Dissection vertébrale intradurale : cas clinique et revue de la littérature

Dissection vertébrale intradurale : cas clinique et revue de la littérature

Journal des Maladies Vasculaires (2009) 34, 218—221 CAS CLINIQUE Dissection vertébrale intradurale : cas clinique et revue de la littérature Intradu...

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Journal des Maladies Vasculaires (2009) 34, 218—221

CAS CLINIQUE

Dissection vertébrale intradurale : cas clinique et revue de la littérature Intradural vertebral dissection: Case report and literature review S. Slaba , C. Braidy ∗, R.-B. Sader , J. Nassar Service de radiologie, Hôtel-Dieu de France, boulevard A. Naccache, Achrafieh, BP 16, 6830 Beyrouth, Liban Rec ¸u le 22 janvier 2009 ; accepté le 11 f´ evrier 2009 Disponible sur Internet le 8 avril 2009

MOTS CLÉS Dissection ; Vertébrale ; Hémorragie méningée

KEYWORDS Dissection; Vertebral; Subarachnoid hemorrhage

Résumé Les dissections vertébrobasilaires représentent une cause rare mais grave d’accident vasculaire postérieur et constituent 3 à 7 % des hémorragies méningées non traumatiques. L’angiographie numérisée est classiquement l’imagerie de choix pour les dissections artérielles mais l’angioscanner et l’angio-IRM s’imposent comme moyens diagnostiques non invasifs et très sensibles. Nous rapportons une observation d’hémorragie méningée (HM) atypique, en insistant sur la contribution des différentes techniques. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Vertebro-basilar dissections represent a rare but severe cause of posterior vascular accident and constitute 3 to 7% of non-traumatic subarachnoid hemorrhage. Digital angiography is classically the standard method for diagnosing of arterial dissections but CT and MR angiography are recently widely used as non-invasive and accurate ways of diagnosis. We report a case of atypical subarachnoid hemorrhage, with focus on contribution of the different techniques. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Observation J. J. âgé de 64 ans, sans antécédent neurologique particulier, se présente pour une crise épileptique généralisée suivie d’un état de confusion post-critique de 30 minutes. La reprise de la conscience est progressive, sans signes de localisation neurologique et avec céphalée persistante.



Auteur correspondant. Adresse e-mail : dr chadi [email protected] (C. Braidy).

Un angioscanner cérébral est alors pratiqué sur un appareil 64 barrettes. Les coupes initiales non injectées montrent une hémorragie méningée (HM) diffuse intéressant surtout la citerne prépontique, les vallées sylviennes ainsi que le quatrième ventricule (Fig. 1a). Après injection de produit de contraste, on note la présence d’un hématome pariétal du segment V4 de la vertébrale gauche (Fig. 1b). De plus, il existe une dilatation fusiforme après le départ de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure (pica) suivie d’un segment d’aval filiforme (Fig. 2a, b). Une IRM avec angio-IRM pratiquées sur un appareil 3 Tesla montrent une disparité de calibre de V4 gauche qui est

0398-0499/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jmv.2009.02.003

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Figure 1 Scanner cérébral non injecté : a : coupe axiale montrant une hémorragie méningée diffuse (flèches). b : coupe axiale révélant un hématome entourant la paroi du segment V4 gauche (flèche). a: CT-scan without contrast: axial view showing diffuse subarachnoid hemorrhage (arrows). b: axial view showing a parietal hematoma of the left V4 segment (arrow).

grêle distalement avec une ectasie fusiforme sur une longueur de 8,8 mm du segment moyen juste après l’émergence de la pica gauche (Fig. 3a). La paroi de la zone ectasique présente un anneau circonférentiel en hypersignal T1 (Fig. 3b). Le patient subit par la suite, une artériographie cérébrale (Fig. 4a) avec déposition de quatre coils permettant d’exclure totalement le segment pathologique tout en conservant la pica (Fig. 4b). L’évolution neurologique est favorable et le patient est asymptomatique 48 heures après l’embolisation. Cependant, il présente une hémorragie rétinienne bilatérale avec une légère hémorragie vitréenne à droite, dans le cadre d’un syndrome de Terson finalement autorésolutif.

Discussion Anatomiquement, l’artère vertébrale est divisée en quatre segments : V1, V2 et V3 constituent la portion extradurale et V4 intradural s’étend du foramen magnum jusqu’au tronc basilaire. Les dissections sont plus fréquentes au niveau extradural, davantage exposé aux microtraumatismes, mais la partie intradurale est plus encline à la rupture, le saignement et la formation de pseudo-anévrisme. Cela pourrait s’expliquer par une média et une adventice plus fines, un nombre plus réduit de fibres élastiques dans la média et l’absence de lamina elastica externe [1]. La physiopathologie de la dissection vertébrale est encore mal connue, mais la rupture de la lamina elastica

Figure 2 Reconstructions vasculaires : a : coupe sagittale en 3D MIP et b : reconstruction volume rendering (VR) montrant un segment ectasique de la vertébrale gauche après le départ de la pica avec un segment filiforme d’aval. Vascular reconstructions: a: sagittal 3D MIP with b: VR views. showing an ectatic segment of the left vertebral artery and a filiform distal segment.

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S. Slaba et al.

Figure 3 a : Angio-IRM avec reconstruction vasculaire 3D MIP montrant le segment ectasique du segment V4 de la vertébrale gauche avec aspect filiforme du segment distal. b : coupe axiale pondérée T1 montrant un anneau circonférentiel en hypersignal T1 autour de la zone ectasique (flèche). a: MR angiography with vascular reconstruction 3D MIP showing the ectatic segment of the left V4 with a distal filiform segment. b: T1 axial view showing a high signal ring around the ectatic segment (arrow).

interne a été suggérée comme cause aboutissant à la formation d’un hématome intramural ou d’un faux chenal. Puis, la dissection s’étend à travers la média, étant sous-intimale ou sous-adventitielle. Sous-intimale, on observe une sténose ou une occlusion de l’artère par l’hématome intramural avec accident ischémique du cervelet ou du tronc cérébral. Sous-adventitielle, elle entraîne la rupture du vaisseau avec formation d’un pseudo-anévrisme et HM [1,2]. L’angiographie numérisée a longtemps été considérée comme l’imagerie standard pour le diagnostic des dissections vertébrales. Elle est réservée actuellement pour les cas incertains ou pour le traitement. Les signes angiographiques sont très spécifiques comme le flap intimal, le

pseudo-anévrisme, l’aspect de double lumière et la rétention de contraste dans le faux chenal, mais ces signes sont rarement retrouvés (10 % des cas) [3]. En fait, les signes les plus fréquents sont une longue sténose segmentaire irrégulière (signe du string) dans les dissections sténo-occlusives [1,2] et une dilatation anévrismale fusiforme avec ou sans sténose associée (signe du chapelet) dans les dissections anévrismantes [1,2]. À noter que l’angiographie ne montre pas l’hématome pariétal. Avec l’apparition des multi-barrettes, l’angioscanner est de plus en plus utilisé pour établir le diagnostic de dissection des artères cervicales et, notamment, vertébrales vu sa haute résolution spatiale, sa rapidité d’exécution et son

Figure 4 a : l’angiographie cérébrale montrant le segment anévrismal fusiforme du segment moyen de la V4 gauche (flèche rouge) juste après le départ de la pica. b : l’angiographie post-embolisation démontre l’exclusion complète du segment anévrismal par les coils (flèche) avec perméabilité conservée de la pica. a: conventional angiography showing the aneurismal segment (red arrow) of the left V4 after the pica origin. b: angiography after coils embolization (arrow) demonstrating exclusion of the aneurismal segment with conservation of the pica.

Dissection vertébrale intradurale : cas clinique et revue de la littérature caractère non invasif. Plusieurs études récentes ont démontré une sensibilité à 100 % et une spécificité supérieure à 95 % dans la détection des dissections vertébrales [3,4]. Les deux signes les plus importants à rechercher sont un élargissement du diamètre de l’artère et un épaississement mural en croissant présents respectivement dans 100 et 79 % des cas dans la série de Chen et al. [3], mais ces deux signes doivent être interprétés avec prudence vu qu’ils existent dans des vertébrales non disséquées [3,6]. D’autres signes peuvent s’y associer, tels que le flap intimal et les irrégularités luminales [5]. L’IRM a également remplacé l’angiographie dans le diagnostic des dissections surtout vertébrales vu sa résolution élevée au niveau de la fosse postérieure. Elle permet de détecter l’hématome pariétal comme une région excentrique de haut signal T1 avec un élargissement du diamètre externe de l’artère et un rétrécissement de la lumière. Le problème diagnostique de l’hématome pariétal est sa confusion possible avec un thrombus intraluminal ou un plexus veineux adjacent. De même, un hématome aigu en isosignal T1 peut ne pas être identifié [1—3,6,7]. De plus, l’IRM a une faible résolution dans la visualisation des petites artères vertébrales [3,7] et elle est affectée par les artéfacts de mouvement. Les anomalies luminales ainsi que le flap intimal sont également visualisés en IRM et angio-IRM mais avec moins de précision que l’angioscanner [6]. De cela, il découle que l’angioscanner est préférable à l’angio-IRM. Une étude récente a montré une sensibilité supérieure de l’angioscanner pour la détection de l’hématome intramural des dissections vertébrales alors qu’elle semble identique pour les dissections carotidiennes [7]. Dans notre cas, l’hématome pariétal semble plus évident sur le scanner que sur l’IRM. Cependant, l’IRM reste supérieure dans les accidents ischémiques de la fosse postérieure dus aux dissections sténo-occlusives. Le traitement dépend du type de dissection, du segment atteint et de l’état neurologique du patient. L’embolisation est le traitement de choix des formes anévrismales aiguës ou chroniques. Les dissections sténo-occlusives sont initialement traitées par anticoagulation et ultérieurement par voie endovasculaire [1,8]. L’hémorragie veineuse est un diagnostic différentiel à évoquer devant une HM. Sa localisation est surtout périmésencéphalique, débordant parfois vers la citerne suprasellaire. Elle peut atteindre aussi la partie postérieure de la scissure interhémisphérique ou la partie proximale des scissures sylviennes. Elle doit cependant rester de faible abondance, sans extension dans la partie antérieure de la scissure interhémisphérique, les ventricules ou en intraparenchymateux. Dans notre cas, l’hypothèse de l’hémorragie

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veineuse est peu probable, en raison de la présence de sang dans le quatrième ventricule et la partie distale des scissures sylviennes ainsi que la survenue d’un syndrome de Terson. Ce dernier résulte d’une gêne à l’écoulement veineux rétinien et est généralement lié à une montée abrupte de la pression intracrânienne, telle qu’observée dans les HM d’origine artérielle. En conclusion, l’angioscanner semble être l’examen de choix pour les dissections vertébrales, avec une sensibilité et une spécificité de plus de 90 %, une plus grande disponibilité, une rapidité d’acquisition et moins de complications. Mais davantage d’études comparatives sont nécessaires pour décider de la modalité optimale pour le diagnostic des dissections vertébrales.

Conflits d’intérêts Aucun.

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