J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005 ; 34 (suppl. au n° 1) : 2S111-2S117.
Sixième table ronde Actualités en périnatalogie
Corticothérapie anténatale : bénéfices et risques C. Saizou, P. Sachs, M. Benhayoun, F. Beaufils Service de Pédiatrie Réanimation, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris. RÉSUMÉ L’efficacité de la corticothérapie anténatale a été clairement démontrée avec une diminution de la mortalité et de la morbidité chez les nouveau-nés prématurés dont les mères ont reçu une cure de corticoïdes. Il y a peu ou pas d’effets secondaires décrits. En revanche, même si les bénéfices des cures répétées sont réels notamment sur la maladie respiratoire initiale, les effets secondaires potentiels surtout sur le développement neurologique des enfants semblent trop importants pour pouvoir prescrire en routine des cures répétées. La deuxième cure peut elle être discutée. La bêtaméthasone doit être préférée à la dexaméthasone du fait des effets secondaires plus importants avec cette dernière. Des études sont encore à réaliser sur les effets de la corticothérapie surtout à long terme. Mots-clés : Corticothérapie anténatale • Prématurité • Diminution mortalité • Effets secondaires neurologiques. SUMMARY: Antenatal corticosteroids: benefits and risks. A favorable benefit-to-risk ratio is well established for a single dose of antenatal corticosteroids in women at risk of preterm delivery. The efficacy is real with an important decrease of mortality and morbidity. No adverse effects were described after one course. Possible beneficial effects of repeated courses include lower rates of RDS and a decrease in oxygen use, whereas an increasing body of evidence raises the concern of multiple short and long term adverse consequences, principally neurological. It seems rational to prescribe one course of corticosteroids. The indication for a second course should be discussed but multiples courses of this treatment should not be prescribed. We prefer betamethasone over dexamethasone because of the better side profile. Further work is needed to understand the long-term effects of this treatment. Key words: Antenatal corticosteroids • Preterm • Decrease of the mortality • Neurological impairment.
La fonction respiratoire est le premier système atteint chez les prématurés mettant en jeu leur survie du fait de l’immaturité pulmonaire. C’est dans ce domaine que les progrès les plus importants ont été effectués durant ces 20 dernières années, permettant un recul des limites de viabilité autour de 23-24 semaines d’aménorrhée (SA). Deux nouvelles thérapeutiques ont réellement changé le pronostic respiratoire des prématurés. Le surfactant en post-natal et la corticothérapie prescrite en cas de risque d’accouchement prématuré chez les mères en anténatal. L’efficacité de cette dernière sur la maturation pulmonaire du fœtus a été montrée dès les années 1970 par Liggins et Howie [1]. Son utilisation a donc été largement recommandée et le pourcentage de mères traitées a progressivement augmenté ces 20 dernières années.
Mais la corticothérapie n’est pas sans effets secondaires et l’on voit apparaître durant ces dernières années de nombreux articles sur les risques de ce traitement notamment lorsque les mères reçoivent plusieurs cures. PHYSIOPATHOLOGIE [2]
La connaissance du rôle des corticoïdes endogènes a permis de mettre en place le traitement par corticoïdes exogènes en anténatal pour notamment favoriser la maturation pulmonaire. Chez l’animal, le taux de cortisol endogène augmente vers la fin de la grossesse au moment de la différenciation des poumons et des autres tissus. Ceci est due à l’augmentation de production des corticoïdes endogènes mais aussi à l’augmentation du nombre de
Tirés à part : C. Saizou, à l’adresse ci-dessus.
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récepteurs aux corticoïdes dans les différents tissus, à la diminution du taux de la cortisol binding protein et l’augmentation de la transformation du cortisol en forme active. Chez l’homme, le taux de cortisol dans le liquide amniotique augmente de manière très importante au cours du troisième trimestre en parallèle avec le rapport lecithin/sphingomyéline témoin de la maturation pulmonaire. On a aussi une augmentation importante du taux de cortisol dans le sang du cordon à la naissance en réponse au stress du travail et de l’accouchement. Cette augmentation du taux de cortisol va entraîner entre autre une stimulation de la synthèse de surfactant. La corticothérapie anténatale semble mimer l’action des corticoïdes endogènes sur tous les tissus. Sur le poumon, où celui-ci subit durant la vie anténatale et post-natale de profonds bouleversements morphologiques, cytologiques et biochimiques. Les corticoïdes vont avoir un effet sur les cellules épithéliales et mésenchymateuses et vont affecter le développement structural du poumon autant que la différenciation cellulaire. Ces effets sont principalement, l’augmentation des tissus pulmonaires par différenciation des cellules mésenchymateuses et l’augmentation de la septation alvéolaire, l’augmentation de la production et de la sécrétion de surfactant, l’augmentation de la compliance pulmonaire, la diminution de la perméabilité vasculaire, l’augmentation de l’élimination de l’eau des poumons, la potentialisation de la réponse au surfactant, l’amélioration de la fonction respiratoire et de la survie, l’induction de la synthèse de tous les composants du surfactant et une action également anti-oxydante. Ils vont aussi avoir une action sur d’autres tissus comme le foie, l’intestin, la peau, le rein, le cerveau, le système cardio-vasculaire avec à chaque fois une maturation plus rapide de tous ces tissus. Les corticoïdes vont agir principalement en se liant à leur récepteurs sur les différents tissus et notamment au niveau pulmonaire sur les pneumocytes de type II synthétisant le surfactant. Les études faites in vitro ont montré que l’on avait une réversibilité de l’effet des corticoïdes par relargage de ceux-ci par les récepteurs. Ceci explique que l’effet du traitement est maximum entre 24 h et 7 jours après les injections. On a aussi un effet dose-réponse : la courbe doseréponse montre qu’il y a un taux minimum à atteindre pou avoir une efficacité mais aussi un taux au-delà duquel la réponse n’augmente plus du fait de la saturation des récepteurs aux corticoïdes.
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Les doses à atteindre correspondent au taux de cortisol que l’on a normalement en réponse à un stress. C’est à partir de ces données qu’ont été établi les règles de traitement. Les corticoïdes utilisés ne doivent pas être inactivés lors du passage transplacentaire. Ils doivent avoir une activité gluco-corticoïde intrinsèque importante et une activité minéralo-corticoïde aussi faible que possible. Les corticoïdes de synthèse doivent être préférés car ils ont une affinité pour leur récepteur cellulaire supérieure à celle des corticoïdes naturels. La dexaméthasone (Soludécadron) et la bêtaméthasone (Célestène) ont ces propriétés. L’hydrocortisone n’est pas utilisé car il faut des doses très importantes. La prednisone (Cortancyl), la prednisolone (solupred), la méthyl-prednisolone (Solumédrol) sont inactivées pour au moins la moitié de leur concentration maternelle lors de leur passage transplacentaire. Les doses optimales ont été définies : pour la bêtaméthasone 12 mg permettent de saturer plus de 75 % des récepteurs. La dose est répétée une fois au bout de 24 heures dans le but théorique d’augmenter la durée de saturation des récepteurs et permettre ainsi une synthèse optimale de surfactant. Bêtaméthasone sous forme de Célestène chronodose : 12 mg IM 2 fois à 24 heures d’intervalle. Soludécadron : 6 mg toutes les 12 heures durant 48 heures IM. EFFETS POSITIFS
Les effets bénéfiques de la corticothérapie anténatale sont connus depuis longtemps. Ils ont été revus dans la méta-analyse de Crowley [2] en 2000. Les principaux effets sont la moindre incidence de la détresse respiratoire néonatale ou MMH, de l’HIV et une réduction significative de la mortalité. Effets sur la pathologie pulmonaire
Deux premières larges études ont prouvé la diminution du nombre de MMH chez les fœtus dont la mère avait reçu des corticoïdes en anténataux. Celle de Liggins et Howie [1], en 1972. Elle a montré une diminution de l’incidence de la MMH d’environ 30 %, de 15,6 à 10 % sur 853 enfants. Il y avait même une diminution de 60 % de l’incidence de la MMH (23,7 à 8,8 %) dans le sous-groupe des enfants nés entre 24 heures et 7 jours après le traitement par corticoïdes. Dans l’étude du Collaborative Group on Antenatal Steroid Therapy [3] de 1981, il y avait
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baisse de 16,1 à 10,1 % de l’incidence de la MMH chez des nouveau-nés de mères traitées par corticoïdes. Dans la méta-analyse de Crowley [2] de 2000 analysant 18 études randomisées, on avait une diminution globale de la MMH de environ 50 %. La dexaméthasone et la bêtaméthasone étaient aussi efficace l’une que l’autre. L’hydrocortisone n’a en revanche pas les mêmes effets positifs. Cet effet positif est retrouvé dans presque tous les sous-groupes étudiés. Cependant, même s’il existe une tendance à la diminution du nombre de MMH dans le groupe des moins de 28 SA la différence est moins nette du fait du plus faible nombre d’enfant et le risque toujours plus important chez ces enfants de faire une MMH. Lorsque l’on regarde l’efficacité du traitement par rapport à la date de celui-ci, il est clair que le maximum d’efficacité est entre 48 heures et 7 jours après le traitement (odds ratio 0,35). Lorsque l’accouchement survient moins de 48 heures ou plus de 7 jours après le traitement, il y a une tendance à la diminution du nombre de MMH mais ce n’est pas significatif. La corticothérapie anténatale est clairement bénéfique sur l’incidence de la MMH. En revanche, elle ne semble pas avoir d’influence sur la survenue d’une maladie respiratoire chronique comme le montre la méta-analyse de Crowley [2] en 2000 et l’étude de Whright et al. [4] en 1995. Certaines études semblent cependant montré une moindre gravité de la dysplasie bronchopulmonaire chez les enfants ayant reçus la corticothérapie mais les preuves sont encore insuffisantes. AUTRES EFFETS BÉNÉFIQUES Neurologiques
Dans la méta-analyse de Crowley [2], on trouve une diminution de près de 50 % du nombre de HIV chez les enfants ayant reçu la corticothérapie par rapport aux enfants non traités (odds ratio de 0,5). Cet effet semble indépendant de la diminution du nombre de MMH. En revanche, on observe aussi une diminution du nombre de nouveau-nés avec des leucomalacies priventriculaires : Canterino et al. [5] ont ainsi montré sur 1161 nouveau-nés de 24 à 34 SA une diminution de 50 % du risque de développer une leucomalacie péri-ventriculaire lorsque les mères avaient reçu la corticothérapie anténatale. Les mêmes résultats sont retrouvés par Agarwal et al. [6] chez 224 enfants nés avant 31 SA.
Mais il semble cependant que l’effet de la corticothérapie anténatale sur la leucomalacie n’est pas la même selon le type de corticoïdes employé. En effet, Baud et al. [7] ont montré sur une cohorte de 883 nouveau-nés nés entre 24 et 31 SA dont 361 ont reçu de la bêtaméthasone, 165 de la dexaméthasone et 357 aucun traitement en anténatal, qu’il y avait 4,4 % de leucomalacie chez les enfants traités par bêtamétasone, 11 % chez ceux traités par dexaméthasone et 8,4 % chez les enfants non traités. La cause de cette augmentation du nombre de leucomalacie est peut être en rapport avec l’excipient utilisé dans la bêtamétasone : les sulfites. L’amélioration de la fonction respiratoire et les autres effets positifs ont naturellement entraîné une baisse de la mortalité. Liggins et Howie [1] ont montré une diminution de 50 % du taux de mortalité soit un passage de 11,6 à 6 %. La méta-analyse de Crowley [2] le montre également avec un odds ratio de 0,6. Ces effets bénéfiques ne sont retrouvés que chez les enfants de moins de 34 SA car les risques de MMH, HIV et autres sont faibles chez les enfants de plus de 34 SA. Le traitement par corticoïdes n’est donc plus indiqué après 34 SA. Hémodynamiques
La corticothérapie anténatale a un effet sur l’équilibre hémodynamique post-natal. Le délai d’action de ce traitement est beaucoup plus court que pour la maturation pulmonaire : moins de 24 heures. Demarini et al. [8] ont ainsi montré dans une étude prospective sur 80 enfants nés de mère traitées et 98 enfants nés de mères non traitées par corticoïdes en anténatal pesant de 500 à 1400 g que les tensions moyennes étaient significativement plus élevées dans le groupe traité et ceci dès les premières de vie. Il y avait aussi une diminution du nombre des expansions volémiques (3,8 ± 8,5 ml/kg contre 14,4 ± 20,7 ml/kg dans le groupe non traité) et une diminution de l’utilisation des drogues vasopressives (2,5 % contre 11,5 %). Les modes d’action évoqués sont : — augmentation du volume plasmatique par déplacement du volume intra-cellulaire ; — stimulation de la synthèse d’angiotensinogène dans les cellules hépatiques ; — inhibition de la synthèse de prostaglandines qui sont des vasodilatateurs ; — augmentation de la réponse des vaisseaux aux alfa mimétiques ; — inhibition de la synthèse de NO.
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Ces effets sur la régulation tensionnelle peuvent expliquer en partie la diminution des hémorragies intra-cérébrales chez les enfants dont les mères ont reçu la corticothérapie anténatale. La corticothérapie va aussi agir sur le canal artériel en favorisant sa fermeture spontanée ou non et sa non réouverture. Le mécanisme d’action semble être une inhibition de la production de prostaglandines par les corticoïdes. Ceci est observé dans tous les groupes de prématurés comme le montre Crowley [9] en 1995 dans une méta-analyse : chez les enfants de 500 à 1500 g, 18 % de persistance de canal artériel contre 34 % ; chez les moins de 1000, 18,8 % versus 44,4 % ; chez les enfants de moins de 2 kg, 6,5 % versus 44 %. Dans l’étude d’Eronen et al. [10] en 1993, aucun enfants nés avant 30 SA n’a fermé leur canal spontanément lorsqu’ils n’avaient pas reçus de corticoïdes (0 sur 10) contre 35 % (6 sur 17) dans le groupe traité. Digestif
Il semble qu’il y ait moins d’entérocolite ulcéronécrosante par stimulation directe de la maturation intestinale et régulation de la réponse inflammatoire. Fonction rénale
Les corticoïdes ont une action sur la maturation rénale. Chez l’animal, il a été montré que les nouveaunés traités ont une meilleure tolérance des expansions volémiques du fait d’une maturation rénale meilleure et de la diminution du syndrome de fuite capillaire. Les animaux traités ont en effet une meilleure clairance de la créatinine et vont donc pouvoir augmenter l’excrétion d’eau et de sodium après une expansion volémique. EFFETS SECONDAIRES
Les effets secondaires sont le plus souvent décrits lorsque les mères ont reçu plusieurs cures de corticoïdes. Il faut distinguer aussi les effets secondaires à court et à long terme. Effets secondaires après une cure de corticoïdes [11]
Effets secondaires à court terme Les effets secondaires précoces d’une seule cure de corticoïdes semblent peu fréquents et réversibles. La méta-analyse de Crowley [2] ne relève pas d’effets secondaires significatifs. Le nombre de nais-
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sances prématurés est identique dans les deux groupes. Il n’y a pas plus d’infections chez les nouveaunés même en cas de rupture prolongé des membranes. En revanche, davantage d’infections maternelles sont observées lorsque l’on a une rupture de la poche des eaux de plus de 24 heures (odds ratio 6,04). Les principaux effets secondaires rencontrés sont : — action sur l’axe corticotrope chez la mère, Helal et al. [12] ont ainsi montré chez 10 mères traitées qui avaient un taux de base de cortisol avant traitement normal que 4 de ces 10 femmes avaient 1 semaine après la première cure de corticoïdes un taux de cortisol de base significativement plus bas qu’avant avec une moins bonne réponse à la stimulation par ACTH. Sept femmes sur 10 avaient un taux de cortisol bas et une mauvaise réponse à la stimulation par ACTH une semaine après la deuxième cure de corticoïdes. Aucune femme n’a eu de signes d’insuffisance surrénale ; — modification de la fonction cardiaque, chez les fœtus animaux, des doses importantes de corticoïdes entraînent une hypertension. Chez le fœtus humain, la corticothérapie anténatale modifie le rythme cardiaque fœtal mais l’impact sur une possible hypertension chez l’adulte plus tard n’est pas connu ; — mouvements fœtaux et RCF, Derks et al. [13] ont étudié en 1995 les mouvements fœtaux et le RCF de 31 femmes ayant reçu une cure de bêtaméthasone entre 26 et 32 SA en comparant les valeurs à celles obtenues le jour précédent l’injection. On a une diminution de 50 % des mouvements actifs fœtaux à J2 de traitement et une diminution du rythme cardiaque fœtal significativement à J2 et J3 de traitement. Les valeurs reviennent à la normale à J4 ; — Mulder et al. [14] ont ensuite cherché à savoir si les mêmes effets sont retrouvés avec la dexaméthasone dans une étude randomisée ou 60 femmes recevait soit la bêtaméthasone soit la dexaméthasone. On avait une diminution de 24 % de la variabilité du rythme cardiaque fœtal avec la bêtaméthasone ainsi qu’une diminution de 49 % des mouvements actifs et 85 % des mouvements respiratoires à J2. Avec la dexaméthasone, au contraire, on a une augmentation de la variabilité d u rythme cardiaque de 24 % à J2. Dans les 2 cas, tous les paramètres reviennent à la normale en 4 jours. Il n’y a pas d’effets secondaires connus au long terme. Magee et al. [15] n’ont pas retrouvé ces résultats : ils n’ont pas noté de différence entre les 2 molécules ; — croissance fœtale, après une seule cure de corticoïdes, il n’est pas noté de ralentissement de la croissance fœtale. Mais les études sur cette croissance
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ont le plus souvent été faites sur des enfants de plus de 28 SA ; — développement neurologique, après une cure de corticoïdes, il n’y a pas d’effets secondaires notés. On a plutôt des effets positifs comme le montre la métaanalyse de Crowley [2] ; — effet sur la MAP, les corticoïdes endogènes sont impliquées dans le déclenchement du travail. Chez des femmes multipares, il a été montré par Elliott et al. [16] en 1995 que le nombre de contractions était significativement plus nombreuses après une cure de corticoïdes. Il n’y a pas d’études chez les singletons mais il semble que le risque est moindre ; — les corticoïdes endogènes sont aussi impliqués dans le métabolisme lipidique. La corticothérapie anténatale entraîne une augmentation du taux de cholestérol et des lipoprotéines dans le sang du cordon des enfants nés prématurés. Les effets de cette augmentation transitoire ne sont pas connus ; — action sur le système immunitaire, les corticoïdes sont connus pour entraîner une immunodépression. Peu d’études ont été faites sur l’effet de la corticothérapie anténatale sur le système immunitaire des prématurés. Quelques études ont notés une augmentation du nombre de neutrophiles de 50 %, une diminution du nombre de lymphocytes, mais il ne semble pas y avoir de retentissement sur le devenir des nouveau-nés. Effets secondaires à long terme Avec une cure de corticoïdes, peu d’effets secondaires sont retrouvés. Dans l’étude de Schaap et al. [17] chez des prématurés hypotrophes, les enfants dont les mères avaient reçu des corticoïdes avaient moins de handicap neurologique. Ils avaient, en revanche, un retard de croissance à l’âge scolaire plus important que chez les enfants dont les mères n’avaient pas été traitées. Chez l’animal, on décrit davantage d’hypertension artérielle et de diabète lorsque les animaux ont reçu en anténatal des corticoïdes. Dans l’étude de Doyle et al. [18], sur le devenir de 210 prématurés de moins de 1500 g à 14 ans, on a une augmentation des pressions moyennes plus élevées chez les enfants dont les mères avaient reçu des corticoïdes sans que les chiffres tensionnels soient au-dessus des normes cependant. Corticothérapie anténatale et grossesses compliquées [19] Après une cure de corticoïdes, il n’y a pas d’effets secondaires décrits chez les femmes hypertendues ou
avec une rupture prolongée de la poche des eaux. Il n’y a pas d’études sur les mères diabétiques. Multiples cures de corticoïdes [20-22]
Les effets de la corticothérapie anténatale étant provisoires, notamment sur la synthèse de surfactant, il a été conseillé de répéter les cures de corticoïdes tous les 7 jours si le risque de naissance prématuré persistait. Mais si les bénéfices respiratoires sont toujours décrits avec les multiples cures, des effets secondaires que ce soit pour les mères ou les enfants sont de plus en plus rapportés. Ces effets ont d’abord été décrits chez l’animal [23]. Effets sur les poumons : les multiples cures sont plus efficaces qu’une seule cure sur la compliance pulmonaire, la production de surfactant. Les multiples cures semblent aussi diminuer la production de radicaux libres et augmenter la synthèse des enzymes anti-oxydantes ce qui est important pour la prévention de la dysplasie bronchopulmonaire. Mais en revanche, une diminution de près de 27 % de la croissance pulmonaire est observée après 3 cures de corticoïdes dans l’étude de Stewart et al. [24]. On décrit aussi plusieurs effets néfastes de la corticothérapie sur la structure même des poumons : diminution du contenu protéique pulmonaire et du rapport poids des poumons/poids corporel qui semble régresser en postnatal, diminution de la prolifération cellulaire, amincissement des septa inter-alvéolaires et retard de développement du système capillaire [7]. Ces effets semblent transitoires en cas de cure unique mais peuvent être durable si les cures sont répétées. Effets sur le cerveau : chez les singes, une dégénérescence neuronale et une diminution du nombre de neurones dans l’hippocampe sont observées. Chez le mouton, on a une diminution du volume global du cerveau, altération de la myélinisation du nerf optique avec diminution du diamètre de l’œil. Effets sur la croissance : toutes les études montrent une réduction du poids des organes et de du poids de naissance lorsque l’on plusieurs cures de corticoïdes chez tous les animaux. Chez l’homme, les études sont plus difficiles à faire car les femmes qui ont reçu de multiples cures ne sont pas les mêmes que celles qui n’ont eu qu’une cure. L’âge gestationnel de la première cure n’est notamment souvent pas le même. Il y a peu d’études randomisées mais surtout des études rétrospectives.
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Toutes les études montrent une réduction de la gravité ou du nombre d’enfants ayant une MMH lorsque les mères ont reçu plusieurs cures de corticoïdes. Mais les autres résultats sur les effets secondaires surtout neurologiques sont souvent contradictoires du fait probablement du nombre important de variables à prendre en compte. Il y a 3 études randomisées. Elles trouvent toutes une diminution du nombre de maladie respiratoire avec plusieurs cures par rapport à une. Guinn et al. [25] trouvent une augmentation du nombre d’HIV ce que ne retrouvent pas les autres. Toutes ces études montrent globalement un retard de croissance plus important chez les enfants ayant reçu plusieurs cures. Il est aussi noté une augmentation des troubles du comportement chez ces enfants. Dans les études rétrospectives, les résultats sont également souvent discordants notamment sur les effets neurologiques des cures répétées de corticoïdes. Par exemple, French et al. [26] ont ainsi trouvé qu’il y avait davantage d’hyperactivité chez ces enfants à 3 ans alors que dans l’étude de Thorp et al. il n’y a pas de différence entre une et plusieurs cures. Abbasi et al. [27] ont montré sur 609 mères qui avaient reçu de 1 à 12 cures de corticoïdes que les enfants ayant reçu plusieurs cures avaient un périmètre crânien significativement plus petit que les enfants n’ayant reçu qu’une seule cure. L’évaluation du nombre d’enfants ayant des lésions de leucomalacies péri-ventriculaires est aussi difficile. Certaines études montrent une diminution du nombre d’enfants atteints avec des cures répétées, d’autres plutôt une augmentation, comme celle de Spinillo et al. [28] en 2004. Là aussi de nombreux facteurs interviennent avec notamment le type de corticoïdes utilisé. Plusieurs études ont en effet montré une moindre efficacité de la dexaméthasone sur la maturation pulmonaire et une augmentation du nombre d’enfants avec des lésions de leucomalacies [7]. D’autres effets secondaires autres que neurologiques sont aussi décrits : — Yunis et al. [29] décrivent la survenue d’une cardiomyopathie hypertrophique chez 3 enfants dont les mères avaient reçu 5 à 16 cures de corticoïdes ; — Bradley et al. [30] ont décrit un syndrome de Cushing chez des enfants ayant reçu plus de 7 cures de corticoïdes en anténatal ; — davantage d’infections maternelles sont décrites ; — augmentation du nombre de diabète (23,8 contre 4 % dans l’étude de Fisher et al. [31]).
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CONCLUSION
Le bénéfice de la corticothérapie anténatale est indiscutable. Grâce à ce traitement et à l’administration post-natal de surfactant la mortalité et la morbidité néonatale ont nettement diminué. Il y a peu ou pas d’effets secondaires décrits avec une cure de corticoïdes. Le rapport bénéfice-risque est donc très nettement en faveur de la corticothérapie anténatale. Cependant, les effets secondaires surtout à long terme et notamment sur le développement neurologique des enfants après des cures répétées de corticoïdes sont encore mal connus. Les études animales donnent des résultats inquiétants avec notamment une importante diminution du volume cérébral. Les études chez l’homme sont difficiles à faire car nécessite un grand nombre d’inclusion en tenant compte de nombreux paramètres mais certains résultats semblent confirmer ceux des études animales. La première cure de corticoïdes n’est donc pas discutable actuellement dans les menaces d’accouchement prématuré entre 24 et 34 SA avec préférentiellement la bêtaméthasone du fait des risques de leucomalacie accrue avec la dexaméthasone. La deuxième cure est à discuter selon les cas. En revanche, il ne paraît pas raisonnable de prescrire de multiples cures avant d’avoir des résultats d’études complémentaires. RÉFÉRENCES 1. Liggins GC, Howie RN. A controlled trial of antepartum glucocorticoid treatment for prevention of the respiratory distress syndrome in premature infants. Pediatrics 1972; 50: 515-25. 2. Crowley P. Prophylactic corticosteroids for preterm birth. Cochrane Database Syst Rev 2000: CD000065. 3. Effect of antenatal dexamethasone administration on the prevention of respiratory distress syndrome. Am J Obstet Gynecol 1981; 141: 276-87. 4. Wright LL, Horbar JD, Gunkel H, Verter J, Younes N, Andrews EB et al. Evidence from multicenter networks on the current use and effectiveness of antenatal corticosteroids in low birth weight infants. Am J Obstet Gynecol 1995; 173: 263-9. 5. Canterino JC, Verma U, Visintainer PF, Elimian A, Klein SA, Tejani N. Antenatal steroids and neonatal periventricular leukomalacia. Obstet Gynecol 2001; 97: 135-9. 6. Agarwal R, Chiswick ML, Rimmer S, Taylor GM, McNally RJ, Alston RD et al. Antenatal steroids are associated with a reduction in the incidence of cerebral white matter lesions in very low birthweight infants. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2002; 86: F96-F101. 7. Baud O, Foix-L’Helias L, Kaminski M, Audibert F, Jarreau PH, Papiernik E et al. Antenatal glucocorticoid treatment and cystic periventricular leukomalacia in very premature infants. N Engl J Med 1999; 341: 1190-6. 8. Demarini S, Dollberg S, Hoath SB, Ho M, Donovan EF. Effects of antenatal corticosteroids on blood pressure in very low birth
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J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 34, supplément au n° 1, 2005
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