Pustulose érosive du cuir chevelu : 3 cas

Pustulose érosive du cuir chevelu : 3 cas

Articles scientifiques Cas clinique Ann Dermatol Venereol 2005;132:475-7 Pustulose érosive du cuir chevelu : 3 cas N. EL KABBAJ, O. DEREURE, B. GUIL...

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Articles scientifiques Cas clinique

Ann Dermatol Venereol 2005;132:475-7

Pustulose érosive du cuir chevelu : 3 cas N. EL KABBAJ, O. DEREURE, B. GUILLOT

Résumé Introduction. La pustulose érosive du cuir chevelu est une affection rare d’étiologie inconnue touchant essentiellement des sujets âgés. Souvent déclenchée par un traumatisme local, elle se caractérise par des lésions pustuleuses chroniques du cuir chevelu évoluant vers une alopécie cicatricielle. Son traitement n’est pas encore codifié. Observations. Deux malades de 66 et 87 ans avaient des lésions érosives pustulo-croûteuses du cuir chevelu dans les suites d’une greffe de peau totale après exérèse chirurgicale de kératoses actiniques. Chez un troisième malade âgé de 75 ans, les lésions étaient apparues après une greffe capillaire. Les aspects cliniques étaient compatibles avec une pustulose érosive du cuir chevelu. Chez tous nos malades, le traitement par gluconate de zinc oral associé aux dermocorticoïdes était efficace. Discussion. L’association de dermocorticoïdes et de gluconate de zinc oral pourrait représenter une option thérapeutique intéressante dans cette affection chronique souvent désespérante.

Summary Background. Erosive pustulosis of the scalp is a rare entity of unknown etiology mainly affecting elderly people. It is often triggered by local trauma and features chronic pustules of the scalp evolving toward scarring alopecia. Its treatment is not yet codified. Observations. Two patients (66 and 87 years old) presented with crusted and erosive pustules of the scalp following surgical removal of actinic keratosis and total skin graft. In a third patient, similar lesions appeared after hair grafting. Clinical features were consistent with the clinical pattern of erosive pustulosis of the scalp. In all three patients, oral zinc gluconate in combination with topical steroids associated resulted in significant improvement. Conclusion. An association of topical steroids and oral zinc gluconate might be an interesting therapeutic option in this chronic, often disabling affection.

Erosive pustulosis of the scalp: 3 cases. N. EL KABBAJ, O. DEREURE, B. GUILLOT Ann Dermatol Venereol 2005;132:475-7

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a pustulose érosive du cuir chevelu est une affection rare avec 40 cas environ publiés à ce jour [1]. Elle survient assez souvent dans les suites de gestes chirurgicaux sur le cuir chevelu, notamment de type greffe cutanée. Divers traitements ont été proposés avec des résultats variables mais aucune série d’importance significative n’est disponible pour établir des guides thérapeutiques. Nous rapportons 3 nouvelles observations de cette affection survenant après greffe cutanée du cuir chevelu et qui suggèrent l’intérêt potentiel d’un traitement par gluconate de zinc oral seul ou associé à des dermocorticoïdes, traitement de référence habituel.

Observations Trois hommes âgés respectivement de 66, 75 et 87 ans étaient pris en charge pour des lésions pustuleuses chroniques d’évolution érosive du cuir chevelu (fig. 1). Tous les trois avaient eu un geste chirurgical sur le cuir chevelu 3 à 7 mois Service de Dermatologie, CHRU Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, 80, avenue Augustin Fliche, 34295 Montpellier Cedex 5. Tirés à part : O. DEREURE, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

avant l’apparition des lésions : exérèse d’une vaste kératose actinique ou de nombreuses kératoses adjacentes, suivie d’une greffe de peau totale dans deux cas et greffe capillaire dans un troisième cas. Un malade avait reçu du 5 fluorouracil topique (Efudix®) avant l’exérèse et un autre suivait un traitement par isotrétinoïne à la posologie de 35 mg/j pour un porocarcinome du pied droit en évolution locorégionale lente (métastases en transit et adénopathie inguinale). L’aspect clinique était assez univoque avec des érosions suintantes plus ou moins coalescentes du cuir chevelu et notamment du vertex, dessinant nettement les contours de la greffe chez un malade, associées à des croûtes et des éléments pustuleux en périphérie. Les prélèvements bactériologiques étaient peu contributifs avec présence d’un staphylocoque doré méthicilline-sensible ou d’un Pseudomonas aeruginosa chez deux malades alors que les prélèvements mycologiques étaient négatifs. L’examen histologique montrait un aspect inflammatoire non spécifique avec un infiltrat inflammatoire épidermique et dermique essentiellement constitué de polynucléaires neutrophiles parfois associés à des plasmocytes mais sans pustule individualisée. L’immunofluorescence cutanée directe était négative dans les trois cas. Le dosage du zinc plasmatique était normal chez les trois malades. Un malade était traité par gluconate de zinc per os (Rubozinc®) 30 mg/j et un dermocorticoïde de classe 2 à raison d’une ap475

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Fig. 1. Malade no 1. Lésions érosives du cuir chevelu avant traitement.

Fig. 2. Malade no 1. Régression des lésions après traitement par dermocorticoïdes et gluconate de zinc per os.

plication/jour avec une réépidermisation supérieure à 50 p. 100 après un mois de traitement et de 70 p. 100 après quatre mois (fig. 2). Un deuxième malade recevait du gluconate de zinc per os (Rubozinc®) 30 mg/j et un traitement local à jours alternés par dermocorticoïde de classe 2 et sulfadiazine argentique (Flammazine®) avec une amélioration importante (disparition de 75 p. 100 des lésions érosives) après 4 mois et demi de traitement, date à laquelle le traitement local était interrompu. Cette réponse était maintenue après 6 mois de traitement oral par gluconate de zinc seul. Le troisième malade était traité localement par sulfadiazine argentique et nitrate de cérium (Flammacérium®), relayé au bout de deux mois par un dermocorticoïde de classe 2, traitement local d’emblée associé à du gluconate de zinc oral (Rubozinc®) 30 mg/j avec une amélioration importante après 1 mois de traitement seulement (disparition de 50 p. 100 des lésions pustuleuses), et une guérison après 4 mois. Chez ce malade, le traitement était alors interrompu et les lésions n’avaient pas récidivé six mois plus tard, date à laquelle le patient décédait de l’évolution du porocarcinome.

L’étiologie de cette pustulose est inconnue. Elle pourrait être en rapport avec une réaction inflammatoire non spécifique particulière au cuir chevelu des personnes âgées et/ou exposé au soleil [5]. Cette réaction pourrait être déclenchée par des traumatismes locaux même anciens de type très variable (plaie, contusions, brûlures, chirurgie avec greffe de peau totale ou cryochirurgie) [5-11] ou par des phénomènes irritatifs tels que des applications de 5 fluorouracile topique (Efudix®) [5] ou de trétinoïne topique à 0,05 p. 100 [10]. Un de nos malades recevait de l’isotrétinoïne per os (mais la pustulose était probablement apparue avant la mise en place de ce traitement) et un autre avait été traité par 5 fluorouracile local avant le geste chirurgical sur la kératose. Enfin, des cas succédant à une radiothérapie [12] ou à un zona ophtalmique [13] ont été rapportés. En revanche, le rôle d’agents infectieux a été définitivement écarté, les micro-organismes isolés dans les lésions pustuleuses n’étant probablement que le témoin d’une surinfection secondaire comme en témoigne l’échec régulier des traitements systémiques par antibiotiques et antimycosiques. Chez nos trois malades, on trouvait une notion de traumatisme du cuir chevelu sous la forme d’un geste chirurgical local de greffe cutanée au cours des mois précédents. Si la précession par une greffe cutanée du cuir chevelu a déjà été signalée essentiellement dans le cadre d’une exérèse greffe d’une lésion tumorale [8, 9], la survenue après greffe de cheveux n’a en revanche jamais été rapportée à notre connaissance dans cette entité. Ce facteur étiologique ne semble conférer aucune spécificité au tableau clinique si ce n’est une localisation parfois très similaire à celle de la greffe initiale comme chez un de nos malades où les lésions érosives dessinaient très précisément le site greffé. Diverses thérapeutiques ont été essayées avec des réponses variables mais aucune série d’une certaine importance numérique n’est disponible. Les dermocorticoïdes de niveau 1 ou 2 permettent en général une amélioration rapide avec parfois des récidives à la diminution ou à l’arrêt tandis que le calcipotriol en crème a permis une guérison définitive maintenue sur un an dans un cas [14]. Le tacrolimus to-

Discussion Nous rapportons trois nouveaux cas d’une entité rare, la pustulose érosive du cuir chevelu décrite pour la première fois en 1979 par Pye et al. [2], et dont l’originalité est liée à la survenue après greffe cutanée sur le cuir chevelu et à l’apport potentiel du zinc dans le traitement. Cette affection survient essentiellement chez des sujets âgés comme chez nos trois malades (moyenne : 67 ans), le plus souvent de sexe féminin (sexe ratio hommes/femmes : 1/2) et se caractérise par des lésions pustuleuses chroniques du cuir chevelu, notamment sur la zone du vertex, qui évoluent vers des plaques érosives et croûteuses et, dans certains cas, une alopécie cicatricielle [3]. L’évolution est souvent désespérément chronique mais un suivi régulier doit être maintenu en raison du risque d’évolution vers un carcinome comme signalé dans quelques observations [4]. 476

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pique à 0,1 p. 100 a été efficace chez deux malades avec un recul de 8 mois pour l’un et d’un an pour l’autre [15] au prix d’un traitement continu, mais il ne s’agit pas d’une indication de l’AMM et le potentiel irritant de ce topique en limite l’utilisation. Par ailleurs, quelques observations ont rapporté l’efficacité d’une supplémentation orale en zinc dans cette affection avec parfois une amélioration significative des lésions notamment après correction d’une hypozincémie [12, 16, 17]. L’utilisation du zinc ne repose pas sur des conceptions physiopathologiques précises puisqu’un déficit en zinc n’est que très rarement rapporté et était apparemment absent chez nos trois malades au vu des dosages plasmatiques. Il est plutôt basé sur une certaine parenté clinique avec les lésions érythémato-croûteuses, érosives, parfois bulleuses, périorificielles, souvent accompagnées d’une alopécie diffuse qu’on observe souvent dans les carences acquises en zinc et sur son activité dans d’autres dermatoses pustuleuses à tropisme folliculaire telles l’acné inflammatoire, la folliculite décalvante [18] et la perifolliculitis capitis abscedens et suffodiens. Le gluconate de zinc en association avec les dermocorticoïdes ou le Flammacérium® a permis une amélioration franche de nos trois malades, l’activité du Flammacérium® étant probablement marginale dans cette affection qui ne relève pas d’une origine infectieuse. Le gluconate de zinc seul a permis le maintien de la réponse thérapeutique obtenue antérieurement par un traitement mixte, local et général, chez un patient. L’activité du zinc pourrait en fait être liée à une action directe sur le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles qui peut être inhibée par le zinc. Ces observations, quoique difficiles à interpréter avec précision, sont encourageantes et une évaluation plus précise de l’intérêt d’une telle supplémentation, même en l’absence de déficit avéré en zinc, serait intéressante. Un schéma potentiel d’utilisation du zinc per os pourrait être une association d’emblée avec les dermocorticoïdes, qu’on peut considérer comme le traitement de référence actuel, la supplémentation orale en zinc étant poursuivie après arrêt du corticoïde quand une rémission clinique de bonne qualité est obtenue afin de maintenir le résultat obtenu.

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