Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 113–125 www.elsevier.com/locate/tracli
Séance plénière
Prions et risques pour la transfusion sanguine : le point en 2003 Prions and risks for blood transfusion: the situation in 2003 J.P. Deslys * Prion Research Group, (GIDTIP), DRM/DSV, CEA PP6, 92265 Fontenay-aux-Roses, France
Résumé En 2003, les prions demeurent une énigme biologique et un problème de santé publique. Si les risques de transmission de la maladie dite de la « vache folle » à l’homme sont aujourd’hui maîtrisés, les incertitudes persistent quant aux possibilités de transmission secondaire, notamment par transfusion sanguine. Les connaissances accumulées sur les maladies antérieurement connues chez l’animal (tremblante du mouton) ou chez l’homme (kuru, maladie de Creutzfeldt-Jakob) soulignent la complexité des relations entre ces agents transmissibles et leur hôte. Les difficultés de décontamination, les très longues périodes d’incubation silencieuse sans diagnostic possible et l’absence de traitement constituent autant d’éléments alarmants qui expliquent une perception du risque tout à fait particulière concernant ces maladies. Le développement de tests rapides utilisables sur les bovins à l’abattoir a constitué un progrès important dans le développement d’une protection ciblée contre ces agents. Les progrès des techniques de diagnostic semblent pouvoir permettre à terme une détection dans le sang ce qui, d’un côté, laisse espérer de nouvelles garanties de sécurisation mais, d’un autre côté, souligne les dangers potentiels de ces agents qui entraînent des maladies constamment mortelles. Les mesures prises au titre du principe de précaution se doivent toujours de veiller à ce que le rapport bénéfice/risque soit optimal pour le patient et donc, dans ce domaine, de mettre en balance les risques liés aux prions avec les autres risques clairement identifiés par ailleurs. © 2003 Publié par E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract In 2003, Prions still constitute a biological enigma and a public health concern. The risks of transmission of the so called “mad cow disease” are now under control but concerns still persist about potential secondary transmissions, notably via blood transfusion. Information obtained from diseases previously observed in animals (scrapie of sheep and goat) and in man (Kuru, Creutzfeldt-Jakob disease) demonstrate the complexity of the relations between these transmissible agents and their host. The difficulty in decontamination, the very long silent incubation period during which diagnosis is not possible and the lack of treatment are alarming elements which explain the increased perception of risk for these diseases. The development of rapid screening tests used on bovine at slaughterhouse has represented an important improvement in the development of a targeted protection against these agents. Today, technical evolutions in diagnosis let us imagine the possibility of blood detection for prions: on one hand new garanties for security may arise but on the other hand it points out the potential infectivity of blood with these agents responsible for constant fatal diseases. Precautionary security measures have to ensure an optimal ratio benefit/risk for the patient and thus, in this field, to balance the risk linked to prions with those clearly identified elsewhere. © 2003 Publié par E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Mots clés : Maladies à prions ; ATNC ; ESB ; MCJ ; Tests diagnostiques ; Transfusion sanguine Keywords: Prion diseases; TSE agents; BSE; CJD; Diagnostic tests; Blood transfusion
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.P. Deslys). © 2003 Publié par E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. DOI: 10.1016/S1246-7820(03)00053-3
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Les maladies à prions, dont la dénomination précise est « encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles » (ESST), constituent une énigme biologique et le seul exemple de maladie transmissible dont l’origine soit encore inconnue. Les agents responsables des ESST sont appelés agents transmissibles non conventionnels (ATCN), virus lents non conventionnels, virino ou prions. Ces agents sont à l’origine de la première crise dite de « la vache folle » liée à l’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine (plus de 180 000 animaux malades au Royaume-Uni) lorsqu’il est apparu que cette maladie, dont l’évolution est constamment mortelle, semblait être transmissible à l’homme. La dernière crise liée à l’ESB, fin 2000, a été provoquée par l’apparition d’un nombre croissant de bovins contaminés plus de 4 ans après l’interdiction des farines responsables de la diffusion de la maladie, c’est-à-dire à un moment où le risque était censé être maîtrisé. De plus, l’apparition concomitante d’un nombre croissant de cas humains, liés pour leur part à des contaminations antérieures, a renforcé le sentiment d’insécurité et modifié la perception du risque pour l’homme. Fin 2001, les prémices d’une nouvelle crise sont apparues, cette fois-ci chez le mouton : à la suite de la découverte de la souche d’ESB dans un mélange d’échantillons de cerveaux de moutons, les autorités britanniques proposaient à l’Europe un plan d’abattage de l’ensemble du cheptel ovin du RoyaumeUni, avec les conséquences sanitaires et économiques que l’on peut imaginer pour les pays qui avaient continué à importer des moutons anglais qui n’étaient pas frappés par l’embargo sur les bovins ; finalement, les contre-expertises ayant conclu à une erreur de tube, aucune mesure draconienne ne fut prise et l’émoi retomba. En 2003, l’heure est plutôt à l’apaisement au niveau animal et le risque encouru par l’homme semble nettement plus limité que ce que les premiers scénarios laissaient craindre (plus de 130 000 cas humains possibles au Royaume-Uni pour les hypothèses les plus pessimistes des modélisations publiées en 2000 et désor-
mais de quelques centaines à quelques milliers dans les 30 ans à venir pour les hypothèses considérées comme les plus réalistes). En revanche, les risques de contaminations secondaires interhumaines, et donc de réamplification du phénomène à partir de porteurs apparemment sains, ne sont pas évalués avec précision. Historiquement, 2 séries de travaux ont amélioré notre connaissance de ces maladies : la première date de 1936, lorsque que 2 vétérinaires français, P.L. Chelle et J. Cuillé, ont démontré que la tremblante du mouton était transmissible (Carleton Gajdusek, prix Nobel en 1976, l’a ensuite démontré pour les maladies humaines) ; dans la seconde série de travaux, au début des années 1980, Stanley B. Prusiner (prix Nobel en 1997) et ses collaborateurs ont montré le rôle clé d’une protéine de l’hôte, la PrP, qui s’accumule sous une forme anormale (PrPsc ou PrPres) dans le cerveau des sujets atteints. Les ESST regroupent principalement, chez l’homme, la maladie de Creutzfeldt-Jakob et, chez l’animal, la tremblante du mouton à laquelle s’ajoute maintenant l’encéphalopathie spongiforme bovine (Tableau 1). Ce sont des maladies dégénératives du système nerveux central. À l’examen microscopique, le cerveau apparaît criblé de trous comme une éponge (d’où le qualificatif de spongiforme) (Fig. 1). Elles entraînent une démence et différents troubles neurologiques, notamment des pertes d’équilibre. Ces signes n’apparaissent qu’après une très longue phase d’incubation silencieuse qui peut dépasser 35 ans chez l’homme. Pendant cette phase, ces agents se répliquent dans les formations lymphoïdes et le système nerveux central, le niveau infectieux dépendant de l’agent responsable, de la voie d’inoculation et de la génétique de l’hôte. Les ESST n’entraînent aucun signe inflammatoire dans le cerveau (d’où le terme d’encéphalopathie et non pas d’encéphalite) ou dans le reste de l’organisme et il n’existe pas de réaction immunitaire, donc pas de diagnostic sérologique possible. Il n’existe de ce fait aucun test biologi-
Tableau 1 Les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles de l’homme et de l’animal Hôte Mouton Chèvre Homme
Vison Cerf et chevreuil des Rocheuses Bovin Nyala Gemsbok Élan du Cap, oryx d’Arabie, grand koudou Chat Guépard, puma Mouflon
Maladie Tremblante Tremblante Kuru Maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) Syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker (GSS) Insomnie fatale familiale (IFF) Nouvelle variante de MCJ (nvMCJ) Encéphalopathie spongiforme du vison Maladie du dépérissement chronique des ruminants sauvages Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) Encéphalopathie spongiforme
Encéphalopathie spongiforme féline Encéphalopathie spongiforme Encéphalopathie spongiforme
Première observation Vers 1730 ? Vers 1900 1920 1926 1992 1994 1947 1967 1985 1986 1987 1989 1990 1992 1992
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Fig. 1. Coupe histologique de spongiose. Le cortex cérébral d’un patient atteint de maladie de Creutzfeldt-Jakob présente un aspect spongieux : l’absence de coloration correspond à des trous.
que autorisant une détection directe de ces agents infectieux, et seule l’apparition des signes cliniques permet le diagnostic, confirmé par l’examen histologique du cerveau postmortem. L’évolution clinique, sans rémission, est toujours d’évolution fatale et il n’existe actuellement aucune thérapeutique efficace.
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La transmissibilité de cette maladie, démontrée dès 1936 par les vétérinaires français, a été involontairement confirmée à grande échelle dans les troupeaux par leurs homologues britanniques. En effet, en 1939, une tremblante expérimentale s’est développée chez près de 7 % des 18 000 moutons traités 4 ans auparavant avec un vaccin contre le louping-ill préparé à partir de cerveaux de moutons qui étaient malencontreusement également contaminés par une souche de tremblante. Il existe naturellement une transmission horizontale entre animaux au sein d’un troupeau, qui pourrait être liée à la placentophagie (lors de la mise bas de brebis infectées les placentas peuvent être ingérés par d’autres animaux) ou à la contamination des pâtures. Les champs ayant abrité des animaux infectés peuvent être contaminants pour de nouveaux troupeaux pendant plus de 10 ans. Certaines expériences ont prouvé la persistance d’une l’infectiosité dans le sol pendant plusieurs années ; de plus, la présence de l’agent dans des acariens du fourrage a été rapportée. Par ailleurs, une transmission verticale semble également possible puisque certains embryons prélevés sur une brebis infectée et transférés sur une mère porteuse saine développent une tremblante. Le modèle du mouton est toutefois particulier. En effet, des titres infectieux relativement importants sont retrouvés dans plusieurs organes périphériques contrairement à ce qui est observé chez l’homme ou le bovin, ce qui pourrait expliquer le caractère endémique de la maladie chez les ovins.
1. La tremblante du mouton et de la chèvre 2. Le Kuru C’est la première maladie identifiée du groupe, les premières descriptions remontant au début du dix-huitième siècle. Principalement étudiée chez les moutons Suffolk, la tremblante naturelle est une maladie endémique dans les troupeaux et touche des animaux âgés de 2 à 5 ans (pour des raisons commerciales, les animaux sont rarement gardés après cet âge). Elle est retrouvée dans toute l’Europe, et dans certains troupeaux elle atteint jusqu’à 30 % des animaux (une fréquence inférieure à 5 % est considérée comme plus courante). Cette maladie qui, comme de très nombreuses maladies animales, ne posait aucun problème particulier pour la santé humaine était cependant considérée comme « honteuse » et donc souvent cachée. Aujourd’hui, elle n’est à déclaration obligatoire que dans certains pays d’Europe, dont la France ; pour l’anecdote, les États-Unis en ont été longtemps officiellement indemnes alors que des cas y étaient décrits et étudiés depuis des dizaines d’années par les scientifiques. Les signes cliniques varient selon les troupeaux en fonction de la génétique des animaux et du type d’agent. La maladie commence habituellement par des troubles du comportement (excitation ou, au contraire, léthargie) aboutissant à une incoordination motrice avec, en proportion variable selon les formes, des tremblements et une perte de pelage due à un prurit intense (d’origine nerveuse) qui amène l’animal à se frotter sur toutes les surfaces rugueuses qu’il rencontre (d’où le nom de « gratte » ou scrapie des anglo-saxons).
En 1957, C. Gajdusek et V. Zigas décrivaient pour la première fois une maladie très particulière, le Kuru, qui touchait des tribus vivant encore à l’âge de pierre dans la région des hauts plateaux de Papouasie-Nouvelle-Guinée (groupe ethnique Foré). Le Kuru, mot indigène décrivant les tremblements des malades, était responsable de plus de la moitié des décès enregistrés dans les villages les plus atteints. Cette épidémie semble avoir commencé au début du siècle pour atteindre son apogée dans les années 1950. Elle touchait principalement les femmes adultes (plus de 60 % des cas) et les enfants des 2 sexes (1/3 des cas). L’instabilité était le premier signe observé et imposait rapidement l’appui sur un bâton. Des mouvements oculaires anormaux et de discrets tremblements complétaient le tableau. L’aggravation de ces signes coïncidait avec l’apparition d’une euphorie inconsciente (d’où l’appellation parfois retrouvée de « maladie du rire »). Au stade terminal, le patient était grabataire avec une incapacité motrice totale, une incontinence, l’impossibilité d’articuler ou d’avaler. Le décès survenait moins d’un an après les premiers signes cliniques. À l’examen histologique du cerveau, outre les lésions de spongiose et les modifications cellulaires (dégénérescence neuronale et réaction gliale) des plaques amyloïdes caractéristiques, composées de PrPres, étaient visibles. Les explications les plus variées ont été proposées, à commencer par des désordres endocriniens et des anomalies
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génétiques liées au sexe, mais également des mycotoxines, voire même l’effet des cendres de volcans. En fait, le kuru était transmis par des pratiques anthropophages lors de rites mortuaires secrets : dans ces sociétés primitives, l’homme adulte, considéré comme supérieur, consommait les muscles, siège de la force, et laissait les restes, dont le cerveau (hautement infectieux), aux femmes et aux enfants. Tous les cas de Kuru ont pu être reliés à une chaîne d’infection interhumaine. Tous les essais d’inoculation à diverses espèces animales (souris, rats, lapins, cobayes) se soldèrent par des échecs. Toutefois, grâce notamment à l’observation des similitudes du Kuru avec la tremblante du mouton notée par Hadlow en 1959, Gajdusek acquit la conviction qu’il fallait poursuivre les inoculations expérimentales, surtout à des primates, mais avec des délais d’observation très prolongés. La première transmission réussie n’eut lieu que 7 ans plus tard chez le chimpanzé, après inoculation intracérébrale. Des transmissions du Kuru ont finalement été réussies dans plus de 12 espèces de singes (de l’Ancien et du Nouveau Monde) et ont permis de mettre en évidence un nombre d’unités infectieuses (chaque unité étant capable de tuer un animal) dépassant 1 000 000/g de cerveau humain. Par ailleurs, une transmissi-
bilité du Kuru par voie orale à partir du cerveau de patient décédé de Kuru a été réussie chez certains singes alors qu’il n’y avait pas d’infectiosité détectable dans les prélèvements de muscle. Chez le primate, la transmission est toutefois plus facile par scarification ce qui suggère que la voie cutanée était peut-être la voie de contamination privilégiée lors de la préparation du « festin ». Depuis l’interdiction de ces pratiques, à partir de 1957, le nombre de cas a chuté de façon spectaculaire et les très rares cas survenus ces dernières années correspondaient à des contaminations survenues il y a plus de 35 ans (voire 40 ans, le dernier cas décrit étant décédé en 1998) (Fig. 2). Les enfants atteints les plus jeunes avaient 4 ans et demi, ce qui fournit une estimation de la période d’incubation minimale du Kuru dans les conditions « naturelles ». La maladie n’est pas transmissible par contact avec des patients malades : aucun cas de Kuru n’a été rapporté chez des indigènes n’ayant pas participé à ces rites anthropophages ou chez des européens venus vivre dans ces tribus. Enfin aucun enfant né de mère infectée (en période d’incubation ou malade), et généralement allaité par elle, n’a développé de Kuru depuis l’arrêt du cannibalisme.
Fig. 2. L’interdiction des pratiques anthropophages en 1957 se traduit d’abord par la chute des cas de Kuru dans la classe d’âge des enfants de 4–9 ans. Le dernier cas de Kuru est apparu en 1998.
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Le Kuru aura finalement tué plus de 3000 personnes sur une population d’environ 30 000 papous. L’origine de l’épidémie pourrait être un cas sporadique de maladie de Creutzfeldt-Jakob. 3. La maladie de Creutzfeldt-Jakob Décrite par Creutzfeldt et Jakob en 1920 et 1921 respectivement, cette maladie a bénéficié au cours du temps de plus de 80 appellations différentes avant d’être clairement identifiée comme appartenant au groupe des ESST. C’est la ressemblance des lésions histologiques du cerveau avec celles observées dans le Kuru qui amena l’équipe de Gajdusek à étudier et à démontrer la transmissibilité de cette affection. Sous sa forme habituelle (plus de 80 % des cas d’ESST chez l’homme) la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est sporadique et survient avec une fréquence annuelle de 1,4 cas par million d’habitants ce qui représente environ un décès sur 7000 et 80 cas par an en France. Il s’agit classiquement d’une démence, dont le début est insidieux chez des patients de 60–65 ans, à laquelle s’associent progressivement des signes neurologiques (pertes d’équilibre, troubles visuels) et des signes musculaires (myoclonies). L’évolution est fatale en quelques mois et le diagnostic clinique est confirmé par l’examen histologique du cerveau et la recherche de PrPres. En l’absence de cause infectieuse retrouvée, certains auteurs ont proposé une origine uniquement liée à l’hôte (par mutation somatique de la PrP), un peu comme pour les cancers. Toutefois, dans cette hypothèse, il devrait exister une augmentation du nombre de cas en fonction de l’âge et non pas un pic à 60–65 ans suivi d’une décroissance. De plus, s’il semble clair que les cas de MCJ sporadiques ne sont pas liés à la tremblante du mouton (des pays indemnes de tremblante comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ont la même fréquence de MCJ que le reste du monde), l’existence d’un réservoir animal non identifié ne peut être exclue. Par exemple, dans le cas des virus responsables des fièvres hémorragiques africaines (virus Ebola notamment), qui sont les plus dangereux au monde et qui surviennent par foyers puis disparaissent pendant 10 ans, il est évident qu’il existe un réservoir animal assurant la persistance du virus pendant les périodes silencieuses (puisque tous les hommes contaminés meurent en quelques jours). Malgré tous les efforts déployés, notamment par l’OMS, un tel réservoir n’est toujours pas identifié : une des hypothèses retenues actuellement est la présence endémique du virus sous forme non pathogène chez des rongeurs : de temps à autre, un mutant pathogène pour l’homme apparaîtrait et serait responsable d’une nouvelle flambée de la maladie. Dans le cas de la MCJ, il ne semble pas exister de transmission naturelle interhumaine (au sein d’un couple notamment), mais la maladie est transmissible expérimentalement au primate à partir du cerveau des malades et peut l’être accidentellement par des actes médicaux. On parle alors de formes iatrogènes de maladie de Creutzfeldt-Jakob : la contamination de patients sains par un patient infecté et non
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diagnostiqué comme tel (pendant la phase cliniquement silencieuse ou lorsque les premiers signes sont atypiques) a été décrite notamment avec des instruments de neurochirurgie, des greffes de dure-mère et des hormones purifiées à partir d’hypophyses humaines. Nous avons pu confirmer l’importance de la génétique de l’hôte, en l’occurrence du gène codant pour la PrP, en cas de contamination chez tous les patients ayant développé une MCJ iatrogène liée à d’anciens traitements par hormone de croissance en France. En l’occurrence il existe chez l’homme un polymorphisme au niveau du codon 129 : l’acide aminé retrouvé à cette position peut être soit une méthionine soit une valine ; dans les populations caucasiennes environ 50 % des individus sont hétérozygotes Met/Val (c’est-à-dire qu’au niveau de la paire de chromosome 20, qui porte le gène codant pour la PrP, l’un des chromosome code pour une méthionine tandis que l’autre code pour une valine en position 129), 40 % homozygotes Met/Met et 10 % Val/Val. Les premières observations de patients développant une MCJ iatrogène liée à l’hormone de croissance ont montré que seuls les homozygotes développaient cette maladie alors que les hétérozygotes avaient théoriquement reçu les mêmes lots contaminés ; les premiers cas hétérozygotes sont apparus avec 6 ans de retard ce qui indiquait très clairement que l’hétérozygotie au niveau du codon 129 retardait l’apparition de la maladie voir protégeait de l’infection puisqu’ils ne représentaient que 10 % des cas ce qui correspondait à la proportion observée dans les formes sporadiques de MCJ. Toutefois aujourd’hui l’interprétation paraît moins optimiste car le nombre d’hétérozygotes continue à augmenter et il a été rapporté par ailleurs que dans le kuru l’hétérozygotie au codon 129 entraînait plus un retard dans l’apparition de la maladie qu’une réelle protection (il est à noter que dans les modèles expérimentaux un phénomène semblable de ralentissement de la maladie est observé lorsque 2 PrP différentes sont présentes chez un même animal). C’est le même gène qui comporte une mutation dans toutes les formes familiales d’ESST humaines (environ 15 % des cas : MCJ familiales, GSS, insomnie fatale familiale). Ces formes sont parfois qualifiées de purement génétiques car il n’existe pas de cause infectieuse identifiée. Toutefois, elles sont transmissibles à l’animal normal, bien que plus difficilement que les formes sporadiques et surtout iatrogènes. 4. Détection des ATNC : découverte du couple hôte–agent Aujourd’hui des systèmes in vitro arrivent à reconstituer partiellement l’environnement indispensable à la multiplication de ces agents. Toutefois, la complexité de l’organisation des cellules du cerveau demeure impossible à recréer artificiellement et la seule méthode de référence de détection des ATNC reste l’inoculation à l’animal de laboratoire (souris, hamster). Ces modèles expérimentaux ont permis une avancée considérable dans la compréhension de ces maladies. Il est en effet possible, chez la souris, d’utiliser des lignées
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d’animaux dits syngéniques car ils possèdent tous exactement le même patrimoine génétique ; sur ces souris il est possible de «stabiliser »différentes souches d’ATNC. La « stabilisation » est l’acquisition de caractéristiques reproductibles au cours des transmissions successives entre animaux d’une même espèce (période d’incubation et répartition des lésions histologiques dans les différentes régions du cerveau). Le groupe qui a le plus travaillé sur le sujet est l’équipe d’Edimbourg qui était dirigée par Alan Dickinson. À la fin des années 1970, il était arrivé à 2 concepts : le gène Sinc et l’hypothèse du virino : • l’inoculation d’une même souche d’ATNC à différentes lignées de souris et à des croisements indiquait clairement l’existence d’un facteur génétique de susceptibilité chez l’hôte qui fut baptisée gène Sinc (pour Scrapie INCubation) ; • la caractérisation reproductible de plusieurs souches d’ATNC chez un même hôte impliquait l’existence d’une information spécifique de souche transmissible indépendamment de l’hôte. L’idée d’un virus était initialement la plus logique, d’autant que les ATNC traversent des filtres qui retiennent tous les micro-organismes plus gros que les virus. Cependant, malgré des titres infectieux très importants (pouvant dépasser 10 milliards d’unités infectieuses par gramme de cerveau) aucune structure évocatrice d’un micro-organisme et notamment d’un virus n’était visible avec les microscopes les plus performants. De plus, il n’existait aucune réponse immunitaire, comme si ces agents étaient invisibles pour
les défenses de l’hôte. L’hypothèse du virino imagine l’existence d’une structure hybride comprenant un très petit acide nucléique infectieux nu (comme les viroïdes des plantes) qui ne coderait pour aucune protéine virale susceptible d’être reconnue par le système immunitaire. Ce petit acide nucléique serait en revanche capable de se lier intimement à des protéines de l’hôte qui le protègeraient en formant une sorte de coque.
5. La découverte de la PrP : l’hypothèse du prion Au début des années 1980, après avoir utilisé une approche expérimentale différente (biochimie et biologie moléculaire dans le modèle particulier de la souche neuro-invasive 263K chez le hamster) Stanley Prusiner proposait l’hypothèse uniquement protéique des ATNC qu’il baptisait « prion » (acronyme de particules protéiques infectieuses) (Fig. 3). Cette hypothèse avait été avancée dès 1967 par T. Alper sur la base du spectre de résistance des ATNC aux rayonnements qui était inhabituel car il ne ressemblait pas à celui des acides nucléiques mais à celui des protéines. S. Prusiner confirma dans un premier temps que la résistance de ces agents était liée à une fraction protéique et qu’ils se comportaient biochimiquement comme s’ils étaient dépourvus d’acide nucléique. Dans cette hypothèse, le prion était une protéine étrangère à l’hôte qui utilisait la machinerie cellulaire pour se répliquer. Ce concept était complètement hérétique à l’époque car il allait à l’encontre du dogme selon
Fig. 3. Nature de l’agent infectieux. Principales hypothèses admises.
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lequel même les formes les plus simples de la vie, les virus, qui sont des parasites utilisant le matériel de la cellule qu’ils infectent, impliquent une transmission de matériel génétique sous forme d’acides nucléiques (ADN ou ARN). S. Prusiner travailla avec acharnement sur cette hypothèse qui allait à l’encontre des convictions de la majorité de la communauté scientifique et c’est cette approche qui a permis les progrès les plus importants des 2 dernières décennies. Dans un premier temps des expériences de purification par différents protocoles lui permirent d’obtenir des fractions enrichies en infectiosité qui ne contenaient qu’une protéine identifiable, particulièrement résistante à la dégradation, qui fut appelée PrP pour protéine du prion et qui, dans l’hypothèse du prion constitue tout ou partie de l’agent infectieux.
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La détermination des 15 acides aminés d’une des extrémités de cette protéine permit de construire des sondes pour chercher un acide nucléique codant pour la PrP. La grande surprise fut de retrouver en 1985, par 2 équipes différentes (Oesch de l’équipe suisse de Weissman et Chesebro aux États-Unis), ce gène sur les chromosomes de l’hôte et de constater que la protéine du prion était en fait une protéine cellulaire. Ainsi, chez les animaux malades, la PrP existe à la fois sous une forme normale comme chez les témoins sains et sous une forme anormale pathologique (appelée PrPsc pour scrapie ou PrPres pour résistante) qui résiste à la dégradation et s’accumule dans le cerveau (Figs. 4a, 4b). Cette observation, qui semblait anéantir complètement l’hypothèse du prion, permit en fait de la réorienter. Le concept de protéine
Fig. 4. a. Détection de PrP normale (PrPc) et de PrP pathologique (PrPres) par western-blot (séparation par électrophorèse sur gel de poly-acrylamide, Page-SDS, et détection avec un anticorps anti-PrP). Chez l’animal sain la PrP est entièrement détruite par un traitement protéolytique tandis que chez l’animal infecté par une souche de tremblante, elle s’accumule sous une forme pathologique (PrPres) qui résiste à l’action des protéases. b. Les 2 protéines PrP ont la même séquence en acides aminés, mais des structures tridimensionnelles différentes. La forme normale comprend principalement des hélices a tandis que la forme pathologique a une structure en feuillets b qui favorise l’agrégation.
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étrangère à l’hôte fut remplacé par celui de maladie posttraductionnelle : la forme anormale de la PrP dérive de la forme normale après la synthèse de cette dernière. 6. PrP normale et pathologique Le cycle de la PrP normale, qui est principalement exprimée à la surface des neurones, semble être le suivant : synthèse de la protéine dans le réticulum endoplasmique (traduction à partir des ARN messagers), puis expression à la membrane cellulaire à laquelle elle est fixée par une chaîne glycolipidique, enfin ré-internalisation par endocytose et destruction dans les lysosomes. La synthèse de PrP normale ne semble pas varier au cours de la maladie. En revanche, au niveau du catabolisme, lorsque la PrP normale est éliminée avant sa ré-internalisation, il n’y a plus de formation de PrPres. Ceci a été démontré dans certaines cultures d’origine neuronale chroniquement infectées dans lesquelles il existe une faible accumulation de PrPres : lorsque ces cellules sont traitées avec une enzyme qui détache la PrP normale de la membrane cellulaire et empêche sa ré-internalisation, la formation de PrPres est abolie. Le rôle de la PrP normale est inconnu. La description de localisations synaptiques de la PrP normale et la grande conservation de sa séquence dans les différentes espèces de mammifères suggèrent une fonction importante dans le système nerveux central mais qui reste à démontrer puisque des animaux modifiés génétiquement qui n’expriment plus cette protéine (souris knock out pour le gène de la PrP) ont un développement et un comportement apparemment normaux ; il convient de noter qu’une telle absence de déficit grave est fréquente chez les animaux transgéniques après « inactivation » d’un gène du fait de la mise en place de mécanismes de compensation au cours du développement. 7. PrP et susceptibilité aux ESST En revanche, le gène de la PrP joue un rôle majeur dans les ESST et l’on sait désormais qu’il s’agit en fait du gène de susceptibilité Sinc décrit par Dickinson. En effet, des souris chez lesquelles ce gène n’est pas fonctionnel et qui ne synthétisent donc pas de PrP normale sont insensibles aux ESST. À l’inverse, des animaux qui hyperexpriment ce gène (souris transgéniques) sont très sensibles et développent la maladie avec des périodes d’incubation courtes. Par ailleurs, la PrP, même normale, peut se révéler toxique lorsqu’elle est fortement exprimée : certains animaux qui synthétisent des taux de PrP supérieurs à 10 fois la normale développent spontanément des encéphalopathies spongiformes et des atteintes musculaires ; il n’y a toutefois pas d’accumulation de PrP anormale et la transmissibilité à l’animal normal reste douteuse. Toutes les formes familiales de ces maladies correspondent à des mutations de ce gène et ces mutations se retrouvent dans des zones particulières de la protéine. Des expériences
in vitro ont permis de montrer que la présence de ces mutations favorisait l’agrégation de la protéine sous forme de fibrilles amyloïdes insolubles et résistantes aux protéases. Ainsi tous les patients qui développent une forme familiale de MCJ possèdent en fait une PrP qui a naturellement tendance à s’agréger plus facilement que celle de la population normale. Au cours des ESST, la PrPres s’accumule habituellement dans les zones du cerveau qui présenteront ultérieurement des lésions histologiques expliquant les signes cliniques observés. La majeure partie de la communauté scientifique considère l’accumulation de la PrP anormale comme l’élément responsable de la destruction du système nerveux au cours de ces maladies : cette protéine, en résistant aux mécanismes normaux de catabolisme, s’accumule et devient toxique pour les neurones. Toutefois les mécanismes de neurodégénérescence pourraient se révéler plus complexes puisque 2 études au moins (Büeler et al., 1994 ; Lasmézas et al., 1997) ont rapporté clairement une dissociation entre l’accumulation de PrP anormale, les signes anatomopathologiques et l’apparition des signes cliniques : les lésions de spongiose et de gliose seraient effectivement liées à la PrP pathologique tandis que la mort neuronale, responsable des signes cliniques, aurait une autre cause, potentiellement liée à la réplication des agents responsables des ESST. 8. PrP et barrière d’espèce Le gène qui code pour la PrP gouverne également la barrière d’espèce qui protège d’une infection par un ATNC d’une autre espèce. La preuve en a été brillamment apportée avec des expériences de transgénèse : des souris modifiées génétiquement et qui expriment la PrP de hamster en plus de la PrP de souris deviennent sensibles à des ATNC de hamster. Elles accumulent alors de la PrPres de hamster et non de souris. Leur cerveau devient infectieux pour des hamsters et pas pour des souris normales. 9. PrP et phénomène de souches Il est admis que la PrP anormale est habituellement le principal composant des extraits infectieux et qu’elle dérive de la PrP normale de l’hôte ; si aucune séquence spécifique n’a été identifiée dans les acides nucléiques qui copurifient avec l’infectiosité, il existe pourtant plusieurs « souches » d’ATNC. En pratique, plus de 20 souches, y compris l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine et des souches japonaises de maladie de Creutzfeldt-Jakob, ont été transmises et stabilisées chez la souris, et plus particulièrement 8 souches ont été caractérisées par une même équipe (A. Dickinson, M. Bruce, Edimbourg) chez des souris syngéniques. Ces souches, présentes dans des homogénats de cerveau, peuvent être diluées jusqu’à la limite de leur pouvoir infectieux (106 à 1010 doses létales 50 % par gramme de cerveau) ; chacune d’elles peut alors être transmise par inoculations
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Tableau 2 Arguments et contre-arguments concernant la possibilité pour la PrP anormale de constituer l’agent responsable des ESST (D’après [2])
Souches d’ATNC
Pour Les fibrilles amyloïdes se déposant dans les ESST peuvent induire la polymérisation de précurseurs La PrP anormale entraîne la conversion de la PrP normale in vitro Variations de structure de la PrP anormale
Souris sans PrP (knock-out)
Pas de maladie ni de réplication de l’agent
Génétique
Les ESST sont à la fois génétiques et infectieuses
Ce sont des maladies amyloïdes Conversion en système acellulaire
Souris transgéniques
Des mutations de la PrP pourraient causer à elles seules la maladie La surexpression d’une PrP mutante (Leu102) cause une maladie du cerveau
Irradiation
Par calcul théorique, la cible est trop petite pour un virus
Composition de l’agent
Les fractions infectieuses contiennent de la PrP anormale Peut-être trop peu d’ADN pour un virus Pas de virus retrouvé à ce jour
successives de souris à souris, tout en gardant ses caractéristiques spécifiques. La nature exacte du support de l’information spécifique de souche reste hypothétique et controversée. S’il s’agit de la PrP anormale elle-même (c’est l’hypothèse de S.B. Prusiner étayée par l’existence de profils électrophorétiques de PrP anormale différents après digestion par les protéases pour certaines souches), l’information est uniquement portée par les repliements anormaux de la protéine : chaque repliement anormal correspondrait à une « souche » donnée. Toutefois les différences de sensibilité aux protéases de la PrP anormale, qui ne sont observées qu’avec certaines souches d’ATNC, peuvent être interprétées comme une simple conséquence de la réplication de ces agents. Dans cette hypothèse, les ATNC correspondraient en réalité à un acide nucléique, protégé par la PrP anormale de l’hôte particulièrement résistante (c’est l’hypothèse du « virino ») et inaccessible aux techniques de biologie moléculaire dont on dispose aujourd’hui. Actuellement il est possible d’opposer un contre-argument à chaque argument en faveur de l’une ou l’autre de ces théories (Tableau 2).
Contre Les autres maladies amyloïdes ne sont pas transmises par l’injection de fibrilles amyloïdes Pas de notion de génération d’infectiosité La multiplicité des souches (20) chez la souris va à l’encontre de l’hypothèse structurale PrP importante comme cofacteur de l’agent ou comme récepteur ; rôle dans la physiopathologie Les rétrovirus ont à la fois un déterminisme génétique et infectieux Les mutations de la PrP pourraient augmenter la susceptibilité à la maladie Dans ce modèle, il n’existe : · pas de PrP anormale en western-blot ; · pas de transmission à la souris normale ; · pas de maladie sans surexpression. Par calcul fondé sur les données d’inactivation de virus de taille connue, la cible est compatible avec un petit virus Plus de 105 molécules de PrP anormale par unité infectieuse Les échantillons infectieux contiennent des acides nucléiques Nouveaux virus difficiles à trouver (Borna virus)
sant des produits dérivés du cerveau ou de tissus prélevés chez des sujets infectés, ou lors de l’utilisation d’instruments de neurochirurgie ayant servi à opérer un patient contaminé. Ainsi, vraisemblablement grâce à la PrPres, les ATNC résistent à la chaleur (l’eau bouillante est quasiment inefficace et même l’autoclavage à 121 °C est insuffisant), à l’irradiation, aux décontaminants chimiques notamment au formol. Ce dernier non seulement n’inactive pas les ATNC mais les rend encore plus résistants à un traitement ultérieur par la chaleur : il s’agit vraisemblablement d’un phénomène de tannage des protéines qui accroît le niveau de protection des ATNC. Le même phénomène d’augmentation de résistance aux procédés de décontamination est observé sur les prélèvements desséchés. Les traitements efficaces se limitent essentiellement à l’eau de javel concentrée (6 °chlorométriques, soit 20 000 ppm ou 2 % de chlore actif, c’est-à-dire de l’eau de javel courante diluée fraîchement au demi) ou à la soude 1 N et à l’autoclavage à haute température (134–138 °C pendant 18 min). La combinaison d’un traitement par la chaleur en présence de soude semble particulièrement pertinente (par exemple soude 1 N + autoclavage 121 °C).
10. Les ESST : un problème de santé publique 11. L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) Quelles que soient les incertitudes sur la nature des ATNC, il n’en demeure pas moins que ces agents sont transmissibles et qu’ils peuvent poser de graves problèmes de santé publique. En effet, leur extraordinaire résistance aux procédés classiques de décontamination ou de stérilisation les rend susceptibles d’être transmis au cours d’actes médicaux utili-
C’est cette résistance des ATNC qui est à l’origine de l’épidémie qui a touché le cheptel bovin britannique. Il s’agit plus exactement d’une anazootie (contamination d’un grand nombre d’animaux à partir d’une source commune, l’alimentation). L’origine de la contamination vient des farines de
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viandes et d’os (FVO) qui étaient incorporées dans l’alimentation des animaux. Ces suppléments protéiques étaient surtout utilisés dans les troupeaux de vaches laitières sélectionnées pour leur production importante de lait. Au début des années 1980, afin de préserver au maximum leur valeur protéique et abaisser les coûts de production, les FVO ont été fabriquées avec des procédés moins drastiques au RoyaumeUni (diminution de la température de cuisson, suppression des solvants qui étaient ensuite éliminés par chauffage). Dans ces conditions, les ATNC n’étaient pas suffisamment inactivés pour empêcher une contamination par voie orale des animaux qui recevaient ces farines, et les premiers cas d’ESB sont apparus officiellement en 1986. Les animaux devenaient anormalement craintifs et présentaient une incoordination motrice. On ignore si le point de départ de la contamination a été constitué des carcasses de moutons atteints de tremblante (le cheptel ovin était très important outre-Manche) ou de bovins atteints d’une forme sporadique d’ESST. Quoiqu’il en soit, les cadavres d’animaux infectés par l’agent de l’ESB ont été recyclés dans des farines et ont entraîné la contamination de l’ensemble du cheptel bovin britannique. Seule l’Écosse, qui avait conservé les anciens procédés de fabrication des FVO, a été épargnée jusqu’en 1988. Des cas d’ESST liés à l’agent de l’ESB sont apparus chez différentes antilopes dans des zoos et chez divers carnivores dont des chats (l’apparition du premier cas d’encéphalopathie spongiforme féline lié à l’agent de l’ESB en 1990 a constitué en pratique la première démonstration de la capacité de ce dernier à franchir naturellement la barrière d’espèce). À l’évidence cette nouvelle souche d’ATNC (caractérisée par inoculation à la souris) semblait plus virulente que les souches classiques de tremblante du mouton. 12. Nature de l’agent de l’ESB C’est cette plus grande virulence qui semble expliquer les résultats très curieux que nous avons observés lors de nos expériences de transmission de l’agent bovin à la souris. Après avoir inoculé directement dans le cerveau de nos animaux une forte concentration d’homogénat de cerveau de bovin au stade terminal de la maladie, toutes les souris ont développé des signes cliniques après plus d’un an d’incubation : cependant pour plus de la moitié d’entre elles il n’y avait pas de PrPres détectable. Ainsi des souris, qui avaient des périodes d’incubation et des signes neurologiques identiques, présentaient des quantités de PrPres variant au moins d’un facteur 10 000 (seuil de sensibilité de notre test). Pourtant elles avaient bien toutes développé une ESST parfaitement transmissible. De plus, lors de transmissions secondaires à de nouvelles souris, en partant de cerveaux de souris sans PrPres, le même phénomène se reproduisit : toutes développaient une ESST mais certaines n’avaient pas de PrPres (par ailleurs, les transmissions à partir de souris ayant accumulé de la PrPres étaient plus rapides). C’est l’examen histologique qui nous apporta la réponse : toutes les souris présentaient des signes de mort neuronale qui était donc
responsable de la maladie et seules les souris possédant de la PrPres présentaient les autres signes histologiques (spongiose et réaction gliale). L’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer ces résultats est que, dans les conditions que nous avons utilisées, l’agent de l’ESB est suffisamment virulent pour pouvoir se répliquer sans être protégé par de la PrPres ; cependant, au cours des passage, il semble exister une sélection de variants qui ont acquis la propriété de faire accumuler la PrPres laquelle, de par sa résistance à la dégradation, leur confère un avantage sélectif. La PrPres, dont la toxicité est avérée, est de plus responsable des lésions de spongiose. Ainsi, dans notre analyse, la PrPres semble constituer un facteur de virulence et non pas l’agent lui-même, ce qui se rapproche de l’hypothèse du virino (Fig. 3). 13. Transmission de l’agent bovin à l’homme La capacité à franchir la barrière d’espèce dépend des souches et ne peut pas être prédite à coup sûr en fonction de la séquence du gène codant pour la PrP chez le donneur et le receveur. Ainsi, la sélection et l’amplification par recyclage d’une nouvelle souche, comme celle de l’agent de l’ESB, peut non seulement entraîner une épizootie mais aussi l’émergence de nouvelles formes de maladies chez d’autres espèces, y compris chez l’homme. Ainsi la crise dite « de la vache folle » a trouvé son origine dans l’annonce, en mars 1996 par le ministre de la santé britannique, de l’apparition d’une nouvelle variante de MCJ (nvMCJ) pouvant être liée à l’agent de l’ESB chez 10 patients. Tous ces cas se caractérisaient tout d’abord par un âge anormalement jeune (29 ans en moyenne) alors que toutes les enquêtes épidémiologiques avaient confirmé que la MCJ était une maladie rarissime chez des patients de moins de 40 ans (survenue normale vers 60–65 ans) (Fig. 5). La forme clinique de ces cas était également tout à fait inhabituelle et très stéréotypée avec des signes psychiatriques précoces et
Fig. 5. Répartition du nombre de cas de MCJ (nouvelle variante ou sporadique) en fonction de l’âge (données du Royaume-Uni aimablement fournies par le professeur R. Will).
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une phase clinique très prolongée (en moyenne 13 mois, avec une fourchette de 6 à 39 mois, contre en moyenne 4 mois pour les formes classiques). La maladie, de façon schématique, commençait par des signes psychiatriques suivis 2 mois plus tard de signes sensoriels puis par une ataxie à partir du cinquième mois, des myoclonies à partir du huitième mois, un mutisme akinétique à partir du douzième mois et un décès fréquemment lié à un épisode de bronchopneumonie. Aucun facteur de risque particulier au niveau médical (notamment aucune mutation du gène de la PrP ni aucun antécédent de traitement par de l’hormone de croissance extractive), professionnel ou alimentaire n’a pu être mis en évidence. Le seul facteur de risque était d’habiter et de se nourrir dans le pays qui comprenait plus de 99,7 % des cas mondiaux d’ESB (environ 165 000 cas d’ESB au RoyaumeUni en octobre 1996 contre moins de 500 dans le reste du monde) et pour lequel les estimations évaluaient à 900 000 le nombre de bovins contaminés passés dans l’alimentation. Par ailleurs, tous les patients étaient homozygotes Met/Met au codon 129 du gène codant pour la PrP (comme 40 % de la population normale), c’est-à-dire que, comme pour l’hormone de croissance, les patients hétérozygotes Met/Val semblaient résistants au développement de la maladie. À l’examen du cerveau, des signes encore plus caractéristiques démontraient l’unicité de ces cas : en plus des signes classiques de MCJ (spongiose, astrocytose et perte neuronale), tous les patients présentaient de nombreuses plaques florides constituées d’un dépôt de PrPres entouré de vacuoles leur conférant un aspect en fleur. Il s’agissait de signes entièrement nouveaux et le réexamen des anciennes coupes de cerveaux de patients décédés de MCJ classique confirma qu’un tel aspect n’avait jamais été observé auparavant. Nous avons alors eu la surprise d’observer chez des macaques infectés expérimentalement par l’agent de l’ESB exactement les mêmes lésions histologiques que celles observées chez les patients présentant une nvMCJ (plaques amyloïdes particulières dites florides, localisation des dépôts de PrPres identiques). Cette observation constituait le premier argument expérimental en faveur de l’identité de l’agent causal dans les 2 espèces de primates (le singe infecté par l’agent de l’ESB et l’homme atteint de nvMCJ). Depuis, la caractérisation de la souche par inoculation à la souris a confirmé que c’était bien l’agent de l’ESB qui était responsable de la maladie et du décès de ces patients. La contamination a vraisemblablement eu lieu par voie alimentaire. Les organes les plus infectieux chez les bovins infectés par l’agent de l’ESB sont le cerveau et la moelle épinière (les amourettes des tripiers) : ceux-ci n’étaient pas consommés comme tels au Royaume-Uni, mais pouvaient être utilisés comme liants dans de nombreux plats cuisinés ou incorporés dans les viandes séparées mécaniquement qui sont fabriquées à partir des restes de viande intimement attachés aux os. Des expériences sur les bovins et les moutons ont montré qu’1 g de cerveau infectieux donné dans l’alimentation était suffisant pour déclencher la maladie. La dose minimale infectieuse
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chez l’homme est inconnue et seules des expériences chez le singe permettront d’évaluer le niveau de risque auquel ont été exposées les populations humaines avant l’interdiction de l’utilisation de ces abats (cerveau et moelle épinière) dans l’alimentation en novembre 1989. Fin 2002, 129 cas de nvMCJ étaient apparus au Royaume-Uni et 10 cas dans le reste du monde. La France, qui était le principal importateur de viande britannique (environ 8 % de notre consommation de viande bovine), compte 6 cas de nvMCJ. De manière surprenante, 8 ans après les premiers cas de nvMCJ (remontant en réalité à fin 1994), l’âge moyen n’a pas toujours pas augmenté au cours du temps (la moyenne aujourd’hui est de 27 ans avec des extrêmes allant de 12 à 74 ans) contrairement à ce que nous avions logiquement observé avec les cas iatrogènes liés à l’hormone de croissance extractive au fur et à mesure que l’on s’éloignait de la période d’exposition maximale au risque : quelle que soit l’hypothèse retenue d’une exposition particulière des jeunes en raison d’habitudes alimentaires ou d’une susceptibilité particulière liée à l’âge, cela suggère une période d’exposition particulièrement longue de la population à l’agent de l’ESB alors que celle-ci aurait théoriquement dû cesser brutalement avec l’interdiction des abats à risques dans l’alimentation humaine fin 1990. Actuellement, le seul exemple récent documenté de contamination d’une population humaine importante par ces agents est la cohorte de patients français (environ 1000 personnes) traités par de l’hormone de croissance extraite d’hypophyses humaines (cette hormone extractive n’est plus utilisée depuis 1987) : aujourd’hui près de 80 patients ont présenté une MCJ et de nouveaux cas continuent à apparaître. L’évolution des cas de MCJ iatrogène, notamment avec l’apparition de patients hétérozygotes au codon 129 du gène codant pour la PrP permet de mieux appréhender les conséquences d’une contamination à grande échelle d’une population humaine comme c’est le cas avec l’agent de l’ESB. Ainsi ce modèle suggère que le nombre de nvMCJ en Europe, et notamment au Royaume-Uni, ne se limitera pas aux seuls patients homozygotes Met/Met comme cela a été observé jusqu’à présent et que, même en l’absence d’un pic épidémique dans l’hypothèse optimiste d’un nombre total limité de nvMCJ, des cas seront observés chaque année pendant plusieurs décennies. 14. Protection de l’homme Le développement de tests de dépistage rapide de l’ESB constitue une avancée très importante pour la protection de l’homme. La dernière crise liée à l’ESB fin 2000 a été provoquée par l’absence apparente de maîtrise de l’épidémie en dépit des mesures annoncées et notamment par le nombre croissant de cas détectés chez des bovins nés plus de 4 ans après l’interdiction, en 1990, des farines animales responsables de la diffusion de cette maladie, alors que les incertitudes scientifiques étaient toujours aussi importantes concernant le risque pour l’homme (la dose minimale infectieuse
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par voie orale pour l’homme n’est pas connue). Les mesures supplémentaires de précaution prises par la commission européenne ont concerné d’une part l’interdiction complète de l’utilisation des farines animales et d’autre part l’utilisation systématique de tests de dépistage de l’ESB chez des bovins de plus de 30 mois (c’est-à-dire en âge de présenter des quantités détectables d’agent infectieux et de développer la maladie) avant l’entrée dans la chaîne alimentaire afin d’éliminer tous les bovins détectés positifs. Trois tests ont été validés en 1999 par la commission européenne : ils reposent tous sur la détection de la PrPres. Le test suisse (Prionics), fondé sur une technique de western blot (séparation par électrophorèse suivie d’une immunodétection), a été le premier utilisé pour des études épidémiologiques en Suisse et en France et a permis de détecter des animaux non diagnostiqués au préalable. Le test irlandais (Enfer) est fondé sur une technique Elisa (immunodétection en plaque 96 puits) qui est plus adaptée au dépistage à grande échelle. Le test français (CEA-Biorad), fondé sur une technique de purification de la PrPres couplée à une détection Elisa, est le plus performant en termes de sensibilité. De nouveaux tests sont en cours de développement et d’évaluation et deux d’entre eux viennent d’être validés à leur tour. L’intérêt de tests sensibles est de garantir l’élimination de tous les animaux détectables potentiellement dangereux pour l’homme. La comparaison du test rapide le plus sensible avec le test de référence consistant à inoculer le matériel potentiellement infectieux directement par voie intracérébrale à la souris a permis de montrer une efficacité équivalente. Comme il est démontré expérimentalement que le modèle de contamination de la souris par voie intracérébrale est 100 fois plus efficace que la contamination de bovins par voie orale (ce qui signifie, par exemple, que 100 mg de tissu cérébral infecté par l’agent de l’ESB qui pourraient tuer 200 souris par voie intracérébrale ne peuvent tuer que 2 bovins par voie orale) et que par ailleurs, en raison de la barrière d’espèce, l’homme est censé être plus résistant à l’agent de l’ESB que le bovin (ou, au pire, aussi sensible), les animaux retrouvés négatifs avec ce test ne sont pas dangereux pour la souris (par voie intracérébrale) et donc pour le bovin et l’homme (par voie orale). Le dépistage systématique chez tous les bovins de plus de 30 mois implique de tester environ 10 000 animaux/j sur l’ensemble du territoire français. L’utilisation de tests garantissant la sécurité du consommateur, à condition d’être correctement maîtrisée, a été un élément important pour résoudre la crise liée à l’ESB (elle ne remplace en rien, bien entendu, les mesures précédentes qui reposent notamment sur l’élimination des abats à risque, principalement cerveau et moelle épinière).
15. Risques pour la transfusion sanguine Bien que les prions puissent théoriquement être présents dans le sang et qu’ils soient retrouvés associés aux globules blancs dans certains modèles expérimentaux, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dans sa forme habituelle (sporadique),
n’a jamais été trouvée associée à un risque particulier lié à la transfusion sanguine dans les enquêtes épidémiologiques. Les modèles expérimentaux de contamination par voie orale ont permis de mettre en évidence une première phase de réplication de ces agents au niveau des plaques de Peyer puis des ganglions lymphatiques associés au tube digestif. Secondairement, une réplication est observée dans des territoires lymphatiques éloignés impliquant par là même une recirculation lymphatique et sanguine. La phase de neuro-invasion est tardive et exponentielle jusqu’à la mort de l’animal (les taux observés dans le système nerveux central sont très supérieurs à ceux observés dans les tissus périphériques pour lesquels le phénomène de « plateau » observé est classiquement attribué à un nombre limité de sites de réplication : les cellules mises en cause sont les cellules folliculaires dendritiques et certains macrophages). La description fin 2000 d’un cas de transmission de l’agent de l’ESB par transfusion sanguine à partir d’un mouton contaminé expérimentalement par voie orale a rappelé le potentiel de contamination de cette souche. Chez le mouton, contrairement au bovin, le marqueur de l’infection (la PrPres, forme anormale de la protéine du prion), est retrouvé dans tout le système réticulo-endothélial (ce qui explique d’ailleurs sans doute pourquoi la tremblante du mouton est endémique à l’état naturel — le placenta notamment est infectieux — et implique par ailleurs qu’il serait très difficile de l’éradiquer, s’il s’avérait que l’ESB s’était également développée chez le mouton). Aujourd’hui l’équipe de N. Hunter a confirmé cette observation et le taux de transmission à partir de sang total (400 ml transfusés de mouton à mouton) est estimé entre 20 et 30 % aussi bien pour l’ESB que pour la tremblante dans ce modèle. Une observation préliminaire suggère que la majorité de l’infectiosité ne serait pas liée aux globules blancs mais répartie dans le sang total ce qui, si cela était confirmé, pose le problème de l’efficacité de la déleucocytation (laquelle de toute façon ne pouvait pas prétendre éliminer plus d’un facteur 10 d’infectiosité). Nous avons par ailleurs pu montrer que la voie intraveineuse semblait particulièrement efficace chez le primate avec l’agent de l’ESB (la différence d’efficacité d’un facteur 10 par rapport à la voir intracérébrale classiquement admise pourrait être moindre). Dans le cas de la nvMCJ chez l’homme, contrairement aux formes habituelles de MCJ, la PrPres est retrouvée dans les amygdales, la rate, les ganglions lymphatiques, l’appendice, les plaques de Peyer, c’est-à-dire dans tous les tissus lymphoïdes. Le risque de contamination du sang est donc supérieur à ce qui était connu antérieurement mais non quantifiable pour le moment faute de test diagnostique. Le marqueur de l’infectiosité, la PrPres, a pu être mis en évidence chez 2 patients ayant développé une nvMCJ dans des pièces d’appendicectomie prélevées respectivement 8 mois et 2 ans avant l’apparition des signes cliniques (Tableau 3). En revanche, une pièce d’appendicectomie prélevée sur un autre patient 9,5 ans avant le début des signes cliniques s’est révélée négative pour ce marqueur : ces données sont encore trop
J.P. Deslys / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 113–125 Tableau 3 Implication du système lymphoréticulo-endothélial au stade préclinique de la nvMCJ chez l’homme Appendicectomie 1995 1996 1990
Début de nvMCJ 1995 1998 1998
Intervalle
PrPres
8 mois 2 ans 9,5 ans
positif positif négatif
partielles pour en tirer des conclusions fortes, mais elles esquissent d’un côté la possibilité de faux négatifs sur ce type de prélèvements et d’un autre côté la notion d’un période plus particulièrement à risque pour la transfusion s’étendant sur plusieurs années avant l’apparition des signes cliniques chez des patients en âge de donner leur sang. Les tests rapides développés à ce jour ont une sensibilité suffisante pour détecter la PrPres dans des prélèvements de système nerveux central ou de tissus lymphoïdes mais pas dans le sang. Des résultats partiels sur sang de mouton suggèrent que les animaux infectés peuvent présenter des taux de PrPres détectables avec les nouvelles techniques de détection en cours de développement. Le développement de ces techniques, si elles se révèlent suffisamment sensibles et fiables, pourra constituer un apport très important pour la sécurisation des prélèvements. En attendant, les techniques de déleucocytation assurent l’élimination de l’infectiosité classiquement considérée comme majoritairement associée (à 90 %) aux globules blancs. Par ailleurs, ces agents dont la taille a été estimée indirectement à 15–40 nm, peuvent théoriquement être éliminés par nanofiltration et des expériences de validation sont en cours pour des dérivés du plasma. Enfin la sélection des donneurs est une approche qui a été retenue par certains pays avec l’élimination de ceux dont le séjour au Royaume-Uni dépasse 6 mois cumulés (et désormais 2 ans en France) entre 1980 et 1996. La nature de ces agents n’est toujours pas connue avec précision même si l’hypothèse du prion, dans laquelle l’agent est constitué uniquement par la PrPres, est retenue par beaucoup. En pratique, les tests les plus sensibles à l’heure actuelle permettent de proposer une protection de l’homme au niveau de la sécurité de la chaîne alimentaire (par dépistage systématique de l’ESB à l’abattoir et élimination de tous les animaux retrouvés positifs) et de nouvelles générations plus sensibles pourront peut-être à terme jouer un rôle équivalent au niveau de la transfusion sanguine. En dehors des projets
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fondés sur une approche fondamentale, les efforts de recherche en cours s’orientent notamment vers la prévention (diagnostic et décontamination), le contrôle et l’exploration de nouvelles approches thérapeutiques. Pour l’avenir, en attendant la levée des incertitudes sur la nature de ces agents, l’application de mesures de bon sens semble capitale notamment pour éviter la sélection de souches virulentes (par passages successifs au sein d’une même espèce) aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Si les maladies humaines restent rares, leur évolution dramatique, la longueur de leur période d’incubation, l’inefficacité des traitements disponibles justifient les mesures prises, en France, pour éliminer les facteurs de risques et la prise en compte systématique du principe de précaution.
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