IATROGÉNIE
Transfusion et risques résiduels Marie-Hélène El Ghouzzia,*, Danielle Rebibob
RÉSUMÉ
SUMMARY
L’évaluation des risques résiduels de la transfusion en France pilotée par l’Afssaps est basée sur le recueil permanent, organisé et systématisé, des accidents déclarés par les correspondants d’hémovigilance des établissements de soins et de l’établissement français du sang (EFS). Le risque viral est basé sur un calcul statistique pour établir la probabilité de prélever un donneur de sang pendant une période d’incubation virale indétectable. À côté des risques de surcharge volémique, les risques transfusionnels sont classés en deux principales catégories immunologiques (allergie, incompatibilité ABO, et autres groupes et d’histocompatibilité, le TRALI (transfusion related acute lung injury)), et infectieux (viraux, bactériens, parasitaires et prions). En 2008, 2 850 812 produits sanguins labiles (PSL) ont été distribués, 7 494 effets indésirables survenus chez un receveur de PSL (EIR) ont été rapportés correspondant à 2,63 ‰ des PSL distribués. Parmi ces EIR, 3 613 (48,2 %) ont été considérés d’imputation forte, soit 13/10 000 PSL distribués. Le risque résiduel viral sur la période 2006-2008 est de 1/2 400 000 dons pour le VIH, de 1/8 200 000 pour le VHC, et pour le VHB de 1/1 000 000 dons, et pour l’HTLV de 1/3 500 000. Parallèlement, le risque de contamination bactérienne était de 1/1 500 000 pour les CGR (concentrés globulaires) distribués, de 1/37 000 pour les CPA (concentrés unitaires de plaquettes d’aphérèse), et de 1/29 000 pour les mélanges de concentrés de plaquettes. Les incompatibilités ABO sont évaluées à 1/183 000 par CGR distribué. 30 TRALI ont été associés à la transfusion. Quatre décès ont été attribués à l’épisode transfusionnel en 2008 soit 1/712 703 PSL distribués. Avec un haut niveau de la sécurité atteint, la transfusion de PSL reste un acte thérapeutique impliquant une grande vigilance. Transfusion – risque résiduel – sécurité transfusionnelle – effet indésirable survenu chez le receveur (EIR) – hémovigilance.
1. Introduction L’évaluation des risques résiduels de la transfusion est le résultat d’une préoccupation permanente, organisée et systématisée depuis la mise en place de l’hémovigilance par la loi du 4 janvier 1993 [1]. Cette loi avec son décret d’application [2] et le décret du 1er février 2006 [3] définisa Établissement français du sang Ile-de-France (EFS) 83-87, rue des Alpes – Silic 504 94623 Rungis cedex b Établissement français du sang (EFS) 20, av. du Stade-de-France 93218 La Plaine Saint-Denis cedex
* Correspondance
[email protected] artiicle article l reçu le le 10 0 septembre, septembre b accepté é le le 20 20 septembre septembre b 2010 2010 0 © 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
Blood transfusion and residual risk Evaluation of the residual risks of blood transfusion in France is based on the permanent collection of the accidents declared by the hemovigilance correspondents of the hospitals and the Blood French Institution. The viral risk is based on a statistical estimation to establish the probability of a blood collection occurring during a viral incubation period in a blood donor. Besides the risk of volemic overload, tranfusional risks are classified into immunologic risks (allergy, blood group incompatibility), infectious risks (bacteria, virus, parasites and prion), and transfusion-related acute lung injury (TRALI). In 2008, 2,850,812 blood products (BP) were distributed and 7,494 side effects were notified (2.63‰). Among these side effects, 3,613 (48.2%) were considered as highly imputable to BP (13 per 10,000 BP). Viral residual risk in 2006-2008 was of 1 per 2,400,000 blood donations for HIV, 1 per 8,200,000 blood donations for HCV, 1 per 1,000,000 blood donations for HBV, and 1 per 3,500,000 for HTLV. In parallel, the risk of bacterial contamination was of 1 per 1,500,000 red blood cells concentrates (RBCC) and 1 per 37,000 platelet concentrates by apheresis. ABO blood group incompatibilities were of 1 per 183 000 RBCC. In 2008, 30 TRALI were associated to blood tranfusion. Four deaths were recorded, representing 1 death per 712,703 delivered BP. With a high level of safety achieved, blood transfusion remains a therapeutic act requiring high vigilance. Blood transfusion – residual risk – transfusion safety – side effect – hemovigilance.
sent l’hémovigilance comme l’ensemble des procédures de surveillance maîtrisée depuis la collecte du sang et de ses composants jusqu’au suivi des receveurs, en vue de recueillir et d’évaluer les informations sur les effets inattendus ou indésirables résultant de l’utilisation thérapeutique des PSL et d’en prévenir l’apparition. La directive européenne 2005/6/CE du 30 septembre 2005 [4] concerne les exigences en matière de traçabilité et de notification des effets indésirables receveurs (EIR). La décision du 5 janvier 2007 [5] fixe la forme, le contenu et les modalités de transmission de la déclaration d’effet indésirable survenu chez un receveur de produit sanguin labile. Cette déclaration est obligatoire et immédiate dans les 48 heures ou au maximum dans les quinze jours suivant le constat. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2010 - N°426 //
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Ces textes ont un triple objectif de traçabilité la plus complète possible des observations des EIR recueillis par les professionnels de santé d’une part, de notification de ceux-ci par les correspondants d’hémovigilance ensuite, et enfin d’évaluation épidémiologique. L’évaluation des risques chez le receveur de PSL est donc le résultat d’un système déclaratif obligatoire catégorisant les EIR en 5 grades en fonction de la gravité clinique et/ou biologique (tableau I). Les EIR peuvent survenir immédiatement pendant l’épisode transfusionnel ou au décours, dans les 8 jours suivants (70 % des cas) ; ils peuvent être retardés (30 % des cas). Les EIR recueillis sont analysés pour définir leur imputabilité certaine à la transfusion, probable ou non liée à l’épisode transfusionnel. Ils sont rapportés au nombre des PSL utilisés pour le calcul des risques immunologiques et bactériens. Le risque viral est basé sur la probabilité de prélever un donneur de sang pendant une période d’incubation virale indétectable malgré la sensibilité des tests de dépistage mis en place pour les dons de sang. Pour estimer ce risque, le calcul statistique prend en compte la prévalence du virus observée chez les nouveaux donneurs et l’incidence de nouveaux cas observés dans la population des donneurs de sang connus sur une période de 3 ans. Les résultats permettent ainsi de dégager des attitudes et des précautions lors du prélèvement du donneur, et lors de l’acte transfusionnel lui-même pour améliorer la sécurité transfusionnelle des receveurs, mais aussi lors de la préparation des PSL et de la qualification biologique des dons.
2. Quels sont les effets indésirables théoriques et connus de la transfusion et comment la prévention est-elle organisée ? Ils sont classifiables en deux grands chapitres principaux : les risques immunologiques, les risques infectieux. La prévention s’organise à plusieurs niveaux : au niveau du donneur, au niveau de la préparation des PSL, au niveau des tests de dépistage, au niveau des transports logistiques des PSL, mais aussi au niveau de la cession des PSL. La veille scientifique et technique est permanente.
Les incompatibilités de groupes, autres qu’ABO, sont liées à l’apparition retardée d’anticorps anti-érythrocytaires découverts lors des recherches d’agglutinines irrégulières, mais aussi lors d’accidents immédiats liés à la présence d’anticorps anti-érythrocytaires non détectés préalablement chez le receveur et à la transfusion de concentrés globulaires (CGR) incompatibles. Les accidents d’hémolyse liés à la présence d’anticorps anti-A ou anti-B dans les PSL sont très rares en raison de la déplasmatisation des produits sanguins cellulaires et des solutions additives ajoutées dans les produits plaquettaires. Les incompatibilités liées au système HLA restent les plus fréquentes des EIR d’origine immunologique. Le TRALI (transfused related lung injury) est un syndrome de détresse respiratoire d’installation aiguë apparaissant rapidement dans les heures qui suivent une transfusion de PSL. La physiopathologie n’est pas complètement élucidée. Cependant, il s’agit d’un œdème alvéolaire interstitiel riche en protéines associées à des lésions de l’endothélium avec un infiltrat de polynucléaires activés, de plaquettes et de macrophages survenant dans des circonstances pathologiques favorisant la leucostase dans les capillaires pulmonaires associée à un deuxième événement comme la présence d’anticorps anti-HLA (de classe II notamment) ou anti-HNA (notamment anti-HNA 3a [8]) dans les PSL ou chez le patient. Ces anticorps sont retrouvés chez 60 à 85 % des donneuses des PSL impliqués. Une étude d’A. Reil en 2008 [9] relève que sur 36 TRALI étudiés, 9 ont eu une issue fatale. Dans 6/9 cas des anti-HNA 3a ont été retrouvés chez les donneurs, et dans 3/9 cas la présence d’anti-HLA de classe II a été constatée. Ce syndrome n’est pas un syndrome d’apparition récente mais émerge en raison de la baisse des autres risques immunologiques et infectieux et de la sensibilisation et de la vigilance des cliniciens et des hémovigilants. Les EIR liés à des manifestations allergiques chez le receveur de grade 3 et 4 surviennent lors de transfusions de produits plasmatiques ou contenant du plasma. Mais les réactions allergiques sont les plus nombreuses des EIR de survenue immédiate, tous PSL et tous grades confondus. Les réactions fébriles restent l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté après les réactions allergiques. Les EIR pour surcharge volémique arrivent en 4e position des risques de la transfusion juste après les réactions d’incompatibilités immunologiques.
2.1. Pour les risques immunologiques Les accidents par incompatibilités ABO lors de la transfusion de concentrés globulaires ont bénéficié des circulaires sur le respect renforcé des règles de la délivrance PSL et sur la pratique stricte du contrôle ultime au lit du patient comprenant une véritable vérification de concordance de l’ensemble des documents, patient et PSL [6, 7]. Tableau I – Degrés de gravité des effets indésirables receveurs 5 degrés de gravité Grade 0. Absence de manifestation clinique et/ou biologique Grade 1. Absence de menace vitale immédiate ou à long terme Grade 2. Morbidité à long terme Grade 3. Menace vitale immédiate Grade 4. Décès
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2.2. Les risques infectieux Les risques infectieux et notamment le risque viral VIH d’abord, et VHC ensuite à l’origine de toute la réforme de la transfusion sanguine française depuis 1993, ne doivent pas occulter le risque bactérien, les risques liés aux autres virus et les risques parasitaires. Les risques bactériens sont liés à la contamination des PSL par des germes infectant le donneur ou la peau de celui-ci. Les prélèvements sur poches multiples et la méthode des connexions stériles ont éliminé les causes liées au processus de préparation des PSL. Un ensemble de mesures est aussi venu réduire ce risque : les risques infectieux du donneur au moment du don sont systématiquement recherchés, la désinfection de la peau au moment du prélèvement, qui a fait l’objet d’une recommandation en
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septembre 1996 et d’un guide d’hygiène édité par l’EFS, et le détournement des 30 premiers millilitres de sang au moment du prélèvement ont permis la réduction de la contamination liée à la traversée de la barrière cutanée [10,11]. Enfin, la prévention de la prolifération des bactéries dans les concentrés de plaquettes a été améliorée par la déleucocytation. La mise en place de l’information postdon et la sensibilisation des donneurs sur l’importance de cette information après le don a permis d’éliminer des PSL à risques infectieux potentiels déjà prélevés. D’autres mesures comme le respect des circuits de température au cours du stockage et des transports des PSL, puis l’examen systématique visuel du PSL au moment de la cession à l’établissement de soins, sont venus compléter les mesures de prévention des incidents bactériens transmis par transfusion (IBTT) [12,13]. Les autres risques infectieux ont fait l’objet d’un rapport conjoint de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de l’EFS sur l’estimation du risque de transmission des maladies virales et parasitaires [14]. Ce rapport initié pour l’épidémie de chikungunya sur l’Île de la Réunion [15] a concerné tous les virus et parasites transmissibles par le sang en s’appuyant sur les modèles mis en place aux États-Unis pour l’épidémie de West Nile Virus [16]. De façon paradoxale, le risque le plus redouté par beaucoup de patients et de prescripteurs, la transmission d’un des trois virus « classiques » VIH, VHC et VHB est aujourd’hui le mieux maîtrisé. La diminution des risques de contamination repose actuellement sur une stricte sélection des donneurs, sur l’introduction de nouveaux tests comme le dépistage génomique viral (DGV) en juillet 2001 pour le dépistage du VIH-1 et le VHC et l’amélioration des « performances » de ceux existants. Depuis mars 2010, le dépistage génomique viral est étendu au VHB progressivement sur tout le territoire réduisant encore le risque résiduel de ne pas arrêter un don en période infra détectable dite « fenêtre silencieuse ». Certains virus peu pathogènes chez le sujet sain peuvent être redoutables chez des patients immunodéprimés (cytomégalovirus, EBV, parvovirus B19…). Certains d’entre eux persistent à l’état latent dans les leucocytes. Les CMV, EBV, HHV 8 et HTLV-I sont presque exclusivement intra leucocytaires, la déleucocytation des PSL, avec son degré de qualité atteint (généralisée depuis 1998), permet pour ces virus une bonne prévention. Pour tous ces virus, l’estimation du risque transfusionnel étudiée dans le rapport de l’InVS tient compte de la durée de la virémie asymptomatique dans la population, de la fréquence de ces cas, de la probabilité de prélever un donneur pendant cette période asymptomatique ainsi que du degré d’immunité des receveurs vis-à-vis du virus considéré. Deux parasites sont pris en compte dans le risque de transmission par les PSL : les agents du paludisme et de la maladie de Chagas et les anticorps correspondants sont dépistés après l’entretien avec le donneur sur son lieu de naissance et sur les destinations de ces voyages ou sur ses lieux de résidences, sur la date de retour de la zone d’endémie parasitaire : ainsi quatre mois après le retour de zone d’endémie, la recherche des anticorps dirigés contre les plasmodies pour le paludisme et/ou la recherche des anticorps dirigés contre Trypanosoma cruzi, agent de la
maladie de Chagas, est réalisée. La conformité du don est liée à l’absence d’anticorps. L’émergence des agents transmissibles non conventionnels ou ATNC ont conduit à la mise en place d’un ensemble de mesures allant de la sélection du donneur à la préparation des PSL pour réduire le risque de transmission. L’ensemble de ces mesures et leur date de mise en place sont détaillées dans le tableau II.
3. Quelques résultats sur les risques transfusionnels recueillis par l’hémovigilance de l’EFS en 2008 En 2008, 2 850 812 PSL homologues et autologues ont été distribués avec 79,6 % de concentrés globulaires (CGR), 2,2 % de concentrés de plaquettes standards (CPS), 6,7 % de concentrés plaquettaires d’aphérèse (CPA) et 11,5 % de produits plasmatiques. 7 494 EIR ont été rapportés correspondant à 2,63 ‰ des PSL distribués. Après avoir retiré les 192 EIR de grade 0, il reste donc 3 613 EIR d’imputation forte, en 2008 : 41 % (n = 1 579) ont été d’apparition retardée ; 61,6 % EIR (2 226) ont été de survenue immédiate soit 7,8/100 000 PSL distribués. En 2008, les causes des 2 226 EIR de survenue immédiate sont détaillées dans la figure I. Pour les 1 579 EIR retardés, la quasi-totalité des EIR sont des découvertes d’anticorps anti-érythrocytaires. Seule une séroconversion VHB a été constatée en 2008 après transfusion en 2007 d’un CGR chez un patient. Cette séroTableau II – Mesures de précaution en France pour la prévention de transmission du nouveau variant de la maladie de Creutzfeld-Jacob (MCJ) par la transfusion pour les donneurs et les PSL 1992
Exclusion des donneurs avec traitement par l’hormone de croissance extractive
1993
Exclusion des donneurs avec antécédents familiaux de maladies neurodégénératives
1994
Exclusion des donneurs avec traitement par hormones extractives hypophysaires et glucocérébrosidase placentaire
1994
Retrait et destruction des lots de médicaments dérivés du sang contenant du plasma d’un donneur ayant développé ultérieurement une MCJ ou ayant un antécédent familial de MCJ ou ayant été traité par l’hormone de croissance extractive
1995
Exclusion des donneurs avec ATCD d’intervention neurochirurgicale
1995
Recherche et traçabilité des receveurs de PSL issus des dons des donneurs avec MCJ
1997
Exclusion des donneurs avec antécédents de transfusion, greffe d’organes, tissus et cellules
1998
Déleucocytation des CGR et concentrés de plaquettes
2000
Mise en place de nano-filtration par le Laboratoire français du fractionnement
2001
Déleucocytation du plasma
2001
Exclusion des donneurs avec séjour dans les îles britanniques pendant une durée supérieure à 1 an cumulé entre 1980 et 1996
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Figure 1 – Etiologie des 2 226 EIR immédiats en 2008.
* hors grades 0 (n = 192)
conversion du receveur a été identifiée lors de la découverte de la séroconversion VHB du donneur a posteriori, et lors de l’enquête qui a été faite chez le receveur. En 2008, 8 IBTT confirmés avec culture positive, 2 après transfusion de CGR, 5 après celle de CPA et 1 après la transfusion d’un mélange de concentrés standard de plaquettes (MCP) ont été relevés. Parmi ces IBTT, 4 des 5 cas liés à la transfusion de CPA étaient de grade 3 (3 cas) et 4 (un cas). En 2008, le TRALI a été à l’origine de 30 EIR d’imputabilité forte, 16 avec des CGR, 8 avec des CPA, 5 avec des plasmas frais congelés (PFC) sécurisés et 1 avec un mélange de concentrés de plaquettes. Sur les 30 cas de TRALI décrits, l’origine immunologique est démontrée dans 14 cas (46,6 %) avec anticorps retrouvés chez la donneuse ou chez le receveur avec présence de l’Ag correspondant chez le receveur ou le donneur ; dans 5 cas l’origine immunologique est suspecte, dans 8 cas l’origine est inconnue, enfin dans 3 cas l’origine immunologique a été exclue. Au cours de l’année 2010, un dépistage des anti-HLA classe I et II a été mis en place chez toutes les femmes ayant eu une grossesse ou plus. Cette mesure systématique vise dès à présent à ne plus prélever les femmes ayant des anticorps détectables pour les dons de plasma. L’impact de cette mesure sur la déclaration des EIR de type TRALI devra être évaluée fin 2010. Aucune contamination par le nouveau variant de la maladie de Creutzfeld-Jacob (MCJ) post-transfusionnelle n’a été déclarée en France. Pour le paludisme, deux cas fatals de paludisme posttransfusionnel en août 2002 puis en décembre 2007 ont été déclarés, et ont conduit à un renforcement immédiat
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des modalités de dépistage pour les donneurs originaires de zone d’endémie ou résidents, qui sont systématiquement dépistés à chaque don pendant 3 ans sans retour au pays, tout en maintenant la période d’éviction du don de 4 mois après le retour de zone d’endémie palustre pour tous les donneurs, voyageurs, originaires ou résidents. Aucun cas post-transfusionnel de transmission de maladie de Chagas n’a été rapporté en France [17]. Aucune contamination virale n’a été rapportée en 2008 ; sur 9 ans (2000-2008) ont été rapportés 1 contamination par le VHC (2001), 2 par le VIH (2001 et 2002), 4 par le VHB (2001-2003-2006 et 2007 mais constatée en 2008). Le risque résiduel sur la période 2006-2008 estimé par l’InVS (J. Pillonel, S. Laperche et coll., publication en cours) de prélever un don dans la fenêtre virologiquement et sérologiquement muette, donc non détectable, est de 1/2 400 000 dons pour le VIH (soit un don infecté par an), de 1/8 200 000 pour le VHC (soit 1 don infecté tous les 2,3 ans), et pour le VHB de 1/1 000 000 dons (soit 1,6 don infecté par an), enfin pour l’HTLV, le risque est évalué à 1/3 500 000. Ces résultats tiennent compte de la mise en place, depuis le 1er juillet 2001, du dépistage génomique viral (DGV) pour le VIH 1 et le VHC, ce qui permet de détecter des infections très récentes, avant même que les anticorps ne soient détectables par les tests sérologiques. Cette technique a ainsi permis de réduire la fenêtre silencieuse, de 10 jours pour le VIH-1 passant de 22 à 12 jours en moyenne et de 56 jours pour le VHC passant de 66 à 10 jours en moyenne. Le dépistage génomique viral (DGV) du VHB est introduit progressivement à partir de mars 2010, réduisant la fenêtre silencieuse à 21 jours en moyenne au lieu de 39 jours sans le DGV.
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Ces risques virologiques (tableau III) sont à comparer au risque bactérien par PSL distribué : 1/345 000 PSL, avec un risque d’accident bactérien de 1/1 500 000 pour les CGR distribués, de 1/37 000 pour les CPA, et de 1/29 000 pour les mélanges de concentrés de plaquettes standard. Les incompatibilités ABO sont évaluées à 1/183 000 par CGR distribué, soit 13 incompatibilités ABO par an. Quatre décès sont survenus en 2008, avec une imputabilité certaine, le premier dans un contexte de purpura posttransfusionnel chez un patient avec une infection rénale chronique, le deuxième chez un patient avec un anti-Jka infra-détectable dans un contexte d’hémorragie digestive, et transfusé avec 4 CGR incompatibles ; le troisième pour un TRALI à la suite de la transfusion de deux CGR chez un patient de 75 ans hospitalisé pour un syndrome myéloblastique avec des recherches d’anti-HLA de classe I et II négatives, le quatrième à la suite d’un œdème de Quincke au début d’une transfusion de plaquettes chez un patient de 75 ans dans un contexte probable de surcharge volémique. Ces 4 cas représentent un risque de survenue de 1/ 712 700 PSL distribués.
4. Conclusion Les EIR liés à la transfusion sont identifiés, déclarés et tracés, permettant d’étudier le niveau d’imputabilité de l’épisode transfusionnel. Le bilan des EIR d’imputabilité forte permet d’évaluer les risques de l’acte transfusionnel, et de prendre les mesures pour réduire leur survenue et améliorer en continu la sécurité transfusionnelle dans un contexte où les risques notamment viraux sont déjà extrêmement faibles. Les traitements d’inactivation des pathogènes par le bleu de méthylène (Macopharma®) pour les PSL plasmatiques
Références [1] Loi No 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament. [2] Décret N° 9468 du 24 janvier 1994 relatif aux règles d’hémovigilance. [3] Décret du 1er février 2006 N° 2006 - 99 relatif à l’Etablissement français du sang et à l’hémovigilance. [4] Directive 2005/62/CE de la Commission du 30 septembre 2005 portant application de la Directive 2002/98/CE du Parlement européen et du conseil concernant les normes et spécifications communautaires relatives à un système de qualité dans les établissements de transfusion sanguine. [5] Décision du 5 janvier 2007 fixant la forme, le contenu et les modalités de transmission de la fiche de déclaration d’effet indésirable survenu chez un receveur de produit sanguin labile ; JO du 16 février 2007. [6] Circulaire DGS/3B/552 du 17 mai 1985. Relative à la prévention des accidents transfusionnels et des accidents d’allo-immunisation. [7] Circulaire DGS/DHOS/AFSSAPS N° 03/ 582 du 15 décembre 2003 relative à la réalisation de l’acte transfusionnel. [8] Curtis BR, Cox NJ, Sullivan MJ. et al. The neutrophil alloantigen HNA-3a (5b) is located on choline transporter-like protein 2 and appears to be encoded by an R>Q154 amino acid substitution Blood 2010;115:2073-6. [9] Reil A, Keller-Stanislawski B, Günay S, et al. Specificities of leucocyte alloantibodies in transfusion-related acute lung injury and results of leucocyte antibody screening of blood donors. Vox Sanguinis 2008;95:313-7.
Tableau III – Principaux risques en transfusion. Risque viral par don prélevé sur la période 2006-2008 VIH avec le DGV
Risque bactérien par PSL distribué Année 2008 (8 cas)
1/2 400 000
Tous les PSL
1/356 000
VHC avec le DGV
1/8 200 000
CGR
1/1 133 000
HBV sans le DGV
1/1 000 000
CPA
1/38 000
HTLV sans la déleucocytation
1/3 500 000
MCP
1/61 000
Incompatibilité ABO par CGR distribué (9 sur les CGR / 12 au total) 1/252 000
et par le psoralène pour les produits plaquettaires (système Intercept™/Baxter®) qui sont progressivement mis en place contribuent à la réduction drastique du risque infectieux qu’il soit viral, bactérien ou parasitaire. La maîtrise des TRALI se fait progressivement, grâce aux mesures adoptées, avec des résultats prometteurs [9]. Les incompatibilités ABO et immunologiques peuvent être encore réduites. Restent les réactions allergiques, de grade 3 et 4, qui représentent un risque de survenue de 1/14 278 PSL de nature plasmatique distribués. Ainsi la transfusion de PSL est un acte sécurisé et sûr, à condition de la pratiquer avec une grande vigilance en respectant les règles strictes de délivrance et du contrôle pré-transfusionnel. L’acte transfusionnel est un acte thérapeutique qui peut encore avoir des effets indésirables malgré les progrès permanents réalisés pour améliorer la sécurité des transfusions depuis 1993. Le prescripteur doit donc toujours mesurer le bénéfice/risque pour le patient et veiller à la surveillance de l’acte, pendant et au décours de celui-ci. Conflit d’intérêt : aucun.
[10] Bruneau C, Perez P, Chassaigne M, et al. Efficacy of a new collection procedure for preventing bacterial contamination of whole-blood donation. Transfusion 2001; 41:74-81. [11] Recommandation AFS. DMS du 20 septembre 1996 relative à la désinfection cutanée au moment du don de sang. [12] Circulaire DGS/DH/AFS N°85 du 10 octobre 1995 relative à la conduite à tenir en cas d’incident bactérien lié à la transfusion sanguine. [13] Circulaire DGS/DHOS/AFSSaPS n 581 du 15 décembre 2003 relative aux recommandations concernant la conduite à tenir en cas de suspicion d’incident transfusionnel par contamination bactérienne. [14] Brouard C, de Valk H, Pillonel J pour le groupe de travail Afssaps, EFS, INTS et InVS ; Estimation quantitative du risque de contamination d’un don de sang par des agents infectieux. InVS, Rapport et plaquette (26 octobre 2007). [15] Brouard C, Bernillon P, Quatresous I, et al. pour le groupe de travail : Estimation quantitative du risque de contamination d’un don de sang par des agents infectieux, Estimation quantitative du risque de contamination d’un don de sang par le chikungunya lors de l’épidémie survenue à La Réunion, France, en 2005-2007. Bull Epidemiol Hebd 2008;18:149-52. [16] Biggerstaff BJ, Petersen LR. Estimated risk of transmission of the West Nile virus through blood transfusion in the US, 2002. Transfusion 2003;43:1007-17. [17] El Ghouzzi MH, Boiret E, Wind F, et al. Testing blood donors for Chagas’ disease in Paris area (France): First results after 18 months of screening.Transfusion 2010;50:575-83.
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