Annales de réadaptation et de médecine physique 48 (2005) 34–40 http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/
Article original
Prise en charge des troubles de l’éjaculation par chlorhydrate de midodrine (Gutron®) per os. Étude rétrospective chez 16 sujets Treatment of sperm transport disturbances by midodrine (Gutron®) per os. Retrospective study about 16 subjects A. Blanchard-Dauphin a,*, J.M. Rigot b, A. Thevenon a a
Service de médecine physique et réadaptation, hôpital Swynghedauw, CHRU, 59037 Lille cedex, France b Service d’andrologie, hôpital Calmette, CHRU, 59037 Lille cedex, France Reçu le 14 avril 2004 ; accepté le 1 septembre 2004
Résumé Objectifs. – Évaluer l’efficacité et les effets secondaires du Chlorhydrate de midodrine per os chez les patients présentant des troubles de l’éjaculation. Matériel et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective concernant les patients adressés en consultation d’Andrologie au CHRU de Lille entre 1995 et 2002 pour la prise en charge d’une anéjaculation ou d’une éjaculation rétrograde par chlorhydrate de midodrine per os. Le spermogramme et la recherche de spermatozoïdes urinaires ont été analysés après prise médicamenteuse à dose progressivement croissante (2,5 à 20 mg). Résultats. – La population est constituée de 16 patients (âge moyen : 36 ans) présentant des troubles de l’éjaculation d’étiologies diverses (12 causes neurologiques centrales ou périphériques dont 3 diabètes, 4 séquelles de chirurgie urologique ou digestive). Le Chlorhydrate de midodrine a permis l’obtention d’une éjaculation antérograde et rétrograde dans 1 cas, antérograde dans deux cas, rétrograde six fois et a été un échec chez huit patients. Les effets secondaires ont été rares et anodins. Discussion. – Le chlorhydrate de midodrine permet une éjaculation antérograde et/ou rétrograde dans près de la moitié des cas, en particulier chez les patients aux antécédents de chirurgie urologique, de diabète évolué ou d’atteinte médullaire. Il paraît inefficace, aux doses utilisées dans ce travail et par voie orale, chez les patients présentant un syndrome de queue de cheval. Conclusion. – Notre étude montre l’efficacité et la bonne tolérance du chlorhydrate de midodrine per os pour le traitement des infertilités en rapport avec une dysfonction de l’éjaculation. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – We evaluate the efficiency and side effects of midodrine in the treatment of sperm transport disturbances. Materials and methods. – This retrospective study concerned patients addressed in Andrologia Department between 1995 and 2002 for treatment of sperm transport disturbances by administration of Midodrine per os (from 2.5 to 20 mg). Anterograde and retrogrades ejaculates (in urine sample) were examined. Results. – Sixteen patients (middle age of 36 years) were included: 12 neurologic lesions (central or peripheral, with 3 diabetes), four post-surgical (urologic and digestive) ejaculatory incompetence. One patient obtained anterior and retrograde ejaculation, two patients obtained anterior ejaculation and six retrograde ejaculations by midodrine per os. This treatment was inefficient in eight subjects. Side effects were exceptional. Discussion. – We obtained anterior or retrograde ejaculation in half of our population. The success was more important in patients with central neurologic injuries, diabetes or post-surgical troubles. In peripheral neurologic injuries, midodrine per os (maximal dose of 20 mg) was ineffective. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Blanchard-Dauphin). 0168-6054/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2004.09.004
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Conclusion. – Our study demonstrates the efficiency and good tolerance of midodrine per os for treatment of sperm transport disturbances. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Éjaculation ; Midodrine ; Lésion médullaire ; Queue de cheval Keywords: Ejaculation; Midodrine; Central neurologic lesion; Peripheral neurologic lesion
1. Introduction L’éjaculation est contrôlée par le système nerveux orthoet parasympathique dans ses différentes phases. Ainsi, trois étapes successives sont individualisées : l’émission de sperme des canaux déférents vers l’urètre postérieure ; la contraction de l’urètre postérieure et la fermeture du col vésical ; la contraction des muscles bulbocaverneux et ischiocaverneux ainsi que de l’ensemble du plancher pelvien. Les deux premières sont provoquées par la stimulation des nerfs orthosympathiques alors que la dernière, l’expulsion, est provoquée par une stimulation parasympathique et en partie somatique d’origine S2–S4 [7,9]. Cette description de l’éjaculation normale nous laisse donc entrevoir l’intérêt potentiel des thérapeutiques médicamenteuses actives sur le système nerveux végétatif dans les troubles éjaculatoires. Bien que déjà ancienne, cette stimulation pharmacologique n’est que rarement décrite dans la littérature. Les premiers essais ont été réalisés dès 1947 et poursuivis jusque dans les années 1980 avec les molécules parasympathomimétiques telles que la néostigmine intrathécale puis la physostigmine sous-cutanée [3,9,11]. Leur efficacité certaine était néanmoins sérieusement contrebalancée par d’importants effets secondaires rendant leur utilisation difficile voire dangereuse. Les thérapeutiques sympathomimétiques ont fait une apparition beaucoup plus tardive et plus confidentielle. Ainsi, le chlorhydrate de midodrine (Gutron®), promédicament dont le principal métabolite possède des propriétés agonistes des récepteurs a1-adrénergiques post-synaptiques à durée d’action longue [4] a été employé pour la première fois en 1979 pour le traitement de dysfonctions éjaculatoires après curage aortocave [8]. Alors qu’elles constituent un traitement reconnu pour la prise en charge des phénomènes dysautonomiques d’origine neurologique [17,18], les travaux publiés y faisant référence pour le traitement des troubles éjaculatoires s’avère d’un nombre extrêmement limité et fondés sur des effectifs restreints avec des protocoles très variables en termes de dose, de mode d’administration ou de population étudiée. Afin de mieux cerner les indications, l’efficacité et les limites d’utilisation du chlorhydrate de midodrine, nous avons réalisé une étude rétrospective concernant les patients pris en charge dans le service d’andrologie du CHRU de Lille pour le traitement d’une anéjaculation ou d’une éjaculation rétrograde par Gutron® per os.
2. Matériel et méthodes 2.1. Patients Nous avons réalisé une étude rétrospective à partir des dossiers des patients admis en consultation entre 1995 et mars 2002 dans le service d’andrologie du Docteur Rigot au CHRU de Lille pour la prise en charge de troubles de l’éjaculation par Midodrine (Gutron®) per os. 2.2. Méthode Chaque essai thérapeutique a été réalisé dans le service d’andrologie en hôpital de jour sous surveillance médicale et paramédicale. Une alcalinisation des urines était obtenue par absorption d’au moins 500 ml d’eau gazeuse type Vichy la veille et le matin de l’hospitalisation par le patient. Une vidange vésicale était effectuée, par miction volontaire ou par sondage évacuateur avant le test. Une surveillance tensionnelle était instaurée avant la prise médicamenteuse puis toutes les 20 minutes pendant deux heures. L’apparition d’éventuels effets secondaires ou événements particuliers étaient notée. La dose de midodrine administrée était variable selon les sujets. La dose-test initiale était de 2,5 ou 5 mg de chlorhydrate de Midodrine (Gutron®) per os en une prise. Elle était ensuite augmentée progressivement de 2,5 à 5 mg à chaque test ou laissée telle quelle selon les résultats obtenus. L’intervalle entre deux prises médicamenteuses était au minimum d’une semaine. Pour chaque test étaient réalisés un spermogramme en cas d’éjaculation antérograde et une recherche de spermatozoïdes urinaires de manière systématique (deux heures après la prise médicamenteuse en cas d’absence de manifestations cliniques). Ont ainsi été collectées pour chaque sujet inclus les données suivantes : • Données initiales : C âge ; C étiologie de la pathologie initiale, niveau d’atteinte médullaire, date d’apparition de cette pathologie ; C recherche biologique (dosage sanguin FSH, LH, testostérone, prolactine) et échographique d’un hypogonadisme ; C présence ou non d’une érection et/ou d’une éjaculation spontanées ; C résultats du spermogramme et de la recherche de spermatozoïdes urinaires sans traitement.
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• troubles de l’éjaculation secondaire à un diabète insulinodépendant évoluant depuis plus de dix ans : trois cas ; • antécédent de résection du rectum pour cancer : un cas. Le délai depuis l’apparition de la pathologie initiale était de plus d’un an pour tous les sujets. La durée de l’infertilité s’étalait d’un à plus de dix ans. Six des 16 sujets avaient une érection satisfaisante sans traitement (3 cas de DID, un cancer testiculaire opéré, un cas après résection de rectum, un patient présentant un anévrisme médullaire cervical). Un sujet effectuait des injections intracaverneuses. Deux sujets présentaient des éjaculations rétrogrades authentifiées par la recherche de spermatozoïdes urinaires avant prise de midodrine (1 cas de cancer testiculaire opéré, 1 cas de DID). Un hypogonadisme clinique de sévérité variable était mis en évidence sur les données biologiques (FSH > 10 U) et/ou échographiques (volume testiculaire < 16 ml) chez neuf des 16 sujets : • antécédent de cancer testiculaire : un cas ; • atteinte médullaire : quatre cas ; • syndrome de la queue de cheval : eux cas ; • DID : un cas ; • antécédent de cancer du rectum : un cas (hypogonadisme franc, sujet âgé de 55 ans).
• Tests thérapeutiques à la midodrine : C date du test ; C dose de midodrine utilisée ; C dose de viagra utilisée (non systématique) ; C utilisation éventuelle d’un vibreur ; C apparition d’un orgasme au cours du test ; C effets secondaires signalés par le patient ; C pression artérielle initiale puis 20, 40, 60, 80, 100 et 120 minutes après la prise médicamenteuse ; C spermogramme sur éjaculation antérograde ; C analyse des urines recueillies après le test. 2.3. Statistiques Seule une analyse descriptive a été réalisée sur l’échantillon. 3. Résultats 3.1. Population Seize patients d’âge moyen 36 ans (extrêmes de 21 et 55 ans) ont bénéficié d’une prise en charge des troubles de l’éjaculation par prise orale de chlorhydrate de Midodrine (Gutron®) entre 1995 et 2002. Les étiologies de ces troubles de l’éjaculation étaient les suivantes : • antécédent de cancer testiculaire opéré avec curage ganglionnaire lombo-aortique : trois cas ; • atteinte médullaire (para- ou tétraplégie spastique) : cinq cas (sclérose en plaque, paraplégie post-traumatique (2 cas : niveaux T5 et T12), anévrisme artérioveineux médullaire (2 cas : niveau cervical) ; • atteinte neurologique périphérique (syndrome de la queue de cheval ou spina bifida) : quatre cas (niveau indéterminé) ;
3.2. Effıcacité de la midodrine per os (Tableaux 1,2) 3.2.1. Cancer testiculaire avec curage ganglionnaire lombo-aortique (3 sujets) • Éjaculation rétrograde : trois cas dont un sperme de mauvaise qualité et en faible quantité non utilisable malgré trois essais. • Éjaculation antérograde : un des trois cas. • Échec : zéro cas. • Dose efficace : 5 à 15 mg de Midodrine.
Tableau 1 Efficacité de la midodrine selon l’étiologie et la dose utilisée (E : échec, R : éjaculation rétrograde, A : éjaculation antérograde). Chaque + représente un essai de Midodrine. Le signe ± signifie que le sperme recueilli par voie antérograde ou au niveau urinaire est de mauvaise qualité (cf. Tableau 2) Étiologies Cancer testiculaire
Atteinte médullaire
Queue de cheval/spina bifida
Diabète
Cancer du rectum
Cas no 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
E +
2,5 mg R A
E
5 mg R A + ±
+
E +
10 mg R A +
E
+++
12,5 mg R A + + ± ±
E
15 mg R A
E
±
++ + ++ ++ + + + + ++ + + +
+
+ +++
++ ++ + + +++ ++ +
++
+ + ±
± + ++ + ++ +
+
+ +
+ ±
+
+
±++
20 mg R A
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Tableau 2 Résultats des spermogrammes et prélèvements urinaires après traitement par midodrine Étiologies Cancer testiculaire
Cas no 1
Numération spermatozoïdes
Mobilité spermatozoïdes a
5 10 12,5 10 15 15 15 2,5 2,5 2,5 10 5 5 5 15
Type d’éjaculation rétrograde antérograde rétrograde antérograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde antérograde antérograde antérograde antérograde antérograde rétrograde
1 M/ml 1500 M/ml 225 M/ml 1360 M/ml 185 M/ml 3 Sp après centrifugation 100 Sp après centrifugation 4250 Sp 2 Sp après centrifugation 314 000 Sp 20 M/ml 1 M/ml après centrifugation 650 000/ml 150 000/ml 600 000/ml 5000/ml 16,6 M/ml 40,8 M/ml 48 M/ml 1 Sp
a = 0, b = 1, c = 2, d = 97 ? a = 0, b = 2, c = 2, d = 96 ? a = 0, b = 0, c = 3, d = 97 d = 100 d = 100 d = 100 d = 100 d = 100 a = 0, b = 1, c = 2, d = 97
5 15 15 15 5 10 5
rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde rétrograde
44 000/ml 743 000/ml 1 Sp après centrifugation 75 M/ml 540 000/ml 2250 Sp 5 Sp après centrifugation
a = 0, b = 1, c = 2, d = 97 a = 0, b = 0, c = 1, d = 99 d = 100 a = 1, b = 0, c = 1, d = 98
Dose de midodrine 5 10 15
2
3
Atteinte médullaire
4 5 6
Queue de cheval/spina bifida Diabète
9
14
15 Cancer rectum a
16
a = 0, b = 0, c = 5, d = 95 a = 0, b = 0, c = 15, d = 85 a = 0, b = 5, c = 5, d = 90 a = 0, b = 5, c = 5, d = 90 a = 5, b = 5, c = 10, d = 80 a = 5, b = 15, c = 15, d = 65 a = 10, b = 5, c = 5, d = 80 d = 100
Vitalité spermatozoïdes 4% 1% 6% 1% 7% 12 % 3% 0%
25 % 17 % 18 %
1% <5%
d = 100 d = 100
Conservation du sperme Non ? ? Non Non Non Non Non Oui Oui Non Non ? ? Oui Oui Oui Non
Non Oui Non Oui Non Non Non
a = mobilité à une demi heure progressive, b = peu progressive, c = sur place, d = nulle.
3.2.2. Atteinte médullaire (5 sujets) • Éjaculation rétrograde : un cas. • Éjaculation antérograde : deux cas. • Échec : deux cas. • Dose efficace : 2,5 à 10 mg de midodrine. • Intérêt de l’utilisation du vibreur et/ou du Viagra® 25 et 50 chez trois des cinq sujets (2 paraplégies spastiques post-traumatiques, un anévrisme médullaire cervical). 3.2.3. Syndrome de queue de cheval et spina bifida (paraplégie périphérique) (4 sujets) • Éjaculation rétrograde : zéro cas (1 essai partiellement positif : 1 spermatozoïde immobile). • Éjaculation antérograde : zéro cas. • Échec : quatre cas. • Dose utilisée : 2,5 à 20 mg. • Utilisation concomitante du Viagra® 50 à trois reprises chez un sujet : pas d’amélioration des résultats de la midodrine sur les troubles éjaculatoires. • Utilisation concomitante du vibreur pour chaque essai chez un autre sujet : pas d’amélioration des résultats de la midodrine sur les troubles éjaculatoires. 3.2.4. Diabète insulinodépendant (3 sujets) • Éjaculation rétrograde : deux cas.
• Éjaculation antérograde : zéro cas. • Échec : un cas. • Dose efficace : 5 à 15 mg de midodrine. 3.2.5. Cancer du rectum (1 sujet) • Échec du traitement mais sujet de 55 ans avec hypogonadisme clinique franc (FSH = 33, testicules de petit volume à l’échographie). 3.2.6. Orgasme (Tableau 3) La sensation orgasmique était ressentie de manière variable selon les sujets et l’étiologie des troubles éjaculatoires, selon la dose de midodrine employée et son efficacité. Le tableau suivant donne la valeur des orgasmes ressentis par les sujets en fonction des résultats du spermogramme ou de la recherche de spermatozoïdes urinaires. 3.3. Effets secondaires de la midodrine 3.3.1. Effets indésirables Les effets indésirables les plus couramment décrits par les sujets étaient : • picotements ou paresthésies touchant la tête ou le cuir chevelu (4 cas), les membres inférieurs (4 cas), les bourses ou la verge (2 cas) ;
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Tableau 3 Évaluation des résultats du chlorhydrate de midodrine : recherche de correspondance entre la perception de la sensation orgasmique et l’étiologie Étiologies Cancer testiculaire (10 essais) Atteinte médullaire (18 essais) Queue de cheval / spina bifida (20 essais) Diabète (13 essais) Cancer rectal (3 essais)
Vrai positif 7
Faux positif 1
Vrai négatif 1
Faux négatif 1
5
0
11
2
1
6
13
0
5
1
6
1
0
0
2
1
VP : orgasme et éjaculation ; FP : orgasme sans éjaculation ; VN : ni orgasme ni éjaculation ; FN : éjaculation sans orgasme.
• sensation de chaleur diffuse (2 cas), limitée à la tête (1 cas) ou à la verge (1 cas) ; • apparition de mouvements cloniques des membres inférieurs chez deux sujets paraplégiques spastiques ; • érection (3 cas). Ces symptômes étaient décrits en général pour les premiers essais aux doses faibles (2,5 ou 5 mg). Seuls trois sujets (un diabétique, un paraplégique spastique et le patient aux antécédents de résection du rectum) ont signalé la persistance de ces effets secondaires au cours de chacun des tests, à la dose de 2,5, 5 puis 10 mg pour les deux premiers et de 10 puis 15 mg pour le troisième. La surveillance tensionnelle réalisée tout au long des essais et chez tous les sujets n’a pas montré d’élévation franche de la pression artérielle sous midodrine. Ces chiffres étaient d’ailleurs plutôt élevés avant la prise médicamenteuse, probablement sous l’effet du stress, et avaient tendance à baisser ensuite. 3.3.2. Effets secondaires selon l’étiologie Les sujets aux antécédents de cancer testiculaire opéré avec curage lomboaortique ressentent en général peu de signes périphériques après la prise de midodrine. Le délai d’efficacité du traitement est de 80 à 120 minutes. La sensation orgasmique est dans la plupart des cas (7/10) en rapport avec une éjaculation rétrograde ou antérograde. Chez les sujets présentant une atteinte médullaire, les effets secondaires semblent plus fréquents et apparaissent dès les faibles doses (2,5 mg de Midodrine). À noter l’apparition de mouvements cloniques des membres inférieurs sans liaison avec une éventuelle éjaculation. Le délai d’efficacité varie de 45 à 100 minutes. Les sujets souffrant d’une paraplégie flasque (syndrome de queue de cheval ou spina bifida) présentent peu d’effets secondaires sous midodrine. Un seul patient a signalé des picotements, une sensation de chaleur et une érection lors du premier essai à 2,5 mg ; ces signes périphériques ne sont pas réapparus lors des tests thérapeutiques suivants, même à la dose de 20 mg. La perception d’une sensation orgasmique paraît peu fiable (6 faux positifs sur 20) ; l’absence d’orgasme est en revanche en général synonyme d’absence d’éjaculation. Les effets secondaires de la midodrine sont rares chez les trois sujets diabétiques de notre cohorte. Seul un patient a
décrit des picotements de la tête ou des membres inférieurs après chacune des prises médicamenteuses à 2,5, 5 et 10 mg. La perception ou non de l’orgasme est le plus souvent bien corrélée à la présence ou non d’une éjaculation (5 vrais positifs et 6 vrais négatifs sur 13 essais).
4. Discussion Malgré les limites inhérentes au petit échantillon de notre population et au caractère rétrospectif de notre travail, l’intérêt du chlorhydrate de midodrine per os pour la prise en charge des anéjaculations ou des éjaculations rétrogrades paraît évident. Ainsi, sur une population totale de 16 individus, huit ont obtenu au moins une fois une éjaculation antérograde et/ou rétrograde sous Gutron® per os. Ce taux de réussite de 50 % se rapproche de celui donné par Kamischke et Nieschlag [9] dans leur revue de littérature (56 % de succès, toutes étiologies confondues, traitement intraveineux et oral). Dans notre travail, ces résultats sont néanmoins très variables selon l’étiologie initiale. En effet, chez les patients présentant une dysfonction éjaculatoire secondaire à un curage lomboaortique pour cancer testiculaire, ce traitement semble particulièrement indiqué avec un taux de succès de 100 % (tous les sujets ont eu une éjaculation rétrograde, un a eu une éjaculation antérograde et rétrograde). Ce bon score est déjà retrouvé dans la littérature [5,8,10,13,15] avec traitement par voie intraveineuse. Jonas et al. [8] n’avaient en revanche pas eu de succès parmi leur échantillon de huit patients avec le chlorhydrate de midodrine administré per os à la dose de 15 mg par jour. Dans les atteintes médullaires centrales, trois de nos cinq sujets traités ont eu une éjaculation dont deux de manière antérograde. L’efficacité du Gutron® a d’ailleurs été renforcée par l’utilisation du Viagra® et/ou du vibreur chez certains patients (le vibromassage avait été auparavant inefficace sans Gutron®). Là encore, les travaux déjà publiés [16,19] montraient une bonne efficacité du Gutron®, généralement administré par voie intraveineuse. Ainsi Staerman [19] donne un taux de succès de 71,4 % chez dix blessés médullaires de niveau supérieur ou égal à T11 après utilisation du Gutron® IV à 10 à 30 mg.
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Chez les blessés médullaires spastiques de notre échantillon, nous avons vu que le Gutron® avait parfois plus d’efficacité lorsqu’il était associé à l’utilisation d’un vibreur. Ce traitement non médicamenteux, d’usage facile, dont de nombreux travaux ont prouvé son fort taux de succès [1,2,11,12] est en général proposé en première intention dans les dysfonctions éjaculatoires secondaires aux atteintes médullaires centrales. L’électroéjaculation peut également être employée lorsque la stimulation vibratoire ne donne pas de bons résultats [11]. Nous déplorons que le caractère rétrospectif de notre travail ne nous ait pas permis de déterminer avec précision le niveau et la complétude de l’atteinte médullaire alors que ces paramètres sont fondamentaux dans la prise en charge des troubles éjaculatoires et l’appréciation de la réponse aux différents traitements. Nous pouvons uniquement affirmer, à la lecture des dossiers, que les centres dorsolombaire et sacré médian les réactions réflexes de l’éjaculation étaient en zone saine. Dans les troubles éjaculatoires secondaires au diabète, deux des trois sujets ont eu une éjaculation rétrograde uniquement. Notons que le patient pour lequel nous n’avons obtenu aucun résultat présentait, à l’échographie, des testicules de taille inférieure à la normale (11 et 12 ml). Chez les sujets présentant une atteinte neurologique périphérique (spina bifida ou syndrome de la queue de cheval), l’échec a été systématique. De même, le patient opéré d’une résection de rectum n’a pas obtenu d’éjaculation satisfaisante sous Gutron® (un essai positif mais de mauvaise qualité avec 5 spermatozoïdes immobiles). Ces trois dernières causes d’éjaculation rétrograde ou d’anéjaculation (diabète, syndrome de la queue de cheval ou séquelles de résection du rectum) n’ont pas fait l’objet de travaux spécifiques ou figurent rarement dans les études publiées dans le cadre d’essais du chlorhydrate de midodrine. Kamischke et Nieschlag [9], dans leur revue de littérature, signalent l’absence de différence en termes de réussite selon les différentes étiologies décrites, que ce soit par Gutron® IV ou per os. On peut également souligner le taux de succès substantiel du Gutron® dans notre population malgré la proportion importante de sujets souffrant d’anéjaculation (seulement 2 éjaculations rétrogrades). En effet, un grand nombre de travaux publiés incluent surtout des sujets qui présentent une éjaculation rétrograde partielle ou totale [5,6,8,10,13,14,16], augmentant ainsi leur taux de réussite. Par rapport aux travaux précédemment publiés [5,6,8,15,16,19] où le Gutron® était administré jusqu’à parfois 30 mg (par voie IV), les doses utilisées dans notre étude ont été relativement faibles (de 2,5 à 20 mg). Chez les patients atteints de lésions médullaires centrales, la dose efficace était de 2,5 à 10 mg alors qu’elle s’élevait à 5 à 15 mg chez les patients diabétiques ou opérés d’un cancer testiculaire. La posologie insuffisante du Gutron® explique à l’inverse peut-être l’inefficacité du traitement chez certains pa-
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tients, notamment ceux qui présentaient une lésion neurologique périphérique. En effet, l’atteinte des racines sacrées perturbe les phénomènes réflexes et la cascade de réactions neurologiques à l’origine de l’éjaculation, gênant de ce fait probablement l’action des thérapeutiques médicamenteuses sympathomimétiques. Le faible nombre d’éjaculations antérogrades (3 sujets sur 8) peut également être du à ces faibles posologies utilisées. En effet, dans notre cohorte, les doses de Gutron® provoquant une éjaculation antérograde étaient au moins égales voire supérieures à celles déclenchant une éjaculation rétrograde chez un même sujet. Il pourrait donc être intéressant d’augmenter la posologie du Gutron® per os chez un sujet bon répondeur mais qui n’a pas d’éjaculation extériorisée afin d’améliorer la qualité du sperme recueilli et de favoriser les chances de fécondation. En cas d’inefficacité du chlohydrate de midodrine per os, se pose enfin la question du passage à la voie intraveineuse puisque les résultats semblent d’une manière générale meilleurs [5,8,10,13,15]. Malheureusement, par choix commercial du laboratoire, cette voie d’administration vient d’être retirée du marché. On remarque enfin que pour la plupart de nos patients, la qualité du sperme obtenu par voie antérograde ou rétrograde reste médiocre, notamment en termes de vitalité et de mobilité, limitant de ce fait le pouvoir fécondant de l’éjaculat recueilli. Ainsi, Köhn et Schill [10] utilisent les thérapeutiques sympathomimétiques telles que le Gutron® par voie intraveineuse à la dose de 5 à 15 mg, non seulement pour provoquer une éjaculation inexistante ou insuffisante mais dans le but d’améliorer la numération et la concentration en spermatozoïdes des recueils chez les patients oligospermiques. Leurs résultats montrent un gain de plus de dix millions de spermatozoïdes par ml ou 20 millions par éjaculat. De même, l’équipe de Sanchez et al. [14] a tenté de remédier au défaut de concentration en spermatozoïdes par le mélange de sperme frais et de sperme précédemment recueilli puis congelé après utilisation du chlorhydrate de midodrine chez les patients souffrant d’éjaculation rétrograde partielle. Ce travail, bien que limité à deux personnes, semble donner de bon résultats (une grossesse pour chacun des couples après insémination intra-utérine). Parmi les 16 sujets traités par chlorhydrate de midodrine per os, nous remarquons le faible taux d’effets secondaires, et ce, même aux plus fortes posologies (20 mg). Il semblerait que les signes périphériques décrits par les patients soient plutôt dus au stress puisqu’ils surviennent en général aux premiers essais et donc aux faibles doses et se reproduisent rarement. La plupart des ces symptômes sont mineurs (picotements, chaleur, renforcement de la spasticité des membres inférieurs chez les paraplégiques spastiques) et aucun cas d’hypertension artérielle n’est à déplorer. L’absence d’événements indésirables du Gutron® per os en font tout son intérêt par rapport à la forme intraveineuse, plus lourde à manipuler et plus risquée [16,19]. Ce mode d’administration
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peut permettre, lorsque les premiers essais réalisés sous surveillance médicale se sont avérés concluants (éjaculation antérograde de bonne qualité) et sans danger, une prise en charge à domicile, certainement plus favorable au succès du traitement. Même si Kamishke et Nieschlag [9] rapporte une moindre efficacité des médicaments sympathomimétiques par rapport aux traitements parasympathomimétiques (néostigmine, physostigmine) dans la prise en charge des anéjaculations, leur meilleure tolérance reste un argument de poids pour leur utilisation préférentielle. Enfin, on ne peut formellement se fier à la perception de la sensation orgasmique pour apprécier l’efficacité du traitement. La présence d’un orgasme est souvent liée à une éjaculation antéro- ou rétrograde chez les patients aux antécédents de curage lombo-aortique mais l’est rarement pour les paraplégiques, notamment par syndrome de la queue de cheval ou spina bifida. En revanche, dans notre travail, l’absence d’orgasme est, dans la plupart des cas, associée à une anéjaculation.
Pour le confirmer, il est néanmoins indispensable de réaliser des travaux portant sur un nombre de sujets plus importants (études multicentriques), aux pathologies plus homogènes et avec groupe témoin.
Références [1] [2]
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5. Conclusion Notre étude, malgré son faible échantillon de population et l’absence ou l’imprécision de certaines données dues à son caractère rétrospectif, montre l’efficacité et la bonne tolérance du chlorhydrate de Midodrine (Gutron®) per os pour le traitement des infertilités en rapport avec une dysfonction éjaculatoire. Le taux de succès de ce traitement administré en une prise orale sous surveillance médicale stricte à des doses relativement faibles (2,5 à 20 mg) s’élève à 50 %, dont trois éjaculations antérogrades sur huit sujets répondeurs. On remarque néanmoins une très grande disparité selon l’étiologie du trouble éjaculatoire : succès quasi-constant pour les patients aux antécédents de curage lomboaortique pour cancer testiculaire, efficacité de l’ordre de deux tiers pour les diabétiques et les sujets présentant une atteinte médullaire, échec systématique pour les paraplégies d’origine périphérique (syndrome de la queue de cheval ou spina bifida). Si pour les patients présentant une paraplégie spastique, le traitement oral à faible dose (2,5 à 10 mg) semble souvent suffisant, les résultats pourraient sans doute être améliorés chez les sujets peu ou pas répondeurs par la prescription de doses plus élevées de chlorhydrate de midodrine voire son administration par voie intraveineuse. De plus, on note que la qualité du sperme recueilli par voie antérograde ou rétrograde reste médiocre, limitant de fait son pouvoir fécondant. Cependant, le faible nombre et le caractère anodin des effets indésirables décrits dans ce travail parmi nos 16 patients nous permet de penser que le chlorhydrate de midodrine, administré par voie orale, constitue un des premiers traitements pour la prise en charge des troubles éjaculatoires.
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