Prise en charge nutritionnelle : une exigence pour tous !

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Table ronde Soins de support

Disponible en ligne sur

Prise en charge nutritionnelle : une exigence pour tous ! Nutritional care: a requirement for all

www.sciencedirect.com

D. Caldari* Mots clés : soins de support, dénutrition, maladies chroniques, hospitalisation

Service d’Oncologie-Hématologie Pédiatriques, Hôpital Mère-Enfant, 7 quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 01, France.

L

a mise en place d’une stratégie de dépistage de la dénutrition ou du risque de dénutrition, quel que soit l’outil utilisé, a prouvé son efficacité et profite aux patients et aux établissements de soins. L’un des axes stratégiques du premier Programme National Nutrition-Santé était la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de soin. Même si le PNNS 2 s’attaque à une autre cible qu’est l’obésité, et que peu de moyens ont servi à la prise en charge de la dénutrition, il faut poursuivre la formation des soignants, des médecins, spécialistes ou non de la nutrition, pour qu’un jour cette prise en charge soit une exigence pour tous.

Situations à risque

En France la dénutrition de l’enfant n’est pas considérée comme un problème de santé publique. Pourtant elle sévit à l’état endémique dans les hôpitaux, où sa prévalence estimée selon les études entre 7 à 24 % des enfants hospitalisés, reste stable dans le temps [1]. La dénutrition de l’enfant malade est trop souvent considérée comme un problème « esthétique » dont la prise en charge serait un luxe, et n’interviendrait que secondairement dans le projet thérapeutique du patient. Hors la dénutrition qui accompagne certaines pathologies chroniques ne constitue pas qu’une complication de celles-ci, mais une véritable maladie en soi avec ses propres complications (Tableau 1) [2-5].

L’hospitalisation est chez l’enfant comme chez l’adulte une situation à haut risque nutritionnel. De nombreuses études montrent que la prévalence de la dénutrition reste élevée en milieu hospitalier et ce malgré les progrès considérables réalisés dans d’autres domaines en pédiatrie [1]. L’hospitalisation peut être en ellemême la cause d’une diminution des ingesta par le changement d’environnement et des habitudes alimentaires (horaires de repas imposés, menus pas toujours adaptés), par le jeûne nécessaire pour certains examens complémentaires ou la réalisation des examens ou de la visite au moment des repas. L’absence de personnel soignant, médecins compris, formé au dépistage de la dénutrition vient s’ajouter comme facteur de risque de dénutrition à l’hôpital. La douleur est reconnue comme un facteur de risque de dénutrition, elle fait partie des critères utilisés pour déterminer le score de risque nutritionnel pédiatrique [6]. Il faut rester vigilant devant des modes alimentaires restrictifs qu’ils soient suivis pour des raisons médicales (régime d’exclusion strict en cas d’allergies alimentaires, régime hyposodé, pauvre en sucre…), par conviction personnelle ou familiale (végétalisme, rites religieux difficiles à respecter en restauration collective) ou en raison d’une anorexie d’origine organique ou psychologique. Les situations de précarité peuvent conduire à une dénutrition chez le nourrisson, même si ce mécanisme quasi exclusif de carence d’apport se rencontre essentiellement dans les pays en voie de développement.

Qui faut-il dépister ?

Pathologies à risque

Pourquoi faut-il prendre en charge la dénutrition ?

Idéalement, tout enfant vu en consultation systématique ou en urgence, en cabinet de ville, à l’hôpital, en centre de PMI, en médecine scolaire, en institution, devrait avoir une évaluation de son état nutritionnel. On parle souvent de dénutrition hospitalière, mais l’enfant suivi pour une maladie chronique est généralement dénutri avant, pendant et après son hospitalisation. S’il est illusoire d’obtenir un dépistage de masse systématique, on peut essayer de définir des situations à risque de dénutrition qui ne doivent pas échapper à cette évaluation.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

Dans les pays industrialisés, la dénutrition survient surtout chez les enfants atteints d’une maladie grave et/ou chronique. Toute maladie chronique peut au cours de son évolution être responsable d’une dénutrition, mais dans certaines pathologies à plus haut risque nutritionnel, la prise en charge précoce peut améliorer l’état nutritionnel et le pronostic de la maladie.

Maladies neurologiques, polyhandicap La prise en charge nutritionnelle chez les enfants atteints de maladie neurologique doit faire partie du projet thérapeutique et être exposée très tôt aux parents. Ils pourront ainsi maintenir le plus longtemps possible une oralité suffisante avec des repas adaptés, et accepter plus facilement le recours à une nutrition artificielle indispensable lorsque la prise orale devenue insuffisante entraî-

797 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2008 ; 15 : p797-p799

D. Caldari

Archives de Pédiatrie 2008 ; 15 : p797-p799

nera une perte de poids. La dénutrition ne doit pas être considérée comme une fatalité dans ce type de pathologie, et le dépistage ne devrait pas se faire uniquement à l’occasion d’une hospitalisation en urgence pour une décompensation aiguë ou en préparation d’un geste chirurgical programmé (souvent orthopédique). Le dépistage de la dénutrition ne doit pas échapper également aux enfants ayant une pathologie fixée, et l’apparition de difficultés alimentaires ou une perte de poids ne doivent pas être considérées comme attendues, donc acceptables. Il faut systématiquement en rechercher la cause qui n’est pas toujours neurologique d’ailleurs. Dans ce type de pathologie, les troubles de la prise alimentaire évoluant au très long cours peuvent conduire, en l’absence de prise en charge, à des carences multiples ou spécifiques (scorbut, carence en folates) [7].

Pathologies digestives L’insuffisance intestinale, situation à haut risque de dénutrition, est très souvent traitée en milieu spécialisé, et échappe donc rarement à une prise en charge nutritionnelle adaptée. Il n’en est pas toujours de même pour la maladie de Crohn pourtant responsable d’un amaigrissement dans plus de 80 % des cas au moment du diagnostic, et un retard statural dans environ un tiers des cas, les pancréatites aiguës comme chroniques et les hépatopathies chroniques.

Affections malignes La dénutrition influence de manière indépendante le pronostic des enfants traités en oncologie hématologie pédiatriques. Il est maintenant clairement établi que la prise en charge nutritionnelle des enfants atteints de cancer est indispensable et doit faire partie des soins de support proposés au même titre que la prise en charge de la douleur [10]).

Insuffisance rénale chronique Les nourrissons qui souffrent d’insuffisance rénale sont particulièrement exposés au risque de dénutrition en raison de l’anorexie et des vomissements fréquents. La déshydratation chronique, la fuite urinaire de sodium, l’acidose métabolique et l’hyperparathyroïdie sont également responsables d’un retard de croissance. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, et l’on pourrait également citer toutes les situations d’agression, les décompensations aiguës ou complications de pathologies chroniques, et les pathologies chirurgicales lourdes. En pratique, chaque soignant confronté à un enfant porteur d’une maladie chronique devrait régulièrement se poser la question de son état nutritionnel, ce dépistage ne devrait pas avoir lieu uniquement lors d’une hospitalisation en urgence pour une décompensation.

Comment dépister la dénutrition ?

Pathologies pulmonaires Les maladies respiratoires chroniques de l’enfant, et en particulier la mucoviscidose sont fréquemment responsables de malnutrition. Il en résulte un retard de croissance staturo-pondéral et pubertaire qui peut dégrader la fonction respiratoire [8]).

Cardiopathies congénitales Les cardiopathies congénitales sont fréquemment associées à une dénutrition qui conditionne le pronostic de la correction chirurgicale [9]. Tableau 1. Principales conséquences fonctionnelles de la dénutrition Croissance

Retard de croissance staturo-pondérale Fonte de la masse maigre avec faiblesse musculaire, fatigue, diminution de la qualité de vie

Tube digestif

Atrophie villositaire, syndrome de malabsorption, risque de translocation bactérienne

Cœur

Réduction du poids du cœur, atrophie myofibrillaire, réduction du débit cardiaque et du volume d’éjection systolique

Poumon

Atteinte des muscles respiratoires, risque d’infection pulmonaire

Peau

Escarres, mauvaise cicatrisation des plaies

Os

Ostéoporose, risque de fracture

Rein

Atteinte glomérulaire et tubulaire avec insuffisance rénale, acidose

Coût

Durée moyenne de séjour prolongée, coût hospitalier plus élevé

Mortalité

Risque accru, en dehors des conséquences de la maladie ou des traitements

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Les outils utilisés pour l’évaluation de l’état nutritionnel sont simples : balance, toise, courbes de croissance staturo-pondérale, et carnet de santé de l’enfant. En effet il n’y a pas d’autre moyen aujourd’hui pour faire cette évaluation que de peser, mesurer l’enfant et faire sa courbe de croissance. Ce premier pas est malheureusement trop souvent négligé aussi bien en hospitalisation qu’en suivi ambulatoire faute de temps, de personnel, d’information [11]. Le médecin sera alerté devant un enfant qui quitte son couloir de croissance pondérale a fortiori s’il y a un ralentissement statural ou devant tout indice de masse corporelle (IMC) reporté sur les courbes que l’on trouve dans les carnets de santé, inférieur au 3e percentile. Pour confirmer cette dénutrition on peut utiliser le rapport poids sur taille (RPT), rapport entre le poids mesuré et le poids attendu pour un enfant de même taille. Selon la classification de Waterlow un RPT inférieur à 80 % évoque une dénutrition [12]. On peut calculer ce rapport à l’aide d’une courbe de croissance ou en utilisant des abaques de références. Lorsque la dénutrition est chronique et entraîne un retentissement sur la taille, l’enfant redevient « harmonieux » avec un RPT normal, et seul l’examen des courbes de croissance permet de constater que l’enfant a traversé un ou plusieurs couloirs.

Comment anticiper la constitution d’une dénutrition ? Les scores de risque nutritionnel visent à dépister les sujets qui ont un risque de dénutrition indépendamment de leur état nutritionnel, et ne doivent donc pas utiliser les critères cliniques et biologiques d’évaluation de l’état nutritionnel. Le score de risque pédiatrique intégré à l’algorithme de dépistage du PNNS [6,13] a été validé pour dépister un risque de dénutrition chez l’enfant hospitalisé. En pratique, il faut répondre à trois questions : quel est le degré de gravité de la pathologie sous-jacente ? L’enfant est-il douloureux ? Est-il capable de manger au moins 50 % d’une ration normale ? L’anamnèse alimentaire avec un rappel de 24 heures permet de connaître

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les apports caloriques mais n’est pas toujours facile à réaliser. On peut estimer grossièrement l’apport calorique en demandant aux parents de comparer par rapport à un autre enfant de l’entourage les prises alimentaires (la même quantité, 3/4, 1/2 ou 1/4 d’une assiette ?). Mais la dénutrition est un problème ambulatoire avant d’être un problème hospitalier, et ce score de risque validé pour l’enfant hospitalisé, peut servir d’approche pour un dépistage en consultation en cabinet de ville, l’enfant ayant une pathologie chronique plus ou moins sévère, douloureux et réduisant ses rations alimentaires n’est-il pas à risque de dénutrition à son domicile ?

Conclusion La prise en charge nutritionnelle doit, au même titre que la prise en charge de la douleur, faire partie du projet thérapeutique de tout enfant malade, et être évaluée régulièrement. L’amélioration de cette prise en charge passe par une meilleure formation des professionnels de santé (médicaux et paramédicaux). Le dépistage des enfants non encore dénutris et l’évaluation simple de l’état nutritionnel permettent la mise en œuvre le plus précocement possible d’une prise en charge nutritionnelle adaptée.

Références 1. Marteletti O, Caldari D, Guimber D, et al. Malnutrition screening in hospitalized children: influence of the hospital unit on its management. Arch Pediatr 2005;12:1226-31.

2. Stratton RJ, Green CJ, Marinos E. Disease-related malnutrition. CABI Publishing; 2003. 3. Correia MI, Waitzberg DL. The impact of malnutrition on morbidity, mortality, length of hospital stay and costs evaluated through a multivariate model analysis. Clin Nutr 2003;22:235-9. 4. Roulet M, Chesneux M, Coti P. Conséquences de la dénutrition chez l’enfant et l’adolescent. Mortalité, morbidité, conséquences médico-économiques. Arch Pediatr 2005;19:207-13. 5. Pelletier DL, Frongillo Jr. EA, Habicht JP. Epidemiologic evidence for a potentiating effect of malnutrition on child mortality. Am J Public Health 1993;83:1130-3. 6. Sermet-Gaudelus I, Poisson-Salomon AS, Colomb V, et al. Simple pediatric nutritional risk score to identify children at risk of malnutrition. Am J Clin Nutr 2000;72;64–70. 7. Canani RB, Fratellanza AG, Del Giudice E. Haemorrhagic gastritis in a neurologically impaired boy. Gut 2007;56:1511-35. 8. Dodge JA, Turck D. Cystic fibrosis:nutritional consequences and management. Best Pract Res Clin Gastroenterol. 2006;20:531-46. 9. Forchielli ml, McColl R, Walker WA, et al. Children with congenital heart disease: a nutrition challenge. Nutr Rev. 1994;52:348-53. 10. Sala A, Pencharz P, Barr RD. Children, cancer, and nutrition–a dynamic triangle in review. Cancer 2004;100:677-87. 11. Hankard R, Bloch J, Martin P, et al. Nutritional status and risk in hospitalized children. Arch Pediatr 2001;8:1203-8. 12. Waterlow JC. Classification and definition of protein-calorie malnutrition. Br Med J 1972;3:566-9. 13. Algoped:http://www.nutrimetre.org/telechargements/ Telechargements.html

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