Prise en charge des entorses externes de cheville : étude clinique préliminaire sur l’efficacité du dispositif Myolux™

Prise en charge des entorses externes de cheville : étude clinique préliminaire sur l’efficacité du dispositif Myolux™

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www.sciencedirect.com Journal de Traumatologie du Sport 29 (2012) 71–74

Mémoire

Prise en charge des entorses externes de cheville : étude clinique préliminaire sur l’efficacité du dispositif MyoluxTM Therapeutic strategy for external ankle sprains: A preliminary clinical study on the MyoluxTM device’s efficiency R. Terrier a,b,∗ , P. Toschi b , N. Forestier a,c a

Laboratoire de physiologie de l’exercice (EA 4338), université de Savoie, 73377 Le Bourget-du-Lac, France CEVRES Santé, Savoie Technolac, 30, allée du Lac-d’Aiguebelette, BP 322, 73377 Le Bourget-du-Lac, France c UFR CISM, sciences et techniques des activités physiques et sportives, université de Savoie, 73377 Bourget-du-Lac, France b

Disponible sur Internet le 2 juin 2012

Résumé Les stratégies de prise en charge des entorses externes de cheville, pathologie la plus courante de l’appareil locomoteur associée à d’importantes répercussions sociétales et économiques, se sont avérées peu efficaces pour prévenir les récidives pouvant atteindre 73 % d’après la littérature. Un chausson biomécanique, équipé d’un articulateur reproduisant la mécanique sous-talienne, a été développé dans le but de proposer une solution de rééducation efficace. Dans cet article, nous présentons les principaux résultats d’une étude clinique préliminaire réalisée entre 2004 et 2007. Les données font état d’un taux de récidive sur la population globale traitée de 12 %, après dix séances de rééducation de 30 minutes chacune. Ce résultat satisfaisant est encore largement amélioré (3 % de récidives) lorsque les patients ont accès à des séances régulières d’entretien ; ce fut le cas des 29 patients inclus entre 2006 et 2007. Le chausson biomécanique semble donc représenter une solution efficace pour prévenir les récidives d’entorses externes de cheville. Néanmoins, la protection articulaire à long terme nécessite des séances d’entretien. Ce résultat a motivé le développement d’un chausson miniaturisé que le kinésithérapeute prescrit à son patient afin de réaliser les séances d’entretien à domicile. Finalement, les données obtenues lors de cette étude sont prometteuses dans l’attente des résultats définitifs de l’étude clinique comparative, multicentrique et indépendante actuellement gérée par les hospices civils de Lyon. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cheville ; Entorse ; Récidive ; Rééducation ; Prévention ; Orthèse

Abstract Ankle sprains are the most common injury of the musculoskeletal system and are associated with significant societal and economic impacts. It has been proven that classical therapeutic strategies may not be effective in preventing recurrent injuries: the recurrence rates reported in the literature can reach 73%. In order to provide an effective rehabilitation solution, a destabilizing orthosis was developed. This device is equipped with a mechanical articulator reproducing the subtalar mechanics and placed under the heel. In this paper, we present the main results of a preliminary clinical study conducted between 2004 and 2007. All subjects included in this study were treated with the abovementioned orthosis during 10 rehabilitation sessions of 30 minutes each. Data show a relatively low recurrence rate of 12% for the overall population. Moreover, it’s of primary importance to note that this satisfactory ratio is largely reduced (3% of recurrence rate) for the 29 patients who performed one training session per month after the 10th initial rehabilitation sessions. Hence, the destabilizing orthosis appears to be an effective solution to prevent recurrent ankle sprains. However, joint protection requires long-term and regular training sessions. This result has motivated the development of a similar device allowing patients to perform training sessions at home. Finally, data obtained in this study are promising awaiting the final results of the comparative, multicentric and independent clinical trials currently managed by the Hospices Civils de Lyon. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Ankle; Sprain; Recurrence; Rehabilitation; Prevention; Orthosis



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Terrier).

0762-915X/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jts.2012.01.004

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1. Introduction L’entorse de la cheville est la lésion traumatique la plus fréquente de l’appareil locomoteur [1,2]. Dans les pays industrialisés, son taux d’incidence journalier s’élève à un pour 10 000 habitants, soit environ 6000 cas quotidiennement en France et 23 000 aux États-Unis [3,4]. Il s’agit dans la très grande majorité des cas d’une atteinte du ligament collatéral latéral [5]. Il est admis qu’un tiers des patients présenteront dans les suites une instabilité chronique caractérisée par des épisodes de récidives traumatiques [6]. En France, l’impact économique direct que cette pathologie représente s’élève à 1,2 millions d’euros par jour et pourrait atteindre un milliard d’euros par an [7]. Par ailleurs, à plus long terme, l’instabilité chronique est génératrice d’arthrose [8]. Cette problématique est très prononcée dans le milieu sportif. O’Loughlin et al. [9] ont estimé que l’entorse externe de cheville représente 25 % de l’ensemble des traumatismes recensés. De plus, dans certains sports comme le basket-ball, le taux de récidive peut atteindre 73 % [10]. Ces constats ont amené la communauté scientifique internationale à relativiser l’efficacité des stratégies de prise en charge actuelles [11] et à recommander aux chercheurs et praticiens d’unir leurs efforts dans le but de développer des dispositifs et méthodes prophylactiques plus efficaces. Le concept MyoluxTM (Fig. 1) a été développé afin d’apporter une solution pertinente en ce sens. Cette orthèse, équipée d’un articulateur placé sous l’arrière-pied qui reproduit la mécanique sous-talienne, a fait l’objet de nombreuses études. Ces travaux ont notamment mis en évidence que le dispositif permettait : • d’optimiser, grâce au principe de déstabilisation physiologique, le travail proprioceptif et la boucle sensorimotrice en ciblant spécifiquement les muscles fibulaires [12,13] ; • d’optimiser le renforcement musculaire des fibulaires en autorisant un travail en charge sur toute l’amplitude articulaire et selon les modes de contraction concentrique et excentrique [14]. Par ailleurs, le caractère essentiel de l’intégration du mode de contraction excentrique dans le processus de renforcement musculaire des fibulaires a également été démontré [15]. Les mêmes auteurs précisent d’ailleurs qu’une faiblesse musculaire des éverseurs constitue un facteur de risque majeur de récidive ; • d’intégrer la dimension centrale du mouvement, tel que recommandé par Hertel [11]. La capacité de travail en locomotion (marche, course, sauts, changements de direction) autorise une action efficace de reprogrammation neuromusculaire. Les patients équipés du dispositif sont déstabilisés dans des conditions naturelles et proches du mécanisme lésionnel en termes de trajectoire (i.e. autour de l’axe de Henke) et de vitesses d’inversion [13]. Ainsi, le système nerveux central développe des stratégies de protection articulaire efficaces telles que la pro-activation des fibulaires [16,17] et les procédés de délestage [18]. À la lumière de l’ensemble de ces données, il semble envisageable que les caractéristiques de l’orthèse MyoluxTM

engendrent un impact positif sur le taux de récidive. De manière à apporter des premiers éléments de réponse relatifs à cette hypothèse, nous avons mis en place une étude clinique préliminaire sur quatre ans dont les principaux résultats sont présentés ici. 2. Méthodologie Soixante-six patients (31 ± 15 ans ; 68 ± 11 kg ; 173 ± 9 cm) pris en charge entre janvier 2004 et décembre 2007 (quatre ans) par un cabinet de kinésithérapie d’Aix-les-Bains (Savoie, France) pour une rééducation suite à une entorse externe de cheville ont été intégrés à cette étude. Afin de s’approcher le plus possible de la réalité de l’activité kinésithérapique et des populations classiquement traitées, aucun critère d’inclusion supplémentaire n’était requis. Dans cette population, le nombre d’entorses externes durant l’année précédant l’inclusion et concernant la cheville qui faisait l’objet de la rééducation a été de 2,1 (±3,3). Chaque patient a suivi dix séances de 30 minutes durant lesquelles le protocole de rééducation préconisé avec le dispositif MyoluxTM était pratiqué sous contrôle du kinésithérapeute. Ce protocole est composé de trois phases : • la phase 1 est dédiée à la réactivation en charge des fibulaires et à l’optimisation de la boucle sensorimotrice au moyen d’une déstabilisation contrôlée et physiologique (axe de Henke) ; • la deuxième phase est consacrée au renforcement des muscles fibulaires sur des modes de contraction concentrique et excentrique ; • enfin, la troisième phase est axée sur le travail en locomotion qui permet d’intégrer la reprogrammation neuromusculaire des stratégies de pro-activation des fibulaires et de délestage. Un suivi de tous les patients pendant 18 mois a été réalisé. Tous les trois mois, celui-ci était contacté par téléphone afin de rechercher d’éventuelles récidives et de recueillir des informations relatives au sentiment d’instabilité de la cheville. Trente-sept sujets ont été intégrés durant les deux premières années de l’étude (2004–2005). Ces patients ont réalisé les dix séances de rééducation initiales, sans aucune séance d’entretien par la suite. Les 29 patients intégrés durant les années 2006–2007 ont réalisé les dix séances de rééducation initiales ainsi suivies d’une séance d’entretien tous les mois. La population globale de l’étude peut donc être dissociée en deux catégories : d’une part, sans séance d’entretien et, d’autre part, avec séances d’entretien. Le nombre d’entorses externes durant l’année précédant l’inclusion et concernant la cheville qui faisait l’objet de la rééducation était comparable pour les deux populations : 2 (±2,7) et 2,3 (±4) pour les groupes sans et avec séances d’entretien, respectivement. Un écart-type plus important dans le groupe avec séances d’entretien peut toutefois être relevé : cette donnée s’explique par la présence de trois patients présentant de très nombreuses récurrences durant l’année précédant l’inclusion (6 à 15).

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Fig. 1. Illustration du dispositif MyoluxTM Medik. À droite, matérialisation de l’axe de déstabilisation inspiré de l’axe physiologique de Henke. À gauche, illustration de la capacité de travail en locomotion.

3. Résultats Sur l’ensemble des 66 patients, 8 récidives ont été recensées, soit un taux de 12 %. Il est important de noter qu’elles sont toutes survenues 15 à 18 mois après la prise en charge initiale en cabinet. Aucune récidive n’a été identifiée avant cette période. Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’un sentiment d’instabilité ainsi que des épisodes de twists, sans engendrer de blessure, ont été rapportés par les récidivistes à partir du 12e mois post-inclusion. La rééducation au moyen du dispositif MyoluxTM apparaît donc plus efficace que les stratégies classiques puisque le taux de récidive de 12 % est largement inférieur aux taux de 33 à 73 % rapportés dans la littérature [10,11]. Néanmoins, l’occurrence des récidives plus de 15 mois post-inclusion suggère que la protection articulaire soit optimale dans un premier temps et altérée par la suite. Un entretien régulier apparaît donc pertinent. Afin de tester cette hypothèse, nous avons comparé les taux de récidives au sein des populations sans (inclusion en 2004–2005) et avec (inclusion en 2006–2007) séances d’entretien : sept des huit récurrences concernent le groupe sans séance d’entretien. Ainsi, comme illustré sur la Fig. 2, le taux de récidive est de l’ordre de 19 % au sein de la population sans séances d’entretien et seulement de 3 % dans la population avec séances d’entretien. Ce résultat illustre l’intérêt de poursuivre l’entretien après la prise en charge initiale dans le but de conserver un niveau de protection articulaire optimal et éviter les récidives à long terme.

moyen du dispositif MyoluxTM et des protocoles associés permet d’atténuer de manière marquée le taux de récidives dans les 12 à 15 mois qui suivent les dix séances initiales. Ce chausson biomécanique apparaît donc comme une solution plus efficace que les stratégies de prise en charge classiques vis-à-vis du risque de récurrence [11]. Néanmoins, la protection articulaire semble perdre de son efficacité à long terme, comme en témoignent les sept récidives recensées dans le groupe qui n’a pas suivi de séances d’entretien. A contrario, une seule récidive a été observée au sein du groupe qui a suivi des séances d’entretien. Il convient d’ailleurs de signaler que cette récidive concernait le cas particulièrement difficile d’un adolescent en pleine croissance et ayant subi un décollement épiphysaire. À la lumière de ces résultats, et de manière à favoriser l’accès autonome des patients aux séances d’entretien, un dispositif MyoluxTM Soft a été développé (Fig. 3). Celui-ci peut être prescrit par le kinésithérapeute au patient qui peut alors réaliser les exercices d’entretien à domicile. Il s’agit d’un chausson biomécanique conc¸u sur le même principe que le dispositif MyoluxTM Medik destiné aux kinésithérapeutes. Un articulateur placé sous l’arrière-pied permet de reproduire la mécanique sous-talienne, et ainsi de favoriser le travail proprioceptif, le renforcement des muscles fibulaires et la reprogrammation neuromusculaire des stratégies efficaces de protection articulaire.

4. Discussion Les résultats présentés ici suggèrent donc que la prise en charge des entorses de cheville par les kinésithérapeutes au

globale (n=66) Population globale (n=66) récidive: 12% Taux de récidive:

Population sans sans entretien entretien (n=37) (n=37) Taux de récidive: récidive: 19%

Popula Population tion avec avec entr entretien etien (n=29) (n=29) Taux de récidive: 3% de récidive:

Fig. 2. Taux de récidive à 18 mois dans la population globale, dans la population sans séance d’entretien (à gauche) et dans la population avec séances d’entretien (à droite).

Fig. 3. Illustration du dispositif MyoluxTM Soft.

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5. Conclusion Les données issues de cette étude clinique préliminaire suggèrent que la prise en charge initiale avec MyoluxTM Medik (Fig. 1), suivie d’un entretien avec MyoluxTM Soft (Fig. 3), représente une stratégie efficace pour minimiser le risque de récidives d’entorses externes de cheville. Afin de tester définitivement cette hypothèse, une étude de validation clinique comparative, multicentrique et indépendante, est actuellement gérée par les hospices civils de Lyon. Cette étude consiste à comparer les taux de récidives sur deux ans au sein de deux groupes distincts : prise en charge classique et prise en charge avec MyoluxTM Medik suivie d’un entretien régulier avec MyoluxTM Soft. Déclaration d’intérêts R. Terrier et P. Toschi déclarent un conflit d’intérêt avec la société qui a développé le concept Myolux. Ces auteurs certifient que ce conflit d’intérêt n’a pas influencé la conduite de l’étude. N. Forestier ne déclare aucun conflit d’intérêt. Références [1] Linford CW, Hopkins JT, Shulties SS, Freland B, Draper DO, Hunter I. Effects of neuromuscular training on the reaction time and electromechanical delay of the peroneus longus muscle. Arch Phys Med Rehabil 2006;87:395–401. [2] Williams GN, Jones MH, Amendola A. Syndesmotic ankle sprains in athletes. Am J Sports Med 2007;35:1197–207. [3] Brooks SC, Potter BT, Rainey JB. Treatment for partial tears of the lateral ligament of the ankle: a prospective trial. Br Med J 1981;282: 606–7.

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