Principes des approches thérapeutiques pour les mucopolysaccharidoses

Principes des approches thérapeutiques pour les mucopolysaccharidoses

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Principes des approches thérapeutiques pour les mucopolysaccharidoses Principles of therapeutic approaches for mucopolysaccharidoses Disponible en ligne sur

C. Caillaud www.sciencedirect.com Service de biochimie, métabolomique et protéomique, hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France INSERM U845, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-deMédecine, 75270 Paris cedex 06, France INSERM 1151, Institut Necker-Enfants malades (INEM), Département de Biologie Cellulaire, Bâtiment Lericle, 14 rue Maria Helena Vieira de Silva, 75993 Paris cedex 14, France

Résumé Les mucopolysaccharidoses (MPS) sont dues au déficit d’enzymes intervenant dans le catabolisme des glycosaminoglycanes (GAG) et elles sont caractérisées par des atteintes viscérales multiples impliquant souvent le système nerveux central. Malgré leur statut de maladie rare, elles bénéficient d’ores et déjà d’approches thérapeutiques. L’une d’elles est la thérapie substitutive qui consiste à apporter l’enzyme manquante sous la forme d’une molécule recombinante administrée par voie intraveineuse. L’efficacité de cette thérapie repose sur le recaptage des enzymes par les différents tissus par le biais des récepteurs mannose-6-phosphate. Elle est disponible actuellement pour les MPS I, II, VI et d’autres maladies pourraient y avoir accès dans le futur. Pour la MPS I, une autre alternative est la transplantation de cellules souches hématopoïétiques dont les indications doivent être parfaitement définies, notamment compte tenu des risques inhérents à la procédure. D’autres stratégies thérapeutiques innovantes sont actuellement explorées, telle que la thérapie par réduction de substrats basée sur l’utilisation d’inhibiteurs de la biosynthèse des GAG, (génistéine,…) qui permettraient de réduire l’accumulation des composés pathologiques et leurs conséquences au niveau des tissus. D’autres thérapies moléculaires pouvant avoir un effet chaperon ou permettant la translecture de codon stop sont également à l’étude. Enfin, la thérapie génique basée sur l’apport d’un gène normal par l’intermédiaire d’un vecteur viral soit directement, soit à l’aide de cellules génétiquement modifiées, pourrait être une méthode envisageable dans le futur (premiers essais cliniques en cours). © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Mucopolysaccharidoses (MPS) are caused by a deficiency of enzymes involved in the catabolism of glycosaminoglycans (GAGs) and are multisystemic diseases, often including the central nervous system. Despite their rare prevalence, specific treatments for MPS are available. One of them is enzyme replacement therapy, which provides the missing enzyme in the form of a recombinant protein administered intravenously. The effectiveness of this treatment relies on the enzymes being taken up by the different tissues via mannose-6-phosphate receptors. Treatment is currently available for MPS I, II and VI, and may be available for other forms of the disease in the near future. An alternative in MPS I is hematopoietic stem cell transplantation, the indications for which must be very clearly defined, particularly given the inherent risks of the procedure. Other new treatment strategies are currently being investigated, including substrate reduction therapy which uses GAG biosynthesis inhibitors (genistein,...), which reduces the accumulation of pathological compounds and their repercussions on tissues. Other molecular therapies using molecular chaperones or read-through molecules for stop codon mutations are also being studied. Finally, gene therapy, by introducing a normal gene sequence through a viral vector, either directly or using genetically modified cells, is a potential future method (the first clinical trials are undergoing). © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Correspondance. e-mail : [email protected] (C. Caillaud).

S39 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2014;21: S39-S45

C. Caillaud

Archives de Pédiatrie 2014;21: S39-S45

1. Introduction

anomalies géniques responsables de ces maladies peuvent ensuite être déterminées par séquençage des gènes correspondants. Des

Les mucopolysaccharidoses (MPS) appartiennent au groupe des mala-

modèles animaux existent pour la plupart de ces maladies. Il s’agit

dies de surcharge lysosomale. Elles sont dues au déficit d’enzymes

le plus souvent de modèles obtenus par invalidation génique chez la

impliquées dans la dégradation des glycosaminoglycanes (GAG) ou

souris (knock-out), mais parfois aussi de modèles spontanés (souris

mucopolysaccharides comprenant le dermatane sulfate, l’héparane

MPS  VII, chien MPS  I…)  [2]. Depuis quelques années, des progrès

sulfate, le kératane sulfate et le chondroïtine sulfate. Il existe sept

considérables ont été faits dans la connaissance des mécanismes

MPS (I, II, III, IV, VI, VII, IX) parmi lesquelles certaines peuvent résulter

physiopathologiques de ces maladies  [3]. Ceci a permis d’envisager

de déficits différents, comme la maladie de Sanfilippo ou la maladie

diverses stratégies thérapeutiques, dont certaines sont déjà dispo-

de Morquio, ce qui amène à onze le nombre d’entités individuali-

nibles et apportent des bénéfices substantiels aux patients, comme

sables au sein de ce groupe. Les MPS se caractérisent par une atteinte

la thérapie substitutive ou la transplantation de cellules souches

multiviscérale, incluant le système musculo-squelettique, le cœur, le

hématopoïétiques  (Fig.  1). D’autres approches sont encore en

foie, la rate, le poumon, l’œil et parfois le système nerveux central.

développement comme l’utilisation d’inhibiteurs de la biosynthèse

Elles peuvent débuter à différents âges : parfois in utero (notamment

de substrat, les molécules chaperonnes ou la thérapie génique. Il est

la MPS VII), le plus souvent chez l’enfant avec une symptomatologie

à noter qu’un diagnostic précoce des MPS est indispensable afin de

assez spectaculaire, parfois chez l’adulte avec des signes plus discrets

permettre aux patients de bénéficier d’une intervention thérapeu-

et une évolution plus lente [1]. Le diagnostic de ces affections repose

tique rapide (qu’elle soit spécifique ou symptomatique), ceci dans le

sur la mise en évidence d’une accumulation de GAG dans les urines

but d’éviter les graves détériorations liées à l’évolution progressive

et sur la caractérisation du déficit enzymatique spécifique. Les

mais inéluctable de leur maladie.

Traitements Symptomatiques Conséquences au niveau tissulaire Thérapie substitutive Voie de biosynthèse GAG accumulé Voie de dégradation

Inhibiteurs/modulateurs de la biosynthèse des GAG

Enzyme déficiente

Produits de dégradation

Elimination

Thérapie génique

Greffe de moelle osseuse

Synthèse ou maturation anormale de l'enzyme

Molécules chaperonnes

Gène muté

Translecture de codons stop {PTC124, ...}

Recyclage

Figure 1. Thérapies actuelles et futures pour les mucopolysaccharidoses. Les voies de biosynthèse et de dégradation des glycosaminoglycanes, ainsi que le niveau d’action des différentes thérapies sont schématiquement représentés. Les thérapies actuelles sont indiquées par des flèches noires, les thérapies en devenir par des flèches en pointillé. La croix grise représente le blocage lié à la pathologie survenant sur la voie de dégradation des GAG, la croix noire symbolise le blocage artificiellement créé sur la voie de biosynthèse des GAG par le biais d’inhibiteurs moléculaires (génistéine…).

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2. Traitements symptomatiques

qui est un analogue de l’α  L  iduronidase humaine produit en cellules CHO  [7]. L’efficacité de cette enzyme recombinante a

Compte tenu de la diversité des atteintes viscérales (liée au caractère

été démontrée lors d’essais cliniques incluant des patients de

ubiquitaire des enzymes déficientes dans les MPS), la prise en charge

phénotypes et d’âges différents. L’enzyme améliore notamment le

de ces maladies requiert une équipe multidisciplinaire, incluant

périmètre de marche et la capacité vitale forcée, elle diminue le

chirurgiens orthopédiques, neurochirurgiens, cardiologues, oto-rhino-

volume du foie et réduit les GAG urinaires  [8]. Cependant, après

laryngologistes, kinésithérapeutes et autres. Les nombreuses compli-

administration intraveineuse, l’enzyme ne peut franchir la barrière

cations évolutives des MPS nécessitent notamment la mise en œuvre

hématoencéphalique (BHE), ce qui limite son efficacité au niveau

de procédures chirurgicales : interventions orthopédiques pour corriger

du système nerveux central chez les patients ayant une forme

les déformations squelettiques, décompression de la moelle épinière

précoce (maladie de Hurler).

cervicale, opération du canal carpien, mais aussi cure de hernie, remplacement de valve cardiaque… [4]. Ces opérations peuvent être à risque tant sur le plan anesthésique que chirurgical et elles doivent donc être

3.1.2. Mucopolysaccharidose de type II ou maladie de Hunter

réalisées dans des centres spécialisés ayant une bonne connaissance de

La MPS de type II dispose elle aussi depuis 2006 d’une thérapie subs-

ces maladies et de leurs complications [5].

titutive reposant sur l’idursulfase, qui est une iduronate sulfatase recombinante produite en cellule humaine. Cette enzyme possède classiquement des résidus mannose-6-phosphate permettant un

3. Traitements spécifiques actuellement disponibles

recaptage tissulaire, mais elle bénéficie également d’une modification post-traductionnelle qui consiste en une transformation de la cystéine  59 en formylglycine. Cette étape est indispensable à son

3.1. Thérapies substitutives

activité biologique, comme ceci est le cas pour l’ensemble des sulfatases (l’absence de cette modification chez l’homme est respon-

La thérapie substitutive (enzyme replacement therapy) consiste à

sable de la maladie d’Austin ou déficit multiple en sulfatases)  [9].

apporter de façon exogène au patient l’enzyme manquante, ceci grâce

L’idursulfase a été testée dans le cadre d’essais cliniques incluant

à des perfusions intraveineuses toutes les une à deux semaines. L’effi-

des patients de différents âges au-dessus de 5 ans. Elle est efficace

cacité de cette approche repose sur le fait que les enzymes lysosomales

sur le périmètre de marche, mais aussi sur la taille du foie et sur la

bénéficient d’un système de sécrétion-recaptage. En effet, lors de leur

fréquence des infections respiratoires  [10]. Par contre, il n’y a pas

synthèse, ces enzymes subissent des modifications post-traduction-

de bénéfice au niveau cognitif du fait de l’incapacité de l’enzyme à

nelles leur permettant d’exposer des résidus mannose-6-phosphate

passer la BHE.

qui sont reconnus par des récepteurs spécifiques présents dans les différents tissus [6]. Les enzymes utilisées en thérapie substitutive sont issues du génie génétique. Elles sont synthétisées soit dans des cellules

3.1.3. Mucopolysaccharidose de type VI ou maladie de Maroteaux-Lamy

de type CHO (Chinese hamster ovary), soit dans des cellules humaines

La MPS de type  VI peut être traitée depuis 2005 par la galsulfase

après transfection de l’ADNc (ADN complémentaire) correspondant.

qui est une arylsulfatase  B (ou N-acétylgalactosamine 4-sulfatase)

Ces cellules productrices étant de type eucaryote, elles sont capables

humaine produite en cellules CHO. Cette enzyme présente les

d’assurer le processus de maturation nécessaire à un recaptage tis-

mêmes modifications post-traductionnelles que l’idursulfase. L’en-

sulaire efficace du médicament présent dans la circulation sanguine.

zyme améliore la capacité à marcher et à monter les escaliers et

Le traitement est administré à vie, car les patients ne peuvent pas

elle réduit l’excrétion des GAG urinaires [11]. Elle apporte également

synthétiser l’enzyme du fait de l’existence de mutations délétères sur

un bénéfice au niveau pulmonaire, mais aussi sur la croissance chez

le gène responsable de sa production endogène. Des thérapies de ce

les jeunes patients.

type sont actuellement disponibles pour plusieurs MPS.

3.1.4. Autres mucopolysaccharidoses Une N-acétylgalactosamine-6 sulfatase (GALNS) recombinante a

3.1.1. Mucopolysaccharidose de type I ou maladie de Hurler/Scheie

récemment obtenu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis dans la MPS de type  IVA ou maladie de Morquio de type A. Par ailleurs, une thérapie substitutive est en cours de déve-

La MPS de type  I a été la première à bénéficier dès 2003 d’une

loppement (stade préclinique) pour la MPS de type VII ou maladie

thérapie substitutive basée sur l’utilisation de la laronidase

de Sly.

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C. Caillaud

3.2. Transplantation de cellules souches hématopoïétiques

Archives de Pédiatrie 2014;21: S39-S45

dans la maladie de Hunter (type  II) et la maladie de MaroteauxLamy (type VI), du fait de la disponibilité d’une thérapie substitutive spécifique pour chacune de ces affections. Pour ce qui est de la

La transplantation de cellules souches hématopoïétiques (TCSH)

maladie de Sanfilippo (type  III), dont l’atteinte est principalement

permet elle aussi l’apport d’une enzyme active dans un organisme

neurologique, la greffe a été peu pratiquée, même si cette affection

qui en est dépourvu. Elle consiste à administrer par voie intra-

ne dispose par ailleurs d’aucun traitement.

veineuse la moelle histocompatible d’un donneur à un patient préalablement soumis à une myéloablation. Les cellules injectées s’implantent dans la moelle osseuse et deviennent une source de production de la protéine manquante qui est ensuite délivrée aux

4. Stratégies thérapeutiques en développement

différents tissus et organes par le biais du recaptage spécifique aux enzymes lysosomales. Cette approche a été très anciennement

Différentes thérapies moléculaires ou géniques sont actuellement

utilisée dans les MPS.

développées, en vue soit de pallier les limites des traitements existants, soit d’explorer d’autres pistes éventuellement prometteuses.

3.2.1. Mucopolysaccharidose de type I Depuis le premier succès obtenu en 1980, de nombreuses trans-

4.1. Thérapies moléculaires

plantations ont été réalisées dans la MPS de type  I, soit avec des cellules souches issues de la moelle osseuse d’un donneur apparenté ou non, soit avec des cellules souches de sang de cordon.

4.1.1. Thérapies substitutives ciblées

Cette approche thérapeutique prolonge significativement la survie

Malgré des résultats très encourageants, les thérapies substitutives

des patients, elle réduit la surcharge au niveau des tissus (foie, voies

disponibles pour les MPS ont une efficacité relativement modeste

aériennes supérieures…) et l’excrétion de GAG dans les urines  [12].

sur certains tissus comme l’os, ceci du fait d’un recaptage relative-

D’autre part, elle freine le déclin cognitif des patients, même s’ils

ment faible. Certaines modifications des enzymes recombinantes

conservent des difficultés d’apprentissage. Cette efficacité est liée

pourraient être envisagées dans le futur. Ainsi, il a été montré qu’un

au fait que les cellules dérivées du greffon se différencient en

couplage de l’enzyme à un oligopeptide acide se fixant avec une

cellules microgliales au niveau du cerveau et apportent localement

forte affinité à l’hydroxyapatite pourrait faciliter le recaptage osseux,

l’enzyme manquante. Les activités enzymatiques restaurées dans

notamment dans le modèle de la maladie de Morquio [14,15]. D’autre

les différents organes périphériques peuvent quant à elles résulter

part, l’une des principales limites des enzymes recombinantes est

soit de l’implantation locale de cellules dérivées du greffon (cellules

leur incapacité à passer la barrière hématoencéphalique (BHE), ce

de Kupffer dans le foie…), soit du recaptage des enzymes présentes

qui les rend peu efficaces dans les MPS avec atteinte neurologique.

dans la circulation dont le niveau est fonction du statut du donneur

Il a été montré chez la souris atteinte de MPS  VII que l’utilisation

(normal ou hétérozygote). Il est à noter que certaines des mani-

de très fortes doses permet de passer la BHE [16]. Cependant, si elle

festations cliniques continuent cependant à évoluer, notamment

était utilisée et efficace chez l’homme, cette stratégie entraînerait

au niveau squelettique, cardiaque ou oculaire. Cette approche

une augmentation du coût du traitement, qui constitue déjà à

thérapeutique est actuellement recommandée avant l’âge de 2 ans

l’heure actuelle un frein à son utilisation dans certains pays. Une

chez les patients atteints de maladie de Hurler ayant un quotient

autre voie possible consisterait à administrer l’enzyme par voie

de développement ≥  70  [12]. Elle peut cependant être limitée par

intrathécale, ce qui faciliterait l’accès de l’enzyme au tissu cérébral.

le manque de donneur compatible et elle présente des risques

Ceci a été utilisé avec succès dans différents modèles animaux, mais

non négligeables (rejet de greffe, réaction du greffon contre l’hôte,

encore relativement peu chez l’homme [17].

décès).

D’autres approches sont également envisageables basées sur un possible recaptage par une autre voie que le récepteur man-

3.2.2. Autres mucopolysaccharidoses

nose-6-phosphate. Ainsi, il a été montré qu’une β-glucuronidase

Les greffes de cellules souches hématopoïétiques ont été moins

modifiée chimiquement (PerT-GUS) afin d’éliminer le recaptage par

nombreuses dans les autres MPS et les résultats sont assez hétéro-

le mannose-6-phosphate est capable de corriger la surcharge au

gènes [13]. Dans la plupart des études, le bénéfice au niveau cognitif

niveau du SNC plus efficacement que la protéine native, ceci après

n’est souvent que partiel. Un élément important est la précocité de

administration chaque semaine pendant 3  mois chez la souris

la transplantation, sachant que certaines mucopolysaccharidoses

MPS  VII  [18]. À l’inverse, il est possible d’augmenter le recaptage

sont parfois diagnostiquées plus tardivement que le type  I. Les

par les récepteurs mannose-6-phosphate grâce à une substance

indications de cette approche sont donc discutées au cas par cas

pharmacologique, telle que l’épinéphrine qui, lorsqu’elle est admi-

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Principes des approches thérapeutiques pour les mucopolysaccharidoses

nistrée conjointement avec la β-glucuronidase, restaure le transport

rition d’un codon stop prématuré qui entraîne soit la synthèse de

de cette enzyme à travers la BHE à un niveau identique à ce qui

protéines tronquées, soit plus souvent la dégradation des ARNm

existe chez le nouveau-né  [19]. Enfin, certaines enzymes ont été

anormaux correspondants. Il a été montré in vitro que certains anti-

modifiées afin de permettre leur recaptage par d’autres récepteurs

biotiques de la famille des aminoglycosides, comme la gentamycine,

de la BHE. Ainsi, une α-L-iduronidase fusionnée avec l’extrémité

étaient capables de diminuer la fidélité de la traduction, permettant

C-terminale de la chaîne lourde d’un anticorps contre le récepteur

ainsi de restaurer la synthèse d’un minimum de protéine fonction-

à la transferrine a été administrée chez la souris MPS I permettant

nelle  [29]. Dans la maladie de Hurler, la gentamycine est efficace

une réduction significative de la surcharge cérébrale [20]. Toutes ces

sur un grand nombre de mutations différentes, avec des résultats

modifications ont été testées dans des modèles murins, mais il reste

variables selon le type de codon stop  [30], mais compte tenu de

maintenant à démontrer leur efficacité chez l’homme.

sa toxicité, son utilisation à long terme en clinique est peu envisageable. D’autres composés possédant des propriétés similaires

4.1.2. Thérapies par réduction de substrat

sur la traduction sont actuellement à l’étude, comme le NB54 ou

Une autre stratégie thérapeutique envisageable dans les MPS

le PTC124 [31,32].

consiste à inhiber la biosynthèse des substrats afin d’éviter leur accumulation excessive. L’idée est ici de créer un nouvel équilibre

4.1.4. Molécules chaperonnes

entre la production des GAG et leur dégradation, équilibre qui avait

Les molécules chaperonnes pourraient constituer une autre

été précédemment rompu du fait du déficit enzymatique. Il a ainsi

approche thérapeutique pour les MPS, comme pour les autres mala-

été montré que la rhodamine B, un composé chimique fluorescent,

dies lysosomales. L’idée est ici d’utiliser des composés capables de se

peut réduire l’accumulation des GAG en inhibant leur biosynthèse.

fixer à une enzyme mal conformée, rétentionnée dans le réticulum

Ceci a été démontré à la fois dans des cellules de patients atteints

endoplasmique, afin d’éviter sa dégradation par la voie du protéa-

de MPS, mais aussi chez la souris MPS  IIIA après administration

some et de lui permettre un acheminement vers son lieu d’action,

intraveineuse  [21]. La synthèse des GAG peut également être

le lysosome  [33]. Il a été montré que des inhibiteurs compétitifs

inhibée par la génistéine, une isoflavone extraite du soja, qui agirait

réversibles ou des analogues de substrats peuvent agir comme des

par une voie dépendante de l’EGF (epidermal growth factor) [22]. Ce

chaperonnes. À certaines concentrations, ils pourraient se fixer sur

composé utilisé sur des fibroblastes de patients atteints de diverses

le site actif d’une enzyme, la maintenant dans une conformation

MPS a permis de réduire la synthèse des GAG et de normaliser la

qui la rendrait résistante à la dégradation. Un dérivé du galactose,

morphologie des cellules en microscopie électronique  [23]. Après

le N-octyl-4-épi-β-valiénamine (NOEV), a été testé dans le déficit

administration par voie orale chez la souris MPS  IIIB pendant

en β-galactosidase responsable de la gangliosidose à GM1 et de la

9 mois, la génistéine diminue les GAG et la neuroinflammation au

maladie de Morquio de type  B (MPS  IVB). Il a montré sa capacité

niveau du SNC et elle permet une amélioration des tests de com-

à inhiber la β-galactosidase in vitro et à l’inverse, à augmenter

portement  [24]. Même si la génistéine semble traverser la BHE, ce

l’activité de cette enzyme lorsqu’il est utilisé à des concentrations

passage est modeste et d’autres composés de la même famille sont

basses  [34]. Les molécules de ce type ont l’avantage d’être de

actuellement en cours d’étude  [25]. Ces composés sont cependant

petite taille et de pouvoir passer la BHE, mais leur efficacité reste

non spécifiques et ils pourraient donc avoir une certaine toxicité

limitée et restreinte à certains patients présentant des mutations

chez l’homme. Aussi, d’autres stratégies plus spécifiques utilisant

particulières.

des siARN (small interfering RNA) ou des shRNA (short hairpin RNA) visant à inhiber plus particulièrement l’expression de certains gènes

4.2. Thérapie génique

impliqués dans la synthèse des GAG ont été explorées [26,27]. Elles ont confirmé l’intérêt de la réduction de substrat, notamment

La thérapie génique consiste à apporter dans l’organisme du sujet

dans les MPS avec accumulation d’héparane sulfate. Par ailleurs,

malade une version normale du gène qui va produire la protéine

des petites molécules capables de freiner la synthèse des glycanes

manquante et ainsi pallier l’insuffisance du gène résident altéré.

(hydrates de carbone liés aux glycoprotéines et protéoglycanes)

Les MPS sont de bons candidats pour une approche de transfert de

pourraient être utilisées dans le but de rendre les substrats plus

gène. En effet, d’une part les gènes responsables de ces maladies

facilement dégradables  [28]. Elles pourraient constituer une autre

sont tous caractérisés, ce qui permet le développement de vecteurs

source de molécules thérapeutiques pour les MPS.

spécifiques et, d’autre part, des modèles animaux pertinents sont disponibles pour les expérimentations in vivo. Les enzymes défi-

4.1.3. Translecture de codons stop

cientes dans les MPS étant ubiquitaires, une des difficultés de cette

Dans les MPS comme dans d’autres maladies génétiques, certaines

stratégie pourrait être de devoir corriger l’ensemble des cellules de

mutations sont des anomalies de type non-sens générant l’appa-

l’organisme malade. En réalité, ceci peut ne pas être indispensable, S43

C. Caillaud

Archives de Pédiatrie 2014;21: S39-S45

les cellules avoisinantes ou à distance pouvant être corrigées après

cations en clinique  [40,41]. D’autres approches sont également

recaptage des enzymes sécrétées par les cellules transduites (cross-

explorées afin de franchir la BHE, soit par des méthodes physiques,

correction) [6].

soit par modification des vecteurs en vue de leur ciblage sur des récepteurs spécifiques à la surface des cellules endothéliales

4.2.1. Méthodes de transfert de gènes

cérébrales  [42]. Tout récemment, une équipe a développé un vec-

Il existe deux méthodes différentes de transfert de gènes qui

teur AAV codant une sulfamidase contenant le domaine de liaison

peuvent toutes deux être utilisées dans les MPS. Il s’agit soit de la

de l’apolipoprotéine  B au récepteur des lipoprotéines de basse

greffe de cellules génétiquement modifiées, soit de l’administration

densité, ainsi qu’un peptide signal permettant une forte sécrétion

directe d’un vecteur viral dans l’organisme malade. La greffe de

de l’enzyme. Ce vecteur, administré par voie intraveineuse chez des

cellules génétiquement modifiées consiste à prélever des cellules

souris MPS  IIIA, a permis de restaurer une activité sulfamidase

chez un patient, à les corriger à l’aide d’un vecteur à l’extérieur

significative dans le cerveau des souris après sécrétion dans la

de l’organisme, puis à les réinjecter. Cette technique est basée sur

circulation, puis passage par transcytose à travers la BHE via le

l’utilisation des vecteurs rétroviraux, et notamment lentiviraux

récepteur ApoB-LDLR [43]. Cette stratégie originale permettant la

(dérivés du virus VIH). L’avantage de cette approche est qu’elle per-

synthèse in situ dans l’organisme d’une enzyme capable de passer

met d’envisager des greffes autologues chez les patients, ce qui, par

la BHE pourrait être applicable à d’autres maladies atteignant le

comparaison à la greffe classique, résout le problème du manque

SNC [44]. Au total, l’utilisation des méthodes de transfert de gènes

de donneur compatible. Dans le cas de l’administration directe in

chez l’homme semble une stratégie thérapeutique envisageable

vivo, les vecteurs les plus utilisés sont les vecteurs adénoviraux et

dans les MPS, même si de nombreuses questions restent encore

AAV (adeno-associated virus). Plusieurs voies sont envisageables

ouvertes,

en fonction des organes à cibler : intraveineuse, intramusculaire, intracérébrale… Ainsi, l’administration de vecteurs viraux par voie

5. Conclusion

veineuse permet généralement une transduction efficace du foie qui peut alors synthétiser l’enzyme manquante et la distribuer aux

De nombreuses thérapies sont actuellement en développement

différents organes.

pour les MPS, certaines déjà applicables en clinique, d’autres encore à l’étude. Il est clair aujourd’hui que les choix thérapeutiques

4.2.2. Questions à résoudre

devront être discutés individuellement, en fonction de la sévérité

De nombreuses approches ont été testées dans les MPS en utilisant

de la forme clinique et du rapport bénéfice-risque pour le patient.

différents vecteurs (adénoviraux, rétroviraux, AAV), ainsi qu’un grand

Ces décisions thérapeutiques devront donc être prises dans un cadre

nombre de voies d’abord différentes, dans des modèles animaux allant

pluridisciplinaire, notamment au sein des centres de référence et

de la souris à des animaux de plus grande taille (chien, singe…) [35-

de compétences qui maillent maintenant le territoire français et

37]. Cependant, au cours des dernières années, les équipes impliquées

permettent un échange d’expérience ainsi qu’une homogénéisation

dans le domaine du transfert de gènes pour les maladies lysosomales

des pratiques.

ont dû explorer de nombreux points avant d’envisager une éventuelle application en clinique : choix du vecteur viral, voie d’administration,

Liens d’intérêts

problèmes immunologiques vis-à-vis du transgène ou du vecteur, stabilité de l’expression à long terme…

C.  Caillaud : Interventions ponctuelles : activités de conseil (Bio-

Une des questions les plus difficiles à résoudre encore à l’heure

marin) ; Conférences : invitations en qualité d’auditeur (Biomarin,

actuelle, notamment dans certaines MPS, est de trouver un moyen

Genzyme, Shire) ; Activité éditoriale GNM Healthcare (Shire).

de corriger le système nerveux central dont l’accès est restreint par la BHE [38]. De nombreuses équipes ont exploré des approches utilisant l’administration intracérébrale par stéréotaxie  [39]

Références

et des essais cliniques sont en cours chez l’homme (maladie de

[1]

Sanfilippo de type  IIIA et B). L’injection par voie intraveineuse ne permet habituellement pas de corriger le SNC, sauf en cas d’administration en période néonatale, ce qui est une situation rare en clinique en l’absence de dépistage systématique à la naissance. Récemment, deux équipes ont montré qu’il était possible d’obtenir une transduction du SNC après injection intraveineuse d’un vecteur de sérotype  AAV9, ce qui pourrait ouvrir la voie à des appliS44

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Principes des approches thérapeutiques pour les mucopolysaccharidoses

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