Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes

Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes

Cahier FMC Gastroenterol Clin Biol 2004;28:57-65 Synthèse Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes Thierry Barrioz ➥ Une tumeur maligne p...

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Cahier FMC

Gastroenterol Clin Biol 2004;28:57-65

Synthèse

Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes Thierry Barrioz



Une tumeur maligne peut survenir sur n’importe quel segment de l’arbre biliaire, depuis les canaux interlobulaires jusqu’à l’ampoule de Vater, et dans 95 % des cas, il s’agit d’un adénocarcinome. Le terme cholangiocarcinome, dans la littérature anglosaxone, est plutôt réservé aux tumeurs intrahépatiques, et celui de carcinome des voies biliaires aux tumeurs de l’arbre biliaire extrahépatique. Nous limiterons volontairement notre propos à la prise en charge non chirurgicale des cholangiocarcinomes extra-hépatiques, c’est-à-dire à l’ensemble des tumeurs malignes développées à partir des voies biliaires depuis le hile du foie jusqu’à leur abouchement dans le duodénum. Ces tumeurs sont rares, représentent environ 1 à 5 % de tous les cancers digestifs [1, 2] et surviennent essentiellement chez l’adulte au-delà de 50 ans, plus souvent encore entre 60 et 70 ans. Lorsque la survenue est plus précoce, au dessous de 40 ans, il faut rechercher une cholangite sclérosante ou une colite chronique associée. Elles sont souvent diagnostiquées tardivement, au stade où la tumeur, devenue volumineuse, obstrue la voie biliaire et s’exprime par l’ictère, maître symptôme de l’affection. Ainsi s’explique la gravité de leur pronostic. La survie globale à 5 ans est inférieure à 3 % pour les cancers de la voie biliaire principale. Les cancers de la voie biliaire principale représentent moins de 1 % de tous les cancers digestifs dans le registre du cancer du Bas-Rhin [2]. Il existe une légère prédominance masculine et un âge moyen de survenue compris entre 60 et 65 ans. Deux circonstances favorisantes méritent d’être soulignées. En cas de colite inflammatoire chronique et plus particulièrement de rectocolite ulcéro-hémorragique, certains auteurs [3] estiment que le risque de survenue de ce cancer est de 9 à 21 fois supérieur à celui de la population en général, qu’une cholangite sclérosante soit associée ou non à cette colite inflammatoire chronique. La présence de certaines malformations des voies biliaires favorise également la survenue d’un cancer comme les dilatations kystiques congénitales de la voie biliaire principale : 15 à 28 % de ces malformations se sont compliquées d’un cancer qui siégeait préférentiellement au niveau de la dilatation cholédocienne [4, 5]. Il s’agit là d’adultes jeunes souvent déjà opérés en moyenne 15 ans plus tôt par simple dérivation interne sans résection de la dilatation kystique. Il en est de même pour les anomalies de la jonction bilio-pancréatique, même en l’absence d’une

dilatation kystique congénitale du cholédoque, enfin mais plus rarement une maladie kystique ou fibro-kystique du foie comme la maladie de Caroli. Les cancers de la voie biliaire principale se répartissent en cancers du tiers supérieur et cancers du hile appelés aussi tumeur de Klatskin, ils sont les plus nombreux (56 %) ; les cancers du tiers moyen (20 %) ; ceux du tiers inférieur (15 %) ; enfin les formes diffuses ne sont pas rares (5 à 10 %). Les cholangiocarcinomes hilaires sont des carcinomes survenant sur la convergence des canaux biliaires droit ou gauche, avec envahissement plus ou moins étendu de ces derniers (figure 1). Selon la classification de Bismuth et Corlette [6] l’on décrit

Fig. 1. – Classification de Bismuth : Les cholangiocarcinomes du hile hépatique sont classés en 4 stades suivant l’extension à la convergence biliaire principale et aux divisions secondaires. Type I si respect de la convergence, type II en cas d’envahissement de celle ci, type III en cas d’envahissement unilatéral d’une division secondaire, type III A si canal hépatique droit, III B si canal hépatique gauche, enfin type IV si envahissement bilatéral. Bismuth classification: cholangiocarcinoma of the hilum was classified in type I if the hepatic duct confluence was not involve by the tumor, type II in case of hepatic duct confluence involvement, type IIIa in case of right hepatic duct obstruction, IIIb in case of left hepatic duct obstruction, type IV in case of both left and right hepatic duct obtruction.

Tirés à part : T. Barrioz, Unité d’endoscopie digestive, pôle médico-chirurgical de pathologie digestive, Hôpital de la Milétrie, CHU de Poitiers, 86021 Poitiers Cedex. E-mail : [email protected] 57

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© Masson, Paris, 2004.

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Beaucoup plus rarement il peut s’agir d’un carcinome épidermoïde. Macroscopiquement, ces tumeurs se présentent le plus souvent sous une forme sclérosante ou nodulaire, plus rarement papillaire. L’extension de ces cancers se fait surtout localement et leur mauvais pronostic est lié à l’importance de l’extension canalaire, lymphatique et le long des gaines péri-nerveuses [7]. L’envahissement de proche en proche le long des parois des canaux biliaires se fait notamment vers le lobe caudé (ou lobe de Spiegel, segment I). Ainsi, dès que le plafond de la convergence des canaux biliaires droit et gauche est atteint, une résection hépatique est indiquée et doit systématiquement comporter l’ablation du segment I, car ses canaux biliaires sont envahis dans près de 90 % des cas [8]. L’envahissement des gaines nerveuses est fréquent et source de récidive locale. L’envahissement progressif des autres éléments du pédicule hépatique (veine porte, artère hépatique), notamment au niveau de leur branche de bifurcation complique la chirurgie d’exérèse ; elle ne la contre-indique pas en cas d’atteinte tronculaire ou unilatérale. Enfin, la survenue de métastases ganglionnaires et plus rarement de métastases à distance reste possible.

Tableau I. − Classification TNM (UICC 1997) des cancers des voies biliaires. TNM classification of biliary tract carcinoma. T

Tis : intra-épithéliale ou atteinte du chorion T1a : atteinte de la sous muqueuse T1b : atteinte de la musculeuse T2 : de la graisse péri-biliaire T3 : d’un organe de voisinage

N

N0 : pas de métastase ganglionnaire Nx : non évalué ou moins de 3 ganglions analysés N1 : ganglions métastatiques régionaux ; cystiques, péricholédociens, et/ou hilaires N2 : ganglions métastatiques à distance

M

M0 : pas de métastase M1 : métastases à distance dont ganglions sus claviculaires

4 types anatomiques selon que la tumeur respecte la convergence principale (type I), l’envahit (type II) ou associe à l’envahissement de la convergence principale celui du canal hépatique droit ou gauche (type III), ou encore en cas d’atteinte bilatérale des convergences secondaires (type IV). Selon la classification TNM (UICC 1997) reprise intégralement dans le tableau I, la tumeur est classée de Tis si elle est intra-épithéliale à T3 si il y a un envahissement d’un organe de voisinage. Le staging ganglionnaire en pratique ne peut se faire qu’en peropératoire, car il faut l’analyse histologique d’au moins 3 ganglions pour déterminer le statut N0 ou N1. Il faut noter que la tumeur est classée M1 en cas de métastases à distance dont font partie les adénopathies sus claviculaires. Pour les lésions hilaires, les hommes sont plus souvent touchés que les femmes, et le pic de survenue concerne la sixième décennie. L’évolution est lente, et se traduit par un ictère progressif avec prurit, simulant une cirrhose biliaire primitive. Il existe une hépatomégalie avec un foie cholestatique, alors que la vésicule biliaire est vide, le cholédoque non dilaté. Le diagnostic peut être difficile à porter en examen extemporané, car les formations carcinomateuses sont souvent dispersées dans un stroma très fibreux et il est recommandé en cas de découverte opératoire de pratiquer en même temps une biopsie ganglionnaire, et de prélever au moins 3 ganglions, car les métastases sont fréquentes dès le premier examen. Il s’agit d’une tumeur qui progresse lentement, et des survies prolongées sont obtenues, même en l’absence de résection de la tumeur, pourvu qu’un drainage biliaire efficace ait pu être effectué. Pour les cholangiocarcinomes extrahépatiques n’atteignant pas le hile, l’âge de survenue est similaire. La plupart des patients se présentent avec un ictère de type obstructif, parfois compliqué de cholangite ou d’hémobilie. La tumeur peut se présenter comme un polype, une sténose, ou bien un épaississement relativement diffus de la voie biliaire, ce qui peut être difficile à distinguer d’une cholangite sclérosante primitive. Quel que soit le siège de la tumeur, l’aspect histologique est identique : il s’agit dans 95 % des cas d’un adénocarcinome, bien différencié dans la plupart des cas mais infiltrant, associé à une fibrose importante. La forme la plus communément retrouvée est un adénocarcinome tubulaire, caractérisé par un stroma abondant et fibreux. Du mucus est très habituellement retrouvé. A côté des formations tubulaires, on peut retrouver des aspects papillaires, plus rarement des aspects colloïdes muqueux, voire à cellules indépendantes. Rarement, un aspect fuso-cellulaire, d’allure sarcomateuse est réalisé. Selon la classification OMS, on distingue également les adénocarcinomes papillaires, mucoïdes, ou de type intestinal.

Place de la radiologie pour le diagnostic des cholangiocarcinomes Bien entendu les examens morphologiques radiologiques tiennent une place prépondérante pour le diagnostic de sténose maligne de la voie biliaire principale, mais aussi pour déterminer le siège de la sténose, comme l’extension loco-régionale et à distance de la tumeur. Si l’échographie ne montre pas toujours la lésion, elle peut déterminer le siège de l’obstacle souvent de manière indirecte en repérant les segments de voies biliaires sus sténotique qui le plus souvent sont dilatés. Ceci n’est pas toujours le cas, notamment en cas de lésion très infiltrante et très étendue en intrahépatique. L’examen par échographie Doppler couleur est intéressant car permet d’emblée de mettre en évidence un envahissement vasculaire notamment portal, l’échographie permet de découvrir également l’existence d’adénopathie d’allure néoplasique. Grâce au scanner spiralé, la lésion est fréquemment visible dans 90 à 100 % des cas sous la forme d’une masse infiltrante ou d’un épaississement mural. La lésion est iso ou hypodense avant injection, avec un réhaussement variable au temps artériel, parfois périphérique, réhaussement tardif dans plus de 50 % (5-10 minutes) avec un faible contraste. L’administration d’un produit de contraste permet d’évaluer efficacement un éventuel envahissement vasculaire. La présence d’adénopathies n’est pas obligatoirement le signe d’une extension néoplasique car elle est fréquente en cas de cholangite sclérosante. Mais l’examen de référence reste la cholangio-pancréatographie par imagerie par résonance magnétique (IRM), technique non invasive qui permet de faire la cartographie complète des voies biliaires intra et extrahépatiques comme du canal de Wirsung. En effet, en raison du signal extrêmement intense de l’eau en pondération T2, il est possible de réaliser en IRM des séquences ne mettant en évidence que le liquide. Les canaux biliaires et pancréatiques peuvent donc être étudiés spontanément, même en cas de cholestase majeure. L’IRM est donc la méthode d’imagerie de choix dans les sténoses malignes biliaires, tout particulièrement pour les sténoses proximales, hilaires d’exploration difficile, voire impossible par les autres techniques d’imagerie. Elle permet d’étudier la lumière des voies biliaires, mais aussi les organes (parenchymes) et structures de voisinage par les acquisitions axiales. La voie biliaire principale, même non dilatée, est toujours visible. Avec une antenne adaptée à l’abdomen, le canal de Wirsung est vu dans 90 % des cas [9]. 58

La cholangiographie par IRM ou bili IRM permet de visualiser le siège d’un obstacle sur les voies biliaires, son extension locale et souvent d’en préciser la nature. Des séquences complémentaires réalisées dans le plan axial en pondération T1 et T2 permettent aussi d’étudier le parenchyme péri-canalaire. L’IRM est capable d’étudier les voies biliaires et le canal de Wirsung sans injection de produit de contraste. En effectuant des coupes dans le plan frontal, l’aspect des voies biliaires est identique à celui observé en cholangiographie conventionnelle. La résolution spatiale atteint actuellement 1 mm sur les machines les plus performantes. L’objectif de la bili IRM est d’apporter des renseignements morphologiques au moins similaires à ceux de la cholangiographie directe rétrograde endoscopique ou transcutanée transhépatique qui peuvent entraîner des complications graves. L’absence d’injection de produit de contraste permet surtout d’éviter l’angiocholite sévère, tout particulièrement en cas de lésion hilaire. D’autres complications de la cholangiographie directe sont évitées, comme l’hémobilie, l’hémopéritoine, la pancréatite aigue, et les plaies biliaires [10, 11]. La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) a une morbidité et une mortalité respectives de 7 % et 1 %, elle n’a donc pratiquement plus de place dans le bilan diagnostique des ictères néoplasiques [12]. La bili IRM pourrait donc modifier la conduite diagnostique en pathologie hépato-biliaire, surtout si l’accessibilité à cette technique s’améliore. De plus, la cholangio-pancréatographie par IRM, comme l’IRM, a peu de contre-indications : principalement la claustrophobie et la présence d’un stimulateur cardiaque ou d’un corps étranger métallique intra-oculaire. Elle peut être réalisée en cas de grossesse et ne connaît pas de contre-indication liée à un éventuel montage chirurgical. Non seulement elle n’est pas invasive, mais ne nécessite pas d’anesthésie. Différentes techniques de bili IRM ont été décrites [13-17], nécessitant ou non d’être réalisées en apnée. Néanmoins, avec une technique sans apnée, les artefacts dus aux mouvements et un flou cinétique ne peuvent être évités [17]. Le progrès technique permet actuellement d’obtenir une acquisition en apnée, indispensable pour l’étude fine des voies biliaires et du canal de Wirsung, en particulier avec les séquences HASTE (half-Fourier acquisition single-shotturbo-spin-echo), SS-TSE (single shot turbo-spin-echo), et SS-FSE (single shotfast-spin-echo). Toutefois, l’obtention de ces séquences nécessite des appareils récents ayant un champ magnétique élevé (1 ou 1,5 T), des gradients intenses, et une antenne adaptée à l’abdomen. Tous les appareils d’IRM ne permettent donc pas actuellement la réalisation de la cholangio-pancréatographie par IRM en apnée. Les acquisitions en apnée peuvent être effectuées en coupes fines (3 à 5 mm) suivies de reconstruction en projection d’intensité maximum, ou en coupes épaisses (20 mm) répétées de façon séquentielle pour étudier l’ensemble du foie [17]. Par rapport à la technique en coupes fines, la technique en coupes épaisses est moins dépendante de l’opérateur, évite les artefacts de reconstruction, et a un meilleur rapport signal-bruit [18]. La cholangio-pancréatographie par IRM doit être couplée à une étude en coupes axiales en pondération T1 et T2. Sur les appareils modernes, il est possible de réaliser des coupes de 5 mm d’épaisseur, en apnée, en pondération T1. Ces coupes permettent d’étudier les structures entourant les voies biliaires et le canal de Wirsung. La cholangio-pancréatographie par IRM doit être réalisée chez des malades à jeun, pour éviter la superposition du pancréas et des voies biliaires avec le tube digestif. L’intérêt d’une opacification digestive n’est pas démontré. La durée moyenne de l’examen est de 30 minutes. En cas d’ictère obstructif, l’IRM évalue la topographie exacte de l’obstacle avec une sensibilité supérieure à 95 %. Elle montre la dilatation des voies biliaires sus-jacentes à l’obstacle, alors que les voies biliaires sous-jacentes sont de diamètre normal [14,

19, 20]. Les cholangiogrammes obtenus sont similaires à ceux obtenus par cholangiographie directe, par voie rétrograde ou transcutanée [14, 16, 19, 20]. En particulier, la bili IRM, complétée par une étude axiale, peut montrer l’extension des tumeurs de la convergence biliaire le long des voies biliaires intra-hépatiques. Elle permet aussi de faire le diagnostic étiologique, en montrant la masse tumorale grâce aux coupes axiales classiques pondérées en T1 et T2. Les masses tumorales apparaissent hypo-intenses en T1et iso ou hyper-intenses en T2. Le cholangiocarcinome est le plus souvent non résécable au moment du diagnostic. En effet, non seulement il touche des malades âgés, et surtout en raison de sa lenteur d’évolution, longtemps asymptomatique et il n’entraîne un ictère qu’à un stade tardif, lorsque l’obstruction biliaire est quasi-complète. L’IRM permet d’obtenir la représentation de l’ensemble des structures canalaires hépato-bilio-pancréatiques, y compris celles qui sont exclues du fait d’une sténose et non visualisées par la cholangiographie directe conventionnelle. La bili IRM fournit donc des éléments suffisants pour le diagnostic positif et topographique, et oriente l’attitude thérapeutique ultérieure, en fonction de l’extension tumorale, afin de permettre le meilleur choix entre le traitement chirurgical, endoscopique, ou percutané. La cholangiographie directe a une mortalité et une morbidité non négligeables, ainsi même si elle permet un geste thérapeutique de drainage biliaire, elle n’a plus d’indication diagnostique. La bili IRM est par ailleurs très utile dans l’exploration des voies biliaires après gastrectomie type Billroth II ou anastomose bilio-jéjunale, où l’abord endoscopique est souvent impossible. Cependant, il peut parfois être difficile de voir le siège précis de l’anastomose bilio-digestive, et l’aérobilie peut créer des artefacts. Avec les progrès à venir, la bili IRM devrait atteindre une précision similaire à celle de la cholangiographie directe dans la plupart des indications. La cholangiographie directe garde cependant tout son intérêt lorsqu’il s’agit d’effectuer dans un même temps un geste thérapeutique, comme une sphinctérotomie ou un drainage biliaire, tout particulièrement en cas de lésion du tiers moyen ou inférieur. Seuls le coût élevé de l’examen, et surtout la disponibilité encore réduite des machines limitent ses indications. Si la bili IRM est des plus utiles avant toute décision thérapeutique devant la découverte d’un cholangiocarcinome, elle est absolument indispensable en cas de lésion hilaire. Bien entendu, en dehors de la détermination de l’extension loco-régionale de la tumeur, les examens morphologiques radiologiques permettent également la recherche de métastases à distance, même si celles ci sont assez rares. L’examen écho-Doppler couleur du foie permet, comme cité plus haut, la localisation et l’extension loco-régionale de la tumeur, avec notamment la recherche d’une thrombose du système porte et d’adénopathies. La radiographie pulmonaire et éventuellement le scanner thoracique, si une chirurgie est envisagée, permettent la recherche de localisations pulmonaires, enfin le scanner cérébral ne sera réalisé qu’en cas seulement de signe clinique d’appel, il en est de même pour la scintigraphie osseuse seulement pratique si point d’appel ou chirurgie d’exérèse envisagée.

Place de l’endoscopie pour le diagnostic des cholangiocarcinomes La cholangio-wirsungographie par voie rétrograde n’a pratiquement plus de place dans le bilan diagnostique des ictères néoplasiques, en raison de ses effets secondaires (infection biliaire, pancréatite aiguë). Elle est habituellement contre-indiquée si une résection chirurgicale est programmée. Un mauvais drainage peut être responsable de complications 59

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infectieuses qui pourraient en compromettre le geste chirurgical et réduire la survie du malade. Il faut éviter la mise en place en préopératoire d’une prothèse biliaire, même en matière plastique donc extirpable. Une cholangite avec épaississement pariétal des voies biliaires, mais surtout la disparition de la dilatation biliaire risquent de gêner la résection tumorale et surtout l’anastomose bilio-digestive. Cependant, elle reste parfois indiquée pour prélèvement tissulaire, dans certaines situations où la nature de la sténose biliaire est difficile à déterminer, mais doit l’être, comme un cholangiocarcinome sur cholangite sclérosante avant décision de transplantation hépatique ou en cas de protocole de radiochimiothérapie néoadjuvante. Concernant la performance des prélèvements histopathologiques, il faut noter que la sensibilité de la cytologie par brossage est de l’ordre de 40 %, celle des biopsies endobiliaires de 50 %, celle de l’association cytologie-biopsies de 60 %, enfin des biopsies dirigées par cholédocoscopie rétrograde de 80 %. Devant une cholestase avec échographie non concluante l’échoendoscopie (EE) biliaire standard reste une bonne méthode peu invasive pour confirmer l’obstacle biliaire et l’extension d’une tumeur obstructive [21, 22]. Son efficacité diagnostique est plus limitée pour les lésions hilaires, et elle nécessite contrairement à la bili IRM une anesthésie générale. Pour le moment les études comparatives entre l’échoendoscopie biliaire, le scanner hélicoïdal, et l’IRM manquent pour conclure définitivement sur leur efficacité respective pour les sténoses sous hilaires. Les limites respectives de ces différents examens peuvent orienter sur le choix à faire après une échographie non concluante : l’efficacité du scanner spiralé reste inférieure à celle de l’échoendoscopie en particulier pour les petites tumeurs biliaires [23]. L’IRM est également limitée en particulier pour les petites tumeurs ampullaires ou proches de l’ampoule [24, 25]. Les limites de l’échoendoscopie concernent essentiellement les obstacles hilaires. Généralement le niveau de l’obstacle est bien défini par l’échographie. Ainsi s’il siège sur le hile une IRM première sera logique. Dans les autres cas, l’EE reste la meilleure procédure pour le diagnostic positif ou négatif de l’obstruction, pour déterminer sa nature et pour évaluer une lésion tumorale. L’EE n’aura cependant plus d’intérêt si quelque soit le diagnostic c’est un traitement endoscopique qui est envisagé ou si la clinique impose un geste de drainage biliaire. C’est alors la CPRE qui doit être réalisée de première intention. L’EE peut faire un diagnostic et un staging précis des tumeurs de la VBP [26, 27]. Sauf pour les tumeurs de Klatskin où elle reste très limitée, l’IRM étant semble-t-il l’examen de référence même si les études comparatives avec l’opacification sont rares. L’avantage de l’échoendoscopie est celui de la possibilité grâce à l’apparition d’échoendoscopes munis de canaux opérateurs, de réaliser des cytoponctions tout particulièrement d’adénopathies, afin d’affirmer leur caractère néoplasique. Les minisondes endocanalaires ont également une place en précisant l’extension vasculaire et en surface [28, 29]. Il existe des minisondes haute fréquence de moins de 2 mm de diamètre, que l’on peut introduire dans les voies biliaires sur fil guide sans sphinctérotomie préalable. L’endosonographie par minisonde endobiliaire peut être utile pour déterminer la nature d’une sténose et son extension, mais la valeur précise de sa sensibilité implique la réalisation d’études prospectives. Il faut préciser tout de même que la cholédocoscopie et l’endosonographie par minisonde endobiliaire sont des techniques encore peu diffusées, car nécessitant un certain niveau d’expérience et d’investissement. L’évolution se fera probablement vers une IRM première pour exclure les tumeurs inopérables (Klatskin IV...) suivie d’une minisonde par voie rétrograde ou transhépatique pour un staging local précis. D’autres techniques d’imagerie endocanalaire en cours d’évaluation semblent prometteuses comme la tomographie par cohérence optique, qui permet une miniaturisation extrême des sondes, qui sont beaucoup plus fines (< 1 mm), plus souples et

plus résistantes que les minisondes d’endosonographie. Cette technique fait appel à des fibres lasers et non aux ultrasons.

Place de l’endoscopie interventionnelle pour le traitement palliatif des cholangiocarcinomes Aucun traitement médical actuellement existant n’a de prétention curative. Comme souvent en cancérologie digestive, seule la résection chirurgicale peut être curative. Cependant, malgré une extension principalement loco-régionale, seule une minorité de malades atteints de cholangiocarcinome peut bénéficier de ce type de résection chirurgicale. Un traitement médical sera donc proposé dans la grande majorité des cas, soit à titre adjuvant, soit le plus souvent à visée palliative. Dans les situations palliatives, le traitement se résume essentiellement au drainage biliaire compte tenu de l’apparition d’un ictère et d’un prurit invalidant. Le drainage a pour effet d’entraîner la régression de l’ictère et d’améliorer la qualité de vie et l’appétit des malades. La survie moyenne des malades présentant un ictère néoplasique est de 6 mois [4-12] en cas de traitement palliatif. L’objectif du traitement palliatif est donc d’offrir au malade un meilleur confort de vie. Idéalement et pour être acceptable, un tel traitement doit être de réalisation simple, avoir un minimum de complications et une efficacité suffisamment durable, pour écourter au maximum le séjour hospitalier de ces malades dont la survie est généralement limitée. Le drainage par voie endoscopique répond dans la majorité des cas à ces critères. Si l’endoscopie a peu de place pour le diagnostic, celle ci est prépondérante pour le drainage biliaire. En effet, La CPRE est la technique la plus utilisée pour drainer les voies biliaires, au stade palliatif, c’est-à-dire quand une résection chirurgicale n’est pas possible. Même si on considère que le drainage de seulement 30 % du parenchyme hépatique suffirait à faire régresser l’ictère, la qualité du résultat et surtout l’absence de complications liées aux gestes, notamment infectieuses, impliquent un drainage aussi complet que possible. En cas de sténose de la voie biliaire principale, la mise en place d’une prothèse biliaire par voie endoscopique est alors le traitement de référence. La prothèse habituellement mise en place est une prothèse métallique expansive, qui a l’avantage d’une introduction aisée le plus souvent sans dilatation préalable grâce à un diamètre du set d’introduction de 7 ou 8 French, et un calibre après déploiement de 30 French (10 mm) d’où une durée de perméabilité de plus de 8 mois. Les prothèses en matière plastique dix fois moins chères sont moins longtemps efficaces (3-4 mois), et sont donc réservées aux patients ayant une espérance de vie très limitée, estimée inférieure à 6 mois [30]. Les prothèses métalliques s’obstruent par la croissance tumorale à travers les mailles de celles-ci, ainsi plus récemment sont apparues des prothèses métalliques couvertes d’un film plastique, qui pourraient s’obstruer plus tardivement que la prothèse métallique non couverte. Elles sont en cours d’évaluation pour déterminer leur risque de migration et celui d’obstruction du canal cystique donc de cholécystite ou de pancréatite par obstruction du canal pancréatique. La situation est plus complexe en cas de sténose hilaire car il y a un risque de drainage incomplet, car il est indispensable de faire un drainage bilatéral des voies biliaires, or le cathétérisme biliaire sélectif droit ou gauche et la mise en place de plusieurs prothèses côte à côte par voie basse ne sont pas aisés. Cependant, la situation a évolué grâce aux excellents renseignements fournis par la bili IRM sur le type de la sténose hilaire et grâce aux innovations techniques : les prothèses métalliques plus faciles à insérer côte à côte, et pouvant prendre des courbures à angle aigu, l’amélioration des fils guides, et l’apparition récente également de sphinctérotome rotatif et orientable. A l’aide des données de la bili IRM, la 60

biliaires. Cette antibioprophylaxie est indispensable en cas de drainage biliaire pour tumeur hilaire. La procédure de drainage transcutané est réalisée si possible en une seule séance, avec cholangiographie percutanée de repérage à l’aiguille fine, cathétérisme par une autre voie d’abord des voies biliaires et de la sténose, dilatation du trajet sténotique par sonde d’angioplastie, mise en place et libération de la prothèse au travers de la sténose et cholangiographie de contrôle. Les prothèses utilisées par la plupart des équipes actuellement sont exclusivement des prothèses métalliques expansibles, avec cathéter d’introduction de 7 à 9 French et mesurant après expansion 6 à 10 mm de diamètre. Selon l’étendue de la lésion, une ou plusieurs prothèses sont larguées de manière à couvrir largement la sténose. Le choix de la voie d’abord et d’un drainage complet ou seulement partiel du foie est déterminé, si possible avant l’opacification biliaire. Là encore, comme pour la CPRE, en cas d’obstacle sous-hilaire de la voie biliaire principale, le drainage est réalisé par une prothèse unique avec une seule voie d’abord, préférentiellement droite, ce qui permet habituellement de drainer tout le foie ; en cas d’obstacle hilaire séparant les voies droites et gauches, plusieurs options sont discutées : drainage complet du foie par abord bilatéral ou prothèses inter-segmentaires, drainage seulement des secteurs les plus dilatés ou drainage uniquement controlatéral à l’extension tumorale prédominante en cas d’atrophie hépatique associée. En cas d’échec de franchissement de la sténose et de mise en place du matériel prothétique, une sonde de drainage externe multiperforée d’un calibre de 12 French est positionnée en amont de l’obstacle pour drainer les voies biliaires dilatées et opacifiées, avant une nouvelle tentative réalisée quelques jours plus tard après diminution des phénomènes inflammatoires. Les radiologues plus encore que les endoscopistes, confirment la nette supériorité des prothèses métalliques par rapport aux prothèses conventionnelles plastiques utilisées auparavant, et du fait de leur facilité de maniement, de mise en place réalisable en un temps et la diminution du traumatisme hépatique et biliaire [33, 34]. Surtout, il est observé une réduction du taux de mortalité précoce, celui-ci étant de près de 10 % avec les prothèses métalliques auto-expansibles et de près de 25 % avec les prothèses plastiques [35, 36]. L’amélioration du matériel n’a cependant pas permis de résoudre totalement le problème des obstructions secondaires, principale complication tardive des prothèses et dont la fréquence varie selon les séries de 15 % à pratiquement 30 % [37, 38]. Le mécanisme d’obstruction secondaire, liée à la croissance tumorale, est souvent double : la tumeur peut proliférer à travers les mailles de la prothèse et l’obstruer (bourgeonnement tumoral) ; elle peut aussi s’étendre au delà de ses extrémités inférieure ou supérieure (dépassement tumoral). Ce risque est d’autant plus élevé que la survie du malade est longue. Plusieurs séries de la littérature ont aussi montré que le taux de nouvelles obstructions biliaires est plus important pour les sténoses hilaires que pour les obstacles bas situés [39]. Ces données ont amené certains radiologues interventionnels, en cas d’obstacle haut siégeant en amont de la convergence biliaire supérieure, à se limiter à un drainage interne-externe, arguant que ce traitement permet de résoudre plus facilement les obstructions secondaires [40]. Ce type de drainage a en effet l’avantage de garder un accès permanent aux voies biliaires, le drain pouvant être changé facilement et régulièrement. Il impose en revanche, outre le risque infectieux du drain à la peau et de son retrait accidentel, des contraintes d’entretien. Le drainage biliaire interne par prothèse offre incontestablement un meilleur confort de survie quotidien, d’autant que des épisodes répétitifs d’occlusion secondaire sont en pratique rarement observés en pathologie biliaire néoplasique compte-tenu de l’espérance de vie généralement réduite des malades ; d’ailleurs, dans la plupart des séries endoscopiques et radiologiques, la durée moyenne

tendance est à faire un drainage à la carte : soit unilatéral du coté le moins atteint, si l’envahissement prédomine nettement sur un lobe, comme dans les tumeurs de type III de Bismuth, soit bilatéral en cas de type II de Bismuth. Le principe consiste à n’injecter que les voies biliaires que l’on pourra drainer, pour éviter tout risque d’angiocholite sévère, et de commencer le drainage par les voies gauches habituellement d’accessibilité plus difficile en endoscopie. Pour les sténoses hilaires, par voie rétrograde endoscopique nous sommes à distance de la lésion, le franchissement de la sténose est souvent plus difficile du fait d’une diminution des forces de poussée. Il ne faut pas hésiter à réaliser des dilatations au mieux hydrostatique à l’aide de ballonnet, avant la mise en place des prothèses. Ceci permet d’élargir bien sur le passage mais souvent également permet de rendre la sténose plus rectiligne. Ces ballonnets ont connus des progrès considérables ces dernières années. Les fils guides hydrophiles, notamment ceux en J sont également très utiles pour le franchissement des sténoses tortueuses. Le traitement endoscopique a donc repris une partie des indications du drainage percutané. En cas de sténose très complexe, comme les type IV de Bismuth, on est en droit de se poser la question d’une abstention de tout drainage, d’autant que le pronostic est habituellement sombre à court terme. Enfin, en cas de sténose duodénale associée ou survenant secondairement, l’endoscopie permet de réaliser dans le même temps que le drainage biliaire, la mise en place d’une prothèse duodénale métallique expansible. Il faut toujours débuter par le temps biliaire, et s’assurer que le drainage biliaire est stable donc assuré avec une prothèse métallique. Chez ces malades âgés, en mauvais état général, le traitement endoscopique en termes de morbi-mortalité semble préférable à la dérivation chirurgicale, tout particulièrement pour les cholangiocarcinomes proximaux. Cependant, des études prospectives doivent être conduites pour confirmer qu’il n’y a plus de place pour une double dérivation chirurgicale biliaire et digestive notamment pour les cholangiocarcinomes du bas cholédoque [31]. Pour optimiser la qualité du drainage endoscopique, et espérer une meilleure qualité de vie et survie, notamment en réduisant le risque d’obstruction des prothèses par prolifération tumorale, certains auteurs allemands ont proposé d’associer une thérapie photodynamique (TPD) endobiliaire [32]. Ceci semble intéressant dans les lésions hilaires. Dans cet essai, la TPD par voie endoscopique avec PHOTOFRINT a été administrée aux malades atteints de cholangiocarcinome non réséquable de stade III et IV et chez qui une prothèse avait été implantée pour soulager l’obstruction de la voie biliaire principale. Soixante-dix patients ont participé à l’étude, 39 sujets participant à une comparaison aléatoire où était administrée la TPD combinée à la mise en place d’un stent comparativement à la seule mise en place d’une prothèse et 31 sujets traités avec la TPD combinée à la mise en place de la prothèse. Dans le cadre de la TPD, les malades recevaient 2 mg/kg de PHOTOFRINT, deux jours avant la photoactivation par endoscopie à l’aide d’une lumière laser rouge. Les résultats de cet essai ont été très convaincants avec dans le groupe TPD on observe une augmentation significative (de quatre à cinq fois) du taux de survie médian des patients, médiane de 493 jours contre 98 jours.

Place de la radiologie interventionnelle pour le traitement palliatif des cholangiocarcinomes Comme pour les drainages par CPRE, les drainages biliaires transcutanés sont habituellement réalisés sous anesthésie générale, après vérification du bilan d’hémostase, et une antibioprophylaxie intra-veineuse associant amoxycilline-acide clavulanique est le plus souvent administrée une heure avant, puis éventuellement adaptée aux germes des prélèvements 61

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de perméabilité des prothèses est très voisine de la médiane de survie des malades. Afin de retarder et prévenir au mieux une nouvelle obstruction biliaire, il est important de positionner la prothèse de telle sorte qu’elle dépasse largement la sténose en amont et en aval ; ainsi, il est courant d’utiliser des prothèses longues, souvent de plus de 10 cm, même en cas de sténose courte. Après obstruction secondaire, le rétablissement d’un drainage biliaire par pose de nouvelles prothèses par voie endoscopique plutôt que radiologique car ayant une morbidité moins grande, est réalisé habituellement assez facilement et avec succès : par mise en place d’une deuxième prothèse métallique ou plastique à l’intérieur de la précédente. Le choix d’un nouveau geste et du type de prothèse doit cependant tenir compte de l’évolutivité de la maladie, l’abstention nous semblant dans certains cas préférable, surtout si l’extension des lésions est devenue majeure ; cette situation n’est malheureusement pas exceptionnelle. Le choc septique est la complication la plus redoutée du drainage percutané car son évolution est souvent fatale chez ces malades fragiles. Même en observant une technique et une asepsie rigoureuse, le contact d’une bile infectée avec le système vasculaire est toujours possible lors du geste de drainage. La meilleure prévention reste l’antibioprophylaxie systématique. Il est également recommandé, en cas d’angiocholite sévère, de se limiter dans un premier temps à un drainage simple et rapide par mise en place seulement d’un drain biliaire externe, afin d’éviter les tentatives de cathétérisme des sténoses qui favorisent la dissémination des germes ; la pose de la prothèse n’est réalisée que quelques jours plus tard après maîtrise de l’état septique [41]. Les autres complications résultent essentiellement de la ponction percutanée qui peut entraîner des lésions de la plèvre, du péritoine et surtout des vaisseaux. L’hémobilie par plaie artérielle est une conséquence fréquente de la ponction, expliquée par les rapports anatomiques étroits entre les structures vasculaires et les voies biliaires au niveau du parenchyme hépatique. Ce saignement à l’intérieur des voies biliaires se tarit généralement spontanément. Cependant chez un malade en conditions précaires, le pronostic de l’hémobilie devient beaucoup plus péjoratif du fait de l’hypovolémie, avec un taux de décès parfois supérieur à 50 % [42]. La voie endoscopique permet de ne pas exposer aux risques de la ponction trans-hépatique, ce qui lui donne un avantage certain sur la voie percutanée. Aussi la plupart des centres optent pour une tentative première de drainage endoscopique quel que soit le niveau d’obstruction et n’ont recours à l’abord percutané qu’en cas d’échec [43, 44]. Mais pour les sténoses hilaires complexes, il est plus difficile d’obtenir par la voie endoscopique un drainage biliaire suffisant, et on connaît le risque d’angiocholite des territoires non drainés. En effet, si les résultats du drainage endoscopique sont excellents pour les lésions sous hilaires ou de type I avec 80 à 98 % de drainage efficace [45, 46, 47], et une mortalité précoce (< 30 jours) inférieure à 17 %, en cas de lésion hilaire type II et surtout III [48], les résultats sont moins bons : efficacité du drainage de 53 %, mortalité précoce de 43 % essentielles par complications infectieuses, alors que la voie radiologique pour les types II et III [42, 49] permet un drainage efficace dans 85 à 90 % des cas, avec une mortalité précoce de 10 à 27 %. En cas de sténose hilaire, la voie radiologique percutanée autorise non seulement comme par CPRE la mise en place de plusieurs prothèses côte-à-côte plus facilement mais également de façon inter-segmentaire reliant deux secteurs biliaires par la même voie d’abord [50, 51]. Les montages par prothèses inter-segmentaires ont l’avantage de minimiser le risque traumatique de la ponction trans-hépatique alors qu’avec les prothèses en parallèle, le drainage direct et indépendant de la bile permet sans doute d’obtenir une efficacité plus longue. En pratique, dans les sténoses hilaires de type II et III, nous utilisons un abord bilatéral avec une prothèse à droite et une prothèse à

gauche ou un abord unilatéral avec des montages en « T » ou en « Y », ce qui permet habituellement de rétablir un drainage complet du foie. Lorsque l’atteinte hilaire est de type IV et s’étend à plus d’une convergence secondaire, la prise en charge devient plus complexe : de tels montages ne permettent théoriquement pas de drainer la totalité du foie, mais peuvent néanmoins être suffisants si les secteurs biliaires drainés sont de volume assez important. Par contre, en cas de sténoses hilaires très complexes, étendues, séparant de nombreux secteurs biliaires, comme certains type IV, il est préférable de surseoir à toute tentative de drainage, le bénéfice escompté d’un tel geste étant trop aléatoire face au risque important de complications infectieuses des territoires non drainés, et compte tenu d’une espérance de vie souvent limitée. Un drainage partiel est possible même en cas de lésion hilaire, si la dilatation est asymétrique avec drainage seulement des secteurs les plus dilatés ou en cas d’atrophie lobaire hépatique avec drainage seulement du lobe le plus volumineux. Une telle attitude s’applique notamment à certains cholangiocarcinomes hilaires s’accompagnant d’une atrophie hépatique par extension tumorale prédominante ; seules les voies biliaires du lobe controlatéral sont drainées, l’essentiel étant de n’opacifier lors de la cholangiographie percutanée de repérage que les voies biliaires pouvant être drainées. La voie percutanée permet également la possibilité de réaliser dans certains cas une curiethérapie endobiliaire.

Synthèse Quelles sont les places respectives de la radiologie, de l’endoscopie et de la chirurgie pour le traitement palliatif des cholangiocarcinome ? Nous avons déjà répondu en grande partie à cette question en exposant les diverses techniques. Une seule étude prospective randomisée a comparé les deux voies d’abord percutanée et endoscopique dans les obstructions biliaires malignes extra-hépatiques [46]. Il a été ainsi démontré que la voie endoscopique était significativement supérieure à la voie percutanée pour le drainage (81 % versus 61 %) et la survie à 30 jours (85 % versus 67 %). Dès lors, la pose de prothèses par voie endoscopique a été considérée comme la méthode de référence. Cependant, le problème majeur posé par ces prothèses plastiques est leur obstruction quasi-inéluctable dans un délai moyen de 4 mois. La modification de configuration ou de texture de ces prothèses, l’adjonction d’un traitement par antibiotiques ou par acides biliaires n’ont pas amélioré significativement la durée de leur perméabilité. Le progrès est venu, en fait, de la mise au point de prothèses métalliques extensibles constituées d’un grillage rétracté (diamètre 8 à 10 french) qui, une fois expansées, peuvent atteindre un calibre de 30 french ; l’inconvénient majeur de ce matériel est d’être non retirable. Des études randomisées, incluant au total plus de 300 malades [47, 53-55] et ayant comparé les prothèses métalliques et plastiques, ont montré une très nette amélioration de la perméabilité (9 mois versus 4 mois) et une diminution de la fréquence de réintervention lors de la mise en place de prothèses métalliques, sans, cependant, de modification significative de la survie des malades. Pour ces raisons, malgré un coût plus élevé, les prothèses métalliques ont supplanté les prothèses plastiques dans le traitement palliatif des sténoses malignes des voies biliaires extra-hépatiques chez les malades ayant une survie estimée supérieure à 6 mois. L’opacification des voies biliaires expose à un risque de surinfection nécessitant un drainage biliaire immédiat, pas toujours efficace, d’où la collaboration radiologue-endoscopiste l’un pouvant rattraper en urgence les échecs de drainage de l’autre. Ces complications infectieuses sont particulièrement sévères dans les obstacles hilaires avec un risque d’angiocholite et une mortalité multipliée par 4 lorsque le pôle supérieur de la tumeur est situé en amont des canaux biliaires hépatiques droit et gauche [56]. 62

Les indications de prothèse dans les sténoses malignes des voies biliaires extra-hépatiques sont de deux types : le drainage temporaire pré-opératoire et le drainage définitif palliatif. L’indication de loin la plus fréquente est le drainage définitif palliatif. Le drainage temporaire pré-opératoire fait appel le plus souvent aux prothèses plastiques extirpables, ou plus rarement aux prothèses métalliques non extirpables mais de longueur limitée de façon à ne pas gêner une chirurgie ultérieure. L’utilité d’un drainage pré-opératoire, évoquée initialement sur les résultats d’études rétrospectives, n’a pas été confirmée par les études prospectives. A ce jour, aucune des études prospectives (3 avec drainage percutané, 2 avec prothèses) n’a montré de gain sur la morbidité ou sur la survie post-opératoire. Bien que ces études ne soient pas exemptes de critiques (délai bref entre le drainage et le geste chirurgical, petit nombre de malades inclus, faible fréquence des gestes chirurgicaux à visée curative), elles confirment que le drainage pré-opératoire expose le malade à des risques de surinfection biliaire et de dissémination tumorale. Le drainage pré-opératoire ne devrait être effectué qu’à la demande du chirurgien et non trop souvent imposé à ce dernier, lorsqu’une chirurgie différée s’avère nécessaire en raison d’une insuffisance hépatique, d’un bilan d’extension prolongé, ou d’un traitement adjuvant pré-opératoire. La principale indication des prothèses biliaires reste le drainage définitif palliatif des sténoses tumorales. Ce drainage ne devrait être réalisé que lorsqu’est acquise la certitude de la malignité et de la non-réséquabilité de la lésion. Ce traitement doit être envisagé de façon différente selon la localisation sous-hilaire ou hilaire du pôle supérieur de la tumeur. Les cholangiocarcinomes de la voie biliaire principale ou du hile de type I doivent être drainés par voie endoscopique rétrograde. Les tumeurs hilaires de type II peuvent également être traitées par voie endoscopique, à condition de mettre en œuvre une méthodologie soigneuse requérant une grande expérience. Mais cela dépend des compétences de chacun au sein d’un établissement, ainsi si l’équipe de radiologues interventionnels est performante les lésions de type II, pourront être drainées par voie percutanée. Les tumeurs de type III doivent le plus souvent être traitées par voie trans-hépatique, permettant des abords multiples en fonction des secteurs atteints, et un drainage plus complet. Les tumeurs de stade IV, de mauvais pronostic à court terme, sont souvent au delà des ressources thérapeutiques, médicales ou chirurgicales. Dans certains cas difficiles, les méthodes endoscopique et transhépatique peuvent être combinées selon la technique du « rendez-vous ». En cas de tumeur sous-hilaire, les malades non opérables relèvent exclusivement d’un traitement par endoprothèse biliaire. La voie endoscopique paraît préférable à la voie transpariétale car les complications liées à l’abord de la papille sont nettement inférieures à celles liées à l’abord transpariétal. Chez les malades opérables ayant une tumeur sous-hilaire non résécable, le choix entre prothèse endoscopique et dérivation chirurgicale dépend essentiellement des compétences disponibles. Chez ce type de malade, 4 études contrôlées [57-60] ont comparé le traitement endoscopique et le traitement chirurgical palliatif ; la survie moyenne était identique (25 semaines) dans les 2 groupes ; mais dans le groupe chirurgie, il existait une mortalité à 30 jours nettement supérieure au groupe prothèse, ce qui semble difficile à accepter en cas de traitement palliatif. Ce d’autant que la plupart des études ont été réalisées avec des prothèses en plastique, le taux de réhospitalisation et surtout la morbi-mortalité pourraient avec les prothèses métalliques être encore plus en faveur du drainage endoscopique par rapport à la dérivation chirurgicale. La dérivation bilio-digestive ne devant être retenue que si le malade lors du bilan préopératoire est non seulement opérable mais avec une possibilité de résection et que malheureusement en peropératoire la résection n’est finalement pas possible. Les

tumeurs ampullaires ou péri-ampullaires constituent un cas particulier où la chirurgie est à privilégier en raison de la fréquence des sténoses duodénales, observées dans un quart des cas au cours de l’évolution de la maladie. Si le malade est non opérable, la voie endoscopique doit être préférée même si l’échec du cathétérisme biliaire est plus fréquent et conduit parfois à confier le malade au radiologue interventionniste. En cas de tumeur hilaire non résécable, le traitement non chirurgical est le traitement recommandé ; le choix entre la voie endoscopique et la voie transpariétale dépend du type de sténose hilaire appréciée selon la classification de Bismuth. Il a été, en effet, bien démontré [61] qu’en ce qui concerne les prothèses mises en place par voie endoscopique, les échecs de pose, de drainage, les complications et la mortalité augmentaient avec le degré d’extension intra-hépatique de la néoplasie hilaire. Les tumeurs biliaires étendues relèvent le plus souvent d’un traitement transpariétal d’emblée.

Y a-t-il une place pour la radio et/ou chimiothérapie ? Les cholangiocarcinomes extra-hépatiques surviennent souvent chez des malades âgés à l’état général altéré, chez qui la tolérance des traitements envisagés peut être problématique. L’augmentation de la survie après radiothérapie, chimiothérapie ou l’association des deux n’est pas démontrée mais les résultats d’études récentes sont encourageants [62-64]. Il est bien entendu indispensable d’obtenir un drainage biliaire satisfaisant, pour mettre le malade à l’abri d’une complication infectieuse et avec disparition de l’ictère avant de débuter une chimiothérapie. Quelques séries limitées et sélectionnées suggèrent une efficacité de l’association 5FU-cisplatine. Les résultats prometteurs de l’association LV5FU2-cisplatine [65] doivent être confirmés par des essais randomisés. La combinaison de ces associations avec la radiothérapie est testée par des essais thérapeutiques de la Fédération Française de Cancérologie Digestive. — Un des essais concerne les malades de moins 75 ans en bon état général (OMS < 1), comporte un bras drainage biliaire et seul, l’autre drainage biliaire puis association radiochimiothérapie avec ou sans curiethérapie endobiliaire en fonction des centres. — Un autre essai concerne les malades de plus de 75 ans et/ou avec un état général altéré (OMS > 1) et compare le drainage seul à l’association drainage + radiothérapie externe (30 Gy). Chez ces malades ayant le plus souvent une tumeur non résécable ou étant inopérables du fait de leur état général, l’indication de la radio-chimiothérapie doit être mûrement réfléchie au cours des réunions multidisciplinaires de cancérologie. Il est nécessaire d’inclure les malades dans des essais randomisés.

Conclusion Aucun traitement médical actuellement existant n’a de prétention curative. Cependant, malgré une extension principalement loco-régionale, seule une minorité de malades atteints de cholangiocarcinome peut bénéficier d’une résection chirurgicale curative. Un traitement médical sera donc proposé dans la grande majorité des cas, soit à titre adjuvant, soit le plus souvent à visée palliative. Les traitements adjuvants comprennent la radiothérapie externe et la curiethérapie, le plus souvent administrée par voie transhépatique, ainsi que la chimiothérapie. L’apport de ces traitements n’est actuellement pas démontré. La radiothérapie post-opératoire pourrait améliorer le pronostic des malades 63

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ayant une chirurgie incomplète. Les taux de réponses aux différents types de chimiothérapie sont faibles, généralement inférieurs à 30 %. L’association de radiochimiothérapie est actuellement en cours d’évaluation. Le traitement palliatif par drainage endoscopique ou radiologique des sténoses malignes des voies biliaires extra-hépatiques a connu de profonds bouleversements avec le développement de la radiologie et de l’endoscopie interventionnelles. Les méthodes non chirurgicales de drainage biliaire ont bénéficié de progrès incessants, notamment en ce qui concerne le matériel et les moyens de diagnostic du niveau lésionnel. Des prothèses de calibre suffisamment large pour assurer un drainage biliaire efficace et durable sont apparues, c’est le fait surtout des prothèses métalliques. Dans tous les cas, il apparaît indispensable que la prise en charge interventionnelle des cholangiocarcinomes soit le fait d’équipes entrainées à ces techniques, et ne peut être que pluridisciplinaire avec une collaboration étroite entre radiologues et endoscopistes (possibilité de la technique du rendez vous), mais également entre médecin et chirurgien ayant l’expérience de ce type de malade. Il convient également de tenir compte d’éventuels facteurs pronostiques défavorables : grand âge, tares associées, pathologie tumorale très évoluée avec notamment nombreuses localisations secondaires ou de pronostic particulièrement mauvais. On peut se poser chez certains malades au pronostic vital très limité, la question de l’abstention thérapeutique, en dehors d’un traitement médicamenteux symptomatique notamment par corticoïdes. Il en est de même pour les sténoses tumorales biliaires avec multiples métastases hépatiques pour lesquelles le rétablissement d’un drainage biliaire, même a priori efficace, risque de n’avoir qu’un résultat médiocre sur l’amélioration de l’ictère, compte-tenu de l’atteinte importante parenchymateuse hépatique. L’essentiel est de discuter et d’évaluer pour chaque malade l’intérêt et le bénéfice d’un traitement par rapport aux risques encourus.

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Cahier FMC

Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes