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Mais quels diplômes ? Aucun enseignement spécifique autre que confidentiel n’était officiellement organisé et l’agrément étant obligatoire aucun jeune intéressé par notre discipline n’a pu y accéder. Le résultat : une majorité de centres publics avec peu de moyens matériels et humains et une majorité de centres privés dans le même état par la grâce du remboursement par la sécurité sociale qui ne prend pas en compte les frais inhérents à la formation, à l’augmentation des prix des milieux, à l’investissement matériel et humain rendu indispensable par l’exercice d’une spécialité multidisciplinaire associant endocrinologues, andrologues, immunologues, infectiologues, virologues, biologistes, cytogénéticiens, spécialistes de biomoléculaire, histologistes et gynécologues. Rien que çà ! Alors devons-nous regretter le remboursement à 100 % de cette pratique par la sécurité sociale ? Au risque de choquer je dirais oui ! Nous n’avons aucune liberté d’investissement et nos efforts d’amélioration des centres publics ou privés sont dépendants des sommes accordées par l’industrie pharmaceutique ! Alors où est la transparence et comment doit-elle s’exprimer ? La transparence commence par la clarté dans les indications : les cliniciens aujourd’hui ont tous les moyens techniques d’évaluer les chances d’un couple à procréer. La presse nationale et surtout internationale publie tous les mois des études contrôlées analysant de multiples marqueurs dont une partie des cliniciens français ne veut pas tenir compte ! Pourquoi ? Il est onéreux et stupide de demander des bilans et de ne pas en tenir compte ou de ne pas savoir les interpréter ! La transparence doit commencer par là ! Et les résultats s’en ressentiront. Mais, comme le dit F. Olivennes, ceux qui tentent de poser les bonnes indications (et qui ont de meilleurs résultats) sélectionnent ! Et la sélection apparaît comme une manipulation ! C’est un comble ? Poser la meilleure indication possible est une règle en médecine et non une tricherie ! La transparence, c’est également cesser d’exprimer les résultats en pourcentages de βHCG, de grossesses dites cliniques ou évolutives. Nous ne devrions tenir compte que du pourcentage de naissances par couple consultant dans un centre. La transparence, ce devrait être, encore, non seulement le suivi des enfants nés mais aussi le bilan des grossesses qui mettrait davantage en exergue les retards de croissances graves ou les morts in utero plus ou moins tardives liées à tel ou tel problème d’empreinte spermatique ou ovocytaire ! Bien sûr la transparence impliquerait l’expression de ces résultats en fonction de l’âge des patients et des pathologies associées. Est-ce vraiment difficile à organiser ? Théoriquement non ! Mais a-t-on les moyens et la volonté de le faire ? Pratiquement non. En tout cas pas aujourd’hui ! L’Agence de
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biomédecine pourrait inciter une réflexion sur ce thème et sur la façon d’informer les patients ; dire toute la vérité en l’expliquant nous honorerait. Nous n’avons pas à avoir peur des journalistes qui relaient maladroitement ce qu’on leur a mal ou pas expliqué. Alors reste la rivalité entre les centres, qu’ils soient publics ou privés. Je suis de ceux qui pensent qu’elle est salutaire et vectrice de progrès. Pourquoi ne pas jumeler des centres performants à des centres qui le sont moins quel que soit leur statut ? Pourquoi ne pas associer nos efforts en matière de recherche en créant des structures horizontales et verticales associant dans la clarté des unités publiques et privées ? Ce serait un bon moyen de s’autoévaluer et d’améliorer des résultats qui dans la plupart de nos centres restent plus que modestes eu égard aux résultats et aux efforts de nos voisins ! La transparence commence aussi par ça ! A. Hazout Service de gynécologie-obstétrique du Professeur P.-Madelenat, maternité Aline-de-Crépy, hôpital Bichat–Claude-Bernard, université Paris-VII, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] (A. Hazout). Disponible sur internet le 24 juillet 2006 Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 670–671 doi:10.1016/j.gyobfe.2006.05.010
Réponse de F. Olivennes au débat entre J. Belaisch-Allart et J.-L. Pouly ; introduction par B. Hédon Pour ou contre la publication transparente des résultats de l’Assistance médicale à la procréation ? Gynecol Obstet Fertil 2006;34:429–33
Peut-on raisonnablement être contre la publication transparente des résultats de l’Assistance médicale à la procréation (AMP) ? Outre le fait que l’Agence de biomédecine (ABM) se soit engagée à rendre ces résultats publics, il est clair que l’opacité entourant ces résultats n’est plus acceptable. Elle n’est pas acceptable en premier lieu pour les patients traités qui doivent pouvoir être informés de leurs chances et d’éventuelles disparités de résultats entre les centres. Après de nombreuses demandes réitérées de certains (dont je fais partie) acteurs de l’AMP, FIVNAT a enfin, l’année dernière, présenté de façon anonyme les résultats
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Fig. 1. Bilan FIVNAT 2002.
par centre de FIV français1 [1] (Fig. 1). Ce tableau est édifiant et montre que ces résultats varient de 9 à 42 % ! Certes, il ne manquera pas de médecins et de biologistes pour nous expliquer que les meilleurs centres trafiquent leurs résultats, sélectionnent les patientes et replacent un nombre d’embryons bien plus grand par rapport aux centres les plus mal classés. FIVNAT a cependant analysé ces résultats en fonction du nombre d’embryons transférés et de l’âge des patientes et n’a pas retrouvé de liens clairement établis avec les écarts de résultats. Il est évident qu’un centre peut améliorer ces résultats en récusant les patientes dites âgées ou ayant fait plusieurs tentatives. Il peut, par une large politique d’annulation, augmenter les taux de grossesse et le replacement de trois embryons augmente ce taux mais au prix d’une incidence inacceptable de complications par le biais des grossesses multiples. Cette politique du centre n’explique pas les écarts entre 9 et 42 % ; il peut expliquer les différences entre 25 et 40 %. Avoir moins de 25 % de grossesses en moyenne, toutes patientes confondues, sur l’année est aujourd’hui inacceptable à moins de se spécialiser dans la patiente de plus de 38 ans avec six tentatives, une FSH à 12 et un utérus DES (distilbène) ! Il faut se remettre en question, chercher à comprendre ce que l’on fait mal ou les manques de moyens qui grèvent les résultats. Cesser d’accuser les autres de traficotage et évaluer ses pratiques cliniques et biologiques. Le discours dubitatif sur les bons résultats est le même depuis 15 ans. Au début beaucoup d’entre nous ne croyaient pas un mot des résultats étonnants des meilleurs centres aux États-Unis. À cette époque, seuls les Américains trichaient. Depuis quelques années, de nombreux centres dans le monde affichent des résultats surprenants : centres scandinaves, espagnols, anglais, certains cen1
http://perso.wanadoo.fr/fivnat.fr/bilan2002/Bilan%202002texte.htm.
tres allemands, même, se sont mis à tricher ! Il y a donc autre chose. Est-ce la pureté de l’air ? Sont-ce les ondes magnétiques, l’effet de la lune ou de Tchernobyl ? Non ! Il convient d’admettre qu’il existe des disparités entre les centres, que la formation continue n’est pas une pratique française, que le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale rend les médecins et les patientes moins préoccupés par les résultats. Bien sûr, toutes ces vérités ne sont pas politiquement correctes et même peut-être peu déontologiques, mais en matière médicale toute vérité est bonne à dire. Par ailleurs, les résultats européens semblent indiquer que la France se dirige vers le bas du tableau classant les résultats de FIV en Europe, comme le rappelle J.-L. Pouly. Cet état de fait est le fruit de la politique de l’autruche que nous menons et peut-être de l’affaire Science et Vie... La transparence des résultats permettra, avec certitude, de tirer vers le haut nos résultats. Par le simple fait de l’émulation. Car les patientes déserteront les centres aux résultats inacceptables. L’expérience de plusieurs centres français qui se sont réellement investis dans l’amélioration de leurs résultats montre que des progressions spectaculaires peuvent être observées. Alors reste le problème bien analysé par J. Belaisch-Allart. Comment trouver une manière honnête de présenter les résultats qui permette de comparer ce qui est comparable et qui permette de tenir compte de l’éventuelle sélection des patientes ou des pratiques différentes ? Il me semble que cela n’est pas insurmontable, soit en choisissant une population dite de référence, soit en présentant les résultats par classe d’âge comme le font les Américains dans le CDC2 (Centers for Disease Control and Prevention). Il faut également s’entendre sur les définitions des grossesses et tenir compte des complications, et il est illusoire de 2
http://www.cdc.gov /ART/index.htm.
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définir un seul paramètre d’excellence [1]. Notre Agence de biomédecine doit s’atteler (ou s’attelle déjà) à cette tâche et nous trouverons bien un moyen de présenter équitablement ces résultats dans l’intérêt premier des patients que nous prenons en charge.
RÉFÉRENCES [1]
Pinborg A, Loft A, Ziebe S, Nyboe Andersen A. What is the most relevant standard of success in assisted reproduction? Is there a single ’parameter of excellence’? Hum Reprod 2004;19(5):1052–4.
F. Olivennes Centre de FIV Eylau-La Muette, 15, rue Faraday, 75017 Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] (F. Olivennes). Disponible sur internet le 24 juillet 2006 Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 671–673 doi:10.1016/j.gyobfe.2006.06.003
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des centres. Mon seul et immense regret est l’affaire Science et Vie. La profession en septembre 1988 a voté la publication des résultats centre par centre par 78 % de oui et 16 % de non. Malheureusement les journalistes ont biaisé les débats par une publication pirate avec des données fausses. Les remous ont été tels que la majorité du Bureau de FIVNAT a depuis toujours refusé de risquer de tomber à nouveau dans un tel traquenard. Ce n’était pas mon avis mais je respecte la démocratie. Neuf ans plus tard, il me semble que l’ouvrage peut être remis sur la table. En revanche, je ne suis par certain que l’Agence de biomédecine (ABM) soit aussi disposée que cela à aller dans ce sens et surtout il est indispensable qu’elle ne soit pas seule partie prenante dans cette publication. Que les professionnels le fassent eux-mêmes est parfaitement possible. C’est une question de volonté et d’exemple. Les résultats du centre que je dirige avec L. Janny sont accessibles sur Internet sur le site du CHU de ClermontFerrand (http://www.chu-clermontferrand.fr/reproduction/ 11_resultats.htm). Beaucoup de centres peuvent en faire autant, ce serait un premier pas. J.-L. Pouly
Réponse de J.-L. Pouly au courrier de F. Olivennes
Département de gynécologie, obstétrique et reproduction humaine, unité de fécondation in vitro, CHU de Clermont-Ferrand, polyclinique de l’Hôtel-Dieu, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand, France Adresse e-mail :
[email protected] (J.-L. Pouly).
Ce que dit F. Olivennes est clairement ce que je n’avais pas explicité en détail dans mon propos. La publication des résultats anonymisés par centre qu’a faite FIVNAT montre bien que la qualité est un élément déterminant des résultats
Disponible sur internet le 24 juillet 2006 Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 673 doi:10.1016/j.gyobfe.2006.06.001