Pour la césarienne en prévention de l'incontinence anale

Pour la césarienne en prévention de l'incontinence anale

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 35 (2007) 266–268 DÉBAT Pour la césarienne en prévention de l’incontinence anale Arguments in favour of cesarean...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 35 (2007) 266–268

DÉBAT

Pour la césarienne en prévention de l’incontinence anale Arguments in favour of cesarean section to prevent anal incontinence F. Demaria *, A. Bricou, J.-L. Benifla Service de gynécologie–obstétrique, hôpital Rothschild, université Pierre-et-Marie-Curie, 33, boulevard de Picpus, 75012 Paris, France Disponible sur internet le 07 février 2007

Mots clés : Accouchement ; Césarienne ; Incontinence anale ; Échographie endoanale ; Sphincter anal ; Nerf pudendal Keywords: Delivery; Cesarean section; Anal incontinence; Endoanal ultrasound; Anal sphincter; Pudendal nerve

1. INTRODUCTION L’accouchement par voie vaginale apparaît comme un important facteur de risque de lésions périnéales, pouvant aboutir à une incontinence anale. La physiologie de la continence anale est complexe. Son maintien peut être précaire après certains accouchements. La coordination et l’action de plusieurs éléments physiologiques et anatomiques tels que la sensation, la compliance rectale et la présence d’un réflexe anorectal inhibiteur intact sont nécessaires. L’innervation du muscle sphinctérien est primordiale. Sur le plan anatomique, ce muscle est formé de deux types de fibres musculaires : • une partie interne, continuité de la couche circulaire musculaire lisse du rectum, qui reçoit une innervation par le système nerveux autonome (sympathique depuis le ganglion présacré et parasympathique via les nerfs du plexus sacré). Cette composante lisse permet le maintien de la continence passive (tonus de repos) ; • une partie externe formée d’une association musculopérinéale et innervée par le nerf pudendal. Elle contribue pour 25 % au maintien de la pression de repos du canal anal et permet une contraction réflexe en réponse aux augmentations des pressions intra-abdominales. Une dysfonction de cette partie externe conduit à l’incontinence par impériosité du fait de l’impossibilité de différer la défécation. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Demaria). 1297-9589/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S1297-9589(07)00012-4

Les mécanismes lésionnels pouvant apparaître pendant l’accouchement sont principalement de deux sortes : • lésion directe par rupture du sphincter anal, lésion la plus fréquente. Le premier accouchement est le plus souvent incriminé dans la genèse des lésions [1–3] ; • neuropathie d’étirement pudendale, qui peut être cumulative avec les accouchements ultérieurs [4–7].

2. DONNÉES DE LA LITTÉRATURE Le taux de déchirures périnéales du troisième ou quatrième degré est faible et représente environ 0,6 à 3 % des accouchements par voie vaginale, notamment en cas d’épisiotomie médiolatérale [3–9]. Cependant, chez la patiente primipare, après un accouchement par voie vaginale le taux de lésions occultes du sphincter anal représente entre 21,2 % [2] et 35 % [3] des patientes. Chez la secondipare, un nouvel accouchement par voie vaginale provoque de 4 % [3] à 16 % [2] de lésions du sphincter anal de novo. Aucune des patientes ayant eu une césarienne avant ou pendant le travail, qu’elles soient primipares ou multipares, ne présente de rupture sphinctérienne après l’accouchement [2,3]. En fonction des questionnaires et des populations étudiées, le taux d’incontinence anale dans le post-partum est estimé entre 5 et 13 % [2,3] chez la primipare et 21 à 23 % [3,2] chez la multipare après un accouchement par voie vaginale. Ces symptômes sont beaucoup plus fréquents, lorsque est associée une rupture sphinctérienne puisque le

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tiers à la moitié d’entre elles présente des symptômes d’incontinence anale [2,3,10]. Ces symptômes et lésions sont pour la plupart mineurs et transitoires. Cependant, quand ils persistent, ils sont socialement handicapants (3 à 10 % des cas [2]). De plus, ces symptômes peuvent apparaître de novo ou être aggravés en cas d’accouchement ultérieur par voie vaginale en cas de rupture sphinctérienne lors du premier accouchement avec un odds ratio de 8,7 (p < 0,005) [10], ce qui pourrait représenter jusqu’à 25 % des patientes [11]. Outre la rupture du sphincter anal pendant l’accouchement, la neuropathie d’étirement pudendale s’ajoute aux lésions musculaires. Cette neuropathie est présente dans 42 % [6] à 80 % [12] en cas d’accouchement simple par voie vaginale et est d’autant plus importante en cas d’utilisation de forceps pour l’accouchement par voie vaginale [6]. Elle n’existe pas en cas d’accouchement réalisé par césarienne en dehors du travail [6]. Ces lésions neurologiques ne sont réversibles que dans 60 à 80 % des cas [6,12,13] et sont cumulatives avec les accouchements ultérieurs [14]. L’efficacité de la réparation immédiate d’une déchirure du troisième ou quatrième degré semble médiocre puisqu’environ la moitié des patientes présente toujours des symptômes d’incontinence anale entre deux à six mois après cette réparation avec un défect sphinctérien toujours présent pour 85 % d’entre elles [15]. À cinq ans de cette réparation immédiate, 40 % des patientes présentent toujours ces mêmes symptômes avec 88 % des lésions sphinctériennes [16]. Quant aux résultats de la réparation à distance de l’accouchement, ils semblent rendre les patientes continentes dans 60 % des cas [17] à six mois de cette chirurgie. Cependant, cette chirurgie paraît se détériorer avec le temps puisque les patientes ne sont continentes que dans 50 à 30 % des cas, notamment à six ans [18,19]. Pour les patientes présentant des symptômes d’incontinence anale après un premier accouchement, notamment en cas de rupture sphinctérienne, il commence à être admis par tous de préconiser en cas de nouvelle grossesse un accouchement par césarienne, tout comme les patientes ayant bénéficié d’une réparation sphinctérienne à distance de l’accouchement et qui ont retrouvé une continence. Cependant, actuellement, il n’existe pas de données pour indiquer de façon systématique une césarienne chez les patientes dont le premier accouchement s’est compliqué d’une déchirure périnéale du troisième ou quatrième degré qui a été réparée de façon efficace en post-partum immédiat et qui ne présente pas de symptômes d’incontinence anale à distance de cette réparation, c’est-à-dire à au moins six mois. En effet, peu d’études sont disponibles. Cependant, Lal et al. [20] rapportent un taux d’incontinence anale à environ dix mois de l’accouchement de 5 %, dans un groupe de primipares accouchées par césarienne, que celle-ci soit réalisée avant ou pendant le travail. Dans le groupe de primipares accouchées par voie vaginale sans forceps, ce taux est cinq fois supérieur, puisqu’il est de 26 % [20]. Ces données

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sont confirmées par MacArthur et al. [21], avec une différence pour la césarienne réalisée avant tout travail, où il n’est retrouvée aucune patiente incontinente [21]. Il faut noter qu’il ne s’agit que d’études descriptives réalisées sur de petits effectifs. Cependant, la césarienne semblerait plutôt protectrice lorsqu’elle est réalisée avant l’entrée en travail.

3. CONCLUSION Ainsi, il est important de pouvoir proposer à sa patiente la voie d’accouchement la moins traumatique afin de prévenir le risque d’incontinence anale, symptôme tellement invalidant socialement. Les patientes sans symptômes d’incontinence anale mais avec un défect sphinctérien ont un équilibre précaire et probablement suffisant pour maintenir une continence. Un suivi rapproché semble nécessaire pour ces cohortes de patientes qui présentent un fort risque d’incontinence anale à long terme. En effet, le pic d’incidence de l’incontinence anale va apparaître entre la cinquantaine et la soixantaine et être aggravé par l’effet cumulatif des grossesses ultérieures, le vieillissement, la ménopause, la progression de la neuropathie pudendale. Cependant, il n’existe aucune étude randomisée pour répondre clairement à la question. Le rôle de la césarienne est donc à définir. C’est pourquoi trois équipes parisiennes de gynécologie–obstétrique vont participer prochainement à un PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique) ayant pour but de répondre à la question : la césarienne prévient-elle l’incontinence anale ?

RÉFÉRENCES [1]

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