Rec¸u le : 20 fe´vrier 2012 Accepte´ le : 19 septembre 2012 Disponible en ligne 10 novembre 2012
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Me´moire original
Prescription prophylactique de la vitamine D en France : enqueˆte e´pide´miologique multicentrique nationale chez 3240 enfants de moins de 6 ans§ Prophylactic prescription of vitamin D in France: National multicenter epidemiological study of 3240 children under 6 years of age E. Malleta,*, J. Gaudelusb, P. Reinertc, J. Stagnarad, J. Be´nichoue, M. Castaneta, C. Thille, J.-P. Basuyauf, C. Billardg, A. Rodenh,1, J. Uhlrichh,1 a Centre de re´fe´rence des maladies rares du calcium et du phosphore, CIC Inserm 204 antenne pe´diatrique, CHU de Rouen, 76000 Rouen, France b CHU Jean-Verdier, 93140 Bondy, France c Hoˆpital intercommunal, 94000 Cre´teil, France d CIC Inserm 201, EPICIME, RIPPS, CHU, 69500 Lyon, France e Unite´ de biostatistique, Inserm U 657, CHU de Rouen, 76000 Rouen, France f Laboratoire de biochimie, CAC Becquerel, 76000 Rouen, France g GECEM, 92120 Montrouge, France h De´partement me´dical, laboratoire Novartis Sante´ familiale, 92500 Rueil-Malmaison, France
Summary Aims. The aim of the study was to assess compliance with the current recommendations of prophylactic prescription of vitamin D via a multicentric cross-sectional epidemiological survey of 3240 children under 6 years of age. Method. Parent questionnaires and data from the health records of children presenting to the emergency departments of 25 teaching hospitals and hospital centers provided information on the children’s characteristics, their prescriptions, and other vitamin D intake. Based on the currently applicable recommendations, intakes of 600–1200 IU/day — 900–1500 IU/day for children with pigmented skin and/or premature and/or hypotrophic children — are considered adequate. Results. In 1606 infants, 9.8% of the prescriptions were below and 23.7% were above the recommendations; in 1256 children between 18 months and 5 years of age, 53.4% of the prescriptions were below and 5.1% were above the recommendations. Children at risk, those from the southern half of France, and those between 18 months and
Re´sume´ Objectifs. E´valuer l’ade´quation de la prescription prophylactique de la vitamine D aux recommandations en vigueur par une enqueˆte e´pide´miologique transversale multicentrique chez des enfants de moins de 6 ans. Me´thode. L’interrogatoire des parents et les donne´es du carnet de sante´ de 3240 enfants consultant aux urgences de 25 centres hospitaliers universitaires et centres hospitaliers ont permis de renseigner les caracte´ristiques de l’enfant, les prescriptions et les autres apports de vitamine D. Sur la base des recommandations en vigueur, les apports ont e´te´ conside´re´s comme ade´quats lorsqu’ils e´taient de 900 a` 1500 UI/j pour les enfants a` risque (peau pigmente´e, ou pre´mature´s, ou hypotrophes) et de 600 a` 1200 UI/j pour tous les autres enfants. Re´sultats. Chez 1606 nourrissons (0 a` 18 mois), 9,8 % des prescriptions e´taient infe´rieures et 23,7 % e´taient supe´rieures aux recommandations ; chez 1256 enfants de 18 mois a` 5 ans, 53,4 % des prescriptions e´taient infe´rieures et 5,1 % supe´rieures aux
§ Ce travail a fait l’objet d’une communication orale au congre`s de la Socie´te´ franc¸aise de pe´diatrie, Marseille, 11–14 mai 2011. E´valuation de la prescription vitaminique D en France avant 6 ans. E. Mallet, J. Gaudelus, P. Reinert, J. Stagnara, J. Be´nichou. * Auteur correspondant. e-mail :
[email protected]
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Ce travail a e´te´ finance´ par le laboratoire Novartis sante´ familiale, Rueil-Malmaison, France.
0929-693X/$ - see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2012.09.011 Archives de Pe´diatrie 2012;19:1293-1302
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5 years of age were more likely to receive a prescription below the recommendations; their risk of receiving a prescription above the recommended guidelines was smaller. Of the children aged between 61 and 71 months, 85% had not received any prescription at all during the previous 12 months. These results were compared with the laboratory data collected from a subsample of children. There was a significant correlation between the adequacy of the prescription and the biological vitamin D status both for 25-hydroxyvitamin D (25OH-D) serological concentrations and for calciuria. Conclusions. Only 66.6% of the prescriptions in children between 0 and 18 months of age and 41.5% in children between 19 months and 5 years of age comply with the recommendations; 53.4% of the prescriptions in the latter age group are below the current recommendations. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS.
recommandations. Les enfants a` risque, ceux de la moitie´ sud de la France et ceux de 18 mois a` 5 ans avaient une probabilite´ plus e´leve´e d’avoir une prescription infe´rieure aux recommandations, mais la probabilite´ qu’ils aient une prescription supe´rieure e´tait moindre. Parmi les enfants de 61 a` 71 mois, 85 % n’avaient eu aucune prescription dans les 12 derniers mois. Ces re´sultats ont e´te´ confronte´s a` des donne´es biologiques recueillies sur un e´chantillon d’enfants. La concordance entre l’ade´quation de la prescription et le statut vitaminique D e´tait significative pour la concentration de 25-hydroxyvitamine-D (25-OH-D) et la calciurie. Conclusion. Seulement 66,6 % des prescriptions chez les enfants de 0 a` 18 mois et 41,5 % chez les enfants de 19 mois a` 5 ans sont conformes aux recommandations ; 53,4 % des prescriptions chez ces derniers sont infe´rieures aux recommandations. ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
1. Introduction
Dans chaque centre, un e´tudiant hospitalier a e´te´ spe´cifiquement charge´ de remplir un questionnaire standardise´ pendant le passage aux urgences des enfants pour un motif totalement inde´pendant de l’enqueˆte, a` partir des donne´es du carnet de sante´ et de l’interrogatoire des parents, apre`s accord de ces derniers. Aucun traitement ni aucun acte a` vise´e diagnostique n’a e´te´ re´alise´ spe´cifiquement pour cette e´tude qui a e´te´ programme´e sur 2 pe´riodes de l’anne´e 2009, de fe´vrier a` avril et de septembre a` novembre. En raison de la diffe´rence des recommandations en fonction de l’aˆge, 2 populations d’enfants ont fait l’objet de l’enqueˆte : l’une de 0 a` 18 mois et l’autre de 19 mois a` 5 ans re´volus. Dans 4 centres, 1 au nord, et 3 au sud, les reliquats biologiques sanguins et urinaires des examens re´alise´s aux urgences ont e´te´ re´cupe´re´s et congele´s a` –20 8C pour effectuer des dosages centralise´s des parame`tres vitamino-calciques. Cette enqueˆte observationnelle transversale hors champ de la loi Huriet a fait l’objet d’une de´claration au Conseil national de l’ordre des me´decins et d’une demande d’autorisation et d’e´valuation aupre`s de la Commission nationale informatique et liberte´ (CNIL). Les me´decins participants et les parents des enfants ont e´te´ informe´s de leur droit d’acce`s, d’opposition et de rectification des donne´es enregistre´es a` l’occasion de cette enqueˆte. Une visite de mise en place a e´te´ re´alise´e dans chaque centre et une ligne te´le´phonique de´die´e mise a` disposition ; un controˆle de qualite´ des fiches renvoye´es a e´te´ re´alise´ avec un suivi hebdomadaire entre le gestionnaire des donne´es et les enqueˆteurs.
L’application des recommandations pour la pre´vention du rachitisme par la vitamine D chez le jeune enfant est d’autant plus importante a` e´valuer que des publications re´centes rapportent l’inte´reˆt d’optimiser la mine´ralisation et la structure de l’os et reconnaissent des effets extraosseux a` cette vitamine [1], immunomodulateurs en pre´vention du diabe`te sucre´ de type I [2,3], de l’asthme [4,5], ou anti-infectieux vis-a`vis de la tuberculose [6] ou des infections virales saisonnie`res [7]. L’objectif principal de cette enqueˆte e´pide´miologique observationnelle transversale e´tait d’e´valuer la prescription prophylactique de la vitamine D et son ade´quation aux recommandations franc¸aises en vigueur, a` partir d’un e´chantillon repre´sentatif de la population aˆge´e de 0 a` 5 ans re´volus en France. L’objectif secondaire e´tait d’appre´cier le statut vitaminique D par des dosages de 25-hydroxyvitamine-D (25-OH-D) plasmatique effectue´s sur un e´chantillon d’enfants issus de 2 re´gions d’ensoleillement diffe´rent (Rouen latitude 49,4 nord, Marseille 43,2 nord).
2. Me´thode 2.1. Sche´ma ge´ne´ral de l’enqueˆte La faisabilite´ de l’enqueˆte (me´thodologie, nombre d’enfants par groupe, forme du questionnaire) a e´te´ valide´e par une pre´enqueˆte re´alise´e sur un e´chantillon de 100 enfants. L’enqueˆte observationnelle transversale a e´te´ propose´e aux urgences pe´diatriques de 28 centres hospitaliers dont 14 centres hospitaliers universitaires (CHU) et 14 centres hospitaliers ge´ne´raux (CH), et re´alise´e le samedi apre`s-midi de 12 h a` 20 h avec une re´partition nord-sud (N-S) dont la de´limitation usuelle est la partie horizontale de la Loire, mais qui pourrait eˆtre plus pre´cise´ment le paralle`le a` 468 ou 478 de latitude Nord.
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2.2. Population Il e´tait pre´vu d’inclure 3310 enfants re´partis en fonction de l‘aˆge et du type d’alimentation lacte´e (fig. 1). Pouvaient eˆtre inclus : les enfants des 2 sexes aˆge´s de moins de 6 ans, ne´s ou re´sidant en France depuis au moins 1 an, consultant au service d’urgences pe´diatriques et dont le(s) parent(s) avai(en)t accepte´ de participer a` l’enqueˆte. La pre´sentation du carnet
Prescription prophylactique de la vitamine D
0 - 18 mois
Allaitement maternel
Lait de vache
n = 600
n = 600
19 mois - 5 ans
Lait 1er ou 2ème âge n = 600
Lait de croissance et/ou laitage enrichi
Lait de vache
n = 755
n = 755
n = 1310
n = 1800
n = 3310 Figure 1. Re´partition the´orique de la population a` inclure en fonction de l’aˆge et du type d’alimentation lacte´e.
de sante´ de l’enfant e´tait indispensable. Ne pouvaient eˆtre inclus : les enfants pre´sentant une de´tresse vitale, ayant un trouble du me´tabolisme phosphocalcique ou une malabsorption connus, recevant des anticonvulsivants ou ceux accompagne´s par une personne autre que les parents.
2.3. Donne´es recueillies Le questionnaire permettait de renseigner les crite`res d’inclusion ou d’exclusion, l’aˆge, le sexe, les mensurations staturoponde´rales, l’aˆge gestationnel, la pigmentation de la peau selon un nuancier, l’existence ou non d’une prescription de vitamine D dans les 12 mois pre´ce´dents. Les modalite´s de supple´mentation me´dicamenteuse des 2 dernie`res prescriptions e´taient releve´es ainsi que les apports lacte´s au moment de l’enqueˆte ou des prescriptions selon les cas (cf. infra).
2.4. Crite`res d’e´valuation 2.4.1. Apports en vitamine D L’ade´quation des apports pour les enfants de 0 a` 5 ans re´volus a e´te´ de´finie a` partir des recommandations officielles franc¸aises de 1963 et 1971 et de celles de la litte´rature francophone europe´enne en prenant en compte les apports par les produits laitiers [8,9], les caracte´ristiques du produit des diffe´rentes spe´cialite´s disponibles (dictionnaire Vidal) et l’e´quivalence the´orique entre doses de charge et apports quotidiens ainsi qu’entre vitamines D2 et D3 [10]. Les recommandations franc¸aises pre´conisent des apports de 1000 a` 1500 UI/j selon le niveau d’exposition solaire chez le nourrisson a` peau claire, de 1500 UI chez le pre´mature´ et de 2500 UI chez les nourrissons tre`s pigmente´s. La supple´mentation doit eˆtre assure´e toute l’anne´e jusqu’a` 18 mois et suivie d’une pre´vention par dose de charge de 18 mois a` 5 ans en 1 a` 2 prises [11,12]. Les recommandations de la litte´rature francophone pre´conisent une
supple´mentation de 400 a` 800 UI chez le nourrisson recevant un lait enrichi et de 800 a` 1000 UI chez le pre´mature´ [13–16]. Ont ainsi e´te´ conside´re´es comme adapte´es a` la prophylaxie de la carence en vitamine D en 2008/2009 : pour les enfants de 0 a` 18 mois sans facteur de risque de carence (enfants n’ayant pas une peau pigmente´e et n’e´tant ne´s ni pre´mature´s ni hypotrophiques), une administration quotidienne perannuelle comprise entre 600 et 1200 UI et pour les enfants a` risque (pre´mature´s, hypotrophiques ou a` peau pigmente´e), comprise entre 900 et 1500 UI. L’administration pouvait eˆtre effectue´e par des apports quotidiens (me´dicament + laits ou laitages) ou par des doses de charge correspondant a` l’e´quivalent the´orique des apports quotidiens mentionne´s ci-dessus (e´quivalent the´orique quotidien (UI/j) = [dose de charge (UI)/intervalle de temps entre les 2 dernie`res prescriptions (jours) + apport alimentaire quotidien (UI/j)]) ; pour les enfants de 19 mois a` 5 ans re´volus, une supple´mentation par doses de charge de 80 000 a` 100 000 UI pendant la pe´riode hivernale (2 prises en cas d’apports comple´mentaires en vitamine D par les laits ou laitages infe´rieurs a` 50 UI/j, ou 1 a` 2 prises en cas d’apports alimentaires supe´rieurs ou e´gaux 50 UI/j) ou de 200 000 UI (une prise annuelle quels que soient les apports annexes) ; ou par administration quotidienne, les apports totaux (me´dicament + laits ou laitages) e´tant compris entre 600 et 1200 UI/j. L’apport par les laits et laitages a e´te´ e´value´ par l’interrogatoire des parents et avec l’aide d’un catalogue illustre´ re´pertoriant les produits et leur teneur en vitamine D. 2.4.2. Crite`re d’e´valuation principal En fonction des crite`res de´crits ci-dessus, il a e´te´ conside´re´ comme :
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conformes aux recommandations, les prescriptions ge´ne´rant des apports conside´re´s comme adapte´s (en termes d’apports quotidiens en UI/j ou en doses de charge) a` la prophylaxie de la carence en vitamine D ; infe´rieures aux recommandations, les prescriptions ge´ne´rant un apport en-dec¸a` de la borne infe´rieure utilise´e pour de´finir un apport adapte´ ainsi que l’absence de prescription me´dicamenteuse dans les 12 derniers mois ; supe´rieures aux recommandations, les prescriptions ge´ne´rant un apport au-dela` de la borne supe´rieure utilise´e pour de´finir un apport adapte´. Pour les enfants entre 0 et 18 mois : en cas de prise quotidienne, c’est la dernie`re prescription qui a e´te´ prise en compte ; en cas de doses de charge : lorsque les deux dernie`res prescriptions avaient e´te´ faites sous forme de doses de charge, c’est l’avantdernie`re prescription qui a e´te´ conside´re´e, ainsi que le de´lai entre les deux prescriptions, permettant ainsi de de´finir pre´cise´ment l’e´quivalent quotidien, lorsque seule la dernie`re prescription e´tait une dose de charge, le caracte`re e´ventuellement insuffisant de la prescription pouvait uniquement eˆtre de´termine´ de fac¸on pre´cise, quand le de´lai par rapport a` l’enqueˆte permettait d’e´valuer des apports quotidiens infe´rieurs aux recommandations, dans les autres cas, c’est l’avant-dernie`re prescription qui a e´te´ prise en compte. Les cas particuliers ont e´te´ revus par les auteurs qui ont statue´ sur le crite`re principal d’e´valuation.
Pour les enfants de 19 mois a` 5 ans : en cas de prise quotidienne, c’est la dernie`re prescription qui a e´te´ prise en compte ; en cas de doses de charge, ce sont les prescriptions de vitamine D sur l’anne´e e´coule´e qui ont e´te´ prises en compte. L’aˆge de l’enfant et les apports alimentaires de vitamine D retenus pour l’analyse e´taient ceux du jour de la prescription analyse´e ; dans les situations de supple´mentation quotidienne, l’aˆge et les apports lacte´s conside´re´s e´taient ceux du jour de l’enqueˆte. 2.4.3. Crite`res d’e´valuation secondaires La concentration se´rique de 25-OH-D ainsi que le rapport calcium/cre´atinine urinaire sur e´chantillon ont e´te´ analyse´s sur les reliquats biologiques collecte´s (sang et urines). Dans chacune des 2 tranches d’aˆge, les concentrations plasmatiques de 25-OH-D infe´rieurs ou e´gales a` 25 nmol/ L, infe´rieures ou e´gales a` 50 nmol/L ou supe´rieures a` 250 nmol/L ont e´te´ conside´re´es comme te´moignant respectivement d’une carence, d’une insuffisance ou d’un exce`s [17] ; les rapports Ca/cre´atinine (mmol/mmol) ont e´te´ conside´re´s par rapport aux normes (intervalles 5e–95e percentile : 0–6 mois : 0,1–2,6 ; 6–12 mois :
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0,09–2,2 ; 1–2 ans : 0,07–1,5 ; 2–3 ans : 0,06–1,4 ;3–5 ans : 0,05–1,1 [18]).
2.5. Statistiques 2.5.1. Calcul de l’effectif Les effectifs a` inclure ont e´te´ calcule´s pour obtenir un niveau e´leve´ de pre´cision du crite`re principal : e´cart d’au plus 5 % de part et d’autre des pourcentages estime´s pour l’intervalle de confiance a` 95 % pour chacune des modalite´s du crite`re principal. A` la suite des re´sultats de la pre´-enqueˆte, les effectifs ont duˆ eˆtre majore´s pour tenir compte des donne´es insuffisantes ou non exploitables sur le crite`re principal. Il a e´te´ e´galement tenu compte du de´calage possible entre la date de la prescription analyse´e et la date d’inclusion : la pre´enqueˆte a en effet montre´ que 15 % des enfants des enfants du groupe 19 mois a` 5 ans devaient en fait eˆtre analyse´s dans le groupe des 0–18 mois. 2.5.2. Analyse statistique Les re´sultats concernant le crite`re d’e´valuation principal ont e´te´ obtenus sur les seuls sujets e´valuables pour ce crite`re, en excluant les enfants pour lesquels les variables suivantes n’e´taient pas renseigne´es : hypotrophie et pre´maturite´, avant l’aˆge de 18 mois, pigmentation de la peau. Toutes les analyses ont e´te´ re´alise´es sur l’ensemble des sujets puis se´pare´ment pour les 2 groupes d’aˆge 0 a` 18 mois et 19 mois a` 71 mois. Pour de´terminer les facteurs associe´s au crite`re d’e´valuation principal, le mode`le de re´gression logistique polytomique qui ge´ne´ralise le mode`le logistique a` une re´ponse a` plus de 2 modalite´s a e´te´ utilise´. Les facteurs se´pare´ment associe´s au crite`re principal au seuil de significativite´ p = 0,20 ont e´te´ retenus pour l’analyse multivarie´e et une proce´dure en pas a` pas ascendant a e´te´ utilise´e pour se´lectionner parmi eux les facteurs inde´pendamment associe´s au crite`re principal au seuil habituel p = 0,05. La concordance entre le crite`re principal et le statut vitaminique D biologique qui comporte e´galement 3 modalite´s (insuffisant, normal, excessif) a e´te´ e´value´e par l’estimation du coefficient kappa ponde´re´ quadratique et son test par rapport a` la valeur nulle sur le sous-groupe de sujets ayant eu leurs reliquats biologiques analyse´s [19].
3. Re´sultats 3.1. Descriptif de la population Vingt-cinq centres (14 CHU et 11 CH) ont participe´ a` l’enqueˆte : Rouen (CHU-N), Lisieux (CH-N), Bondy (CHU-N), Meaux (CH-N), Marseille (CHU-S), Aix-en-Provence (CH-S), Limoges (CHU-S), Bordeaux (CHU-S), Pau (CH-S), Toulouse (CHU-S), Auch (CH-S), Nantes (CHU-N), Saint-Nazaire (CH-N), Lille (CHU-N), Roubaix (CH-N), Nancy (CHU-N), Epinal (CH-N), Lyon (CHU-N), Villefranche-sur-Saoˆne (CH-N), Paris
Prescription prophylactique de la vitamine D
4431 sujets ayant été interrogés aux urgences pédiatriques
1140 sujets exclus
3291 sujets inclus
51 sujets exclus : * 50 pour variable obligatoire manquante * 1 pour âge > 6 ans
3240 sujets inclus et décrits
378 sujets exclus pour critère de jugement principal manquant
2862 sujets analysables
491 sujets exclus de l'analyse par catégorie d'âge et d'alimentaon lactée * 364 sujets non classables sur le critère lait supplémenté ou non supplémenté * 122 données manquantes * 5 sujets de plus de 18 mois exclusivement au sein .
2371 sujets analysables par catégorie d'âge et d'alimentaon lactée Figure 2. Diagramme de flux.
Saint-Vincent-de-Paul (CHU-N), Versailles Le Chesnay (ChN), Boulogne-Billancourt (CHU-N), Mantes (CH-N), Dijon (CHU-N) et Nice (CHU-S). Sur les 4431 sujets interroge´s dans les services d’urgences, 3240 ont e´te´ inclus et 2862 ont e´te´ analysables globalement et par tranche d’aˆge (fig. 2) : 1606 ont e´te´ analyse´s dans la classe d’aˆge 0 a` 18 mois et 1256 dans la classe d’aˆge 19 mois a` 5 ans (tableau I). La population se re´partissait comme indique´ dans le tableau I. Il existait une le´ge`re pre´dominance masculine, environ 30 % d’enfants a` risque, et environ 60 % d’enfants inclus dans les CHU et dans le Nord de la France. Alors que 98 % des enfants de 0 a` 18 mois avaient une supple´mentation me´dicamenteuse, seuls 52 % de ceux de
19 mois a` 5 ans en be´ne´ficiaient. Parmi les 1606 enfants aˆge´s de 0 a` 18 mois, 1248 (78 %) recevaient des laits ou laitages supple´mente´s, 71 (4 %) des laits ou laitages non supple´mente´s et 226 (14 %) e´taient nourris au sein (4 % de donne´es manquantes). Un peu plus d’un quart des enfants de moins de 6 mois e´tait nourri exclusivement au sein, mais avec des variations importantes selon l’aˆge ; ainsi, sur les 100 enfants aˆge´s de 2 mois, 28 e´taient exclusivement au sein alors que seulement 7 des 107 enfants aˆge´s de 6 mois e´taient alimente´s exclusivement au sein, les autres e´tant quasiment tous nourris avec un lait supple´mente´. Dans le groupe d’aˆge 19 mois a` 5 ans re´volus (1256 sujets), 51 % recevaient des laits ou laitages supple´mente´s et 15 % des laits et laitages non supple´mente´s (34 % de donne´es manquantes).
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Tableau I Description des 2862 sujets analysables. Variables
Tranches d’aˆge d’analyse a
Population totale (n = 2862)
18 mois–5 ansb (n = 1256)
0–18 mois (n = 1606) Nombre
%
Sexe Masculin Fe´minin
1573 1289
55,0 45,0
891 715
55,5 44,5
682 574
54,3 45,7
Pigmentation de la peau Pigmentation claire Pigmentation fonce´e
2394 468
83,6 16,4
1356 250
84,4 15,6
1038 218
82,6 17,4
Pre´maturite´ Non Oui
2629 233
91,9 8,1
1475 131
91,8 8,2
1154 102
91,9 8,1
Hypotrophie Non Oui
2569 287
89,8 10,0
1431 170
89,1 10,6
1138 117
90,6 9,3
Pigmentation de la peau, pre´maturite´ ou hypotrophie Non 1989 69,5 Oui 873 30,5
1122 484
69,9 30,1
867 389
69,0 31,0
Prescripteur Pas de prescription Pe´diatre Ge´ne´raliste PMI Autre
31 876 373 216 110
1,9 54,6 23,2 13,4 6,8
601 331 225 91 8
47,9 26,4 17,9 7,3 0,6
Supple´mentation me´dicamenteuse en vitamine D au cours des 12 derniers mois Non 632 22,1 31 Oui 2230 77,9 1575
1,9 98,1
601 655
47,9 52,1
Re´gion Nord Sud
1772 1090
61,9 38,1
987 619
61,5 38,5
785 471
62,5 37,5
Hoˆpital CHU CH
1700 1162
59,4 40,6
944 662
58,8 41,2
756 500
60,2 39,8
632 1207 598 307 118
22,1 42,2 20,9 10,7 4,1
Nombre
%
Nombre
%
PMI : Protection maternelle et infantile ; CHU : centre hospitalier et universitaire ; CH : centre hospitalier ge´ne´ral. Les deux tranches d’aˆge ont e´te´ e´tablies en prenant en compte l’aˆge au moment de l’analyse b Dans la tranche d’aˆge des 18 mois–5 ans, figurent les anciens pre´mature´s et hypotrophes conside´re´s comme un groupe d’enfants a` surveillance me´dicale plus e´troite. a
3.2. Crite`re principal d’e´valuation Sur l’ensemble de la population analyse´e, seulement 56 % des prescriptions e´taient conformes aux recommandations, 29 % e´tant infe´rieures et 15 % supe´rieures. Une analyse de´taille´e en fonction des tranches d’aˆge et du type d’alimentation est donne´e dans le tableau II. Alors que 10 % seulement des enfants de 0 a` 18 mois avaient des prescriptions infe´rieures aux recommandations, ce pourcentage e´tait d’environ 50 % chez les enfants de 19 mois a` 5 ans re´volus. Dans cette tranche d’aˆge, le pourcentage de prescriptions infe´rieures aux recommandations augmentait
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progressivement avec l’aˆge pour atteindre 89 % entre 60 et 71 mois. Les prescriptions excessives e´taient rares (5 %). Les re´sultats selon l’existence ou non de facteurs de risque pour les enfants de 0 a` 18 mois sont rapporte´s dans le tableau III. A` cet aˆge et en l’absence de facteur de risque (69,9 %), 743 prescriptions sur 1122 (66,2 %) e´taient conformes, 336 (29,9 %) e´taient supe´rieures et seules 43 (3,8 %) e´taient infe´rieures aux recommandations. Parmi ceux dont la prescription e´tait supe´rieure aux recommandations, 68 % avaient un exce´dent compris entre 0 et 300 unite´s/j et 27 % entre 300 et 600 unite´s/j.
Prescription prophylactique de la vitamine D
Tableau II Conformite´ des prescriptions selon le type d’apports lacte´s. Population de 0 a` 18 mois (n = 1606) Sein exclusivement (n = 226) %
n
Intervalle de confiance a` 95 %
Lait < 50 UI/j (n = 71)
Lait > 50 UI/j (n = 1248
n
n
%
Intervalle de confiance a` 95 %
%
Ade´quation des prescriptions des apports en vitamine D par rapport aux normes Infe´rieure 25 11,1 [7,3 ; 15,9] 17 23,9 [14,6 ; 35,5] 91 7,3 Conforme 199 88,1 [83,1 ; 92,0] 47 66,2 [54,0 ; 77,0] 789 63,2 Supe´rieure 2 0,9 [0,1 ; 3,2] 7 9,9 [4,1 ; 19,3] 368 29,5 Total
226
14,1
71
4,4
1248
Total Intervalle de confiance a` 95 %
n
[5,9 ; 8,9] [60,5 ; 65,9] [27,0 ; 32,1]
157 1069 380
9,8 66,6 23,7
1606a
100,0
77,7
%
Intervalle de confiance a` 95 % [8,4 ; 11,3] [64,2 ; 68,9] [21,6 ; 25,8]
Population de 19 mois a` 5 ans (n = 1256) Lait < 50 UI/j (n = 185) n
%
Lait > 50 UI/j (n = 641) Intervalle de confiance a` 95 %
n
%
Total Intervalle de confiance a` 95 %
Ade´quation des prescriptions des apports en vitamine D par rapport aux normes Infe´rieure 134 72,4 [66,4 ; 78,7] 198 30,9 [27,3 ; 34,6] Conforme 46 24,9 [18,8 ; 31,7] 392 61,2 [57,3 ; 65,0] Supe´rieure 5 2,7 [0,9 ; 6,2] 51 8,0 [6,0 ; 10,3] Total
185
14,7
641
51,0
n
%
671 521 64
53,4 41,5 5,1
1256b
100,0
Intervalle de confiance a` 95 % [50,6 ; 56,2] [38,7 ; 44,3] [4,0 ; 6,5]
a
61 (3,8 %) donne´es manquantes. b 430 (34,2 %) donne´es manquantes.
Chez les enfants de 0 a` 18 mois qui pre´sentaient au moins un facteur de risque, une double analyse a e´te´ re´alise´e en fonction de la limite supe´rieure (1200 ou 1500 UI) des apports en raison de l’absence de recommandations officielles pre´cises les concernant : Pour une limite supe´rieure des apports quotidiens a` 1500 UI (tableau III), la proportion de prescriptions conformes e´tait comprise entre 61 et 85 % et augmentait avec le cumul des facteurs de risques. Environ un quart des enfants ayant au moins un facteur de risque avait une prescription infe´rieure aux recommandations. Pour une limite supe´rieure a` 1200 UI/j, le pourcentage de prescriptions supe´rieures aux recommandations passait de 9 % (n = 44) a` 36 % (n = 173), le pourcentage de prescriptions conformes diminuant en conse´quence.
3.3. Analyse multivarie´e L’analyse des facteurs associe´s au crite`re de jugement principal a mis en e´vidence une plus grande probabilite´ de prescriptions infe´rieures aux recommandations chez les enfants pre´sentant un ou plusieurs facteurs de risque, cela uniquement chez les enfants de 0 a` 18 mois (tableau IV).
3.4. Dosages biologiques Le statut vitaminique D a e´te´ e´value´ par la concentration se´rique de 25-OH-D chez 99 enfants appartenant a` 4 centres. Il apparaıˆt que 12 % (n = 12) d’entre eux avaient une concentration se´rique insuffisante (< 50 nmol/L) et 2 % e´taient en situation de carence (< 25 nmol/l). Aucun cas de surcharge (> 250 nmol/L) n’a e´te´ identifie´. La distribution de
Tableau III Conformite´ des prescriptions en fonction de l’existence de facteurs de risque (enfants de 0 a` 18 mois). Prescriptions pour les sujets de 0–18 mois par rapport aux normes
Absence de risque
Peau pigmente´e uniquement
Pre´maturite´ ou hypotrophie
Peau pigmente´e et pre´maturite´ ou hypotrophie
Total
Infe´rieure Conforme Supe´rieure
43 (3,8 %) 743 (66,2 %) 336 (30,0 %)
55 (27,2 %) 124 (61,4 %) 23 (11,4 %)
54 (23,1 %) 161 (68,8 %) 19 (8,1 %)
5 (10,4 %) 41 (85,4 %) 2 (4,2 %)
157 (9,8 %) 1069 (66,6 %) 380 (23,7 %)
Total
1122 (69,9 %)
202 (12,6 %)
234 (14,6 %)
48 (3,0 %)
1606
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Tableau IV Conformite´ des prescriptions en fonction des facteurs de « risque ». Sujets de 0–18 mois OR a
IC95 %
Pigmentation de la peau (ref = non) Infe´rieur Supe´rieur
3,83 0,37
[2,59–5,66] [0,24–0,58]
Pre´maturite´ (re´f = non) Infe´rieur Supe´rieur
2,92 0,29
[1,78–4,79] [0,15–0,56]
Hypotrophie (ref = non) Infe´rieur Supe´rieur
1,75 0,26
[0,09–2,80] [0,14–0,46]
pb <0,0001
<0,0001
<0,0001
a
OR = rapport de cotes (odds ration) et IC95 % = Intervalle de confiance a` 95 % obtenus par re´gression logistique polytomique incluant les trois facteurs du tableau ainsi que l’aˆge (0–6 mois, 7–12 mois, 13–18 mois) et la cate´gorie socioprofessionnelle principale des parents (en 4 cate´gories) b Test de Wald.
la concentration plasmatique de 25-OH-D n’e´tait pas significativement diffe´rente entre les re´gions nord et sud ou les saisons e´te´ et hiver. La calciurie mesure´e chez 52 enfants, interpre´te´e en fonction des normes pour l’aˆge [10], n’e´tait basse chez aucun des 10 nourrissons de 0 a` 6 mois. En revanche, elle e´tait faible chez pre`s d’un tiers des enfants de 6 a` 24 mois et chez 48 % des 25 enfants aˆge´s de deux a` 5 ans. La concordance entre l’ade´quation de prescription (infe´rieure, conforme ou supe´rieure aux recommandations) et le statut vitaminique D (concentration plasmatique de 25 OHD insuffisante, normale ou excessive) e´tait hautement significative (p = 0,002) mais de valeur mode´re´e (0,29 – IC 95 % [0,08– 0,45]). Elle e´tait un peu plus forte entre l’ade´quation de la prescription et la calciurie (0,41 (IC 95 % [0,18–0,63]) et e´galement tre`s significative (p = 0,005).
4. Discussion L’enqueˆte avait e´te´ pre´ce´de´e d’une pre´-enqueˆte ayant permis de tester d’une part sa faisabilite´ dans les services d’urgences pe´diatriques des centres hospitaliers et d’autre part le questionnaire et son iconographie qui devaient faciliter le recueil des donne´es. Cette pre´-enqueˆte avait ainsi permis : d’identifier quelques difficulte´s dans le recueil des donne´es (compre´hension de quelques e´le´ments du questionnaire, identification des laits et laitages consomme´s du fait de leur grande varie´te´, carnets de sante´ insuffisamment renseigne´s, de´faut de me´moire des parents). Le questionnaire a donc e´te´ ame´liore´ et l’iconographie comple´te´e a` l’aide d’une e´quipe re´partie sur le territoire franc¸ais, charge´e de relever sur
1300
l’e´tiquetage des produits laitiers la teneur en vitamine D dans les circuits de distribution locaux ; de valider le choix du samedi apre`s-midi (aspect logistique, repre´sentativite´ des enfants inclus), avec un interne de´die´ (syste´matisation des inclusions, reproductivite´ de l’interrogatoire et, pour les centres concerne´s, e´troite collaboration avec la biologie) ; de calculer le nombre de sujets ne´cessaires par groupe et sous-groupe en pre´voyant une marge de se´curite´ conservatrice de 40 % de sujets non e´valuables. Le support d’un gestionnaire de donne´es (mise en place, suivi hebdomadaire) et d’un nume´ro vert le samedi apre`s-midi a largement contribue´ a` l’obtention de donne´es de qualite´ (apport de pre´cisions sur les donne´es si besoin, lisibilite´, rectification imme´diate de toute de´rive...). Lorsque la teneur en vitamine D d’un produit lacte´ n’e´tait pas re´pertorie´e lors de la saisie, les auteurs ont de´termine´ pour l’analyse une teneur maximale et minimale des apports en fonction du type de produit (yaourt, lait 1er aˆge, lait 2e aˆge...) ou d’une marque comparable. L’enfant n’a e´te´ pris en compte dans l’analyse que si les estimations minimale et maximale des apports permettaient de classer ou qualifier la prescription dans 1 des 3 cate´gories du crite`re principal sans ambiguı¨te´. En conse´quence de ces pre´cautions me´thodologiques et logistiques, seuls 11,7 % des sujets inclus n’ont pu eˆtre e´value´s pour le crite`re principal. Les effectifs de 3240 sujets inclus et de´crits et de 2862 enfants analysables sont conformes aux exigences du protocole. L’effectif avait e´te´ calcule´ afin de garantir un niveau de pre´cision e´leve´ pour l’e´valuation du crite`re principal jusqu’a` 40 % de donne´es non analysables pour ce crite`re (donc tre`s largement au dessus des 11,7 % re´ellement observe´s). La re´partition des centres a e´te´ choisie pour garantir un e´quilibre nord/sud. Par ailleurs, le couplage CHU/CH devait permettre d’inclure la population la plus repre´sentative des composantes citadine et rurale de chaque re´gion. Vingt-cinq centres ont effectivement participe´, 8 au sud, 17 au nord de la Loire dont 6 en ˆIle-de-France, compte tenu de la de´mographie de cette re´gion. La population incluse et analyse´e (n = 2862) est comparable a` la population ge´ne´rale franc¸aise : la re´partition entre garc¸ons et filles (respectivement 55 % et 45 %) est proche de celle rapporte´e par l’Institut national de la statistique et des e´tudes e´conomiques [Insee] (51,2 % versus 48,8 % [20]). La re´partition des centres est telle que la population de la moitie´ nord de la France repre´sente 62 % de la population analyse´e (proche des donne´es Insee (64,5 % dans la tranche d’aˆge 0–4 ans en 2009 [21]). La proportion d’enfants hypotrophiques est de 10 % comme dans la population ge´ne´rale. Cependant, la pre´maturite´ e´tait surrepre´sente´e dans la population de l’e´tude (8,1 % dans l’e´tude versus 7,4 % population ge´ne´rale [22]), ce qui s’explique vraisemblablement par le recrutement aux urgences hospitalie`res. Il ressort e´galement de l’analyse que le carnet de sante´ n’a pas e´te´ aussi informatif que
Prescription prophylactique de la vitamine D
souhaite´ : dans 67,8 % des cas (65,0 % chez les 0–18 mois et 71,3 % chez les 18 mois–5 ans), les enfants avaient un carnet insuffisamment renseigne´. Ce constat avait de´ja` e´te´ fait par d’autres auteurs [23]. Chez les enfants aˆge´s de 0 a` 18 mois, les re´sultats e´taient majoritairement conformes aux recommandations. Ne´anmoins, 9,8 % d’entre eux avaient des prescriptions infe´rieures a` celles-ci dont un cinquie`me (31 enfants) n’avait eu aucune prescription de vitamine D pendant les 12 derniers mois. La majorite´ des enfants de ce groupe d’aˆge recevait des apports comple´mentaires en vitamine D par les laits et laitages (77,7 %). Parmi les enfants nourris avec des laits non supple´mente´s ou exclusivement au sein, respectivement 24 % et 11 % avaient une prescription infe´rieure aux recommandations, alors qu’ils n’e´taient que 7 % parmi les enfants nourris par des laits supple´mente´s. Sur les 1122 enfants sans facteur de risque, pre`s de 4 % avaient une prescription infe´rieure aux recommandations (23 n’avaient eu aucune prescription dans les 12 derniers mois) et pre`s de 1 enfant sur 3 avait une prescription supe´rieure aux recommandations. Dans 94 % des cas, ces exce`s ne de´passaient pas 600 UI. Ces apports exce´dentaires e´taient vraisemblablement dus a` la non-prise en compte au moment de la prescription des apports en vitamine D par les laits et laitages, comme cela avait de´ja` e´te´ note´ dans une enqueˆte ante´rieure pratique´e 2 ans apre`s la parution de la circulaire sur l’enrichissement des laits [10]. Pour les enfants ayant eu un dosage biologique, ces apports exce´dentaires ne se traduisaient pas par un taux excessif de 25-OH-D ou par des anomalies de calce´mie ou calciurie. Environ un quart des enfants de 0 a` 18 mois ayant au moins un facteur de risque avait une prescription infe´rieure aux recommandations, c’est-a`-dire 7 fois plus souvent que la population sans risque. Les facteurs de risque e´taient donc insuffisamment pris en compte dans les prescriptions. En revanche, lorsque les facteurs de risque se cumulaient, la prescription e´tait plus adapte´e : il n’y avait que 1 enfant sur 10 ayant une prescription insuffisante en cas de peau pigmente´e et de pre´maturite´ ou d’hypotrophie, mais l’effectif e´tait faible. Il est donc important de sensibiliser les prescripteurs a` chacun des facteurs de risque a` un aˆge ou` la vitesse de croissance est la plus e´leve´e (25 cm lors de la premie`re anne´e de vie). Dans cette sous-population, les prescriptions supe´rieures aux recommandations e´taient nettement moins nombreuses que dans la population sans facteur de risque quand on conside`re la limite supe´rieure des apports quotidiens recommande´s a` 1500 UI/j, ce qui peut surprendre. L’analyse multivarie´e des facteurs associe´s a` la prescription renforce les constatations faites chez les enfants a` risque de 0 a` 18 mois. Elle montre en effet une association entre la pre´sence de chacun des facteurs de risque et une probabilite´ plus e´leve´e d’avoir une prescription infe´rieure aux recommandations ainsi qu’une probabilite´ plus faible d’avoir une prescription supe´rieure aux recommandations, cela inde´pendamment pour chacun des 3 facteurs de risque et inde´pendamment
aussi des autres facteurs pris en compte dans l’analyse multivarie´e (aˆge et cate´gorie socio-professionnelle principale des parents). Dans la population de 19 mois a` 5 ans, plus d’un enfant sur deux (53,4 %) avait une prescription infe´rieure aux recommandations. Les prescriptions supe´rieures aux recommandations e´taient ne´gligeables (environ 5 %). Une analyse plus de´taille´e des prescriptions infe´rieures aux recommandations montre que l’absence de prescription au cours des 12 derniers mois e´voluait paralle`lement a` l’aˆge ; ainsi cela concernait 12 % des enfants de 18 a` 24 mois et 85 % de ceux aˆge´s de 60 a` 71 mois. L’absence de prescription n’inte´ressait que 1 % des enfants de moins de 1 an et 6 % des enfants de 12 a` 18 mois. Une explication pourrait eˆtre la moindre fre´quence des visites me´dicales entre 1 et 6 ans [24]. Cependant la faible proportion d’enfants de 18 mois a` 5 ans avec supple´mentation par dose de charge au cours des 12 derniers mois pourrait e´galement eˆtre explique´e par un interrogatoire peu informatif d’un pe`re seul pre´sent aux urgences ou par un carnet de sante´ peu renseigne´. Il est important de rappeler qu’une insuffisance d’apports en vitamine D peut entraıˆner des modifications de densite´ et de structure du tissu osseux, comme le sugge`re une e´tude utilisant la densitome´trie osseuse calcane´enne a` ultrasons dans cette tranche d’aˆge [25]. Notre enqueˆte a enfin permis, a` partir d’e´chantillons nord et sud de la population, de valider l’ade´quation entre la notion de prescription infe´rieure, conforme ou supe´rieure aux recommandations et le statut vitaminique D avec un lien meilleur pour la calciurie (calciurie insuffisante normale ou excessive) que pour la concentration plasmatique en 25-OH-D (concentration insuffisante, normale ou excessive).
5. Conclusion Les recommandations datant de la pe´riode 1963–1971 sont anciennes et totalement oriente´es vers la pre´vention du rachitisme. Ces recommandations ainsi que l’enrichissement des laits en vitamine D depuis 1992 ont re´gle´ ce proble`me. Reste omnipre´sent le souci d’une optimisation du statut en 25-OH-D, de la mine´ralisation et de la structure osseuse qui de´pendent e´troitement des apports vitamino-calciques. L’effectif important de notre e´tude autorise des conclusions. Les re´sultats de cette enqueˆte montrent une disparite´ des prescriptions et du suivi des recommandations actuelles de la part des prescripteurs, y compris pour les enfants pre´sentant des facteurs de risque. L’abandon progressif et massif des prescriptions apre`s 18 mois, alors meˆme que la ve´locite´ de croissance reste importante, invite a` une re´flexion. Meˆme les enfants pre´sentant un facteur de risque ne font pas l’objet d’une attention particulie`re. Par ailleurs, 14 % des enfants de l’e´chantillon ayant be´ne´ficie´ d’examens biologiques avaient un statut de vitamine D insuffisant ( 50 nmol/L) alors qu’aucun enfant de l’e´chantillon teste´, y compris ceux qui avaient des prescriptions au-dela` des recommandations,
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n’avait de taux e´vocateur de surcharge. La supple´mentation en vitamine D, surtout dans la premie`re anne´e de vie, a montre´ son inte´reˆt dans la pre´vention du diabe`te et possiblement d’autres maladies, auto-immunes ou infectieuses [1–7]. Il paraıˆt donc important de sensibiliser le corps me´dical a` une plus grande rigueur dans le suivi des prescriptions du jeune enfant et de re´fle´chir sur de nouvelles recommandations tenant compte des nouvelles connaissances re´centes sur la vitamine D et ses effets.
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De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Liste des investigateurs Mallet E. (Rouen), Guillot M. (Lisieux), Gaudelus J. (Bondy), Gourand F. (Meaux), Minodier P. (Marseille), Rimet Y. (Aix en Provence), Lienhardt-Roussie A. (Limoges), Pillet P. (Bordeaux), Callamand P. (Pau), Salles JP. (Toulouse), Duquesne JP. (Auch), Vrignaud B. (Nantes), Le Bideau M. (Saint-Nazaire), Hue V. (Lille), Ythier H. (Roubaix), Feillet F. (Nancy), Popelard F. (Epinal), Libe´ras S. (Lyon), Rebaud P. (Villefranche sur Saoˆne), Moulin F. (Paris), Foucaud P. (Le Chesnay), Chevallier B. (Boulogne Billancourt), Furioli J. (Mantes), Huet F. (Dijon), Haas H. (Nice).
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Re´fe´rences [1] [2] [3]
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