Quelle technique chirurgicale pour des hémorroïdes stade IV ?

Quelle technique chirurgicale pour des hémorroïdes stade IV ?

Annales de chirurgie 128 (2003) 616–618 www.elsevier.com/locate/annchi Pratiques validées en chirurgie Quelle technique chirurgicale pour des hémorr...

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Annales de chirurgie 128 (2003) 616–618 www.elsevier.com/locate/annchi

Pratiques validées en chirurgie

Quelle technique chirurgicale pour des hémorroïdes stade IV ? Which surgical technique for stage IV haemorrhoids? K. Slim a,*, J.-F. Gravié b a

Service de chirurgie générale et digestive, Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand cedex 1, France b Service de chirurgie digestive, CHU de Rangueil, Toulouse, France

Mots clés : Hémorroïdes ; Hémorroïdectomie ; Sutures mécaniques Keywords: Hemorroids; Hemorroidectomy; Mechanical sutures

1. Cas clinique Un homme âgé de 50 ans présente des hémorroïdes prolabées stade IV avec des antécédents de rectorragie. La coloscopie systématique est normale. Les différents traitements médicamenteux ont échoué et une séance de ligature faite deux ans auparavant a abouti à une récidive des hémorroïdes. L’indication chirurgicale est posée. Quelle technique faut-il lui proposer ?

2. Réponse de l’expert (J.-F. Gravié) Les stades IV (prolapsus irréductible des hémorroïdes) sont uniquement chirurgicaux, ce qui explique, dans cette observation, l’échec du traitement instrumental. Le traitement chirurgical le plus adapté à ce stade est l’hémorroïdectomie pédiculaire enlevant trois ou quatre paquets tout en préservant des ponts cutanéomuqueux pour garder la sensibilité du canal anal. La meilleure technique est celle que l’on pratique le plus souvent que ce soit l’hémorroïdectomie ouverte (Milligan-Morgan ou modifiée Arnous type Léopold Bellan) ou l’hémorroïdectomie fermée (Ferguson). Chez ce patient, la consultation pré-opératoire aura comme objectif de confirmer le grade de la pathologie hémorroïdaire interne et d’évaluer l’importance (anatomique et clinique) de la composante externe ; marisques, volumineuses hémorroïdes externes, antécédents de thromboses externes. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Slim). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2003.09.013

Au terme de cet examen, s’il apparaît que les saignements qui ont motivé la consultation du patient, sont en rapport avec la procidence des hémorroïdes internes (hémorroïdes internes prolabées congestives, saignant facilement, sans autres causes de saignement puisque la coloscopie est normale), le critère principal du choix de la technique opératoire devient la réductibilité du prolapsus. L’expérience montre que des prolapsus de stade IV peuvent être réduits sur la table d’examen chez un patient détendu ou au bloc opératoire sous anesthésie. Dans ces conditions, l’hémorroïdectomie pédiculaire ou l’hémorroïdopexie circulaire (technique de Longo) peuvent être pratiquées indifféremment. La présence de gros paquets externes non compliqués n’est pas en soit une limite à la technique d’hémorroïdopexie, on constate très souvent une réduction de leurs volumes quelques jours après l’intervention. Finalement, si la faisabilité de l’opération dépend de l’opérateur (sa décision peut être prise en cours d’intervention), la décision du choix de la technique doit être prise avec le patient en tenant compte des avantages et des inconvénients de chaque méthode.

3. Réponse factuelle (K. Slim) La recherche bibliographique a permis de retrouver deux méta-analyses, l’une [1] évaluant différentes techniques conventionnelles (sans utilisation de suture mécanique) et l’autre [2] comparant la technique de Longo (ou anopexie ou agrafage circulaire du bas rectum) aux techniques conventionnelles. Les essais inclus dans les méta-analyses n’ont pas été analysés séparément. Seize essais publiés après la métaanalyse de MacRae et McLeod [1] ont évalué des techniques

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d’hémorroïdectomie conventionnelles : soit la technique de Milligan-Morgan (hémorroïdectomie ouverte) vs la technique de Ferguson (hémorroïdectomie fermée) [3–8], soit l’hémorroïdectomie conventionnelle avec coagulation monopolaire et ligature du pédicule vs une technique récente utilisant l’Ultracision® ou le LigaSure® [9–18]. Onze essais noninclus dans la méta-analyse de Sutherland et al. [2] ou publiés ultérieurement ont évalué la technique de Longo par rapport à la technique de Milligan-Morgan [19–26] ou la technique de Ferguson [21, 27–29]. Enfin, dans un souci de clarté et de concision, les autres essais évaluant d’autres techniques (laser, technique de Parks, ligature élastique) ou des gestes associés (sphinctérotomie interne, dilatation anale) n’ont pas été retenus. 3.1. Quelle technique conventionnelle ? La méta-analyse publiée en 1995 [1] n’a pas inclus les hémorroïdes stade IV comme le cas présenté ici et ne sera donc pas détaillée. Parmi les six essais ayant comparé la technique de Milligan-Morgan à celle de Ferguson, quatre ont suggéré que la technique ouverte était supérieure en termes de douleur et confort postopératoire [3–6], un seul essai [8] a suggéré une cicatrisation plus rapide après technique fermée mais n’a pas montré de différence pour les autres critères de jugement. La majorité des essais suggère donc qu’il vaut mieux réaliser la technique de Milligan-Morgan car elle procure un meilleur confort postopératoire sans retard significatif de cicatrisation. Néanmoins aucune étude n’a comporté le calcul du nombre de patients nécessaire alors que leurs effectifs étaient faibles et l’évaluation de la douleur postopératoire (principal critère de différence) n’était pas faite en insu (simple ou double). Si on considère maintenant l’utilisation de l’Ultracision® ou le LigaSure®, la majorité des essais (8 sur 10) a montré que ces méthodes étaient préférables aux techniques classiques de dissection monopolaire et ligature du pédicule qu’elles soient fermées ou ouvertes [9–16], deux essais [17,18] de faible effectif n’ont pas montré d’avantage à l’Ultracision®. Là aussi, les principaux avantages de ces nouvelles méthodes concernaient le confort postopératoire mais l’évaluation n’était pas faite en insu alors qu’elle était « méthodologiquement » réalisable. Mais la concordance des résultats de la majorité des études suggère (avec un niveau de preuves intermédiaire) que l’utilisation de ces nouvelles méthode est préférable. 3.2. Technique conventionnelle ou technique de Longo ? La méta-analyse [2] comparant la technique d’hémorroïdectomie conventionnelle à la technique de Longo a mis en évidence l’hétérogénéité des sept essais inclus, et surtout le suivi insuffisant pour évaluer les résultats en termes de récidive et de séquelles fonctionnelles, seuls deux essais sur sept rapportaient un suivi de un an. Les résultats de cette métaanalyse montraient une diminution significative du saignement postopératoire durant les deux premières semaines (RR

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0,55 [0,37–0,82]) et une hospitalisation significativement plus courte après technique de Longo. Les autres différences étaient en faveur du Longo mais de manière non significative (moindre douleur, cicatrisation plus rapide, moindre incontinence anale, et reprise plus rapide du transit). Cette métaanalyse démontre la faisabilité de la technique de Longo, mais l’hétérogénéité des essais inclus et surtout l’absence de recul suffisant ne permettent pas d’affirmer son innocuité et son efficacité. Lorsqu’on analyse les nombreux essais ultérieurs ayant comparé la technique de Longo à l’hémorroïdectomie conventionnelle (qu’elle soit ouverte ou fermée) [19– 29] : les résultats à court terme de tous ces essais confirment la moindre douleur et le meilleur confort postopératoire après technique de Longo. Les taux de morbidité postopératoire immédiate étaient similaires entre les deux techniques dans la majorité des essais. Mais au-delà du confort postopératoire immédiat, la chirurgie hémorroïdaire doit être évaluée à moyen et long terme en termes de symptômes anorectaux (prolapsus muqueux, saignement, « soiling », ténesme) et récidive hémorroïdaire. Les résultats de la technique de Longo à moyen terme ne sont pas aussi favorables (qu’à court terme) dans les trois essais publiés avec un recul dépassant un an [23,24,26] et comparant cette technique à l’hémorroïdectomie de Milligan-Morgan. Dans ces études, aucun critère de jugement n’était à moyen terme en faveur de la technique de Longo : dans l’essai de Kairaluoma et al. [23], il y avait après cette technique plus de symptômes (27 vs 7 %) et plus de récidive (23 vs 3 %), dans l’essai de Palimento et al. [24] plus de saignement (21 % vs 13,5 %), et dans l’essai de Gravié et al. [26] plus de récidive (3,8 vs 1,8 %, p = NS mais possible erreur de type 2). Toutes ces différences ne sont pas statistiquement significatives, mais on peut craindre une erreur statistique de deuxième espèce du fait des faibles effectifs de ces essais. Les résultats les plus inquiétants ont été rapportés par Cheetham et al. [24], il y avait après technique de Longo plus de saignement (29 vs 19 %), plus de prolapsus (14 vs 6 %), plus de « soiling » (43 vs 19 %), plus d’inconfort (50 vs 12 %), et deux fois plus de symptômes (64 vs 31 %). Pour résumer, d’après les données actuelles de la littérature, le meilleur confort postopératoire après technique de Longo est contre-balancé par plus de symptômes et plus d’inconfort à distance. On peut rétorquer que nous sommes encore dans la phase d’apprentissage de cette technique nouvelle (Longo), mais tous essais ont été conduits dans des centres experts faisant une technique standardisée. Ces résultats sont associés à un niveau de preuves intermédiaires du fait de la qualité méthodologique des études (pas de calcul du nombre de patients nécessaire et pas d’évaluation en insu), mais la concordance des résultats de ces essais semble prouver que les résultats à distance de la technique de Longo peuvent être décevants. 4. Conclusion Dans ce cas clinique, la technique qu’on peut suggérer avec un niveau de preuves intermédiaire est l’hémorroïdec-

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tomie de Milligan-Morgan utilisant les nouvelles méthodes (Ultracision® ou LigaSure®).

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