nervous system

INTRODUCTION Le terme de polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC) correspond à une maladie acquise des nerfs périphériques de mécanisme supposé dysimmunitaire, touchant préférentiellement les fibres myélinisées de gros diamètre. Il s’agit d’une affection rare, mais dont la fréquence est probablement sous-estimée. L’atteinte du système nerveux autonome (SNA) secondaire à des lésions des fibres myélinisées et amyéliniques de petit calibre est exceptionnelle au cours des PIDC (Klein et al., 2003) et doit faire rechercher une autre étiologie.

Nous rapportons l’observation d’un patient présentant une forme paucisymptomatique de PIDC s’exprimant par une fatigabilité à l’effort, une hyperhydrose de l’hémiface et de l’hémithorax droits et un syndrome de Claude Bernard Horner (CBH) gauche.

OBSERVATION Cas 285519. — Un patient, âgé de 65 ans, retraité, droitier, sans antécédent notable consulta en 2003 pour une sudation excessive de l’hémiface et de l’hémithorax droits et une fatigabilité à l’effort évoluant depuis 8 mois. Il ne signalait ni douleur ni paresthésies

Tirés à part : S. BOUKHRIS, Service de Neurologie, Hôpital Universitaire Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges Cedex. E-mail : [email protected]

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muscles étudiés sans signe de dénervation. Le réflexe cutané sympathique était normal. Devant ce tableau clinique et électrophysiologique atypique, une biopsie nerveuse du nerf sural fut pratiquée après consentement éclairé. L’analyse histopathologique des fragments nerveux sur coupes en paraffine ne mettait pas en évidence de signes inflammatoires. L’étude des coupes semi-fines, ultra-fines (Fig. 1) et des préparations des fibres dissociées (« teasing ») révélait l’existence de signes de démyélinisation et de remyélinisation ; en particulier, l’épaisseur d’un nombre significatif de gaines de myéline des fibres de grand diamètre était trop fine par rapport à leur diamètre axonal. L’étude quantitative des fibres dissociées montrait les résultats suivants : fibres normales à 66 p. 100 et démyélinisation internodale à 34 p. 100. Ces anomalies étaient associées à une nette diminution de la densité des fibres myélinisées à 2 474/mm 2 pour un contrôle du même âge à 5 450/mm2. Le patient reçut trois cures d’immunoglobulines polyvalentes intraveineuses (IgIV) à la dose de 2 g/kg par cure toutes les 8 semaines. Dès la première cure, on notait une amélioration de la fatigue et de l’hyperhydrose qui se confirmait quelques semaines après la troisième cure avec une sudation nettement moins abondante. Le syndrome de CBH disparut complètement. L’amélioration de la fatigue était objectivée par le score de sévérité de

au niveau des membres. L’examen clinique sur le plan général était sans particularité. L’examen neurologique objectivait une hyperhydrose de l’hémiface et de l’hémithorax droits et un syndrome de CBH gauche. Les réflexes ostéotendineux étaient présents aux membres supérieurs et abolis aux membres inférieurs. Le reste de l’examen neurologique était normal. Le bilan pratiqué à la recherche d’une cause à cette atteinte dysautonomique suspendue était négatif (IRM médullaire et encéphalique, scanner thoraco-abdominal et marqueurs tumoraux). L’étude du liquide céphalo-rachichien objectivait une protéinorachie à 0,40 g/l et 4 éléments blancs (100 p. 100 lymphocytes). Les anticorps anti-glycuroconjugués et les sérologies VIH et Lyme étaient négatifs. L’étude électrophysiologique montra des signes en faveur d’une polyneuropathie sensitivomotrice avec une diminution modérée des vitesses de conduction motrice et un allongement significatif des latences des ondes F des membres inférieurs. On notait une diminution d’amplitude du potentiel moteur du nerf médian gauche en rapport avec un syndrome du canal carpien. Les vitesses de conduction sensitive aux quatre membres étaient modérément diminuées (Tableau I). La stimulation proximale des deux nerfs cubitaux au-dessus des coudes, au niveau des creux axillaires et sus-claviculaire n’objectivait pas de blocs de conduction. Les tracés de détection étaient neurogènes dans tous les

Tableau Ia. – Étude de la conduction nerveuse motrice avant et après traitement. Tableau I. – Motor nerve conduction study before and after treatment. Nerf médian A (m)

VCM (m/s)

D

G

Avant traitement

9,3

4,8

52

Après traitement

9,4

4,4

52,1

LIN ou LSN

D

4

Nerf ulnaire

LMD (ms)

G

D

51,7

3,8

55,1

4,1

46

F (ms)

G

A (mv)

VCM (m/s)

D

G

D

G

D

G

D

G

4

31,6

30

11



61,4



2,9



28,9



3,9

30,3

31

8,1

6

56,1

57,9

2,8

2,8

28,5

4

VCM (m/s)

32

4,8

46

31,3 32

Nerf tibial postérieur

LMD (ms)

F (ms) D

D

D

5,2

6,2

34,3

37

4,5

4,5

60,9

59,4

3,1

5,5

37,2

38,7

5,1

5,5

63,3

60,9

4,3

3,9

45,7

40,8

5,7

5,2

63,2

60,3

3,7

4,5

38,8

41,6

4,3

5,7

60,7

60,8

5

G

40

D

G

F (ms)

Après traitement

55

G

LMD (ms)

Avant traitement

5.6

G

VCM (m/s)

D

40

G

A (mv)

G

2

D

3,5

D

LIN ou LSN

G

F (ms)

G

Nerf péronier profond A (mv)

LMD (ms)

D

D

6,5

G

55

A : amplitude ; VCM : vitesse de conduction motrice ; LMD : latence motrice distale ; F : latence onde F ; D : droite ; G : gauche ; LIN : limite inférieure de la normale ; LSN : limite supérieure de la normale.

Tableau Ib. – Étude de la conduction nerveuse sensitive avant et après traitement. Tableau I. – Sensory nerve conduction study before and after treatment. Nerf sural A (μv) D

G

VCS (m/s) D

Avant traitement

9,3

21 40,3

Après traitement

6,3



LIN

7

Nerf médian A (μv)

Nerf ulnaire

VCS (m/s)

A (μv)

Nerf radial

VCS (m/s)

A (μv)

VCS (m/s)

G

D

G

D

G

D

G

D

G

D

G

D

G

40,9



26



36,9



8,7



46,1



23,7



45,5

42,2

4,4

7,6

56,8

57,1

17

40,4

– 41

7,3 10 46,7 7

47

5

A : amplitude ; D : droite ; G : gauche ; VCS : vitesse de conduction sensitive ; LIN : limite inférieure de la normale.

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48

19 15

51,9

52,4 46

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Fig. 1. – Biopsie du nerf sural : raréfaction discrète des fibres myélinisées de grand diamètre. Plusieurs ont des gaines de myéline trop fines par rapport au diamètre axonal (flèches). (Micrographie électronique, section transversale, barre = 3 μm). Sural nerve biopsy: slight rarefaction of large myelinated fibers. Several myelin sheaths are too thin compared to axon diameter (arrows) (Electron micrograph. Transverse section. Barr=3 μm).

fatigue (FSS) (Krupp et al., 1989) avant et 4 mois après traitement. Ce score passait de 45/63 à 36/63 (score de fatigue moyen chez un groupe témoins de 20 personnes d’âge moyen de 53 ± 11 ans : 19,7 ± 5,4). Sur le plan électrophysiologique, 1 an après le premier EMG, une discrète amélioration des vitesses de conduction motrice et sensitive et des tracés de détection fut notée (Tableau I).

al., 2002). L’atteinte du système nerveux autonome est plus fréquente dans certaines neuropathies type syndrome de Guillain-Barré, neuropathie diabétique et amyloïde. Les atteintes du système nerveux autonome cliniques ou infracliniques dans les PIDC sont rares, mais ont été néanmoins signalées (Chiang et al., 2002 ; Ingall et al., 1990 ; Lyu et al., 2002 ; Klein et al., 2003 ; Yamamoto et al., 2005). Un syndrome de CBH au cours d’un syndrome de Guillain-Barré a été rapporté chez un patient (El Hajjaji et al., 2003), mais ne semble pas avoir été décrit en association à une PIDC. Dans le syndrome de Guillain-Barré, les manifestations dysautonomiques classiques sont corrélées à une augmentation des catécholamines et dérivés méthoxylés (Lebrun et al., 2001). Chez ce patient, plusieurs éléments convergent en faveur du diagnostic de PIDC : l’atteinte multifocale du système nerveux autonome, le caractère discrètement inflammatoire du liquide céphalo-rachidien, l’absence d’autre étiologie, l’amélioration spectaculaire sous traitement de tous les signes cliniques et enfin les résultats de la biopsie nerveuse. Cavaletti et al. (1999) ont rapporté un cas de polyneuropathie chronique sensitive avec dysautonomie et hyperprotéinorachie d’évolution favorable sous corticoïdes. Un syndrome d’Harlequin pouvait être évoqué chez ce patient devant l’hyperhydrose de l’hémiface ; toutefois, la présence de signes d’atteinte des fibres de gros diamètres n’est pas en faveur de ce diagnostic. Savoir reconnaître de telles formes atypiques de PIDC permet d’instaurer un traitement spécifique qui peut être efficace.

RÉFÉRENCES DISCUSSION Nous présentons l’observation d’un patient pour lequel le diagnostic de PIDC a été finalement retenu malgré des atypies, en particulier sur le plan clinique, mais aussi électrophysiologique. L’hypersudation était le signe d’appel majeur associée à une fatigabilité à l’effort évoluant depuis 8 mois et un syndrome de CBH. L’abolition des réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs nous a conduits à évoquer le diagnostic d’une neuropathie périphérique. L’étude électrophysiologique montrait des signes de démyélinisation minimes qui ne répondaient pas néanmoins aux critères actuellement utilisés pour affirmer le diagnostic de PIDC (AAN, 1991 ; Hughes et al., 2001). Ces atypies ont conduit à une étude histopathologique du nerf sural qui permit de confirmer le diagnostic, en montrant des aspects caractéristiques de démyélinisation-remyélinisation en faveur du diagnostic de PIDC (AAN, 1991 ; Vallat et al., 2003). L’atteinte des fibres de gros et petit calibre à la biopsie excluait une neuropathie distale à petites fibres (Low et al., 2003). L’hyperhydrose peut être rapportée à la neuropathie périphérique avec atteinte du système nerveux sympathique par dégénérescence des axones post-ganglionnaires (Chiang et

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