ARCPED-4272; No of Pages 4
Rec¸u le : 29 de´cembre 2015 Accepte´ le : 30 juin 2016
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ScienceDirect www.sciencedirect.com
Fait clinique
Prise en charge conservatrice d’un traumatisme trache´al : cas clinique et revue de la litte´rature Conservative management of tracheal injuries in children: Clinical case and literature review P. Brinasa, C. Bre´hinb, S. Breinigc, P. Galinierb, I. Claudetb, P. Micheaub, O. Abboa,* a Service de chirurgie pe´diatrique, hoˆpital des enfants de Toulouse, 330, avenue de GrandeBretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France b Service d’accueil des urgences pe´diatriques, hoˆpital des enfants de Toulouse, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France c Service de re´animation pe´diatrique, hoˆpital des enfants de Toulouse, 330, avenue de GrandeBretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France
Summary
Re´sume´
Tracheal injuries are a rare but potentially lethal entity, most particularly in pediatrics. While standardized management allows quick therapeutic decisions in adults, based on the results of the initial bronchoscopy, the use of diagnostic exams remains unclear during childhood. We describe the case of a 6-year-old patient with a posterior tracheal wall injury due to a car accident, which was managed without tracheal endoscopy. Based on our experience and on a literature review, we suggest clarifying the management of tracheal injury in children, defining the place of computerized tomodensitometry and endoscopy in the decision process. ß 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Les traumatismes trache´aux sont rares et souvent graves, notamment chez l’enfant. Si la prise en charge est standardise´e chez l’adulte, permettant une de´cision rapide, la place des diffe´rents examens est moins claire en pe´diatrie. Nous de´crivons le cas d’une enfant aˆge´e de 6 ans dont le recours au scanner nous a permis de de´cider de la conduite a` tenir sans endoscopie bronchique pre´alable. A` la lumie`re de ce cas clinique et d’une revue de la litte´rature, nous proposons une revue de cette affection et sa prise en charge. ß 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
1. Introduction
Une relation directe est e´tablie entre la rapidite´ de la prise en charge et la morbidite´, meˆme a` long terme, inde´pendamment de la qualite´ de cette prise en charge [3]. Nous de´crivons ici le cas d’une enfant pour laquelle un traitement conservateur a e´te´ de´cide´ de`s le diagnostic de le´sion trache´ale.
Les traumatismes trache´obronchiques lie´es aux traumatismes compressifs thoraciques sont des conditions rares dont la pre´valence repre´sente moins de 1 % des traumatise´s par compression [1]. Leur incidence est encore plus faible chez l’enfant chez qui la cause principale sont les accidents de la voie publique [2,3]. Un diagnostic et une prise en charge rapides doivent eˆtre une priorite´ puisque la mortalite´ peut atteindre 30 % dont la moitie´ lors de la premie`re heure [4].
* Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] (O. Abbo).
2. Observation Cette enfant aˆge´e de 6 ans, sans ante´ce´dent me´dical particulier, avait e´te´ victime d’un traumatisme cervical ante´rieur direct contre le guidon de son ve´lo. Elle a e´te´ rapidement adresse´e au service d’accueil des urgences pour un œde`me diffus de la face associe´ a` des douleurs inspiratoires. A`
http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2016.06.020 Archives de Pe´diatrie 2016;xxx:1-4 0929-693X/ß 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
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ARCPED-4272; No of Pages 4 P. [(Figure_1)TD$IG] Brinas et al.
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Figure 1. Scanner cervical initial. A. Coupe axiale passant par la le´sion : le´sion du mur poste´rieur de 4 mm de large. B. Coupe sagittale passant par la le´sion : le´sion de 1 cm de hauteur.
l’admission, ses constantes he´modynamiques e´taient stables. Elle pre´sentait une dyspne´e aux deux temps douloureuse mais sans de´saturation ni polypne´e en air ambiant. Il existait une contusion principale au niveau cervical ante´rieur associe´e a` un emphyse`me sous-cutane´ diffus du tronc et de l’extre´mite´ ce´phalique. L’auscultation pulmonaire e´tait par ailleurs claire et syme´trique. Le reste de l’examen e´tait sans particularite´. En raison de la stabilite´ ge´ne´rale de l’enfant, un scanner cervicothoracique a pu eˆtre re´alise´ en urgence (fig. 1). Celui-ci a re´ve´le´ une rupture trache´ale du bord poste´rieur de la trache´e cervicothoracique a` hauteur de C7-T1, d’environ 4 mm de longueur, complique´e d’un pneumome´diastin sans atteinte des organes me´diastinaux ainsi qu’un important emphyse`me souscutane´. Il n’y avait pas d’anomalie parenchymateuse pulmonaire ni au niveau du rachis cervical et du grill costal. Une prise en charge conservatrice a e´te´ de´cide´e et l’enfant a e´te´ hospitalise´e en re´animation pour mise en place d’une antibiothe´rapie prophylactique (amoxicilline-acide clavulanique– gentamycine), avec arreˆt alimentaire et surveillance de l’e´tat
clinique. En cas d’aggravation, une fibroscopie devait eˆtre pratique´e avec au de´cours intubation trache´ale en aval de la le´sion. Les parents ont e´te´ informe´s qu’en cas d’e´chec une trache´otomie serait re´alise´e en aval de la le´sion pour permettre une cicatrisation de la trache´e. L’e´volution clinique a e´te´ favorable, la fonction respiratoire spontane´e restant stable, sans oxyge´no-de´pendance. A` 7 jours du traumatisme, un controˆle de l’imagerie a montre´ une nette ame´lioration du pneumome´diastin et de l’emphyse`me sous-cutane´, avec malgre´ tout le de´veloppement d’un pneumothorax droit de faible abondance. La bre`che trache´ale e´tait referme´e et laissait une irre´gularite´ parie´tale (fig. 2). Les suites ont alors e´te´ simples, l’emphyse`me diminuant progressivement. Apre`s 25 jours de surveillance, l’enfant comple`tement asymptomatique a pu regagner son domicile. Le suivi clinique et radiographique de plusieurs semaines avec repos a` domicile n’a re´ve´le´ aucune complication. Trois mois apre`s le traumatisme, une fibroscopie bronchique a montre´ une trache´e normale, non cicatricielle et sans variation de calibre.
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Figure 2. Scanner cervical au septie`me jours. Coupes axiale et sagittale : comblement de la le´sion initiale.
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Prise en charge conservatrice d’un traumatisme trache´al
3. Discussion Les traumatismes trache´aux sont secondaires a` des le´sions de compression, a` des plaies pe´ne´trantes, ou d’origine iatroge`ne (intubation traumatique) [3]. Il s’agit de conditions graves pouvant entraıˆner une insuffisance respiratoire se´ve`re ainsi qu’une instabilite´ he´modynamique. Leur diagnostic peut parfois eˆtre difficile compte tenu du tableau paucisymptomatique que peuvent pre´senter certains patients avec de petites le´sions [5,6]. L’anatomie particulie`re de l’enfant permet de diminuer l’incidence de ce type de traumatisme : en effet, leur extre´mite´ ce´phalique et leur cage thoracique e´tant relativement larges, permettent de prote´ger un cou assez court en proportion. De plus, la mobilite´ et la compressibilite´ des cartilages trache´aux diminuent encore le risque de blessure [3]. Cependant, une fois la trache´e le´se´e, il est important d’y apporter une prise en charge rapide. En effet, un larynx de petite taille, des aryte´noı¨des plus larges et une e´piglotte proe´minente contribuent a` diminuer la lumie`re larynge´e et compliquent la ventilation [7]. Le principal me´canisme de le´sion trache´ale chez l’enfant reste la compression externe directement applique´e sur la face ante´rieure du cou. Les chutes sur les aires de jeux et les accident de bicyclette sont les causes les plus fre´quentes : au moment de l’impact, le cou de l’enfant est en hyperextension et le larynx ainsi expose´ percute le guidon (Padded Dash Syndrome) [8]. Le cartilage
alors se comprime et la force transmise se re´percute sur le mur poste´rieur trache´al qui se comprime sur le rachis cervical. Ce phe´nome`ne entraıˆne principalement des le´sions de type line´aires horizontales ou irre´gulie`res du mur poste´rieur. A` l’oppose´, les blessures trache´ales iatroge`nes entraıˆnent des le´sions longitudinales du mur poste´rieur [9]. La plupart de ces le´sions se situent a` 2,5 cm au-dessus de la care`ne ou au niveau de la bronche souche droite [10]. Les signes cliniques les plus courants sont l’emphyse`me souscutane´, la de´tresse respiratoire et l’he´moptysie. Certains patients peuvent e´galement pre´senter un pneumothorax ou un pneumome´diastin [1,3–6,9]. Il est cependant important de garder a` l’esprit que beaucoup peuvent pre´senter un tableau paucisymptomatique. Pour tout patient suspect de traumatisme trache´al, la priorite´ reste d’assurer une bonne ventilation. Ceci peut passer par l’e´vacuation d’un pneumothorax, une re´animation ou encore une intubation endotrache´ale si le patient est instable. Un bilan le´sionnel complet doit ensuite eˆtre effectue´ : il comprend une radiographie thoracique a` la recherche d’un pneumothorax, d’un pneumome´diastin ou pour e´valuer l’emphyse`me sous-cutane´ ; une interruption de la colonne d’air trache´al ou une ate´lectasie en regard sont fortement e´vocateurs. Ce bilan doit eˆtre couple´ a` des radiographies du rachis cervical a` la recherche de fractures du rachis ou du grill costal [3]. La place du scanner cervicothoracique varie selon les auteurs. Cet examen peut retarder
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Figure 3. Algorithme de prise en charge d’une plaie trache´ale. D’apre`s Ballouhey et al. [5]. TDM : scanner ; RX : radiographie.
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la prise en charge et ne doit pas donc eˆtre privile´gie´ lorsque le patient est instable [1,3,5]. Il est cependant tre`s utile chez les patients stables avec des anomalies de´tecte´es sur le cliche´ thoracique. Il permet d’e´tablir un bilan complet sur le rachis et dresse un bilan le´sionnel (blessure trache´ale) et pe´ri-le´sionnel cervicothoracique pre´cis (atteinte œsophagienne, pulmonaire, aortique) [4,9]. Le gold standard pour le diagnostic des traumatismes trache´obronchiques reste l’endoscopie bronchique. Elle doit eˆtre au mieux re´alise´e par un pneumologue ou chirurgien thoracique au bloc ope´ratoire [1,3–5,9]. Elle permet d’e´tablir un bilan le´sionnel pre´cis, de poser une e´ventuelle indication chirurgicale et d’assurer une intubation endotrache´ale sous controˆle de la vue en excluant la le´sion si besoin. Ne´anmoins, en regard de la qualite´ des images et de la pre´cision des reconstructions de l’arbre trache´obronchique disponibles actuellement graˆce aux scanners re´cents, la place de cet examen invasif peut, selon nous, se discuter. De plus, la prise en charge conservatrice doit eˆtre e´voque´e de principe pour ces traumatismes, notamment en pe´diatrie et en l’absence de signes de gravite´. Ainsi, nous proposons un arbre de´cisionnel modifie´ a` partir du travail de Ballouhey et al. [5] (fig. 3). La prise en charge des blessures trache´ales apre`s stabilisation du patient est dicte´e selon son e´tat clinique et les caracte´ristiques de la le´sion. En cas de stabilite´ respiratoire et he´modynamique, un traitement conservateur a` base de corticoı¨des syste´miques, d’inhibiteurs de pompe a` proton et e´ventuellement d’une antibioprophylaxie peut eˆtre entrepris [9]. En cas d’instabilite´ respiratoire avec he´modynamique conserve´e, ou en cas de le´sions trache´ales graves (le´sion circulaire inte´ressant toute l’e´paisseur trache´ale, > 2 cm, atteinte de la re´gion pe´ri-carinaire), une chirurgie re´paratrice est indique´e. Enfin, en cas d’instabilite´ he´modynamique et respiratoire, la chirurgie n’e´tant pas re´alisable, on peut recourir a` des techniques de circulation extracorporelle (oxyge´nation par membrane extracorporelle [ECMO]) [5]. Dans notre observation, dont la gravite´ e´tait mode´re´e, avec une fonction respiratoire conserve´e, le scanner thoracique est apparu comme l’examen de premier choix, e´vitant toutes les complications e´ventuelles d’une endoscopie bronchique en urgence. Il ne nous a pas paru ne´cessaire non plus de re´aliser une endoscopie bronchique dans les suites imme´diates puisque les le´sions avaient e´te´ bien visualise´es sur le scanner et juge´es
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minimes et que la fonction respiratoire a toujours e´te´ pre´serve´e.
4. Conclusion Les traumatismes trache´aux sont des conditions graves ne´cessitant un bilan initial exhaustif. Le traitement conservateur posse`de chez l’enfant une place non ne´gligeable, il est fiable et permet d’e´viter des proce´dures invasives potentiellement pourvoyeuses de complications, tout en permettant un bon pronostic fonctionnel a` long terme.
De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.
Re´fe´rences [1] [2] [3]
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[7] [8]
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