Que faut-il faire de l’épaule de l’hémiplégique ?

Que faut-il faire de l’épaule de l’hémiplégique ?

Savoirs Mise au point Kinesither Rev 2006;(61):43-5 Que faut-il faire de l’épaule de l’hémiplégique ? B R I G I T T E B O U C H O T-M A R C H A L U...

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Savoirs Mise au point

Kinesither Rev 2006;(61):43-5

Que faut-il faire de l’épaule de l’hémiplégique ? B R I G I T T E B O U C H O T-M A R C H A L

Une revue de la littérature produite par la Cochrane Library conclut que le port d’écharpe n’a pas fait la preuve de son efficacité dans le cadre de la prévention des subluxations ou des douleurs d’épaules hémiplégiques. Que doit-on faire ?

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ne étude publiée sur l’intérêt des écharpes et contentions de l’épaule de l’hémiplégique ne met pas en évidence de résultat avéré [1]. L’objectif de cet article est de proposer des solutions aux professionnels en l’absence de « niveau de preuve ». Les résultats des 4 études proposées dans le texte de Ada [1] ne mettent pas en évidence l’efficacité de l’écharpe ou du strapping de l’épaule pour réduire la subluxation et la douleur de la gléno-humérale chez l’hémiplégique. Cependant, l’article nous apprend que le strapping retarde l’apparition de la douleur (d’environ 14 jours) ce qui est « bon à prendre » pour exploiter un début de motricité, l’apparition de la douleur étant, dans le cadre d’un cercle vicieux, un facteur limitant de l’utilisation d’une éventuelle motricité. D’autre part, la comparaison entre écharpe, strapping et les moyens de contention au fauteuil (gouttière d’accoudoir ou tablette au-dessus des genoux) montre qu’un appui du coude réduit instantanément et significativement la subluxation (avec une réduction maximale pour la tablette). Dans le cadre d’une pratique quotidienne, il semble donc logique que, en dehors de la station debout, le patient puisse être systématiquement placé avec un appui du coude bien réglé. Une héminégligence spatiale et corporelle déportant fréquemment le poids du corps du patient du coté non-hémiplégique, un moyen d’installation simple tel un hémi-coussin surélevant le côté non atteint peut permettre de réduire la tension des éléments périarticulaires de l’épaule concernée. Il ne faut pas perdre de vue non plus que les études présentées sont ciblées sur les moyens de contention mais qu’il pourrait être intéressant de les croiser avec les techniques neuro-motrices ou de réveil/sollicitation de la fonction motrice. Cadre de santé Kinésithérapeute. Hôpital Raymond Poincaré, 104, boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches. [email protected] Article reçu le 03/04/06 Article accepté le 20/11/06

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MOTS CLÉS

Écharpe Épaule Hémiplégie

Traitement et prévention Dans tous les cas, on ne peut dissocier la prévention et le traitement de la subluxation, de la prévention et du traitement de la douleur. De même que nous associons les différentes formes de traitement, il n’est pas exclu que la prise en charge en pratique quotidienne puisse cumuler les actions préventives : strapping, accoudoir (assis), écharpe (debout) et électrostimulation fonctionnelle. Même si elle est controversée, l’électrostimulation est un outil qui a fait ses preuves. Pour certains, probablement en réduisant la subluxation, elle permet de récupérer des amplitudes de rotation latérale d’épaule [2]. Et en ce qui concerne la fonction motrice, il faut noter que des programmes d’électrostimulation fonctionnelle, en plus de limiter significativement la subluxation, ont permis de réduire la douleur et ont facilité la récupération d’une fonction motrice de l’épaule chez certains hémiplégiques [3]. Faghri et al. [4] ont démontré que la subluxation d’épaule pourrait être réduite par l’utilisation de la stimulation électrique. Cette étude a prouvé qu’il est possible d’empêcher ou limiter la subluxation d’épaule juste après une hémiplégie. Elle n’a cependant pas montré que l’application de la stimulation électrique améliorait directement le rétablissement moteur mais tous les sujets ont signalé que la sensation de la contraction de muscle et du mouvement du membre était encourageante. C’était particulièrement vrai dans le cas de négligence sensorielle. Dans le cadre d’une étude ayant confirmé l’intérêt de l’électrostimulation des muscles coaptateurs de l’épaule [5], le protocole suivant à été utilisé : les sujets ont reçu la stimulation électrique 4 fois chaque jour, avec 2 heures au minimum entre les sessions. La durée de chaque session a été augmentée graduellement : 30 minutes par séance en semaine 1, 45 minutes en semaines 2 et 3, et 60 minutes en semaine 4. Deux électrodes ont été placées dans la fosse supra-épineuse et la partie postérieure du bras pour stimuler les muscles supra-épineux et deltoïde postérieur (après s’être assurés que la stimulation entraînait la correction de la subluxation). La stimulation était composée d’impulsions biphasées asymétriques avec 43

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une largeur d’impulsion de 300 μ s appliquée à une fréquence de 30 hertz. Une autre étude a montré des améliorations significatives du rétablissement moteur des muscles de l’épaule après un programme de stimulation électrique fonctionnelle des muscles supraépineux et deltoïde postérieur à raison de 6 heures par jour pendant 6 semaines (le rapport contraction/repos a été progressivement augmenté au fur et à mesure des progrès [6]). Il peut être aussi intéressant de regarder l’épaule de l’hémiplégique sous l’aspect de la douleur. La prévalence de l’épaule douloureuse de l’hémiplégique après AVC varie de façon importante selon les études. La prévalence consensuelle semble être de 70 % [7]. Le pic d’incidence maximal se situe autour de la septième et de la huitième semaine mais l’installation des troubles peut débuter vers la première semaine. Cependant, l’absence de définition précise engendre une sémantique variable et la littérature recense au moins cinq termes différents pour qualifier une épaule douloureuse. La classification de Bender [8] semble la plus adaptée à une approche clinique et divise les épaules douloureuses en quatre classes : – douleur d’origine articulaire (liée à la subluxation et au déficit des muscles de la coiffe) ; – douleur d’origine musculaire (liée à la spasticité) ; – douleur par altération sensitive d’origine centrale (thalamique, spino-thalamique-corticale) ; – syndrome « épaule-main » vrai, se rapprochant de l’algodystrophie (avec douleur, limitation des amplitudes et troubles trophiques). De plus, un certain nombre de facteurs de risque d’épaule douloureuse ont été identifiés : la subluxation gléno-humérale est retrouvée avec des fréquences variant de 17 à 80 % selon le délai d’inclusion et le mode d’évaluation clinique ou radiologique [9]. Son implication directe dans la survenue des douleurs reste controversée. La tendance actuelle est de considérer la subluxation comme un facteur indirect, non suffisant, pris isolément [7]. Les accidents vasculaires hémorragiques sont plus pourvoyeurs de douleurs d’épaule en particulier quand il y a une atteinte de l’aire prémotrice [10].

« Les accidents vasculaires hémorragiques sont plus pourvoyeurs de douleurs d’épaule en particulier quand il y a une atteinte de l’aire prémotrice » L’atteinte nerveuse périphérique, en particulier du nerf subscapularis et du nerf circonflexe par étirement secondaire à la subluxation gléno-humérale, est aussi un facteur de risque, de même que la dénervation du nerf médian [11]. Il en est de même quand il existe un déficit sensitivomoteur (surtout quand le testing proximal de l’épaule est inférieur à 2 selon l’échelle MRC [12]) et que les troubles sensitifs sont surtout épicritiques. Il existe aussi une corrélation positive avec le 44

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syndrome dépressif [13]. L’existence d’une spasticité du membre supérieur atteint est prédictive de douleur d’épaule chez l’hémiplégique [14]. Enfin, l’un des facteurs de risque principal reste la technique de rééducation utilisée. L’étude de Kumar a permis de montrer l’augmentation significative de la douleur d’épaule chez les patients pratiquant de la pouliethérapie [15]. Le plus souvent, les études mélangent des douleurs d’épaule de physiopathologie et de traitements différents. De toute évidence, l’origine des douleurs d’épaule chez l’hémiplégique est multifactorielle. Aussi, ne prévenir et ne traiter que la subluxation serait une erreur.

Le traitement préventif Il reste essentiel et, bien que les études présentées dans l’article ne nous apportent pas de preuves tangibles de l’efficacité des moyens de contentions évalués (écharpe et strapping), on ne peut nier le fait qu’un certain nombre de techniques permet de prévenir (même partiellement) la subluxation et la douleur de l’épaule de l’hémiplégique : – quand le patient est assis : l’utilisation d’un appui antébrachial, de préférence avec une tablette de soutien ou un repose avant-bras au fauteuil (grâce à un accoudoir-gouttière). La hauteur de la tablette et de l’accoudoir doit être bien réglée en évitant de placer l’épaule du patient en rotation latérale (environ 30° de rotation médiale est recommandée pour faciliter la réduction de la subluxation) ; – quand il est debout : le strapping reste préférable à l’écharpe même si la réduction de la subluxation n’est pas totale. L’utilisation du strapping a son intérêt, notamment quand le deltoïde est inférieur à 3. Si aucun autre choix que la contention n’est possible, l’écharpe de GivMohr donne de meilleurs résultats que l’écharpe de Rolyan [16]. Cependant, le strapping garde l’avantage de ne pas immobiliser complètement le membre supérieur en dehors de séances de rééducation. Sa confection est chronophage, mais il ne nécessite pas une surveillance permanente de la part de l’entourage ou du personnel soignant, et n’a besoin d’être changé qu’une fois tous les 3 jours. Cependant, les risques d’allergie à l’élastoplaste existent, ce qui peut imposer le compromis de ne le changer que toutes les semaines. Notons que l’association d’un strapping à la mise en place d’une écharpe est possible, notamment quand le patient est debout, et ne peut que renforcer l’effet de celle-ci ; – les transferts doivent être prudents, la rééducation non agressive (et sans pouliethérapie) et respecter la douleur ; – l’immobilisation doit être évitée et le mouvement favorisé (qu’il soit passif, actif-aidé, actif ou électrostimulé) [17]. La mobilité dans l’épaule hémiplégique se réduisant très tôt, tous les traitements préventifs doivent être entrepris dès le premier ou le deuxième jour [11].

Que faut-il faire des épaules de l’hémiplégique ?

Le traitement curatif

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functional electrical stimulation. Arch Phys Med Rehabil. 1999;80:328-31.

Il se limitera à un traitement symptomatique et doit prendre en compte les différents facteurs de risques identifiés. Le TENS sera utilisé pour ses effets antalgiques (mais monopolise l’appareil sur un long temps). Les résultats d’une étude préliminaire [18] ont montré que la stimulation électrique transcutanée (TENS) (percutaneous neuromuscular electrical stimulation (P-NMES) en anglais) réduisait significativement les douleurs d’épaule chez des hémiplégiques anciens (à plus de 6 mois de leur AVC) avec une subluxation de la gléno-humérale de plus d’un demi-doigt de hauteur à la palpation. Le protocole est de 6 heures par jour durant 6 semaines de traitement. Les effets bénéfiques sur la douleur et la qualité de vie perdurent au-delà de 6 mois post-traitement. La stimulation électrique fonctionnelle des muscles supra-épineux et deltoïde postérieur permet de lutter contre la subluxation. Le problème est que, comme le montrent les différentes études, la mise en place des différents protocoles proposés est chronophage (par le temps de stimulation et par la répétition des séances au cours de la journée). Les injections de toxine botulique dans le muscle subscapularis ont montré des résultats intéressants dans le traitement de la spasticité [19] ; on peut donc en attendre un effet antalgique pour les douleurs liées à la spasticité. Les étirements du muscle injecté et la stimulation électrique des antagonistes doivent permettre de rentabiliser les effets de la toxine.

[4]

Faghri PD, Rodgers MM, Glaser RM, Bors JG, Ho C, Akuhota P. The effects of functional electrical stimulation on shoulder subluxation, arm function recovery and shoulder pain in hemiplegic stroke patients. Arch Phys Med Rehabil. 1994;5:73-9.

[5]

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Conclusion

factors from a consecutive cohort of 205 patients presenting with stroke. Eur J pain 2002;6:467-74.

En conclusion, en l’absence de preuves tangibles de l’efficacité de tel ou tel traitement dans la prévention ou le traitement des épaules douloureuses et/ou subluxées, on ne peut que s’appuyer sur les tendances positives. Quand la logistique le permet, il semble logique de cumuler les actions pour favoriser les chances de limiter les douleurs, sachant que le strapping et la stimulation électrique fonctionnelle sont coûteux en temps et en matériel. Il faut également tenir compte et avoir une évaluation précise des facteurs de risques ainsi que du type de douleur en cause.

[14] Daviet JC, Preux PM, Salles JY et al. The shoulder hand syndrom after stroke: clinical factors of severity and value of pronostic score of Perrigot. Ann Readapt Med Phys 2001;44:326-32. [15] Kumar R, Chew T. Shoulder pain in hemiplegia. Am J Phys Med Rehab 1990;69:205-8. [16] Dieruf K, Poole JL, Gregory C, Rodriguez EJ, Spizman C. Comparative Effectiveness of the GivMohr Sling in Subjects With Flaccid Upper Limbs on Subluxation Through Radiologic Analysis. Arch Phys Med Rehabil 2005;86:2324-9. [17] Aras MD, Gokkaya NK, Comert D, Kaya A, Cakci A. Shoulder pain in hemiplegia: results from a national rehabilitation

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