Prise en charge chirurgicale des laryngomalacies sévères

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Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 2004; 121, 1, 14-21 © Masson, Paris, 2004. ARTICLE ORIGINAL Prise en charge chirurgicale des laryngomalacies sévère...

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Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 2004; 121, 1, 14-21 © Masson, Paris, 2004.

ARTICLE ORIGINAL

Prise en charge chirurgicale des laryngomalacies sévères Une série de 33 cas O. Merrot, P. Fayoux, F. Vachin, D. Chevalier, A. Desaulty Service ORL et CCF, CHRU Claude Huriez, Place Polonovski, 59037 Lille Cedex. Tirés à part : P. Fayoux, adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Reçu le 7 août 2003. Accepté le 5 décembre 2003.

Severe Laryngomalacia: Surgical Indications and Results in 33 Patients O. Merrot, P. Fayoux, F. Vachin, D. Chevalier, A. Desaulty Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 2004 ; 121, 1 : 14-21

Introduction : Laryngomalacia is the most common course of stridor in children: with a

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50% to 75% incidence. About 50% to 60% of congenital laryngeal anomalies that present with stridor are due to laryngomalacia. In most cases, the disease followed a benign course but the prognosis is less favorable in 10% to 15% of cases. These patients may require surgical intervention. Materials and methods : This prospective study included 33 patients referred to our institution from May 1998 to May 2003 for severe laryngomalacia. The diagnosis of severe laryngomalacia was based on clinical and if necessary paraclinical data. An endoscopic laser resection of arytenoid mucosal excess associated if necessary with suprahyoid epiglottectomy was performed in all patients. Results : Mean age of the children was 7.5 months (range, 2 weeks-4 years). Ninety-six percent of the patients had complete resolution of symptoms before the fourth postoperative week. Ninety one percents of the patients had effective oral feeding within the first month (48% immediatly after surgery). The average hospital stay was 6 days (range, 3 to 14). Weight gains were found to be satisfactory in all cases since children were discharged the hospital. Conclusion : Endoscopic laryngeal surgery is an appropriate therapy for treatment of severe forms of laryngomalacia. It is a safe and effective surgical procedure.

Key words: Laryngomalacia, stridor, endoscopic laser surgery. Prise en charge chirurgicale des laryngomalacies sévères. Une série de 33 cas Introduction : La laryngomalacie est la cause la plus fréquente de stridor chez l’enfant : de 50 à 75 % selon les séries. Elle représente 50 à 60 % des anomalies laryngées congénitales. La plupart du temps, une surveillance simple suffit avec une amélioration clinique liée à la diminution de la laxité des tissus supraglottiques par la maturation et la croissance laryngée. Il existe des formes sévères dont l’importance ne dépend pas de l’intensité du stridor mais de celle des symptômes associés (troubles de la déglutition, apnées obstructives d’origine laryngée, troubles de la croissance staturo-pondérale...). Elles représentent environ 10 à 15 % des laryngomalacies et justifient une prise en charge chirurgicale précoce. Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude prospective regroupant 33 patients pris en charge entre mai 1998 et mai 2003 pour une laryngomalacie sévère. Le diagnostic de gravité de la laryngomalacie était posé sur des arguments cliniques et si nécessaire paracliniques. Les patients ont bénéficié d’une résection endoscopique au laser des massifs aryténoïdiens associée si nécessaire à une épiglottectomie sus-hyoïdienne. Résultats : L’âge moyen au moment de la chirurgie était de 7 mois et demi (2 semaines à 4 ans). Dans 96 % des cas, le stridor avait disparu avant la 4e semaine après la chirurgie et la

INTRODUCTION La laryngomalacie est la cause la plus fréquente de stridor chez l’enfant : de 50 à 75 % selon les séries [1, 2]. Elle représente 50 à 60 % des anomalies laryngées congénitales [2, 3]. L’évolution habituelle est marquée par une régression de la symptomatologie clinique vers l’âge de 18 à 24 mois [2, 3] après une période d’aggravation vers 3-4 mois. Le stridor peut persister quelques années après l’âge de 2 ans, 1 % pour Roger [4]. La plupart du temps, une surveillance simple suffit avec une amélioration clinique liée à la diminution de la laxité des tissus sus-glottiques par la maturation et la croissance laryngée. Il existe des formes sévères, représentant 10 à 15 % des laryngomalacies [3, 5], dont la gravité ne dépend pas de l’intensité du stridor mais du retentissement occasionné (troubles de la déglutition, dyspnée laryngée...). En effet, ces troubles d’évolution intermittente, subaigue et/ou chronique conduisent à des troubles de l’oxygénation avec développement de pathologies cardiovasculaires et/ou neurologiques sévères (véritables apnées obstructives d’origine laryngée, avec troubles de la croissance staturopondérale).

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reprise alimentaire a été effective chez 30 patients avant le premier mois (91 %) avec une autonomie alimentaire à J0 dans 16 cas (48 %). La reprise pondérale durant l’hospitalisation a été notée pour tous les patients. Le retour à domicile a été possible en moyenne au 6e jour (3-14 jours) en dehors des 5 patients présentant initialement une co-pathologie lourde. Conclusion : La chirurgie laryngée endoscopique laser constitue donc une thérapeutique simple, efficace et peu iatrogène dans le traitement des laryngomalacies sévères de l’enfant. Elle doit être envisagée dès la persistance des signes de gravité sous traitement médical bien conduit.

Mots-clés : Laryngomalacie, stridor, chirurgie endoscopique laser.

Ces formes sévères nécessitent le plus souvent le recours à une prise en charge chirurgicale. L’évolution du traitement chirurgical a été marquée par un impératif : diminuer sa co-morbidité avec, à l’heure actuelle, une préférence quasi-exclusive pour la chirurgie laryngée endoscopique en suspension. Le but de ce travail est de préciser, à propos d’une étude prospective de 33 cas opérés par voie endoscopique, les modalités de la prise de charge chirurgicale des nouveaux-nés, nourrissons et enfants présentant une laryngomalacie sévère. Nous présenterons nos résultats et exposerons les indications thérapeutiques en fonction du bilan initial réalisé. Nous exposerons ensuite notre technique endoscopique en comparant nos résultats avec ceux de la littérature.

PATIENTS ET MÉTHODE Il s’agit d’une étude prospective regroupant 44 cas de laryngomalacies sévères opérés de mai 1997 à mai 2003 dans le service d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale du CHRU de Lille. Parmi ces 44 cas, 11 ont été exclus car ils ont bénéficié dans le même temps d’un geste chirurgical sur les voies respiratoires (laryngoplastie, labioglossopexie) modifiant les suites opératoires et donc l’analyse des résultats. Le diagnostic de laryngomalacie reposait sur la fibroscopie laryngotrachéale permettant de confirmer le diagnostic, d’apprécier la nature et l’importance du collapsus supraglottique, et de rechercher des anomalies associées sur l’ensemble de la filière respiratoire. Le diagnostic de gravité reposait sur des arguments cliniques et des examens paracliniques. Les critères cliniques de gravité étaient représentés par les signes suivants : — détresse respiratoire obstructive, — dyspnée permanente avec tirage et tachycardie, — rétraction thoracique évolutive, — épisodes apnéiques d’origine obstructive, — épuisement respiratoire per-prandial avec fractionnement alimentaire responsable d’une stagnation pondérale en dehors de toute autre cause nutritionnelle. En cas d’absence de critère de gravité clinique évident et de doute sur une forme sévère (tirage intermittent, inflexion de la courbe de poids, épisodes apnéïques rapportés mais non objectivés, ...), un bilan paraclinique était

demandé. Un enregistrement cardiorespiratoire en continu était réalisé sur 12 à 24 heures, couplant l’enregistrement de la saturation en O2 à celui du rythme cardiaque. Cet enregistrement était associé au monitoring de la PCO2 trans-cutanée ou à une gazométrie sanguine. Un examen polysomnographique était demandé en cas de discordance entre les signes cliniques évocateurs d’un syndrome obstructif et l’enregistrement cardiorespiratoire, en cas de pathologie bronchopulmonaire ou cardiaque associée afin d’objectiver le rôle de l’obstruction dans l’état respiratoire global, et en cas d’atteinte neurologique afin d’éliminer une part centrale dans les syndromes apnéiques. Dès la première consultation, les enfants étaient mis sous traitement anti-reflux associant règles hygiénodiétetique, pro-kinétique et anti-acide. L’adjonction d’un traitement anti-sécrétoire était réalisée en cas d’inflammation pharyngo-laryngée sévère lors de la fibroscopie. La pH-métrie des 24 heures n’était réalisée qu’en cas de persistance de signes cliniques de reflux gastroœsophagien sous traitement. De même, la fibroscopie oesogastroduodénale n’était demandée qu’en cas de pHmétrie positive sous traitement ou en cas de symptomatologie d’œsophagite (phénomènes algiques pendant les biberons). Les autres examens complémentaires étaient demandés en fonction de la pathologie syndromique associée. Le diagnostic de laryngomalacie sévère était posé sur la présence d’au moins un des critères de gravité cliniques ou paracliniques cités. Dès le diagnostic de gravité posé, l’indication du traitement chirurgical était discutée en tenant compte des affections associées, notamment sur la filière respiratoire. Le traitement chirurgical a été réalisé de la manière suivante : — anesthésie générale ; — patient en ventilation spontanée si possible ou en jet ventilation ; — anesthésie glotto-sous-glottique par un spray de xylocaïne 5 %, ou 1 % reconditionnée chez les enfants de moins de 5 kg ; — endoscopie laryngotrachéale à l’optique pour apprécier la localisation et l’importance de l’excès muqueux à réséquer (test de succion). L’appréciation de la filière est réalisée avant mise en place de la laryngoscopie en suspension qui modifie la tonicité pharyngolaryngée et per-

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Figure 1 : Technique chirurgicale. Laryngomalacie globale (1) — Résection des massifs aryténoïdes (2, 3) — Section de l’épiglotte sus-hyoïdienne (4) — Vaporisation de l’excès muqueux postérieur sur le versant externe de la margelle (5).

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turbe cette analyse. Elle est utile pour visualiser des anomalies non observées par la fibroscopie laryngotrachéale ; — mise en place de la laryngoscopie en suspension à l’aide de la spatule laryngée de Benjamin ou de Garcin avec microscope opératoire ; — la résection muqueuse est effectuée au laser (Sharplan Acu-Spot) mode superpulse 2 à 5 watts en continu à l’aide de micropinces. La technique habituelle utilisée est la suivante (fig. 1 et 2) : — vaporisation première des massifs aryténoïdiens en réséquant la totalité des cartilages corniculés et en respectant impérativement la commissure postérieure ; — abaissement du massif aryténoïdien conduit jusqu’aux bandes ventriculaires ; — section sous-muqueuse du repli aryépiglottique, section menée après traction de l’épiglotte vers l’avant à partir de la résection aryténoïdienne ; — vaporisation vers l’extérieur de la muqueuse des massifs aryténoïdiens ; — section du bord libre de l’épiglotte, la partie externe de la section devant respecter la muqueuse du repli ; — vaporisation muqueuse de la face linguale d’épiglotte vers les vallécules. L’aryépiglottoplastie pouvait être complète dans les laryngomalacie globales, ou ne concerner que les aryténoïdes (aryténoïdoplastie) dans les formes postérieures pures, ou l’épiglotte (épiglottectomie sus-hyoïdienne) dans les formes antérieures pures. En fin d’intervention, nous réalisons un badigeonnage au sérum adrénaliné (1 mg d’adrénaline pour 4 ml de

sérum physiologique) avec si nécessaire, une hémostase Laser en mode normal, le spot ayant été défocalisé. Le réveil du patient s’effectue non intubé sauf nécessité de transport pour le transfert en réanimation. En effet, la durée du réveil étant parfois longue, le risque de pauses respiratoires itératives justifie une intubation temporaire afin de sécuriser le transfert de l’enfant. Dès le réveil, un aérosol d’adrénaline (1 mg pour 5 ml) associé à un aérosol de Pulmicort (0,5 mg) ont été réalisé. Tous les patients ont été transférés en réanimation pédiatrique ou néonatale pour la surveillance postopératoire immédiate. Le traitement post-opératoire (sauf contre-indication absolue) comportait un traitement anti-reflux associant prokinétique et antiH2 ou inhibiteurs de la pompe à protons pendant au moins 3 mois, un traitement antiinflammatoire avec corticothérapie générale à 1 mg/Kg/j pendant 8 jours et aérosolthérapie de corticoïdes pendant 15 jours. Une prise en charge algologique comportait des antalgiques de type I donnés systématiquement avant l’alimentation. L’administration d’antalgique de type II et III était proposée en fonction de l’évaluation algologique. L’alimentation orale a été reprise 3 heures après le réveil en fonction de l’état de vigilance et de l’état respiratoire. Une réévaluation cardiorespiratoire et une mesure de la pCO2 transcutanée ont été pratiquées pendant la surveillance. Le transfert en service conventionnel était autorisé après 12 à 24 heures de surveillance en milieu réanimatoire, si l’état respiratoire était jugé satisfaisant.

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Tableau I Symptomatologie préopératoire. Signes cliniques Stridor

29 (87,9 %)

Dyspnée

25 (75,5 %)

Tirage sévère

24 (72,7 %)

Rétraction thoraxique

Figure 2 : Vue endoscopique. Aspects pré- et post-opératoires d’une aryépiglottoplastie laser pour laryngomalacie globale.

Le retour à domicile était autorisé dès la reprise de l’autonomie alimentaire et sédation de la symptomatologie respiratoire sévère. La cicatrisation laryngée était évaluée par des contrôles fibroscopiques réguliers (J15, J30, J60, à 6 et 12 mois, puis contrôle annuel sur 3 ans). La fréquence de ces contrôles était augmentée en cas de retard ou de trouble de cicatrisation. L’évolution clinique des enfants était évaluée de façon mensuelle.

RÉSULTATS Parmi ces 33 patients, on distinguait 20 garçons et 13 filles. Dans cette population, 8 patients étaient nés prématurément, 3 étaient considérés comme grands prématurés (terme de moins de 32 semaines d’aménorrhée).

Nombre de cas

8 (24,4 %)

Malaises

11 (33,3 %)

Fractionnement alimentaire

23 (69,6 %)

Stagnation pondérale

24 (72,7 %)

Le poids moyen à la naissance était de 2 770 grammes (1 700-3 730). L’âge et le poids moyen au moment du diagnostic étaient respectivement de 6 mois (de la naissance à 36 mois) et de 4 844 grammes (2 226-14 000). La symptomatologie initiale est décrite dans le tableau I. L’examen fibroscopique retrouvait dans 24 cas une laryngomalacie globale, dans 2 cas avec prédominance antérieure et dans 2 cas avec prédominance postérieure. Dans 9 cas, il s’agissait d’une forme postérieure. Dans 27 cas (81,8 %), il existait une affection associée, dont 6 cas (18,2 %) entrant dans un cadre syndromique. Le tableau II résume les différentes anomalies retrouvées. Douze patients (36,3 %) présentaient des critères cliniques de gravité d’emblée, nécessitant une intubation dans 2 cas et la mise sous jet-CPAP nasale dans un cas. L’enregistrement de la saturation nocturne en O2, pratiqué dans 21 cas, retrouvait dans 20 cas (95,2 %) des épisodes de désaturation inférieure à 90 % pendant au moins 10 % du temps testé avec brady- ou tachycardie réactionnelle, avec dans 9 cas (42,8 %) des épisodes de désaturation inférieure à 85 %. Dans un seul cas, celle-ci était normale. La polysomnographie réalisée dans 5 cas (28 %) pour suspicion d’apnée confirmait une hypoventilation obstructive avec épisodes de désaturation jusqu’à 50 % et une pCO2 entre 70-80 mmHg. Les hypopnées étaient répétées avec un index supérieur à 1/heure. 10 fibroscopies œsogastroduénales ont été réalisées : 5 positives avec œsophagite ulcérée, 5 sans lésion visible. La pH-métrie retrouvait un index de reflux à plus de 5 % dans 3 cas ; elle était normale dans 2 autres cas. L’âge moyen au moment de la chirurgie laryngée était de 7 mois et ½ (2 semaines-4 ans) avec un délai de 12 semaines par rapport au diagnostic initial de laryngomalacie (4 jours-2 ans ½) et un poids de 5 585 grammes (2 900g-16 kgs).

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Tableau II Anomalies associées. Anomalies associées non syndromiques Respiratoires

Sténose sous-glottique

4 cas

30,3 %

Dyskinésie trachéale postérieure

2 cas

Diastème grade 0

1 cas

Kyste valléculaire

1 cas

Bronchodysplasie

2 cas

Neurologiques

Holoprosencéphalie

2 cas

18,2 %

Hypertonie périphérique

1 cas

Troubles psychomoteurs

1 cas

Retard de langage

1 cas

Plagiocéphalie droite

1 cas

Maxillo-faciales

SCOP

1 cas

15,1 %

Fente vélopalatine bilatérale

1 cas

Insuffisance vélaire

2 cas

Palais ogival

1 cas

Formes syndromiques

(18,2 %)

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CHARGE

2 cas

Pierre Robin

2 cas

Di George

1 cas

Syndrome oculo-vertébro-acoustique

1 cas

L’aryépiglottoplastie complète a été réalisée dans 25 cas, une aryténoïdoplastie simple dans 8 cas. Deux patients ont nécessité une intubation en fin d’intervention en raison de pauses respiratoires itératives compliquant le transfert en réanimation. Dans les deux cas, l’extubation à été réalisée dès l’arrivée en réanimation, sans complication particulière. Aucune autre complication peropératoire hémorragique ou respiratoire n’a été à déplorer. Vingt-neuf patients (87,9 %) présentaient une normalisation de la saturation et de la gazométrie en air ambiant dans les 48 heures suivant l’intervention. Trois patients présentaient une oxygénodépendance modérée (1 et 2 litres/minutes) durant moins d’une semaine. Un patient est resté oxygénodépendant (1 litre/minute) pendant 1 mois. Un enfant, présentant un syndrome de Pierre Robin, a nécessité une réintubation à J5 et une trachéotomie à J34 pour décompensation respiratoire. Chez ce patient, l’obstruction résiduelle était rapporté à la glossoptose, le col-

lapsus supra-glottique ne présentant plus de caractère obstructif. La dyspnée était résolutive dans 26 cas (78,8 %) à J0 et dans 6 cas avant le premier mois. Sur le plan clinique, le stridor a disparu à J0 dans 22 cas (66,6 %), dans 7 cas avant le premier mois, avant le troisième mois dans 2 cas et persistant dans 1 cas. Sur le plan alimentaire, l’alimentation orale a été reprise à J0 dans 31 cas et à J1 pour les 2 patients intubés, avec une autonomie alimentaire dans 16 cas (48,5 %) à J0. Avant le premier mois, 30 patients (91 %) avaient repris une alimentation normale. Parmi les trois patients non autonomes, deux était porteurs de gastrostomie, le troisième a nécessité une gastrostomie 1 mois après l’intervention. La reprise pondérale durant la période d’hospitalisation a été notée pour tous les patients. Dans 26 cas, les antalgiques de type I ont été suffisants. Le recours aux antalgiques de type II a été nécessaire dans 3 cas, et aux antalgiques de types III dans 4 cas. En dehors de cinq patients dont la co-pathologie nécessitait une hospitalisation longue, le délai moyen de retour au domicile était de 6 jours (3 à 14 jours). Le suivi de la cicatrisation au 15e jour retrouvait une réépithélialisation complète dans 31 cas (93,4 %) et la présence d’un retard de cicatrisation dans 2 cas, avec dans 1 cas la présence de granulomes non obstructifs. Dans un cas (3 %), une reprise chirurgicale avec épiglottopexie a été nécessaire à J21 pour réapparition du stridor sur bascule postérieure de l’épiglotte avec synéchie unilatérale après arrêt intempestif du traitement antireflux. Aucune évolution sténotique ni trouble fonctionnel secondaire n’ont été observés avec un recul moyen de 33,6 mois (3 à 76 mois).

DISCUSSION La laryngomalacie est la cause la plus fréquente de stridor du nouveau-né. La fibroscopie laryngée constitue un outil utile, simple et peu iatrogène de dépistage. Elle donne une vision dynamique de l’obstacle supraglottique, est peu coûteuse et permet un suivi régulier [6]. La fibroscopie laryngotrachéale permet outre le diagnostic positif, d’éliminer les diagnostics différentiels, mais surtout de rechercher des anomalies associées sur les voies respiratoires, pouvant participer à l’obstruction et donc modifier l’attitude thérapeutique. Le diagnostic anatomique du site obstructif doit être bien précisé [6, 7]. Il permet ainsi de définir les différentes formes de laryngomalacies [2, 7, 8]. L’interrogatoire des parents associé à l’examen clinique et fibroscopique de l’enfant suffisent souvent à porter le

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diagnostic de laryngomalacie sévère et à proposer une surveillance et/ou une chirurgie. Pour Holinger [2], l’âge de résolution et la nécessité d’une chirurgie semblent corrélés au type de laryngomalacie. Le stridor est présent de manière continue, intermittente et/ou aggravée par la prise alimentaire dans plus de 70 % des cas, parfois même dans 100 % des cas [7]. La dyspnée est également un bon signe de gravité, retrouvé dans 100 % des cas pour Polonovski [9] avec parfois nécessité d’intubation ou de trachéotomie [4]. Elle s’associe de façon variable à un tirage ou une rétraction thoracique. Le fractionnement alimentaire (69,6 %) et la stagnation staturo-pondérale (72,7 %) sont constamment retrouvés dans la littérature ; respectivement dans plus de 50 % des cas [2, 4, 8-10] et dans 17 à 37 % selon les séries [4, 9]. Ils constituent un excellent indice de gravité, le 2e pour certains [3]. Les troubles de la croissance staturo-pondérale, la rétraction thoracique associés à des apnées constituent des signes de gravité clairement établis [4, 7, 9, 12]. L’évolution des techniques de chirurgie laryngée a été marquée par la nécessité de diminuer la morbidité du traitement chirurgical. Le premier initiateur de la chirurgie endoscopique a été Hasslinger [13] qui, en 1928, sectionne avec succès des replis aryépiglottiques par voie endoscopique. Lane [12] codifie la résection endoscopique : résection aux ciseaux de l’excès muqueux et des replis aryépiglottiques associée ou non à une section des trois replis ou du bord latéral de l’épiglotte. Cette technique hémorragique a nécessité dans la moitié des cas une électrocoagulation à la bipolaire. C’est une technique fiable [14] avec une utilisation alternée possible du laser et des ciseaux [15, 16]. Certains pratiquent en plus des injections de corticoïdes [12, 17] de manière systématique. Seid [18] propose une résection simple de la margelle laryngée latérale en regard des trois replis. Elle produit un allongement de celle-ci ainsi que du vestibule d’avant en arrière. La troisième technique décrite par Solomon [14] consiste en une section des replis aryépiglottiques associée à une épiglottopexie par amarrage antérieur de l’épiglotte à la base de langue. Une intubation de quelques jours est alors conseillée par les auteurs. Ces différentes chirurgies s’accompagnent d’un taux faible de complications [4, 19] mais lourd de conséquence (sténose supraglottique, synéchie interaryténoïdienne postérieure, hémorragie, trachéotomie, infection, décès). A côté de ces techniques associant de manière variable supraglottoplastie et épiglottoplastie, certains auteurs [10, 20] proposent un geste plus minimaliste avec une chirurgie laryngée en suspension unilatérale. Le taux de réussite sur les symptômes est de l’ordre de 94 % avec un

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taux de reprise pour insuffisance de résection de 15 à 20 %, taux comparable aux séries comportant des résections bilatérales d’emblée. Ces auteurs proposent cette technique afin de diminuer le risque de sténose supra-glottique estimée entre 3,4 % (2 sur 59) et 4 % (1 sur 24), 9 % selon les séries [10, 21]. Nous pensons que le respect de la muqueuse du repli aryépiglottique, lors d’une vaporisation large de la margelle telle que nous la pratiquons, est nécessaire afin de limiter le risque de sténose. Celle-ci est secondaire à la synéchie entre l’épiglotte et le massif aryténoïdien. La résection doit être étendue au niveau des zones muqueuses (aryténoïdienne et épiglottique) collabées pendant l’inspiration. Elle doit également respecter une bande muqueuse suffisamment large au niveau du repli ce qui rend improbable la création de cette synéchie supraglottique. Par ailleurs, la vaporisation muqueuse de la partie postérieure des aryténoïdes et de la face linguale d’épiglotte permet une rétraction centrifuge de la margelle laryngée. La chirurgie laryngée en suspension, qu’elle utilise le mode laser ou non, s’est imposée comme étant une technique fiable et rapide du traitement des laryngomalacies sévères. Néanmoins, une surveillance post-opératoire en milieu spécialisé est impérative. Comme le montrent toutes les séries publiées, il existe une précarité cardioventilatoire de l’enfant après la chirurgie. Deux de nos patients ont nécessité une intubation post-opératoire immédiate pour des raisons de sécurité de transport et nous avons dû réaliser une intubation à J5 pour détresse respiratoire secondaire. De nombreux auteurs décrivent également des réintubations précoces [4, 9, 11] avec parfois une reprise pour hémorragie [9]. De même, la trachéotomie de ventilation a parfois été nécessaire ; 4 cas pour Senders [11], 2 cas pour Olney [5] et un cas pour Contencin [16]. Cette surveillance clinique et paraclinique indispensable par monitoring cardiorespiratoire en continu permet de poursuivre et/ou d’intensifier le traitement médical systématique si besoin en contrôlant son efficacité. Elle impose parfois une réévaluation fibroscopique plus précoce avec intubation pour ventilation. En effet, l’œdème laryngé post-opératoire est une cause d’échec manifeste de cette chirurgie. Il est inhérent à cette technique avec des risques accrus en fonction d’une vaporisation non pas tant excessive que mal localisée. Un reflux gastro-œsophagien mal contrôlé majore inévitablement l’inflammation glotto-sus-glottique avec constitution d’œdème et de granulomes pouvant conduire à la trachéotomie [5]. Nous maintenons le protocole anti-inflammatoire par voie générale au moins une semaine et par voie locale au moins deux semaines après la chirurgie. Le traitement anti-reflux doit être poursuivi

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plusieurs mois, afin de limiter les troubles de cicatrisation secondaire. Les échecs précoces sont d’ailleurs parfois liés à une insuffisance ou un arrêt intempestif de ce traitement (un cas dans notre série). Le taux d’extubation en salle opératoire varie de 56 % [11] à 100 % [21]. Il ne semble pas fonction du type de ventilation peropératoire utilisée. En jet ventilation, il est de 100 % pour Remacle [22] et de 56 % pour Senders [11]. En intubation orotrachéale, il est de 77 % pour Polonovski [9]. Pour nous, il n’y a pas d’indication d’intubation post-opératoire systématique sauf en cas d’œdème manifestement obstructif (malgré un traitement médical adapté) ou de difficultés de réveil du patient avec absence de reprise spontanée de la respiration (transport sécurisé vers la réanimation). L’extubation sera alors rapidement pratiquée dès le retour d’une ventilation efficace. Le taux de réintervention pour insuffisance de traitement varie de 5 [10] à 16 % [19]. Il est de 9,5 % pour Roger [4] et de 3 % dans notre série.

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La durée moyenne d’hospitalisation est de 3 [22] à 21 jours [11]. Dans notre série, le retour à domicile a été effectif avant le 5e jour dans 70 % des cas et dans les autres cas, il était différé en raison de problèmes médicaux associés (gastrostomie, trachéotomie) nécessitant une prise en charge en milieu hospitalier. La notion de taux de succès est difficilement appréciable en fonction de la prise en compte de la disparition complète ou partielle des symptômes. Il est en moyenne d’environ 80 à 100 % en fonction du symptôme considéré et de sa rapidité de disparition après la chirurgie. Pour Senders [11], 80 % immédiatement et 100 % à une semaine. Dans cette série, l’amélioration a été notée dans 89 % des cas sur la dyspnée et dans 96 % sur le stridor. Les causes d’échec non liées à la technique peuvent être liées à la présence de lésions obstructives associées [4, 5, 11, 21] qu’il convient de prendre en charge conjointement (11 de nos patients ont été exclus de cette étude en raison d’un geste complémentaire sur les voies respiratoires), et à la présence de troubles neurologiques centraux [4, 11, 23, 24]. Parmi les pathologies neurologiques centrales, il convient de citer la pharyngo-laryngomalacie centrale [4, 24] dont le diagnostic repose sur l’association au collapsus supra-glottique d’un collapsus pharyngé. Cette dernière est par ailleurs rarement isolée, pouvant s’intégrer dans un cadre syndromique, et s’associe fréquemment à des troubles de la déglutition. Dans ce cas, le traitement chirurgical de la laryngomalacie apparaît inefficace, la prise en charge relevant principalement d’une ventilation en BiPAP ou d’une trachéotomie.

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CONCLUSION La laryngomalacie est une pathologie laryngée néonatale fréquente, le plus souvent bénigne nécessitant le plus souvent une surveillance clinique simple associée à la prise en charge du reflux gastro-œsophagien. Pour ce faire, une information claire et rassurante doit être délivrée aux parents afin d’obtenir une parfaite compréhension de l’évolution naturelle de cette pathologie. Néanmoins, lorsque la laryngomalacie est sévère avec retentissement cardiorespiratoire et nutritionnel, une chirurgie laryngée par voie endoscopique doit être proposée et réalisée dans les plus brefs délais. En effet, elle supprime immédiatement l’obstacle supraglottique mécanique permettant ainsi une amélioration rapide de la respiration et de l’alimentation. Le traitement chirurgical permet la résolution des signes de gravité dans une grande majorité de cas, même en cas de pathologies malformatives associées, avec un faible taux de complication.

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