Puberté normale et pathologique chez la fille

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Puberté normale et pathologique chez la fille La puberté est une période de transition entre l’enfance et la vie adulte, caractérisée par le développement des caractères sexuels secondaires et des organes génitaux, l’accélération de la croissance staturale et l’acquisition de la fonction de reproduction. Les pubertés précoces ou retards pubertaires doivent être explorés pour définir une éventuelle conduite thérapeutique.

Puberté précoce Quand l’évoquer ? L’âge de la ménarche (premières règles) est stable depuis environ 30 ans en Europe, entre 12 et 13 ans, mais l’âge de l’apparition des seins (début de la puberté) décroît dans les pays développés. En France, la puberté précoce est définie par l’apparition des caractères sexuels secondaires (seins +++, sécrétions vaginales) avant l’âge de 8 ans et des règles avant l’âge de 10 ans. L’apparition des seins entre 8 et 9 ans (parfois de la pilosité) signe une puberté « avancée ». Quel bilan ? Son objectif est de confirmer le diagnostic de puberté précoce, préciser son origine (centrale ou périphérique), son étiologie et apprécier son caractère évolutif. Ce bilan comporte une courbe de croissance, une échographie pelvienne, la

découvert en 2013, MKRN3, soumis à empreinte paternelle). PPC : qui traiter ?

© JACOPIN / BSIP

Chez la fille, le début de la puberté correspond au début de la poussée mammaire (développement des seins = télarche) ainsi qu’au développement de la pilosité (= pubarche ou adrénarche), des modifications vulvaires et des organes génitaux internes : l’utérus est pubère lorsque sa longueur est > 35 mm, l’épaisseur du fond est > à celle du col et l’endomètre est > 1 mm ; les ovaires acquièrent un volume compris entre 3 et 10 cm3 et un aspect folliculaire. En outre, à la puberté, la vitesse de croissance s’accélère et il se produit une maturation osseuse, évaluée par l’« âge osseux » sur une radiographie de la main. Les filles prennent en moyenne de 20 à 25 cm et, après les premières règles qui apparaissent 2 à 3 ans après le début de la poussée mammaire, la croissance moyenne est de 7 cm.   L’axe gonadotrope évolue au cours de la vie. Dans l’enfance, la LH est indétectable et la FSH basse (LH/FSH < 1) ; à la puberté, apparaissent des pics de LH la nuit, puis progressivement au cours de la journée. Un test au LH-RH (injection de 100 μg de Relefact® et prélèvements à 0, 30, 60, 90 min), avec un pic de LH > 5-6 UI/l (en général vers 30-40 min) et un rapport LH/FSH > 0,66 signe une réponse de type pubère.

détermination d’un âge osseux et des dosages d’estradiol (E2), FSH, LH, avec test au LHRH.

Pathologies Pubertés précoces vraies ou centrales (PPC)

Elles sont dues à une activation précoce de l’axe hypothalamo-hypophysaire et sont LH-RH dépendantes, ce qui est objectivé par une concentration en estradiol (E2) > 10-15 pg/ml, un test au LHRH de type pubère (pic de LH > 5-6 UI/L, LH/ FSH > 0,66) et une LH de base > 0,3 UI/L. La LH basale est plus prédictive et mieux corrélée à la puberté précoce centrale, si elle est élevée, mais il existe de véritables PPC avec une LH basale indétectable et un pic au test au LH-RH > 5. Une LH basale seule ne suffit donc pas. Etiologies des PPC

Les PCC sont idiopathiques le plus souvent chez la fille (90 % des cas) ou organiques (10 %). Les arguments cliniques en faveur d’une étiologie organique sont très inconstants (signes d’hypertension intra-crânienne, macrocrânie, tâches café au lait). Le risque de méconnaître une tumeur (pouvant entraîner une cécité) impose de réaliser de manière systématique une IRM hypophysaire et des voies optiques. Les étiologies possibles sont un gliome des voies optiques, un hamartome hypothalamique, une hydrocéphalie, un kyste arachnoïdien, une irradiation cérébrale, un traumatisme crânien, une hypothyroïdie, une anomalie génétique (mutation de GPR54, autosomique dominante avec pénétrance variable selon le sexe ou rôle d’un gène

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Le traitement sera immédiat dans les formes évolutives (60 à 70 % des cas), caractérisées par des signes nets d’œstrogénisation, une accélération staturale, une avance d’âge osseux et un test au LHRH de type pubère (pic LH > pic FSH). Les formes peu évolutives (20-30 % des cas) sont caractérisées par un développement mammaire modéré, pas d’avance d’âge osseux, un test au LHRH de type prépubère (pic LH/FSH < 0,66 ; E2 < 25 pg/mL). Dans ces formes peu évolutives, voire régressives (< 10 % des cas), le traitement sera différé sous couvert d’une surveillance rapprochée (puberté + âge osseux). Pour décider du traitement, il convient de tenir compte de trois facteurs : le risque de petite taille définitive, l’évolutivité de la puberté et la tolérance psychologique. Le traitement des PPC repose sur les analogues du LHRH (formes retard : 1 injection tous les 26 jours, puis possible tous les 3 mois) pendant au moins 2 ans. Il est efficace sur les PPC idiopathiques ou neurogènes permettant une diminution du développement mammaire, la normalisation de l’œstradiolémie, l’obtention d’un test au LHRH plat après la 7e semaine, le ralentissement de la vitesse de croissance après 6 mois et de la progression de l’âge osseux. Le bénéfice principal attendu est une amélioration de la taille finale ; il est corrélé à l’avance d’âge osseux (si > 2 ans, gain = 5,3 ± 1,2 cm), et à la taille prédite (si < 155 cm, gain = 6,1 ± 1,3 cm). Pseudo-pubertés précoces périphériques

Dues à une sécrétion anormale d’œstrogènes ou d’androgènes d’origine périphérique, gonadique ou surrénalienne, elles sont LH-RH indépendantes, caractérisées par un test au LH-RH plat. Beaucoup plus rares, leur présentation clinique est très différente : elles surviennent parfois chez des filles très jeunes (2-3 ans) avec des signes francs d’œstrogénisation, un développement mammaire, une vulve œstrogénisée, des

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métrorragies. L’E2 est souvent élevé, la LH et FSH de base ne sont pas élevées voire freinées et le rapport LH/FSH est < 0,66. Etiologies des PP périphériques

• Tumeurs de l’ovaire : elles sont révélées par des douleurs abdominales, une masse palpable ou plus rarement des signes de puberté. Il peut s’agir de tumeur de la granulosa (sécrétion d’œstrogènes), de tumeur de Sertoli ou Leydig (sécrétion d’androgènes, virilisation), rarement d’un gonadoblastome. Le diagnostic repose sur une échographie et une IRM pelviennes associées au dosage de marqueurs sériques : AMH et inhibine B (granulosa) et autres marqueurs de tumeurs ovariennes (β-hCG, α-fœtoprotéine, ACE, CA 125, CA 19-9). • Kystes de l’ovaire : beaucoup plus fréquentes, ces pseudo-pubertés se présentent cliniquement par un développement mammaire et des métrorragies. Le fait de voir les kystes à l’échographie est plutôt rassurant (régression spontanée en quelques semaines) ; toutefois, ils font suspecter un syndrome de Mc Cune Albright (puberté précoce, dysplasies osseuses, tâches café au lait), récidivant.

Autres situations • Prémature télarche : développement isolé des seins, survenant classiquement entre 6 mois et 2 ans. Les aréoles ne sont pas bombantes, il n’y a pas de leucorrhées, pas de pilosité pubienne, pas d’accélération staturale ni d’avance importante de l’âge osseux. Le test au LHRH est de type prépubère (pic FSH > pic LH, E2 < 25 pg/ ml). Il diminue spontanément voire régresse totalement dans 70 % des cas (il peut toutefois y avoir plusieurs poussées avant régression). Aucun traitement n’est préconisé ; les filles un peu plus âgées doivent toutefois être surveillées (taille des ovaires à l’échographie). • Prémature pubarche : développement précoce d’une pilosité pubienne et/ou axillaire, parfois associé à d’autres signes d’androgénisation (acné, accélération staturale, transpiration). Elle est liée à une augmentation précoce des androgènes (S-DHEA, D4 androstènedione) survenant plus volontiers chez des enfants en surpoids ou ayant une pathologie cérébrale. Il convient d’éliminer une pathologie surrénalienne de type bloc enzymatique, en effectuant des dosages de 17OH progestérone, testostérone, SDHEA ± D4 androstènedione. • Puberté avancée : encore plus fréquente, elle se caractérise par un début du développement

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mammaire entre 8 et 10 ans. Elle peut induire une réduction de taille finale de 5 cm risquant d’aggraver un retard statural d’un enfant déjà petit. L’indication à un traitement par LHRH reste toutefois limitée car il n’y a pas de réel bénéfice sur la taille finale.

Retards pubertaires Ils sont définis par une absence de développement mammaire après l’âge de 13 ans et/ou l’absence de survenue des menstruations après l’âge de 16 ans ou 4 ans après le début du développement des seins. Deux situations peuvent être distinguées : impubérisme, aménorrhée primaire. L’impubérisme est une absence de puberté, secondaire à une anomalie de l’axe hypothalamo-hypophysaire-gonadique : hypogonadisme hypergonadotrope (gonadotrophines élevées ; 40 % des cas), hypogonadisme hypogonadotrope (gonadotrophines non élevées) ; ou bien il peut s’agir d’un retard pubertaire simple (50 % des cas ; diagnostic d’élimination).

Conduite à tenir devant un retard pubertaire : s’agit-il d’une absence ou d’un début de puberté ? D’un retard simple ou pathologique ? Faut-il traiter ? Pour répondre à ces questions, l’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels : antécédents personnels et familiaux (taille, puberté), symptomatologie (digestive, odorat, céphalées), nutrition, état psychologique, courbe de croissance, stade pubertaire, signes d’hyperandrogénie, dysmorphie. Les examens complémentaires utiles sont la détermination d’un âge osseux, un bilan associant créatinine, NFS, VS, Ac anti-endomysium, ainsi que des dosages d’E2, FSH, LH. • LH, FSH élevées : insuffisance ovarienne (faire un caryotype) ; • LH, FSH normales ou basses : – âge osseux > 11-12 ans : hypogonadisme hypogonadotrope (faire un test au LH-RH, une prolactine, une IRM cérébrale) ; – âge osseux < 11-12 ans : retard simple (faire un test au GH, des dosages de T4, TSH, prolactine ; pas de test au LHRH). Hypogonadisme hypergonadotrope (FSH élevée)

Il faut réaliser un caryotype pour rechercher : – un syndrome de Turner : fréquent (1/2 500 filles), il est caractérisé par un caryotype 45XO (50 % des cas) ou une mosaïque (XO/XX, XO/XY…), des délétions, un isochromosome, un chromosome en

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anneau. Il est associé à un retard statural et des anomalies morphologiques ; – une dysgénésie gonadique : caryotype XX avec délétion du bras long du chromosome X ou caryotype 46XY, avec, souvent, un utérus présent et des gonades non visibles. Il peut aussi s’agir d’un hypogonadisme attendu en raison d’une pathologie connue : iatrogène (irradiation pelvienne, chimiothérapie) ou toxique (galactosémie). Hypogonadisme hypogonadotrope (FSH normale ou basse)

• Hypogonadisme hypogonadotrope acquis : secondaire à une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire (crâniopharyngiome), à une irradiation cérébrale ou une maladie infiltrative (histiocytose, sarcoïdose). • Hypogonadisme hypogonadotrope fonctionnel transitoire : maladies de Crohn ou cœliaque, insuffisance rénale, anémie sévère (thalassémie, drépanocytose), anorexie mentale, Cushing, hyperplasie congénitale des surrénales non traitée. • Hypogonadisme hypogonadotrope congénital : – associé à d’autres déficits hypophysaires : GH, TSH, ACTH, PRL ou à un syndrome génétique (syndrome de Prader-Willi, syndrome de Laurence Moon Biedl, syndrome de charge) ; – associé à des troubles de l’olfaction (syndrome de Kallmann de Morsier) ; – hypogonadisme hypogonadotrope isolé : anomalie du récepteur au GnRH.

Conclusion Les pubertés précoces, définies par l'apparition de caractères sexuels avant 8 ans chez la fille, sont diagnostiquées par un test au LHRH ; elles sont le plus souvent centrales et idiopathiques. Les retards pubertaires ou aménorrhées primaires, définies par l’absence de seins à 13 ans, de règles à 16 ans et/ou de règles 4 ans après le début de la poussée mammaire sont plus rarement idiopathiques ; ne pas oublier les malformations en cas de développement pubertaire complet et d’aménorrhée primaire. | Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

CAROLE EMILE Biologiste, rédactrice scientifique [email protected] source D’après une communication de M. Bidet (Centre de pathologies gynécologiques rares, Service d’endocrinologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris). 30e Colloque de la Corata « La fertilité au féminin », Paris, mai 2014.