Psychoses et groupe thérapeutique

Psychoses et groupe thérapeutique

J Pddiatr Pudriculture 1997; 10:364-369 © Elsevier, Paris PSYCHIATRIEET PSYCHOLOGE psychoses u lournee annuelle de psychiatrie infantile 1A~ • M ...

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J Pddiatr Pudriculture 1997; 10:364-369 © Elsevier, Paris

PSYCHIATRIEET PSYCHOLOGE

psychoses u lournee annuelle de psychiatrie infantile

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M Klahr, C Millot Service

de psychiatrie infantile, h6pital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris

otre projet, impulsd par B Golse, dtait, en reprenant les conceptions de Tustin, de Anzieu et de Haag, de travailler aux niveaux des enveloppes et du groupe comme contenant [1, 3, 6, 7]. Nous ne reprendrons pas ici la discussion, par ailleurs fort intdressante, de savoir si le groupe est plus ou mains contenant qu'une thdrapie individueile. Mais nous souhaitons faire part de notre experience sur ce que nous avons vdcu, ressenti et travailld dans ce groupe d'enfants dont la pathologie a fait vibrer en nous dans le contre-transfert nos dl~ments archa'iques, entralnant des angoisses primaires massives.

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Apr~s un bref rappel th~orique du d~veloppement pr& coce du bdbd nous aborderons l'exp&ience de notre groupe. Pour les analystes postfreudiens quise sont int&ess& aux origines, au ddbut ~ est le chaos ~,. Des angoisses primitives inimaginables normales sont vdcues par tous les bdbds, elles ont ~td ddcrites d'abord par Klein. Winnicott les montre comme des menaces d'annihilation,

*Communicationlors de la 10ejourn~e annuelle de psychiatrieinfantile de l'h6pital Saint-Vincent-de-Paul (Pr B Golse), consacr~e au th~me ~ Moyens et strategiesthdrapeutiques en clinique infantile ~,,Paris, le 18 juin 1993. 364

de chutes sans fin et de morcellement. Bick, quant fi elle, insiste sur les angoisses de liqudfaction. Tustin, enfin, dvoque ces terreurs en termes d'inondation, de chutes d'eau, de tourbillon, d'&uption [8]. Pour nous figurer ces d&uts de la vie, nous nous sommes repr&ent~es des images de la crdation du monde avec des explosions volcar~iques, des coulees de lave, des d&ordements gazeux et liquidiens, a_find'essayer de ressendr, d'imaginer et aussi de penser le v&u des enfants de notre groupe qui continuent ~ vivre ces angoisses terrifiantes. En effet, le nouveau-n~ est soumis ~tun flot de sensations multiples et dispers&s et il semblerait avoir la sensation que son corps n'a ni fin ni limite. Ce n'est que peu ~i peu, gr~tce ~ une ~ m~re suffisamment bonne ~,, qu'il pourra canaliser ses angoisses. En cas d'absence ou de ddtdrioration de l'objet maternant et, ou d'hypersensibilitd du b~bd, ~iun moment o0 son appareil neuropsychique n'a pas la maturitd suffisante, les angoisses du nouveau-nd seront activdes de fa~on insupportable et le conduiront ~t mettre en place des m&anismes pathologiques afin d'&iter la perception intol&able de la sdparation corporelle d'avec la m~re, c'est&-dire d'un arrachage d'une partie de luim~me. Le manque n'est maturatif que s'il est supportable. Si l'absence et la frustration sont trop intol&ables, il peut se crder une faille que le b~bd va combler en d&eloppant une ddfense primaire autistique. Si ces premieres exp&iences, ces premiers contacts JOURNAL DEPEDIATRIEET DE PUERICULTUREn° 6 - 1997

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entre l'objet maternant etle bdbd nesont pas ,
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Comme clans tout travail anatytique, nous avons ddfini clairement le dispositif du cadre pour nous m~me tout d'abord, puis avec les parents et les enfants. Les s~ances d'une dur~e de 45 minutes avaient lieu deux fois par semaine dans le m~me lieu, aux m~mes heures. L'amdnagement de la pi&e restait identique d'une s~ance ~i l'autre ainsi que la place de nos chaises. Cet endroit tigurd est rest~ stable, m~me si nous avons ~td amendes ~ibouger, fi nous d~placer au cours des sdances. La stabilitd du cadre spatial et temporel est essentielle, ainsi que la sobri&d de l'am~nagement de la piece qui permet aux th&apeutes de garder plus facilement la maltrise des limites sans ~tre obliges fi un corps ~ corps incessant. Nous n'avons~ bien entendu, pas 6noncd de consigne particuli~re sinon que l'on pouvait se servir du panier et de tousles objets s'y trouvant. Les enfants &aient libres de leurs d~placements, de leurs jeux, du choix des objets avec comme settle limite de ne pas faire mal aux autres, ni ~t eux-m~mes. Nous avons choisi notre mat&iel en fonction des reprdsentations que nous avions des futurs enfants de notre groupe : objets durs et froids, pointus mais pas dangereux ; objets mall6ables : balles en mousse ; - objets doux : peluches ; - objets ~temboiter ; animaux domestiques et sauvages et divers jouets de [a petite enfance : bolte ~ musique, animaux ~ tirer avec une ficelle, petits sacs ; - enfin du papier et des feutres rite remplacds par des crayons de couleur, afin de protdger les tours et la moquette et aussi quelques livres cartonnds. Tout cela mis en vrac dans un grand panier en osier. Ce panier et son contenu sont devenus le symbole de notre groupe et nous ont conduit ~tinterpr&er les mouvements autour de lui. Ainsi l'attaque contre le panier &ait interpr&de comme une attaque contre le groupe, mais il pouvait aussi servir de refuge, d'habitacle, de contenant. Nous avons essay6 le plus possible d'dviter que les enfants n'apportent un objet avec eux, venant de chez eux ou de la salle d'attente, pour leur 6viter la confusion et les aider ~ 6tablir une distinction entre les lieux et peu peu leur permettre de reconnattre un dehors et un dedans du cadre, pr6figurant la prise de conscience psychique des limites de leur corps. Mais ces objets durs qu'ils fiennent serr6s dans leurs mains font partie de leur propre corps. Ces ~ sensations objets autistiques ~ [10] permettent ~t l'enfant de se sentir dur et impdn&rable et, grace fi cette parfaite maitrise, de se sentir en sdcurit& C'est gfftce ~t un accompagnement verbal et physique que l'objet va pouvoir &re retir6 de la main doucement -

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pour leur &iter les angoisses violentes que provoquerait un arrachage. Nous avons bien stir &4 attentives ~t la rEgularit4 et la continuit4 des sEances mais 6galement h ce qu'il n'y ait pas, dans la mesure du possible, d'irruption de l'extErieur car, comme le dit T u s t i n , , il s'agit d'&arter ou d'6viter tout ce qui semble , briser ,, la peau de la s~arlce >>.

U n cadre bien ferme et solide est encore plus indispensable que dans une psychoth&apie d'enfants n&ros&. Car nous devons apporter un certain climat de s& curit6 aux enfants avec, comme objectif, que ceux-ci puissent commencer ~ abandonner leurs d~fenses rigides. La representation que nous avions du contenant ainsi formd, &ait celle d'une enveloppe, sorte de membrane faite d'un matEriau sotide, introuable, ind&hirable, ininflammable et cependant souple, agrdable 5 toucher, tibde, poreux, permettant des dchanges entre le dedans et le dehors. Ce module idEalisE (peut faire penser au placenta) a dtd attaqud sans cesse tant de l'intErieur que de l'extdrieur, mais il nous &ait n&essaire d'avoir cette rdf&ence comme sdcuritd de base. I1 a &E bien difficile ~ maintenit. Le cadre ainsi institud a limitd l'omnipotence des enfants et teur a fait vivre des frustrations qui entrainaient parfois des rages terribles. Ces situations de frustration renvoyaient 5 celle premi&e du nourdssage, prototype de toutes celles ~ivenir, au cours duquel le nourrisson est confrontd h la limitation de sa toute-puissance. Les enfants du groupe qui avaient v&u sans doute de fa~on partictfli~re leurs premieres relations n'avaient pas pu reconnaitre l'existence d'un extErieur et &aient restEs replids sur leur autosensualitE toute-puissante qui annulait toute sdparation, toute individuation, toute pens&. Ils oscillaient entre cette position autistique et une position symbiotique qui pouvaient les mettre en danger par la sensation de destructivit& Lorsque nous donnions des limites, par exemple, la fin d'une seance, cette intrusion de la rdalitE d'un temps limitE, non circulaire, faisait effraction pour eux, les mettant e n d ,a~ger et provoquant des angoisses primaires massives qu'ils projetaient violemment h l'ext6rieur. II fallait les aider h supporter ce qu'ils vivaient comme une attaque et une destructivitd et leur montrer la continuit~ de leur existence et de la n6tre, en verbalisant que ces~attaques ne les avaient pas endommag6s, ni physiquement, ni psychiquemenr, et qu'en retour nous-m& mes &ions bien enti&es ; ce qu'ils pouvaient verifier la seance suivante par notre presence et par celle du materiel, qui, bien que mis ~i rude @reuve, attaquE, 366

mordu, lance, &ait rassembld et remis en l'&at dans le panier fi chaque fin de sdance avec eux. Nous allons poursuivre en vous exposant notre travail dans le groupe. Nous avions d'abord pensd relater une seance mais, h la relecture de nos notes, il nous est apparu la monotonie et l'ennui qui se ddgageaient des descriptions des comportements des enfants. Sur le moment, nous avons pu donner ~ices notes un peu de vie au fil des sEances, grace ~l notre travail d'Elaboration et de contrtle en apr&coup. Mais aujourd'hui, si ces documents nous semblent si ennuyeux, c'est bien qu'ils refl&ent la pathologie des enfants. Iles* Evident que ces cahiers sont le reflet de ce que nous avons ressenti : rEpEtitions, monotonie, ennui pendant les sEances et comme nous dit Tustin, , il est utile d e r&liser que rien qu!en surmontant ses sentiments, ennui, impatience, nous aidons le patient >>. La description de la juxtaposition de gestes r6p&itifs sans but apparent, ni lien, nous montre bien la confusion de ces enfants~ Nous avions l'habitude jusqu'alors des therapies individuelles psych~al~iques d'enfants fond&s sur une tentative de comprehension du ddroulement des jeux des enfants et de leur symbolisme. Darts ce groupe, les enfants, non seulement ne parlaient pas, mais ilsne jouaient pas nonplus. Ils se contentaient d'utiliser les objets p o u r les sensations que ceux~lh leur procuraient, compl&ement absorbEs dans leur autosensualit& Nous avons essentiellement observd et analysd leur comportement en d&ail et nous avons tent6 d!entrer en contact avec eux malgr6 une certaine ignorance de leurs sensations et de leur v&u. Seul, notre ressenti, puis l'analyse de notre contretransfert, nous ont permis d'approcher ces enfants et d'imaginer ce qu'ils pouvaient vivre. Nous avons tentd le plus possible de ne pas intervenir dans le reel, ni dans le pEdagogique mais de faire des liens, des commentaireset desinterpr&ations sur ce q ue nous observions. Les interpr&ations portaient essentiellement sur les angoisses archa'iques, les identifications et les m&anismes de dtfense. Le plus souvent, ces interpretations &aient groupales, bien que parfois nous ayons &E tent&s par des interpr& tations individuelles concernant l'histoire d'un enfant, sans doute, en &ho aux attaques perp&uelles contre les liens de ce groupe. Au cours de ces sEances, les enfants pouvaient rester replies sur eux-mSmes, rEp&ant le mSme geste ~tl'infini ou s'entourant d'un bruit lancinant et envahissant, mais la pr&ence des autres, leurs d6placements, leurs rapprochements, le mdme jouet convoitd, &aient v&us de fa~on extr~mement mena~ante, entrainant alors des JOURNAL DE P~:DIATRIE ET DE PUF:RICULTURE n~ 6 - 1997

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terreurs, suscit&s par ces intrusions, qui se manifestalent par des attaques de toutes sortes. I1 s'agissait : - soit d'attaques des enfants contre eux-mSmes, par exemple, se cogner la r&e parterre, s'enfoncer les doig~s au fond de la gorge, s'automutiler ; soit contre les autres enfants en les poussant, en leur arrachant les objets avec rage et violence ; soit contre nous en nous p i n ~ n t les jambes, les seins ou en nous enfon~ant les doigts dans les yeux ; - soit d'attaques contre des objets (ceux-ci reprdsentant une partie d'eux-mSmes) en les lan~ant violemment, les yeux fermds, ils tombaient n'importe o~l, pouvaient arriver sur l'un d'entre nous, nous obligeant alors intervenir physiquement et verbalement sans violence mais avec fermetd en les contenant ; - soit, au mieux, d'attaques contre des objets symboliques ou non, c o m m e le crocodile qu'ils pouvaient mordre, pi&iner ~l loisir, dcraser. Nous c o m m e n t i o n s ces attaques, ,~ on est en cot'~re, on attaque, mais peut-&re a-toon aussi peur d'&re attaqud, piqud par les yeux ou selon le contexte, peur d'&re d&or& mang~, cassd, de se vider, de s'&ouler ,,. Soulignons que pour eux ces mots-l~t ne sont pas des m&aphores et qu'ils avaient r&llement l'impression que le regard p o u v a i t ruer. Puis n o u s verbalisions qu'ils n'&aient pas en danger, que leurs attaques ne se retourneraient pas contre eux. ~, O n est entier, bien solide ,,, e~ nous-mSmes, malgr~ leurs attaques et tousles senti" q m nous traversaxe t, resuons la, enti~res, ments agltes disponibles, pas e n d o m m a g & s et nous ne les abandonnlons pas. Les enfants nous ont montrd par leur c o m p o r t e m e n t des manoeuvres d~fensives pour lutter contre leurs an• go~sses et fls nous ont fa~t, chacu a leur fa~on, des d& monstrations de la th~orie. Ainsi~ Adeline, 2 ans et demi, a passd des s~ances enti&es ~ mordre l'anse d ' u n sac en plastique, cherchant le regard d ' u n adulte, puis l'ayant trouvd; se l~ssait t o m b e r par terre en rebondissant sur les fesses e n disant ~ a~e )~. Cela ~l chaque s&nce e~ en gardant inlassablement le Sac accroch~ ~t sa bouche. N o u s pouvions lui dire alors : ,~ on a besoin de s'accrochet pour ne pas t o m b e r dans le trou, mais on est bien solide... ,,, sans la toucher car elle n e le supportait pas. Elle ckculait ainsi autottr de la pi&e. Lorsqu'elle passait pr& de Jdrdmy, 4 ans (qui lui n'entrait en contact avec les autres que violemment en les poussant et se mettait lui-mSme sans cesse en danger sans aucune perception des limites), il lui arrachait le sac. Elle ne pleurait pas, mais portait la main h son visage, vers sa bouche et le museau en particulier c o m m e pour vdrifier son int& gritd, m i m a n t ainsi que l'arrachage de la bouche laisse un grand trou. J&dmy, lui, apr~s cette attaque allait s'en-

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rouler dans un rideau dpais et s'y cachait compl&ement, tandis que M a m a d o u sautillait en produisant un bruit ininterrompu et se pr&ipitait vers le fauteuil off il s'allongeait sur le ventre en tapotant avec sa main pros de son ceil droit. O n volt bien le m o u v e m e n t exprimd par ces enfants dans cette sdquence. Adeline cherche ~t s'agripper en s'accrochant par la bouche et par les yeux p o u r &iter les angoisses de chutes mais son regard peut aussi &re dangereux, attaqud et a~aquant, jere y, p o u r se proteger des attaques en retour, des yeux p~n&rants et piquants d'Adeline, va s'enrouler dans le rideau, dquation symb o l i q u e d ' u n ddbut de contenant, d'une peau protectrice qui fasse enveloppe. M a m a d o u , angoissd par les attaques qui circulaient dans le groupe, va protdger son ventre et se perdre dans un m o u v e m e n t de ~ rentrer dedans ,~ avec les yeux dans le fauteuil et s'enrouler dans un son qui envahit tout l'espace, annulant le dehors [4]. I1 v a s e perdre dans ses sensations. L'essentiel de notre travail a consistd ~ contenir toutes les attaques dans un cadre suffisamment solide et fi filtrer les dldments n o n pensables, incapables de se lier entre eux p o u r les renvoyer d~'toxiquds et pensables (selon la thdorie de Bion), en mettant des mots sur ce que nous pensions comprendre du v&u des enfants et de leurs angoisses, et ce dans le but de les aider ~t intdrioriser le contenant. Dans cette lutte constante contre l'ennui, l'agressivit~ et la destructivit& la thdorie nous a servi de support, de contenant et nous a permis de nous rassembler. Et c o m m e l'&rit H o c h m a n n , ,, il faut mentionner (ici) la n&essitd du recours ~l une thdorie, ~ condition que cette thdorie conserve pour la soignante, le statut d ' u n objet ludique avec lequel il y a plaisir ~ jouer, q u ' o n peut ddformer ~t sa guise, sucer, mordre, jeter et reprendre un objet m o u et doux, trouvd et crdd ~i la fois, bref, ayant les caract~res transitionnels et n o n ceux d ' u n f&iche, rigide et intangible qui serait brandi de mani~re ddfensive pour masquer ses incompl&udes et ses manques fi comprendre. La parole en s'articulant avec les concepts thdoriques, devient ainsi un jeu auto-&otique offert en spectacle ~i l'enfant ..... [5]. Ce jeu avec la thdorie, nous permettait de lancer des ballons et, mSme si l'enfant ne rattrapait pas la ficelle du ballon qui s'envolait, cela nous aidait fi nous ddgager, ~i mettre des mots sur de l'incomprdhensible, de l'insupportable et ~ ~viter de se laisser couler dans le n~ant du n o n - f o n c t i o n n e m e n t psychique. De plus, la parole, le ton de la voix servaient ~t envelopper les enfants et le groupe dans des ~ bras mentaux ~, c o m m e dit Tustin, et les protdgeaient d ' u n contact corporel trop proche, souvent insupportable• O n enveloppait les enfants par des mots dans des T t

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commentaires qui &aient des descriptions de leurs fairs et gestes. La r~p&ition quasi ~i ridentique de leurs comportements prenait pen ~ pen un sens pour les th~rapeutes et le groupe qui, alors, se sentaient plus en contact entre eux. II nous a sembld indispensable d'&re deux thdrapeutes face aux violentes attaques de ces enfants sans langage, sans jeu, pris dans des syst~mes de rdp&itions ~ll'infini, pour &iter d'&re entrain&s dans le vide de la pens&, afin de se prot~ger de l'insupportable des r~p&itions st~riles et des attaques perp&uelles contre les liens. La presence de l'autre rendait moins violente la ddrive, car on pouvait! s'accrocher ~ son regard, au mieux ~ sa parole, ~ ses commentaires et ~lses interpr&ations. Cette d~rive &ait cependant n&essaire pour essayer d'avoir un contact avec les enfants et d'approcher au plus pros leurs angoisses et leur v&u, sans se laisser engloutir. Les deux th~rapeutes n'avaient pas les m~mes syst~mes de d~fense face aux attaques du groupe, ni forcdment les m~mes affects au m~me moment. Cette diversitd et cette compl~mentaritd rendaient les s~ances plus vivantes, grfice au va-et-vient de la pens& qui rebondissait de l'une fi l'autre ele fa~on dynamique. Apr& chaque sdance, un long moment (~t peu pros 30 "e, rout d'abord pour r~ct pour penser, ~laborer en nous rememorant le deroulement de la seance.

geant ~trepdrer*nos rdponses tensionnelles et somatiques

corporel. Puis nous &rivions le d&oulement de la sdance en y insdrant les &~anges que nous avions fi ce moment-l~, c est-a-d~re notre fa~on personnelle d avo~r vecu, senu, pens~, [es interactions des enfants mais ~galement les affects v&us entre nous pendant ce temps : jalousie, rivalitd, impression de lfichage.

un exemple de ce que nous avons pu vivre Mamadou, enfant psychotique de 4 ans, avait d~j~ v&u des separations violentes qui l'avaient, paralt-il, fait r& gresser. I1 &ait beau et attirant et recherchait un contact physique, tout: en &itant le regard on, au contraire, pdn&rait fi l'int~rieur de nous par le regard. I1 tourbillonnait en sautillant, tapotait lemur avec ses mains, accompagnant ses tourbillons d'un enveloppement sonore, et 368

gardait dans une main un objet dur bien serr& I1 &ait angoissd et terroris~ par l'extdrieur. Dans les premiers temps, M a m a d o u s'approchait d'une th&apeute, attirait son visage vers le sien, avec sa main, en lui caressant Iajoue ; puis il approchait ses yeux de plus en plus pr&, finissant par s'y coller et rentrant dedans en y plongeant - r~alisant l~i1'~ effet cydope ,, comme pour s'y perdre, en collant au fond de l'autre et ne faire qu'un pour nier toute sdparation, toute distance, annulant ainsi l'espace et sa profondeur. Dans cette situation, la thdrapeute coil& ~t l'enfant &ait incapable d'int&ioritd et donc de penser. L'image qui nous a permis de nous -figurer cet dpisode &ait celle de Mowgli dans le film L e livre de l a j u n g l e de Walt Disney o/a on volt Kaa, le boa, hypnotisant l'enfant pour ravaler tout cru.

Face ~lce magma, deux ne faisant plus qu'un par identification adh&ive, l'autre th&apeute se sentait angoiss& devant cet englobement. Au niveau pr&onscient, des affects agressifs ~mergeaient, de se sentir abandonn&, l~ch& avec les autres enfants et elle en voulait l'autre. Plus profonddment, c'&ait pour lutter contre l'angoisse d'&re engloutie, aspir& ~tson tour de la m~me fa~on, de risquer que l'espace tout entier ne soit envahi par ce tourbillon comme s'il n'y avait plus de limite entre le dedans et le dehors, que se manifestait un mouvement violent contre l'autre, pour l'arracher et &re arrach& fi cette emprise. Mamadou, par ce m&anisme de contr61e omnipotent d'une des thdrapeutes, provoquait un clivage du groupe et un clivage entre les th&apeutes. Ces affects ressentis &aient tr~s rapides, fugaces mais intenses et c'est gfftce ~tl'dlaboration en apr~s-coup que l'on a pules analyser. Quand la m~me situauon se reproduisait, on pouvait alors mettre des mots sur ses sensations et interpr&er par exemple : ,, on se laisse tout couler dans les yeux, on voudrait ne pas &re sdpard mais on pent tenir tout seul bien solide, sans avoir peur ,,. Cela, repris et accompagnd dans le m~me temps par la th&apeute-coll& qui pouvait alors toucher le dos de l'enfant pour lui montrer sa soliditd, en verbalisant son intdgrit& Ces interpr&ations reprises plusieurs fois dans des sdances diffdrentes ont permis ~ Mamadou de pouvoir se sdparer progressivement et ce sans arrachage. Cet exemple de processus utilisd, parmi bien d'autres, par un enfant au nom du groupe ~l des fins ddfensives afin de nier toute sdparation montre comment nous pouvions &re happ&s et atteintes par contagion dans un mouvement d'identification projective. Le:fait d'&re deux permettait ~lchaque ,th~rapeute de mieux supporter ses propres angoisses archa/ques sans se sentir trop en danger et donc de se laisser aller en compagnie des enfants, sans avoir ~tmettre en place des m&anismes de ddfense trop rigides pour les tenir ~ldistance.

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PSYCHJATR~E ET PSYCHOLOGJE

Les th&apeutes ressentaient du vide et de la d6pression, et un commentaire de celle dont le psychisme 6tait ~t cet instant le moins attaqu6 permettait ~i l'autre de reprendre pied, d'dmerger, de repenser, de recommencer fi faire des liens. L'impression d'&re engloutie vers le n6ant et le vidage psychique &aient alors 6vit6s grace ~tla pr&ence de l'autre. Cet etayage • su r l'autre et sa prdsence tant psychique que physique, par le geste, le regard, les dchanges de mimiques, ouvrait un espace tiers oh la pensde pouvait se r6animer. Ce fonctionnement et notre capacit~ de trouver un sens possible aux comportements souvent dnigmatiques des enfants n'ont pas toujours 6t6 possibles, loin s'en faut, et le plus souvent nous avons 6t6 ballott&s sur des eaux agit&s et troubles au milieu des &ueils et du brouillard et nous avons dt6 alors mises face ~ notre . . . . . 1 • r lmputssance et notre narosslsme soumxs a• ructe ep euve. Ces enfants nous ont fait vivre violemment les m~mes sensations qu ' "fls f gont ressentir ~ leurs parents et ~ leur entourage et qu'ils ressentent eux-m~mes et c'est tout le travail d'dlaboration et d'analyse qui nous a permis de comprendre ce qui se passait en nous et de tenter d'&iter de renvover en boomerang toute la violence qu'ils pou vaient parfois susciter en nous.

mes.

Mais il est bien &ident que des forces inconscientes circulaient, que nous ne pouvions ni reconnakre, ni maltriser malgr~ toutes nos tentatives d'analyser notre intertransfert et qu'il faut 6viter ~ notre tour de tomber dans l'illusion de la toute-puissance, ou de la reconnaltre quand on y tombe.

conclusion Finalement, les attaques, la ddliaison et la puMon de mort ont ~t~ les plus fortes et notre groupe s'est interrompu. Pendant sa dur&, le cadre a dt~ difficile ~ main° tenir du fait des ruptures dans la continuitd de la prise en charge. Les enfants manquants sans explication et

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parfois partants s a n s possibilit~ de preparer la sdparation, ce qui nous faisait vivre alors des situations d'arrachage en dcho ~ leurs propres angoisses et provoquaient en nous des r~actions de rage et de ddpression. Ce n'est que dans un apr~s-coup que nous avons pris conscience que cette succession de ruptures &ait la consdquence de cette pathologie des enfants et que nous n'avions pas ~t~ suffisamment vigilantes face anx attaques contre les liens qui entrafnaient des passages ~ll'acte de la part des parents, ainsi que des coll~gues de notre ~quipe. Le con~enant du groupe a dt~ attaqu~ sans cesse de toutes parts, de l'int&ieur et de l'ext&ieur. En ce qui nous concerne, nous avons eu fi vivre dans l'intertransfert tous ces affects que nous venons de d& crire et, malgr~ tout, nous sommes l~t enti~res, et constatons que notre lien d'amitid n'a pas ~td endommagd, ni arrachd.

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