Rev Méd Interne 2001 ; 22 : 79-80 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300002903/SCO
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Quand l’interrogatoire permet d’apaiser la bouche… C. Cierlak*, S. Dahan, M. Alvarez, S. Ollier, P. Arlet Service de médecine interne, hôpital Rangueil-Larrey, 24, chemin de Pouvourville, BP 11, 31998 Toulouse cedex, France (Reçu le 18 mai 2000 ; accepté le 5 octobre 2000)
L’HISTOIRE Une patiente de 87 ans était hospitalisée en juillet 1999 pour des ulcérations buccales volumineuses et très douloureuses évoluant depuis avril 1999, gênant son alimentation et responsables d’un amaigrissement de 4 kg. Ces ulcérations creusantes, à fond jaunâtre, entourées d’un liséré rouge et non indurées étaient au nombre de trois. La plus grande mesurant 2 cm × 1 cm se situait sur le dos de la langue, une autre dans le sillon vestibulaire supérieur gauche et la dernière, d’apparition plus récente, sur la face inférieure de la langue. Ces lésions présentaient les caractères cliniques d’aphtes géants (figure 1). Aucun traitement local ne les avait fait régresser. Parmi les antécédents de la patiente, on retrouvait une hypertension artérielle et un angor d’effort. Le traitement à domicile comprenait : Cordipatcht, Aspégic 250t, Soprolt, Moduretict, Temestat, Diovenort et Adancor 20t (nicorandil). Ce dernier médicament avait été introduit au mois de septembre 1997 sans changement de posologie depuis. Un bilan étiologique complet avait éliminé toutes les causes d’aphtose sévère : pas de notion de traumatisme local, bilan infectieux négatif, bilan immunologique négatif, biopsies en faveur d’un aphte. Un traitement par corticoïdes avait été instauré au cours de l’hospitalisation avec un bon résultat antalgique immédiat. Puis l’Adancor 20t avait été exclu et les corticoïdes rapidement diminués jusqu’à leur arrêt en trois semaines. Un mois après, la patiente revenait en consultation : les ulcérations étaient complètement cicatrisées et les corticoïdes arrêtés depuis huit jours. Neuf mois *Correspondance et tirés à part.
s’étaient écoulés depuis et les lésions n’avaient pas récidivé. LE DIAGNOSTIC Des aphtes buccaux géants au cours d’un traitement par nicorandil. LES COMMENTAIRES Le nicorandil est un vasodilatateur anti-angoreux de la classe des activateurs des canaux potassiques mis sur le marché en 1992. Depuis 1997, des publications rapportent l’apparition d’ulcérations lors de la prise de ce médicament. Dans un premier cas, les lésions buccales de grande taille sont apparues un mois après l’introduction du nicorandil et n’ont dis-
Figure 1. Aphte géant de la langue.
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C. Cierlak et al.
paru qu’après deux mois d’arrêt de ce médicament [1]. Dans un autre cas, elles sont survenues quatre mois après un changement de posologie du nicorandil et ont totalement régressé après un mois d’arrêt, alors qu’elles ont résisté à différents traitements symptomatiques et que les prélèvements locaux et les homocultures étaient négatifs [2]. Tous ces patients ont donc des lésions similaires : aphtes buccaux géants sous nicorandil qui résistent à de nombreux traitements symptomatiques avec un
bilan étiologique négatif et cédant après l’arrêt du traitement par nicorandil. RE´ FE´ RENCES 1 Boulinguez S, Bedane C, Bouyssou-Gauthier ML, CornéeLeplat I, Truong E, Bonnetblanc JM. Aphtose buccale géante induite par le nicorandil. Presse Méd 1997 ; 26 : 558. 2 Vincent S, Audreani V, Janin-Manificat L, Evrard JP, Janin-Manificat C, Barbaut X. À propos d’un cas d’une patiente sous nicorandil ayant développé une aphtose buccale. Thérapie 1999 ; 54 : 257-71.