Prévenir le cancer du col de l’utérus par la vaccination, une mission de santé publique

Prévenir le cancer du col de l’utérus par la vaccination, une mission de santé publique

Actualités pharmaceutiques Ř n° 486 Ř Juin 2009 pratique thérapeutique 26 Prévenir le cancer du col de l’utérus par la vaccination, une mission de ...

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Actualités pharmaceutiques Ř n° 486 Ř Juin 2009

pratique thérapeutique

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Prévenir le cancer du col de l’utérus par la vaccination, une mission de santé publique Le cancer du col de l’utérus représente, par ordre de fréquence, le deuxième cancer dans le monde et le septième en France. Chaque année, il est responsable de 1 000 décès et constitue un important problème de santé publique. Un agent pathogène viral, le papillomavirus humain (HPV), a un rôle très important dans sa genèse. Depuis 2006, un vaccin prophylactique peut être recommandé dans certaines situations.

dans les deux ans alors que seule une petite proportion développera une infection. HPV 6 et 11 sont retrouvés dans la plupart des condylomes acuminés, très fréquents au niveau de la vulve, du périnée, de la marge anale et du pénis. Ils sont plus rares dans les zones muqueuses du vagin, du col utérin, du canal anal et de l’urètre1. De plus, HPV 6 et 11 sont retrouvés dans environ 10 % des lésions de bas grade2. L’incidence des verrues génitales augmente régulièrement. HPV 16 et 18 sont présents dans : environ 25 % des lésions de bas grade, 50 % des lésions cervicales de haut grade, 70 % des cancers du col utérin et 60 % des cancers anaux. L’histoire naturelle du cancer du col (figure 1) est aujourd’hui bien connue. L’intervalle entre la première transformation cellulaire (néoplasie intra-épithéliale) et le cancer invasif est en moyenne de 13 ans.

tif pour le patient. Les traitements sont destructeurs (électrocoagulation, cryothérapie, vaporisation laser CO 2) ou chirurgicaux (conisation). Ils sont associés à des complications : risque de rechute, hypofécondité d’origine cervicale, accouchement prématuré, impact sur la qualité de vie et conséquences psychologiques. Le cancer du col, identifié précocement, a un taux de guérison relativement élevé mais des conséquences physiques et psychologiques souvent très importantes. Ř8QFR½WLPSRUWDQWVXSSRUW«SDUODVRFL«W« Les pathologies liées à HPV ont représenté, en France, en 2006, un coût de 416 millions d’euros3 : – traitement des cancers invasifs ; – traitement des lésions cervicales (hors cancer) ; – exploration des frottis anormaux ; – réalisation des frottis. Ř 8Q G«SLVWDJH VHFRQGDLUH GX FDQFHU GXFROGHOőXW«UXVLQVXIƂVDQW Le dépistage du cancer du col utérin s’effectue à partir d’un prélèvement cellulaire au niveau du col utérin et de la partie profonde du vagin. Ce prélèvement, examiné par un médecin anatomopathologiste, permet en principe de mettre en évidence précocement des lésions précancéreuses et les cancers débutant au niveau du col utérin. Grâce à ce dépistage, une prise en charge rapide et précoce peut être débutée, permettant d’augmenter les chances de guérison complète de la maladie. Cependant, ce dépistage présente des limites. En effet, selon le Collège des gynécologues et obstétriciens français (CGNOF), seulement 69 % des femmes sont régulièrement dépistées, d’où une mortalité par cancer cervical non

Ř8QSUREOªPHGHVDQW«SXEOLTXH Les virus HPV présentent un tropisme tissulaire variable en fonction du génotype : – HPV 1, 5, 8 et 47 sont impliqués dans des pathologies cutanées, HPV 1 étant la principale cause des verrues vulgaires ; – HPV 6, 11, 16 et 18 sont impliqués dans des pathologies muqueuses. Le pic des infections a lieu chez les jeunes femmes sexuellement actives entre 18 et 22 ans, mais une grande majorité d’entre elles (jusqu’à 90 %) se débarrasseront spontanément des virus

Ř Figure 1 : Tumeur bourgeonnante du cancer du col de l’utérus.

L’infection à HPV est une condition nécessaire mais non suffisante au développement de la pathologie se réalisant sous l’influence de cofacteurs associés : – les autres infections sexuellement transmissibles (virus de l’immunodéficience humaine, virus herpès simplex, Chlamydiae et autres tels que gonorrhée, syphillis, mycoplasme...), le tabac (nicotine dans la glaire, goudrons), la contraception orale prolongée et l’immunosupression. Les néoplasies intra-épithéliales du col utérin peuvent régresser, persister ou évoluer vers le cancer invasif. Différentes options de traitement existent mais sont associées à un inconfort significa-

© Phanie/Garo

Infection à HPV ou pourquoi vacciner ?

© Masson

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es Human Papilloma Virus (HPV) appartiennent à la famille des Papovaviridae. À l’heure actuelle, deux cents génotypes de papillomavirus ont été répertoriés. Ce sont des virus non enveloppés à capside isocaédrique se multipliant au niveau des cellules germinales des épithéliums malpighiens et produisant des virions dans les kératinocytes. La transmission du virus se fait majoritairement par voie sexuelle (favorisée par les co-infections sexuellement transmissibles) et minoritairement par voie manuportée.

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)'  !$!$! Ř Figure 2 : Méthode de fabrication du vaccin.

négligeable. De plus, ce dépistage présente deux types de faiblesse : – intrinsèque : impact limité de l’introduction du dépistage chez les femmes les plus jeunes ; – extrinsèque : couverture du dépistage hétérogène sur le territoire français.

Vaccins anti-HPV Les vaccins anti-HPV prophylactiques constituent une prévention primaire contre la majorité des maladies associées au papillomavirus humain. Ils ne doivent pas être confondus avec les vaccins thérapeutiques qui permettraient d’envisager une régression des lésions. Ř/DFRPSRVLWLRQGHVYDFFLQV Le virus, non cultivable, est produit par génie génétique. La protéine L1 de la capside est une protéine majeure du virus spécifique d’un génotype donné (figure 2). Elle est produite sur levure ou baculovirus puis, par autoassemblage de 5 L1, forme un capsomère L1 qui génère lui-même les VLPs (Virus Like Particles). Le vaccin est donc non oncogène, non infectieux et spécifique de génotype. La vaccination engendre la production par la patiente d’anticorps sériques anti-L1, puis la neutralisation virale au niveau du col de l’utérus4. Ř/HVGLII«UHQWVW\SHVGHYDFFLQV Il existe deux types de vaccins prophylactiques : un quadrivalent et un bivalent (tableau 1).

Recommandations Dans l’état actuel des connaissances, le Haut Comité de santé publique du 14 décembre 2007 recommande l’utilisation préférentielle du vaccin quadrivalent (6, 11, 16, 18) par rapport au vaccin bivalent (16, 18) en raison : – de l’absence de prévention, par le vaccin bivalent, des lésions dues aux HPV 6 et 11 (notamment condylomes génitaux et néoplasies intra-épithéliales) ; – de l’absence de démonstration d’efficacité du vaccin bivalent sur les lésions vulvaires précancéreuses de grade 2 ou plus ;

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– d’une efficacité non formellement démontrée bien que vraisemblable du vaccin bivalent sur les néoplasies intra-épithéliales de grade 2 ou plus liées au génotype 18 ; – de l’insuffisance des données concernant à long terme l’adjuvant ASO45. La vaccination est recommandée à toutes les jeunes filles âgées de 14 ans, afin de les protéger avant qu’elles ne soient exposées au risque d’infection à HPV. Une mesure de rattrapage est prévue et le vaccin est également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou, au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. Cette mesure peut être proposée à l’occasion d’une primoprescription de contraception, d’un recours à une pilule du lendemain ou d’une consultation pour tout autre motif. La vaccination contre HPV ne se substitue pas au dépistage mais renforce les mesu-

res de prévention, agissant en synergie. Toutes les jeunes femmes, vaccinées ou non, doivent bénéficier d’un dépistage selon les recommandations en vigueur : un frottis cervicovaginal dès le début de l’activité sexuelle avec un contrôle à 1 an, puis tous les 3 ans jusqu’à l’âge de 65 ans.  )UDQ©RLV3LOORQ Docteur en pharmacie, Dijon (21) [email protected]

Remerciements à Catherine Gaudy pour sa relecture.

Bibliographie 1. Gissmann L, Wolnik L, Ikenberg H, Koldovsky U, Schnürch HG, zur Hausen H. Human papillomavirus types 6 and 11 DNA sequences in genital and laryngeal papillomas and in some cervical cancers. Proc Natl Acad Sci USA 1983; 80(2): 560-3. 2. Clifford GM, Rana RK, Franceschi S, Smith JS, Gough G, Pimenta JM. Human papillomavirus genotype distribution in low-grade cervical lesions: comparison by geographic region and with cervical cancer. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2005; 14: 1157-64. 3. Bergeron C, Breugelmans JG, Bouée S, Lorans C, Bénard S, Rémy V. Coût du dépistage et de la prise en charge des lésions précancéreuses du col utérin en France. Gynécol Obstét Fertil 2006 ; 34 : 1036-42. 4. Schiller JT, Davies P. Delivering on the promise: HPV vaccines and cervical cancer. Nat Rev Microbiol 2004; 2: 343-7. 5. Haut Conseil de la santé publique. Calendrier vaccinal 2009. Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) 2008 ; 16-17 : 145-76.

7DEOHDX/HVYDFFLQVDQWL+39 Vaccin Quadrivalent Nom de spécialité Gardasil®

Bivalent Cervarix® © DR

© DR











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Classification Types Production VLP Adjuvant Volume d’injection Lieu d’injection Administration Schéma Taux d’anticorps (Ac)

Vaccin recombinant, adsorbé 6, 11, 16, 18 Production dans Saccharomyces cerevisiae AAHS 0,5 mL Deltoïde/cuisse Intramusculaire Trois doses : 0, 2, 6 mois Taux d’anticorps versus infection naturelle (à 2 ans) : – HPV 16 = x 18 – HPV 18 = x 2 Conservation + 2 à + 8 °C Contre-indications Hypersensibilité immédiate (anaphylaxie) relatives Allergie à l’un des composants du vaccin Tolérance Bonne Effets secondaires Réaction site d’injection (érythème, œdème, douleur) Fièvre < 1 % : bronchospasme, urticaire Indications Prévention des dysplasies de haut grade du col de l’utérus, des cancers du col de l’utérus, des dysplasies de haut grade de la vulve et des verrues génitales externes (condylomes acuminés) dus aux HPV de types 6, 11, 16 et 18.

© DR



pratique

Vaccin recombinant, adjuvanté, adsorbé 16, 18 Production dans cellule Hi-5 ; vecteur baculovirus ASO4 0,5 mL Deltoïde Intramusculaire Trois doses : 0, 1, 6 mois Taux d’anticorps versus infection naturelle (à 5,5 ans) : – HPV 16 > 11 fois – HPV 18 > 11 fois + 2 à + 8 °C Hypersensibilité immédiate (anaphylaxie) Allergie à l’un des composants du vaccin Bonne Réaction site injection (érythème, œdème, douleur) Fièvre < 1 % : évènements généraux non sollicités Prévention des néoplasies intra-épithéliales cervicales de haut grade et du cancer du col de l’utérus dus aux HPV 16 et 18.