Prise en charge anesthésique des craniotomies en état vigile

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 23 (2004) 389–394 www.elsevier.com/locate/annfar Réunion de neuro-anesthésie-réanimations Prise en...

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 23 (2004) 389–394 www.elsevier.com/locate/annfar

Réunion de neuro-anesthésie-réanimations

Prise en charge anesthésique des craniotomies en état vigile> Anaesthetic management of awake craniotomy V. Bonhomme a,*, J.-D. Born b, P. Hans a a

Service universitaire d’anesthésie–réanimation, CHR de la Citadelle, 4000 Liège, Belgique b Service de neurochirurgie, CHR de la Citadelle, 4000 Liège, Belgique Disponible sur internet le 11 mars 2004

Résumé Dans cet article de revue, les auteurs analysent la prise en charge des patients soumis à une craniotomie en état vigile, à la lumière des données disponibles dans la littérature et de leur expérience personnelle. Les indications de ce type d’intervention sont discutées ainsi que la prise en charge du patient, depuis la mise au point préopératoire jusqu’à l’intervention. L’accent est mis sur la stratégie anesthésique, le contrôle de la ventilation, le choix des agents anesthésiques, et les complications potentielles. Les auteurs soulignent le caractère délicat de la procédure de même que la nécessité d’une sélection rigoureuse des patients et d’une préparation optimale. Ils mentionnent le besoin de réaliser des études avec groupe contrôle pour valider les techniques proposées. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract This review article presents a detailed analysis of patients’ management for awake craniotomy, at the light of the available data in the literature and the authors’ experience. Indications of this type of surgery are discussed as well as anaesthetic management itself, from preoperative assessment of the patient to peroperative concerns. Anaesthetic strategy, choice of anaesthetic agents, anaesthetic technique, and management of the airway and possible complications are discussed. The authors emphasize the tricky aspect of the procedure, the necessity of rigorous patient selection and good preparation. They emphasize the need for controlled studies to validate the proposed techniques. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Craniotomie ; État vigile ; Prise en charge anesthésique ; Revue Keywords: Awake craniotomy; Anaesthetic management; Review

1. Introduction Les craniotomies en état vigile se pratiquent lors d’interventions neurochirurgicales intracrâniennes qui requièrent la collaboration du patient à différents moments de l’intervention, ou qui nécessitent la réalisation de cartographies électrophysiologiques corticales précises en minimisant au maximum les interférences que peut provoquer l’administration d’agents anesthésiques avec ce type d’enregistrements [1]. Travail présenté aux XXVe Journées de neuroanesthésie–réanimation de langue française, Paris, 19–20 novembre 2003. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Bonhomme). >

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2004.01.008

Les indications de la craniotomie en état vigile se regroupent en trois grandes catégories. Les deux premières sont le repérage électrocorticographique et l’exérèse de lésions situées dans ou à proximité de régions motrices ou de territoires fonctionnels en rapport avec certaines fonctions cérébrales supérieures essentielles telles que le langage ou la vision. La troisième catégorie concerne le traitement de lésions vasculaires dont l’exérèse ou l’oblitération pourrait avoir des conséquences sur la vascularisation de territoires fonctionnellement importants. Dans ce contexte, l’équipe neurochirurgicale amenée à poser l’indication opératoire se trouve confrontée à un dilemme : la résection large d’une lésion augmente les chances de survie à long terme et diminue les risques de récidive, mais elle augmente également les risques de déficit fonctionnel majeur susceptible de compromettre gravement la qualité

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de vie du patient [2]. La solution à ce problème dépend de nombreux facteurs, y compris les propres souhaits du patient, et réside dans l’analyse circonstanciée des données au cas par cas. Les progrès de l’imagerie cérébrale et de la neuronavigation permettent actuellement des résections lésionnelles très précises, pour autant que l’immobilité de la tête du patient soit garantie pendant toute l’intervention, ce qui apporte une difficulté supplémentaire à la prise en charge anesthésique, particulièrement lors de craniotomies en état vigile. Lorsque des régions motrices sont concernées, la localisation du cortex moteur à l’aide de stimulations électriques et d’enregistrements électromyographiques peut se faire sous anesthésie générale chez un patient non curarisé [3]. Cette technique de stimulation corticale n’exclut toutefois pas le risque de lésions en profondeur lors de l’acte chirurgical et doit être combinée à la neuronavigation. Des considérations anesthésiques doivent également entrer en ligne de compte, qui sont liées à un certain nombre de risques supplémentaires associés à la technique et que nous détaillerons ci-dessous. Par conséquent, les indications de la craniotomie en état vigile doivent non seulement faire l’objet d’une réflexion multidisciplinaire mais sont de plus en plus rares. Elles se limitent essentiellement à la chirurgie de l’épilepsie et aux interventions impliquant les régions fonctionnelles du langage, c’est-à-dire des régions physiologiques (langage) ou pathologiques (épilepsie), non repérables par les seules techniques d’imagerie cérébrale et de neuronavigation. Certains auteurs proposent d’utiliser cette technique anesthésique, associée à une cartographie cérébrale précise, radiologique et électrophysiologique, pour la résection de tumeurs cérébrales intra-axiales, avec pour but avoué de pouvoir réduire au maximum la durée d’hospitalisation des patients, voire de permettre une hospitalisation d’un seul jour, sans aucun but fonctionnel direct [4–6]. Ils insistent sur une sélection rigoureuse des patients fondée sur l’état fonctionnel préopératoire, la profondeur de la tumeur, la présence d’œdème périlésionnel, et la facilité d’accès à une institution hospitalière en cas de problème après le retour à domicile. Toutefois, les complications après résection tumorale intracrânienne ont très fréquemment d’emblée des conséquences dramatiques et mettent en jeu la vie du patient. Il ne paraît par conséquent pas raisonnable d’appliquer cette technique de façon routinière.

2. Objectifs poursuivis Les objectifs poursuivis lors de la prise en charge anesthésique des craniotomies chez le patient éveillé sont de plusieurs ordres (Tableau 1). Le premier objectif est de pouvoir bénéficier de la collaboration du patient lors de l’évaluation peropératoire des fonctions neurologiques. Cet objectif implique une analgésie optimale, une sédation et une anxiolyse adaptées aux événements chirurgicaux, et la prévention de tout inconfort et effet secondaire tels que nausées, vomissements et crises comitiales. Le second objectif est d’ordre

Tableau 1 Objectifs spécifiques poursuivis lors de la prise en charge anesthésique des craniotomies en état vigile Collaboration du patient • Analgésie optimale • Sédation et anxiolyse adaptées aux événements chirurgicaux • Installation confortable • Prévention des nausées, vomissements, crises comitiales Homéostasie • Sécurité des voies aériennes et ventilation adéquate • Stabilité hémodynamique • Relaxation intracrânienne Chirurgie de l’épilepsie • Limiter les interférences avec les enregistrements électrophysiologiques

homéostatique : il convient d’assurer la sécurité des voies aériennes et une ventilation adéquate, ainsi qu’une bonne stabilité hémodynamique et une bonne relaxation intracrânienne. Dans le cas particulier de la chirurgie de l’épilepsie, il importe d’éviter au maximum l’influence des agents anesthésiques administrés sur les enregistrements électrophysiologiques. Si ces objectifs sont atteints, ils garantissent des conditions optimales de travail pour le neurochirurgien. Ce sont ces objectifs qui vont déterminer la stratégie anesthésique.

3. Évaluation et préparation préopératoires 3.1. Évaluation clinique du patient Il convient d’apporter une attention particulière à certains points (Tableau 2) : • la conformation des voies aériennes supérieures avec évaluation du risque d’intubation difficile et évaluation du risque d’apnée obstructive (obésité, apnée du sommeil, rétrognatie) ; • le risque comitial peropératoire (traitement adapté, concentration sanguine thérapeutique, présence de crises et fréquence de celles-ci) ; • la susceptibilité aux nausées et vomissements (antécédents anesthésiques, mal des transports) ; • la pression intracrânienne (la relaxation cérébrale peut s’avérer plus difficile à assurer chez un patient sédaté en ventilation spontanée que chez un patient anesthésié et en ventilation contrôlée) ; • le risque hémorragique ; • le degré d’anxiété, de tolérance à la douleur, et les atteintes neurologiques fonctionnelles susceptibles de compromettre la collaboration médecin–patient pendant la chirurgie (mouvements anormaux, troubles phasiques). 3.2. Préparation du patient La chirurgie intracrânienne à l’état d’éveil nécessite une préparation psychologique. Cette préparation doit être le fait

V. Bonhomme et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 23 (2004) 389–394 Tableau 2 Évaluation préopératoire spécifique des patients soumis à une craniotomie en état vigile Voies aériennes supérieures • Rechercher les signes d’intubation difficile (conformation, antécédents) • Apprécier le risque d’apnée obstructive (obésité, apnées du sommeil, rétrognatie) Épilepsie • Traitement en cours • Taux sériques • Présence de crises, fréquence et type de crises Nausées et vomissements • Antécédents anesthésiques • Mal des transports Pression intracrânienne • Type de lésion • Signes radiologiques indirects et signes cliniques d’hypertension intracrânienne Risques hémorragiques • Type de lésion et localisation • Thérapeutique en cours (antiplaquettaires) • Antécédents Collaboration du patient • Anxiété • Troubles neurologiques

de l’équipe neurochirurgicale et neuroanesthésique. Les tenants et aboutissants de l’intervention, ainsi que les raisons pour lesquelles elle est pratiquée en état d’éveil doivent être expliqués au patient. La procédure à laquelle il va être soumis peut être longue et est susceptible d’entraîner un certain inconfort. Le patient doit être parfaitement conscient de ce que l’on attend de lui. Il doit être informé de la séquence des événements, des risques associés, ainsi que des mesures qui seront prises pour limiter au mieux les inconvénients. Rassurer est un élément déterminant de succès. Pour les patients dont la lésion est située à proximité d’une zone du langage, un test préalable identique à celui qui sera utilisé en période peropératoire facilitera la réalisation de celui-ci pendant l’intervention et en évaluera la faisabilité [7]. 3.3. Prémédication L’objectif de la prémédication est de trouver l’équilibre entre une réduction de l’anxiété du patient, d’une part, et l’altération de ses capacités de coopération ainsi que l’interaction avec les agents qui seront utilisés pour l’analgosédation, notamment en termes de dépression respiratoire, d’autre part. L’administration d’une benzodiazépine à faible dose comme l’alprazolam à 0,01 mg/kg [8], ou de clonidine (1 à 2 µg/kg), dont on tirera avantage des propriétés sédatives, de stabilisation hémodynamique et antiémétiques, peut être discutée [9,10]. Il faut garder à l’esprit que l’administration de benzodiazépines s’accompagne dans certains cas d’une réaction paradoxale d’agitation. Certains auteurs ne donnent aucune prémédication à visée sédative [11]. L’utilisation de l’atropine en prémédication est discutable, car elle est susceptible de provoquer une sécheresse de bouche qui peut

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s’avérer très inconfortable pour le patient. La plupart des auteurs associent à la prémédication l’administration de corticoïdes (dexaméthasone) pour réduire l’œdème cérébral, et l’incidence des nausées et vomissements, ainsi que l’administration d’antiépileptiques [12,13], en poursuivant la thérapeutique en cours ou en l’instaurant. Certains auteurs administrent également de manière préventive des médicaments antiémétiques tels que le métoclopramide et l’ondansétron, ainsi que des médicaments qui réduisent l’acidité gastrique comme la ranitidine [14]. L’administration de ces substances doit faire l’objet d’une évaluation au cas par cas, en fonction des antécédents du patient. La prévention des thromboses veineuses profondes est d’application. Il convient d’administrer une héparine de bas poids moléculaire 12 heures avant l’intervention et de prévoir la mise en place de bas antithrombotiques avant l’arrivée du patient en salle d’opération.

4. Prise en charge peropératoire L’objectif principal de la prise en charge anesthésique des craniotomies en état vigile est de pouvoir ajuster rapidement le niveau d’analgésie et de sédation du patient en fonction des temps opératoires, tout en évitant les effets secondaires. Ceci oriente le choix vers des agents anesthésiques de très courte durée d’action, dont l’effet est aisément titrable. De plus, assurer une ventilation adéquate du patient est indispensable mais est en contradiction avec la nécessité d’avoir un patient conscient, coopérant, et capable de parler à certains moments de l’intervention. 4.1. Choix des agents anesthésiques Parmi les agents anesthésiques disponibles, le propofol et le rémifentanil sont les plus souvent recommandés [8,13,9]. Le propofol, particulièrement lorsqu’il est utilisé sous la forme d’une anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC), offre des caractéristiques quasiment idéales comme agent de sédation dans ces circonstances [8,13,15] : effet rapide, titration aisée, récupération généralement douce et rapide. Il exerce un effet dépresseur sur la ventilation qui peut être important s’il est associé à des morphiniques [16]. Par ailleurs, à des concentrations subanesthésiques, il peut induire une certaine agitation motrice et des mouvements anormaux. Son administration optimale doit par conséquent être réalisée sous la forme d’une AIVOC qui permet un meilleur contrôle du niveau de sédation. Idéalement, il convient de guider cette administration en surveillant l’importance de l’hypnose avec l’Index Bispectral (BIS®) [8]. Le propofol possède comme autre avantage de ne pas influencer de manière prolongée les enregistrements électrocorticographiques réalisés au cours de la chirurgie de l’épilepsie après arrêt de son administration [17,18]. Les neuroleptiques doivent être évités car l’incidence des crises comitiales est plus importante lorsqu’ils sont utilisés [18]. Le midazolam offre

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une moins grande souplesse d’utilisation que le propofol. Le rémifentanil est un agent de choix pour assurer l’analgésie au cours de l’intervention. Ses propriétés pharmacocinétiques lui permettent de détrôner tous les autres dérivés morphiniques dans cette indication. Son administration à l’aide d’un dispositif de type AIVOC offre les meilleures conditions de titration [8]. L’utilisation de fentanyl, de sufentanil ou d’alfentanil est possible mais ne se justifie pas [11]. Un a2agoniste, la dexmédétomidine, a été utilisé avec succès sous la forme d’une perfusion continue guidée par le BIS™ comme agent de sédation au cours d’une craniotomie en état d’éveil [19]. Elle possède d’excellentes propriétés sédatives et analgésiques, un profil pharmacocinétique intéressant et l’absence de dépression de la ventilation, mais elle n’est malheureusement pas disponible en Europe à l’heure actuelle. Elle pourrait avoir également des propriétés proconvulsivantes [20]. Enfin, les agents anesthésiques halogénés ne sont pas adaptés à ce genre de procédure, en raison de la difficulté de leur administration à un patient dont la ventilation n’est pas contrôlée. La kétamine nous paraît rarement indiquée en raison de ses effets électrophysiologiques (activité proconvulsivante), de ses effets sur la pression intracrânienne et de son profil pharmacocinétique. En conclusion, le meilleur choix en terme d’agents anesthésiques semble être, en fonction de ce qui a été mentionné ci-dessus, l’association propofol–rémifentanil dont l’administration sera guidée par l’usage du BIS®. 4.2. Techniques, choix de la technique, évaluation risque–bénéfice

nez et du pharynx peut aider à limiter le risque d’apnée obstructive. Une canule de Mayo est souvent mal tolérée. Certains utilisent cette technique de ventilation spontanée chez des patients qui respirent spontanément au travers d’un masque laryngé tout au long de l’intervention, avec des résultats mitigés qui dépendent du régime anesthésique administré [12,21]. D’autres auteurs utilisent la ventilation non invasive en pression positive sous la forme d’une pression positive biphasique ou sous la forme d’une ventilation assistée proportionnelle, au travers d’un masque nasal [22]. Cette assistance ventilatoire est interrompue au moment de l’évaluation neurologique, lorsque le patient est parfaitement éveillé et conscient. Certains auteurs proposent une anesthésie en trois phases : une première phase d’anesthésie générale en ventilation contrôlée, une deuxième phase d’éveil en ventilation spontanée qui permet l’évaluation neurologique et une troisième phase d’anesthésie générale en ventilation contrôlée pour la réalisation du geste chirurgical d’exérèse. Le contrôle de la ventilation est assuré par un tube endotrachéal, mis en place sous contrôle fibroscopique, chez le patient éveillé mais sous sédation. Le tube est retiré au moment de la phase d’éveil puis remis en place par fibroscopie pour la troisième phase de la procédure [23]. Cette technique nécessite une anesthésie locale des voies aériennes supérieures, réalisée à l’aide d’un dispositif original sous la forme d’un tuyau perforé fixé au tube endotrachéal. De la lidocaïne est pulvérisée au moment du retrait de ce dernier. Cette technique est également réalisable à l’aide d’un masque laryngé [24]. 4.3. Techniques particulières d’analgésie

La phase critique d’une intervention intracrânienne en état d’éveil est la période d’évaluation de la fonction neurologique, que ce soit par des épreuves de langage ou des enregistrements électrocorticographiques. Pendant cette période, l’anesthésie doit interférer le moins possible avec les enregistrements électrophysiologiques et/ou faire en sorte que le patient soit conscient, orienté, collaborant, non anxieux et analgésié. En dehors de cette période, qui peut par ailleurs se répéter, l’anesthésie peut être approfondie de manière à assurer un maximum de confort au patient. Se posent alors les problèmes du choix des agents anesthésiques utilisés et de la manière d’assurer le contrôle des voies aériennes supérieures en dehors des phases d’éveil, tout en sachant qu’un dispositif de contrôle des voies aériennes peut être extrêmement inconfortable chez un patient éveillé. Plusieurs techniques ont été décrites en fonction de la séquence des événements. La technique de la ventilation spontanée, maintenue pendant toute la durée de l’intervention, avec oxygénation au travers d’un masque facial et modulation de la sédation en fonction des événements [8] est la plus utilisée [11,13] mais il s’agit d’une technique à risque lors de l’approfondissement de la sédation si le patient est sujet aux apnées obstructives. Dans le cas contraire, elle offre de bons résultats et participe au confort général du patient par son caractère peu invasif. Une canule nasopharyngée placée après anesthésie locale du

L’analgésie au cours des craniotomies en état d’éveil doit être optimale puisqu’elle contribue au confort du patient et, par conséquent, préserve les capacités de celui-ci à collaborer efficacement et à tolérer une intervention parfois longue. L’infiltration de la région de l’incision chirurgicale à l’aide de lidocaïne ou de bupivacaïne adrénalinée est indispensable. Cette anesthésie locale peut être complétée par des techniques d’anesthésie locorégionale comme un bloc du plexus cervical superficiel, en fonction de la région incisée. Pour supprimer des mouvements non désirés, certains ont utilisé avec succès une anesthésie locorégionale séparée de certains membres, un bloc interscalénique de plexus brachial pour le membre supérieur et un bloc de nerf fémoral pour le membre inférieur [25]. 4.4. Monitorage et installation du patient En dehors du monitorage nécessaire à toute anesthésie, il est utile de mesurer la pression artérielle de manière invasive, le cathéter étant mis en place sous anesthésie locale, et la pression partielle en CO2 de fin d’expiration. La mesure de cette dernière est aisée si les voies respiratoires sont contrôlées par un tube endotrachéal ou par un masque laryngé. Seule une tendance pourra être obtenue si elle est mesurée

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dans un masque facial. Dans ce cas, le cathéter artériel présente un intérêt supplémentaire en permettant de réaliser à intervalle régulier des mesures des gaz du sang, dont la PaCO2. Une bonne installation du patient est primordiale ; elle conditionne fortement la tolérance du patient à la procédure. On veillera à installer le patient sur un matelas confortable (matelas spéciaux anti-escarres), à surélever légèrement les genoux avec un support adapté, à soutenir les épaules et les membres supérieurs et à vérifier la position de la tête après la mise en place de la têtière à pointes (confort du patient mais aussi facilité de ventilation). La mise en place d’un cathéter vésical est également indispensable. Il convient de surveiller la température du patient et une couverture chauffante à air pulsé peut s’avérer très utile pour le confort thermique. 4.5. Complications Lorsque l’intervention est bien préparée, les complications sont rares. Parmi celles-ci, l’apnée obstructive, les nausées et vomissements, les crises comitiales et la perte de collaboration médecin–patient sont les plus fréquentes en période peropératoire. Elles peuvent parfois compromettre l’intervention et nécessiter la conversion de l’analgosédation en anesthésie générale. Il est démontré que l’expérience de l’anesthésiste en charge de la procédure joue un rôle déterminant quant à la survenue de complications, particulièrement celles qui sont d’ordre ventilatoire [9]. La prévention de l’apnée obstructive et de l’hypoventilation doit rester le maître mot tout au long de la procédure, en raison de leurs conséquences sur l’oxygénation du patient et sur la pression intracrânienne. Même si l’oxygénation du patient est adéquate, une hypoventilation et un certain degré d’obstruction des voies aériennes supérieures peuvent, par augmentation de la PaCO2 et obstacle au retour veineux cérébral, entraîner une poussée cérébrale très importante. Cette prévention commence lors de la consultation préopératoire par l’évaluation du risque, et elle implique un titrage minutieux de la sédation et le choix précis de la technique anesthésique. On préférera une technique du type anesthésie générale–éveil–anesthésie générale si le risque est élevé. Le monitorage du CO2 expiré est indispensable. Il faudra veiller à une installation optimale et à garder un accès à la tête du patient [14]. La survenue de nausées et vomissements n’est pas rare (jusque 8 % des patients [26]). Elle est fortement influencée par la préparation du patient (état de stress), ses antécédents (mal des transports), la pathologie elle-même (hypertension intracrânienne) et le choix des agents anesthésiques utilisés (morphiniques). L’utilisation du propofol et l’administration préventive d’antiémétiques lors de la prémédication limitent considérablement ce risque. Des crises comitiales partielles ou généralisées peuvent survenir, particulièrement au cours de la chirurgie de l’épilepsie réfractaire. Leur prévention commence aussi avant l’intervention, en s’assurant qu’une thérapeutique déjà en

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cours est adaptée et efficace ou en démarrant un traitement préventif. Lorsque des stimulations corticales sont nécessaires, le risque de comitialité est élevé (environ 20 %) si elles sont réalisées sous la forme de trains de stimulations, mais faible ou nul si la stimulation est unique [3]. Une crise peropératoire peut nécessiter l’administration de benzodiazépines ou de barbituriques à faibles doses (diazépam 5 à 10 mg ou thiopental 25 à 50 mg). Elle peut poser des problèmes de contrôle de la ventilation au cours de la crise mais aussi durant la période post-critique. La perte de la collaboration médecin–patient peut être liée à plusieurs facteurs : une mauvaise préparation du patient, une titration inadéquate du niveau de sédation, une analgésie insuffisante, une mauvaise installation du patient et une intervention particulièrement longue peuvent rendre la procédure insupportable et compromettre les chances de succès. Les autres complications mentionnées dans la littérature ne sont pas différentes de celles observées dans les craniotomies sous anesthésie générale.

5. Conclusion La prise en charge anesthésique des craniotomies en état vigile est une procédure délicate mais élégante. Elle nécessite une excellente préparation du patient et une équipe intervenante expérimentée. Le choix de telle ou telle option de prise en charge n’est parfois pas aisé, en raison de la difficulté d’évaluer les capacités de coopération du patient et du nombre relativement restreint d’études prospectives avec groupe contrôle publiées. Actuellement, le moyen le plus sûr d’éviter les complications associées à cette procédure reste le choix raisonné d’une technique anesthésique en fonction des données de la littérature et de l’expérience de l’équipe intervenante, ainsi que l’utilisation d’un monitorage approprié et la sélection rigoureuse des patients.

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