Prise en charge anesthésique des transplantations hépatiques : évolution des pratiques périopératoires en France entre 2004 et 2008

Prise en charge anesthésique des transplantations hépatiques : évolution des pratiques périopératoires en France entre 2004 et 2008

Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 29 (2010) 419–424 Article original Prise en charge anesthe´sique des transplantations he´patiqu...

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Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 29 (2010) 419–424

Article original

Prise en charge anesthe´sique des transplantations he´patiques : e´volution des pratiques pe´riope´ratoires en France entre 2004 et 2008 Perioperative anaesthetic practices in liver transplantation in France: Evolution between 2004 and 2008 C. Paugam-Burtz a,*, J. Chatelon a, A. Follin a, N. Rossel b, G. Chanques b, S. Jaber b a b

Service d’anesthe´sie-re´animation chirurgicale, hoˆpital Beaujon, Assistance publique–Hoˆpitaux de Paris, 100, boulevard du Ge´ne´ral-Leclerc, 92110 Clichy, France Service d’anesthe´sie-re´animation B, hoˆpital Saint-E´loi, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 19 novembre 2009 Accepte´ le 22 fe´vrier 2010 Disponible sur Internet le 8 juin 2010

Objectifs. – De´crire les pratiques anesthe´siques franc¸aises de prise en charge pe´riope´ratoire des patients be´ne´ficiant d’une transplantation he´patique (TH) ainsi que leur e´volution entre 2004 et 2008. Type d’e´tude. – Enqueˆte te´le´phonique. Me´thodes. – Interview te´le´phonique en 2004 et mars 2008, utilisant le meˆme questionnaire, aupre`s d’un anesthe´siste senior de chaque centre pratiquant la TH adulte en France (n = 21). Comparaison des re´sultats par un test de Fisher (p < 0,05 conside´re´ comme significatif). Re´sultats. – Entre 2004 et 2008, la proportion des centres transplantant plus de 40 % de patients Child C a eu tendance a` augmenter (p = 0,1). Dans le meˆme temps, l’organisation de l’anesthe´sie s’est alle´ge´e avec un seul me´decin anesthe´siste re´animateur et un(e) IADE dans 90 % des centres (p = 0,06). En 2008 comme en 2004, les pratiques pe´riope´ratoires sont reste´es he´te´roge`nes tant sur le monitorage he´modynamique que les solute´s de remplissage, pratiques transfusionnelles, utilisation des antifibrinolytiques, modalite´s d’antibioprophylaxie ou d’analge´sie postope´ratoire. Conclusion. – Cette enqueˆte 2008 a mis en e´vidence une re´duction des moyens humains consacre´s a` une TH alors que les patients e´taient globalement plus graves que ceux de 2004. L’he´te´roge´ne´ite´ des pratiques franc¸aises refle`te en partie des interrogations non re´solues et sugge`re la ne´cessite´ de recommandations pour la pratique de l’anesthe´sie-re´animation pour la TH. Un effort d’homoge´ne´isation de prise en charge et des e´tudes multicentriques permettrait de re´pondre aux questions en suspens. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Transplantation he´patique adulte Anesthe´sie–re´animation Enqueˆte de pratiques

A B S T R A C T

Keywords: Liver transplantation Perioperative practices Phone survey

Objectives. – To determine the evolution of French perioperative anaesthetic practices in liver transplantation between 2004 and 2008. Study design. – Phone survey. Methods. – In 2004 and 2008, a similar questionnaire has been administered by phone to a senior anaesthesiologist from each French centre performing adult liver transplantation (n = 21). Results were compared using Fisher test and p < 0.05 was considered significant. Results. – Between 2004 and 2008, there was a trend towards an increase of centres performing transplantation for more than 40% of Child C patients (p = 0.1). Simultaneously, work force dedicated to liver transplantation cases has been reduced since in 2008, one anaesthesiologist was in charge in 90% of the centres (p = 0.06 vs 2004). Perioperative practices remained largely heterogeneous between centres with regard to hemodynamic monitoring, fluid and blood products management, antifibrinolytics use or postoperative analgesia. Conclusions. – This French survey has shown a reduction of work force dedicated to a liver transplantation from 2004 to 2008 simultaneously with a trend towards a greater severity of liver recipients. Practices heterogeneity reflect at least in part, unresolved questions about the best

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Paugam-Burtz). 0750-7658/$ – see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2010.02.027

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perioperative management for liver transplantation and the need for guidelines. Working for standardization of our practices and multicentric trials could allow gaining a better understanding of what should be the good practices in perioperative management of liver transplantation. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La transplantation he´patique (TH) est devenue le traitement de re´fe´rence de l’insuffisance he´patique se´ve`re. Les re´sultats de ce traitement sont en ame´lioration constante [1]. Ainsi, en France, la survie a` un an d’un patient greffe´ entre 2005 et 2007 est actuellement de 85 %, alors qu’elle e´tait de 76 % pour un patient greffe´ entre 1990 et 1994 [2]. Depuis l’essor de ce traitement, la pe´riode postope´ratoire pre´coce (trois premiers mois) a toujours cumule´ l’essentiel des risques en termes de mortalite´ [1]. L’analyse des courbes actuarielles de survie montre que cette ame´lioration de la survie apre`s TH est essentiellement le fruit d’une ame´lioration de la survie durant cette pe´riode critique. Ces re´sultats sont probablement le fruit d’une ame´lioration globale tant des pratiques chirurgicales que des pratiques anesthe´siques et re´animatoires encadrant cette pe´riode. En 2004, une premie`re enqueˆte nationale sur les modalite´s de prise en charge pe´riope´ratoire de la TH avait e´te´ re´alise´e [3]. Depuis cette pe´riode, l’activite´ de transplantation en France a significativement augmente´. Ainsi, en 2007, l’agence de biome´decine recense 1061 greffes he´patiques (dont 990 avec receveur adulte), montrant une augmentation de 14 % par rapport a` 2004 [4]. De plus, depuis le 7 mars 2007, les modalite´s d’attribution des greffons he´patiques, hors urgence, ont change´. Les patients en attente de greffe he´patique sont de´sormais classe´s sur une liste nationale unique en fonction de la gravite´ de la pathologie he´patique de´termine´e par le score Model End-stage Liver Disease (MELD) [5]. Cette modification avait pour but de favoriser l’acce`s a` la greffe des patients les plus graves et de limiter le taux de de´ce`s en liste d’attente. Ces modifications de recrutement de patients sont susceptibles d’influencer les modalite´s de prise en charge pe´riope´ratoire des patients devant be´ne´ficier d’une TH. Le but de ce travail e´tait de re´aliser en 2008 une enqueˆte sur les pratiques franc¸aises de prise en charge pe´riope´ratoire des transplantations he´patiques et d’en comparer les re´sultats a` ceux obtenus durant l’enqueˆte de 2004. 2. Patients et me´thodes Il s’agissait d’une enqueˆte de´clarative mene´e par entretien te´le´phonique en mars 2008 aupre`s des 21 centres franc¸ais pratiquant la TH adulte en 2007. Les entretiens ont e´te´ re´alise´s par trois investigateurs DES d’anesthe´sie-re´animation (Nans Rossel en 2004, Jeanne Chatelon et Arnaud Follin en 2008). L’entretien e´tait sollicite´ aupre`s d’un

anesthe´siste-re´animateur senior expe´rimente´ et participant re´gulie`rement a` l’activite´ de TH dans chaque centre. Le questionnaire e´tait pre´sente´ au moment de l’entretien te´le´phonique sans information pre´alable. La cohe´rence de la fiche e´tait ve´rifie´e par l’interlocuteur a` la fin de l’entretien et ce dernier pouvait faire part de tous commentaires ou suggestions e´ventuels. Brie`vement, le questionnaire te´le´phonique identique a` celui de 2004 comportait 75 items re´partis en 26 questions. Ce questionnaire renseignait les points suivants : nombre annuel de TH, proportion moyenne de patients Child C, moyens humains a` disposition pour l’activite´ de transplantation, prise en charge per- et postope´ratoire. En 2008, les questions suivantes ont e´te´ ajoute´es : pratiques transfusionnelles, dure´e de l’antibioprophylaxie, de´pistage des patients porteurs de bacte´ries multi re´sistantes (BMR) et utilisation des antifibrinolytiques. Quatre me´decins ont re´pondu aux deux enqueˆtes. 2.1. Analyse statistique Les re´sultats ont e´te´ exprime´s en nombre et pourcentage. Les comparaisons ont e´te´ re´alise´es a` l’aide de tests de Fisher de fac¸on approprie´e. Une valeur de p < 0,05 e´tait conside´re´e significative. 3. Re´sultats Un anesthe´siste-re´animateur senior de tous les centres sollicite´s a accepte´ de re´pondre au questionnaire. 3.1. Donne´es e´pide´miologiques La re´partition du nombre de greffes he´patiques re´alise´es en 2004 et 2007 en fonction des centres est repre´sente´e sur la Fig. 1. Cinquante pour cent des TH e´taient concentre´es sur 30 % des centres (n = 6) en 2004 comme en 2007. En nombre absolu, l’activite´ des centres effectuant moins de 30 TH par an (n = 6) semblait diminuer entre 2004 et 2007, au profit d’une augmentation de l’activite´ des centres a` volume moyen (30–60 TH par an). La proportion de patients Child C ope´re´s a presque double´ entre les enqueˆtes 2004 et 2008 : dix centres (48 %) ont de´clare´ transplanter plus de 40 % de patients Child C en 2008 contre cinq (24 %) centres en 2004 (p = 0,1). En 2008, les moyens humains de´die´s a` une l’intervention chirurgicale de greffe he´patique comprenaient dans 90 % des centres un anesthe´siste-re´animateur et une infirmie`re anesthe´siste. Cela correspondait a` une tendance a` la re´duction des moyens

Fig. 1. Activite´ de greffe he´patique en 2004 et 2007 (nombre annuel de greffes par centre).

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Fig. 2. Agents de l’anesthe´sie utilise´s lors de l’induction d’une greffe he´patique en 2008 en fonction du nombre de centres.

humains de´die´s a` cette intervention puisqu’en 2004, 33 % des centres (n = 7) y consacraient deux me´decins (p = 0,06). Dans les deux centres restants, deux me´decins et deux IADE e´taient pre´sents pour une greffe he´patique. 3.2. Pe´riode perope´ratoire Le pourcentage de centres disposant d’un protocole e´crit d’anesthe´sie est reste´ identique entre 2008 (67 %) et 2004 (71 %, [p > 0,05]). Les agents d’anesthe´sie utilise´s a` l’induction en 2008 sont repre´sente´s sur la Fig. 2. Par rapport a` 2004, il existe une augmentation de la fre´quence d’utilisation syste´matique du propofol, qui est passe´e de cinq a` neuf centres (24 a` 43 %) et une re´duction de l’utilisation du pentothal qui est passe´e de huit a` trois centres utilisateurs (38 a` 14 %). Quinze centres (71 %) ont de´clare´ utiliser la voie inhale´e, trois (14 %) la voie intraveineuse exclusive et trois centres (14 %) les deux en fonction du terrain. Parmi les agents volatils, le se´voflurane e´tait toujours employe´ dans six centres (33 %), et jamais dans six centres (33 %), le desflurane e´tait toujours employe´ dans sept centres (39 %) et jamais dans six centres (33 %). L’isoflurane restait toujours utilise´ dans un centre (6 %) et parfois dans trois centres (17 %). Il n’existe pas de diffe´rence significative dans l’utilisation des anesthe´siques haloge´ne´s entre 2004 et 2008, avec toutefois une tendance a` l’augmentation de l’utilisation des agents les plus re´cents. Le sufentanil e´tait le morphinique le plus utilise´ : parfois ou toujours dans 18 centres (86 %). Le re´mifentanil e´tait toujours utilise´ dans trois centres (14 %) et parfois dans trois centres e´galement (14 %). Par rapport a` 2004, l’utilisation du fentanyl a diminue´ et celle du re´mifentanil a tendance a` progresser (p = 0,26). La curarisation faisait appel parfois ou toujours a` du cisatracurium dans 18 centres (86 %), de l’atracurium dans neuf

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Fig. 4. Solute´s de remplissage vasculaire au cours d’une greffe he´patique. Comparaison 2004–2008 de l’utilisation des solute´s en pourcentage des solute´s de remplissage utilise´s.

centres (43 %) et parfois de la ce´locurine a` l’induction dans quatre centres (19 %). Le pancuronium et le ve´curonium, qui e´taient encore utilise´s parfois dans six centres en 2004, ne l’e´taient plus en 2008. Au total, l’utilisation de´clare´e des agents pharmacologiques de l’anesthe´sie e´tait donc relativement homoge`ne e´voluant vers l’utilisation des agents les plus re´cents. La mise en condition des patients e´tait uniforme avec une voie veineuse centrale dans 20 centres (95 %) et a` un cathe´ter arte´riel radial sans modification significative par rapport a` 2004. La surveillance des parame`tres he´modynamiques e´tait re´alise´e par cathe´te´risme cardiaque droit (sonde de Swan-Ganz) syste´matiquement dans 11 centres (52 %), parfois dans trois centres (14 %) (Fig. 3). Sept centres (33 %) ne l’utilisaient jamais. Une sonde de doppler œsophagien e´tait utilise´e parfois dans six centres (29 %) et toujours dans un centre (5 %). L’e´chographie transœsophagienne e´tait employe´e parfois dans quatre centres (19 %) et syste´matiquement dans un centre (5 %). Le Picco1 e´tait parfois utilise´ dans trois centres (14 %). Le Vigileo1 e´tait parfois utilise´ dans un centre (5 %). Par rapport a` 2004, on a note´ une tendance a` la re´duction de l’utilisation du cathe´ter de Swan-Ganz, qui n’e´tait utilise´ parfois ou toujours que dans 67 % des centres en 2008 contre 86 % des centres en 2004 (p = 0,14). Les solute´s majoritairement employe´s pour le remplissage vasculaire e´taient par ordre de fre´quence : les cristalloı¨des dans 14 centres (70 %), l’albumine dans sept centres (35 %), les colloı¨des dans quatre centres (20 %) (Fig. 4). Par rapport a` 2004, il semble exister une tendance a` la re´duction des colloı¨des au profit des cristalloı¨des. L’emploi de l’albumine est reste´ stable entre 2004 et 2008. Une des personnes interroge´es n’a pas souhaite´ re´pondre a` la question sur l’emploi des solute´s en perope´ratoire. En 2008, les taux de recours aux produits de´rive´s du sang (concentre´s globulaires, plasmas frais congele´s, plaquettes) e´taient

Fig. 3. Techniques de monitorage he´modynamique perope´ratoire au cours des greffes he´patiques en fonction du nombre de centres. Comparaison 2004–2008.

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tre`s variables entre les centres et suivant les patients et le de´roulement de l’intervention. Ainsi, huit centres ont de´clare´ transfuser entre deux et cinq concentre´s globulaires, quatre centres plus de cinq concentre´s en moyenne. Concernant l’utilisation des plasmas frais congele´s, un centre n’en utilise pas, cinq centres ont de´clare´ transfuser plus de cinq plasmas frais congele´s par TH. Dans les autres centres, les me´decins interroge´s n’ont pas pu donner de chiffres. Cela concernait e´galement le recours a` la transfusion plaquettaire. Un antifibrinolytique e´tait utilise´ de fac¸on prophylactique toujours dans trois centres (14 %), et parfois dans trois centres (14 %). L’utilisation en cas de saignement ou de lyse documente´e e´tait syste´matique dans trois centres (14 %) ou parfois dans 17 centres (81 %). La mole´cule employe´e e´tait de l’aprotinine dans 14 centres (70 %), de l’acide tranexamique dans cinq centres (25 %) et l’une ou l’autre de ces mole´cules dans un centre (5 %). Rappelons que l’enqueˆte a e´te´ re´alise´e avant le retrait de l’aprotinine. L’antibioprophylaxie de re´fe´rence comportait une monothe´rapie dans 14 centres (67 %). Celle-ci e´tait syste´matiquement une beˆta-lactamine : l’association tazobactam-pipe´racilline dans dix centres (48 %), pipe´racilline seule dans sept centres (33 %) et ce´foxitine dans quatre centres (19 %). La beˆtalactamine e´tait associe´e avec une quinolone (ciprofloxacine) dans trois centres (14 %). Un glycopeptide e´tait e´galement associe´ dans cinq centres (24 %) de manie`re syste´matique et dans trois centres (14 %) si le patient est porteur de SARM. Quatorze centres (67 %) effectuaient un de´pistage syste´matique du portage de bacte´ries multire´sistantes. Un antifongique (fluconazole) e´tait prescrit parfois dans sept centres (33 %) et syste´matiquement dans un centre (5 %). L’antibioprophylaxie e´tait administre´e uniquement en perope´ratoire dans huit centres (38 %), durant 48 heures dans dix centres (48 %) et pendant plus de 48 heures dans deux centres (10 %). Par rapport a` 2004, les beˆtalactamines employe´es e´taient plus varie´es, les glycopeptides plus souvent prescrits. Enfin, on n’observait pas de modification d’utilisation des antifongiques. Les questions du de´pistage de BMR et de la dure´e d’antibioprophylaxie n’e´taient pas pose´es en 2004. 3.3. Pe´riode postope´ratoire Huit centres (38 %) en 2008 contre 11 (52 %) en 2004 disposaient d’un protocole e´crit d’analge´sie (p > 0,05). En 2008, le parace´tamol n’e´tait jamais utilise´ dans sept centres (33 %), toujours dans deux centres (10 %) et parfois dans 12 centres (57 %) (Fig. 5). Dix-huit centres (86 %) utilisaient syste´matiquement des morphiniques et un centre (5 %) jamais. Les morphiniques ont e´te´ utilise´s par l’interme´diaire d’une PCA syste´matiquement dans cinq centres (25 %), parfois dans neuf centres (45 %) et jamais dans sept centres (35 %). Le ne´fopam a e´te´ e´galement employe´ dans 18 centres (86 %).

Fig. 5. Modalite´s pharmacologiques d’analge´sie postope´ratoire apre`s greffe he´patique en 2008 en fonction du nombre de centres (pourcentage).

On constate depuis 2004 une tendance a` la re´duction de l’emploi syste´matique du parace´tamol apre`s greffe he´patique (33 vs 10 % des centres ; p = 0,06). Les mole´cules utilise´es pour la pre´vention antithrombotique postope´ratoire en 2008 e´taient des he´parines de bas poids mole´culaire dans 14 centres sur 21. Depuis 2004, on note une tendance a` une progression de l’utilisation des he´parines de bas poids mole´culaire (67 vs 53 % respectivement, p = 0,21). 4. Discussion Cette enqueˆte de pratiques de l’anesthe´sie pour TH re´alise´e en 2008 a permis de mettre en e´vidence plusieurs types de re´sultats. Alors que les patients be´ne´ficiant d’une greffe he´patique apparaissent globalement plus graves, l’organisation de l’anesthe´sie s’est alle´ge´e avec un seul anesthe´siste re´animateur et un(e) IADE dans 90 % des centres et, comme en 2004, les pratiques de gestion pe´riope´ratoire apparaissent globalement he´te´roge`nes pour l’ensemble de la prise en charge du patient (monitorage he´modynamique perope´ratoire, solute´s de remplissage, pratiques transfusionnelles, utilisation des antifibrinolytiques, modalite´s d’antibioprophylaxie ou d’analge´sie postope´ratoire). Avant de discuter les re´sultats, il est important de rappeler que la me´thodologie d’enqueˆte fournit des re´sultats de´claratifs non ve´rifie´s. Les donne´es fournies au moment de l’interview te´le´phonique correspondaient a` la connaissance qu’avait chaque anesthe´siste re´animateur interroge´ de l’activite´ re´alise´e dans son centre. Pour cette raison, nous avons interroge´ un me´decin senior avec une expe´rience et une pratique certaines de l’activite´ de greffe au sein de chaque centre. En de´pit de ces pre´cautions, les re´ponses obtenues restent subjectives. Cependant, la plupart de ces centres ne disposaient pas de banque de recueil de donne´es permettant de fournir des donne´es chiffre´es et plus objectives qu’une interview. Les deux enqueˆtes ont e´te´ re´alise´es a` quatre ans d’intervalle. Ce de´lai pourrait eˆtre conside´re´ comme relativement court pour permettre de mettre en e´vidence un changement de pratiques entre les deux pe´riodes. Cependant, de re´elles modifications d’activite´, notamment en termes de recrutement des patients, ont e´te´ enregistre´es durant cette pe´riode. Cela sugge`re que ce de´lai de quatre ans pourrait eˆtre suffisant pour mettre en e´vidence une modification des pratiques anesthe´siques. Enfin, du fait du nombre relativement restreint de centres pratiquant la greffe he´patique, il a e´te´ souvent difficile d’affirmer des modifications significatives de pratique. Bien souvent, seules des tendances ont pu eˆtre note´es. Entre 2004 et 2008, on a assiste´ a` une modification de l’activite´ de greffe he´patique. Cela concerne par exemple, les indications de transplantation. De nouvelles indications de transplantation sont en effet en cours d’e´valuation comme les he´patites alcooliques aigue¨s corticore´sistantes [6]. Par ailleurs, depuis mars 2007, de nouvelles modalite´s d’attribution des greffons ont e´te´ mises en place. Elles sont fonde´es sur un score national prenant en compte la gravite´ de la maladie he´patique a` travers le score MELD. Ces modalite´s avaient pour but de prioriser les patients les plus graves et d’en limiter le de´ce`s en liste d’attente. A` ce titre, une re´duction significative de la mortalite´ en liste d’attente a e´te´ observe´e en 2007 et en 2008 [2]. Au total, ces modifications ont contribue´, d’une part, a` uniformiser la gravite´ des patients transplante´s dans chaque centre avec une proportion de patients Child C identique de l’ordre de 40 a` 50 % et, d’autre part, a` augmenter de la gravite´ moyenne des patients transplante´s en France. Ainsi, alors que le MELD me´dian a` l’inscription dans les 12 mois pre´ce´dents mars 2007 e´tait a` 14, celui des 12 mois suivants mars 2007 e´tait significativement plus e´leve´ a` 16 (donne´es de l’Agence de la biome´decine). Cela confirme de fac¸on indirecte l’augmentation de la gravite´ des patients entre 2004 et 2008.

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Concernant la prise en charge proprement dite, en 2008 comme en 2004, un tiers des centres ne disposaient pas de protocole e´crit de prise en charge. L’utilisation des agents anesthe´siques est apparue comme ale´atoire et de´pendante des habitudes de l’anesthe´siste re´animateur en charge et/ou du centre. Il existe peu de donne´es cliniques spe´cifiques a` ce sujet dans la litte´rature [7,8]. Les agents de la pharmacope´e moderne e´taient plus utilise´s probablement dans le cadre de leur meilleur profil de tole´rance et d’une modification ge´ne´rale des pratiques d’anesthe´sie. Concernant le monitorage, l’enqueˆte a montre´ une tendance a` la diminution du monitorage invasive perope´ratoire (Swan-Ganz essentiellement) jusqu’a` son absence parfois. Cela pourrait eˆtre explique´ par une plus grande expe´rience de la transplantation, avec des temps ope´ratoires plus courts et des me´thodes chirurgicales ayant moins de retentissement he´modynamique [9]. Cela pourrait ne´anmoins apparaıˆtre paradoxal a` la lumie`re de l’aggravation de la se´ve´rite´ des patients. Plus largement, ces re´sultats peuvent eˆtre compare´s pour partie a` des donne´es internationales actuellement disponibles. Depuis 2006, le Liver Intensive Care Group of Europe (LICAGE) et le Liver Transplant Anesthesia Consortium (LTrAC) organisent en effet une enqueˆte internationale de´clarative via Internet autour de la prise en charge pe´riope´ratoire en TH. Les premie`res phases de cette enqueˆte ont porte´ sur le monitorage perope´ratoire. Actuellement, cette enqueˆte refle`te essentiellement les pratiques nord-ame´ricaines (47 des 80 centres nord-ame´ricains ont re´pondu jusque-la`) et peu les pratiques en dehors des E´tats-Unis (13 centres non franc¸ais) [10,11]. Les premiers re´sultats de ce travail ont montre´ que 80 a` 94 % des centres nord-ame´ricains utilisent le cathe´ter de SwanGanz alors qu’il n’est utilise´ que dans 70 % des centres non ame´ricains [10]. Cela corrobore parfaitement les donne´es de notre enqueˆte puisque 30 % des centres franc¸ais n’utilisaient jamais ce cathe´ter. On note aussi que 35 a` 50 % des centres nord-ame´ricains utilisent l’e´chographie transœsophagienne comme outil de monitorage. Celle-ci est pour l’instant tre`s rarement utilise´e en France, probablement du fait des craintes lie´es a` l’utilisation de la sonde chez des patients porteurs de varices œsophagiennes. Enfin, notre enqueˆte retrouve une utilisation anecdotique des nouvelles techniques de monitorage he´modynamique (Doppler œsophagien, doppler sus-sternal, Picco1, Vigileo1) sans modification par rapport a` 2004. Cette he´te´roge´ne´ite´ refle`te assez bien les de´bats existants dans la litte´rature concernant l’utilisation de la SwanGanz, mais aussi des me´thodes alternatives de monitorage du de´bit cardiaque [12–15]. De fac¸on similaire, la gestion de la vole´mie et le type de solute´s d’expansion vole´mique au cours de la TH sont de´battus [14]. En France, on a note´ une diminution de l’utilisation des colloı¨des depuis 2004, associe´e a` une progression de l’utilisation des cristalloı¨des sans re´elle modification du recours a` l’albumine. Tre`s peu de donne´es sur les solute´s de remplissage pendant la TH sont disponible. Re´cemment, une e´tude a compare´ l’albumine 5 % et un amidon de nouvelle ge´ne´ration comme solute´ de remplissage de remplissage au cours de la TH [16]. Les auteurs n’ont retrouve´ aucune diffe´rence en termes de volume perfuse´, de recours a` la transfusion de produits sanguins ou de fonction re´nale postope´ratoire [16]. Au cours de la greffe he´patique, la question du remplissage perope´ratoire ne peut eˆtre dissocie´e de celle de la transfusion de produits sanguins labiles. L’enqueˆte a permis d’objectiver qu’il persistait une he´te´roge´ne´ite´ importante dans le recours aux produits sanguins entre les diffe´rents centres. Cela avait de´ja` e´te´ souligne´ lors d’une enqueˆte internationale [17]. Pourtant, plusieurs travaux re´cents ont sugge´re´ un effet de´le´te`re des produits sanguins labiles transfuse´s sur la survie apre`s TH [18,19]. Seuls 30 % des centres utilisaient les antifibrinolytiques (parfois ou toujours) de fac¸on prophylactique en 2008. Il semble pourtant que leur utilisation

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conduise a` une diminution de la transfusion perope´ratoire sans augmenter le risque thrombo-embolique ni la mortalite´ pe´riope´ratoire [20,21]. Toutefois, l’innocuite´ de l’aprotinine en chirurgie cardiaque a e´te´ re´cemment remise en cause avec pour conse´quence l’arreˆt de sa commercialisation en France. Rappelons que l’enqueˆte a e´te´ re´alise´e avant le retrait de l’aprotinine. Cette he´te´roge´ne´ite´ dans le recours aux produits sanguins comme dans l’utilisation des techniques d’e´pargne sanguine sugge`re la ne´cessite´ de travaux permettant d’e´tablir de fac¸on plus formelle les re`gles de bon usage des produits sanguins dans le contexte de la TH. De meˆme, il serait ne´cessaire de de´terminer de fac¸on objective les cate´gories de patients qui pourraient be´ne´ficier d’antifibrinolytiques (probablement les plus se´ve`res). L’antibioprophylaxie de re´fe´rence comportait toujours une beˆtalactamine, avec une plus grande diversite´ dans le choix des mole´cules par rapport a` 2004. Les glycopeptides semblaient plus utilise´s et parfois sans qu’un portage de SARM n’ait e´te´ authentifie´. A` noter qu’il existe des arguments dans la litte´rature pour penser que lors des TH, la colonisation a` Staphylococcus aureus avant la TH est un facteur de risque d’infection postope´ratoire au meˆme germe [22]. L’inte´reˆt de l’utilisation des glycopeptides en cas de portage connu a` SARM me´riterait d’eˆtre e´tudie´. En 2008, 38 % des centres disposaient d’un protocole e´crit d’analge´sie contre 52 % des centres en 2004. L’analge´sie postope´ratoire, malgre´ l’absence de protocole, e´tait multimodale dans tous les centres avec l’utilisation de deux mole´cules ou plus. Le point inte´ressant de ce topique concerne l’utilisation du parace´tamol. Son utilisation reste de´battue avec des pratiques extreˆmes (jamais ou toujours) selon les centres [23]. 5. Conclusion Cette enqueˆte a re´ve´le´ que les pratiques anesthe´siques encadrant la prise en charge des patients be´ne´ficiant de TH restent tre`s he´te´roge`nes entre les diffe´rents centres effectuant cette activite´ en France. Il se de´gage ne´anmoins un point commun : alors que les patients de 2008 e´taient globalement plus graves que ceux de 2004, on enregistre une re´duction des moyens humains utilise´s pour cette intervention. L’he´te´roge´ne´ite´ des pratiques franc¸aises refle`te pour partie, les de´bats existants dans la litte´rature [14]. A` ce stade, beaucoup de questions restent en effet non re´solues et il n’est pas possible de proposer des recommandations fonde´es sur un niveau de preuve e´leve´. Pourtant, au terme de l’entretien te´le´phonique, plus de la moitie´ des centres ont e´mis de fac¸on spontane´e le de´sir de pouvoir disposer de plus de recommandations sur la gestion per- et postope´ratoire des transplante´s he´patiques. De meˆme, la plupart des me´decins interroge´s ont souhaite´ pouvoir partager leur expe´rience. Un effort d’homoge´ne´isation des modalite´s de prise en charge et des e´tudes multicentriques permettraient de re´pondre aux questions en suspens. Ces progre`s pourraient aboutir a` la re´alisation de re´fe´rentiels concernant la prise en charge periope´ratoire de la greffe he´patique. Conflit d’inte´reˆt Aucun. Les auteurs remercient les me´decins de chaque centre qui ont accepte´ de re´pondre au questionnaire. Re´fe´rences [1] Burroughs AK, Sabin CA, Rolles K, Delvart V, Karam V, Buckels J, et al. 3-month and 12-month mortality after first liver transplant in adults in Europe: Predictive models for outcome. Lancet 2006;367:225–32. [2] Agence de biome´decine, Rapport d’activite´ 2008. Acce`s 02/10/2009 www. agence-biomedecine.fr.

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