Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Mise au Point
Quelles nouveautés dans le diagnostic et le traitement d’une polyarthrite rhumatoïde récente New concepts in the diagnosis and treatment of recent-onset polyarthritisL Nouha Raissouni, Laure Gossec *, Xavier Ayral, Maxime Dougados Service de rhumatologie B, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France Reçu le 5 janvier 2004 ; accepté le 16 avril 2004
Résumé La polyarthrite rhumatoïde est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Sa prise en charge, surtout en cas de rhumatisme inflammatoire débutant, devrait être précoce, si possible dans les six premiers mois d’évolution de la maladie, et être adaptée à l’évolutivité potentielle du rhumatisme. L’introduction précoce d’une multithérapie semble améliorer la qualité de vie des patients et leur devenir à terme. À travers cette revue de la littérature, nous proposons une démarche diagnostique et thérapeutique à adopter devant tout rhumatisme inflammatoire débutant indéterminé. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Rheumatoid arthritis is the most common of all chronic inflammatory joint diseases. Treatment should be initiated early, if possible within the first 6 months after symptom onset, and should be selected according to the potential for disease progression. Early initiation of combination drug therapy may improve quality of life and long-term outcomes. We used data from a comprehensive literature review to develop a diagnostic and therapeutic strategy for incipient undifferentiated inflammatory joint disease. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Rhumatisme inflammatoire débutant ; Traitement Keywords: Recent-onset inflammatory joint disease; Treatment
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire chronique, polysynoviale, qui conduit plus ou moins rapidement à la destruction cartilagineuse et osseuse et, à terme, à l’incapacité fonctionnelle et/ou au handicap [1]. C’est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent [2] avec de lourdes conséquences sociales évaluées par plusieurs études revues par Williamson [3] rapportant les résultats d’une cohorte nord-américaine : à six ans d’évolution, 25 % des L
Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Gossec). 1169-8330/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2004.04.011
patients atteints d’une polyarthrite rhumatoïde sont en arrêt de travail, 35 % d’entre eux voient leur revenu diminuer et 50 % ont une qualité de vie altérée. Enfin, la polyarthrite rhumatoïde diminue l’espérance de vie de trois à dix ans [4]. La polyarthrite rhumatoïde atteint 0,5 à 1 % de population générale [2]. Elle peut survenir à tout âge, plus particulièrement entre 40 et 70 ans, avec une prédominance féminine (sex-ratio 2,5/1). On ne retrouve pas d’association entre la polyarthrite et le niveau socioéconomique [2]. C’est une pathologie hétérogène avec tous les degrés entre les formes bénignes, non érosives, et les formes sévères, rapidement destructrice.
196
N. Raissouni et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200
Le processus immunopathologique de la polyarthrite rhumatoïde reste à éclaircir ; cependant on peut schématiquement le définir en trois phases [5] : • première phase : phase d’initiation avec migration cellulaire synoviale. C’est une phase non spécifique, dépendante de divers facteurs d’environnements et qui correspond cliniquement au rhumatisme inflammatoire débutant. Ce rhumatisme peut soit évoluer vers la guérison complète, soit vers la rémission souvent très prolongée, soit encore vers un rhumatisme inflammatoire chronique qui correspond à la seconde phase du processus ; • deuxième phase : elle comporte une inflammation synoviale, un recrutement cellulaire et le développement d’une synovite subaiguë. C’est une phase évocatrice du rhumatisme inflammatoire chronique mais non spécifique ; • troisième phase : elle comporte une angiogenèse importante, des contacts cellulaires, une prolifération synoviale, l’évolution vers la chronicité et la destruction articulaire. Cette phase, où apparaissent les destructions osseuses et cartilagineuses irréversibles, est tout à fait spécifique de la polyarthrite rhumatoïde mais de révélation tardive. Il semblerait que le maximum de lésions radiologiques apparaisse dans les deux premières années d’évolution de la maladie [1,2]. Il paraît donc important de reconnaître une polyarthrite rhumatoïde au stade de rhumatisme inflammatoire débutant indifférencié (RIDI), d’identifier les facteurs pronostics d’évolutivité vers la chronicité et secondairement vers la destruction articulaire et le handicap afin de mettre en place une stratégie thérapeutique adaptée au potentiel évolutif. 1. Stratégie 1.1. Identifier un rhumatisme inflammatoire récent pouvant être une polyarthrite rhumatoïde Le diagnostic d’une polyarthrite rhumatoïde récente au stade de début n’est pas chose simple car aucun signe clinique ou biologique n’est caractéristique. C’est une maladie inflammatoire polysynoviale, intéressant au moins trois articulations et évoluant depuis plus de six semaines et moins de six mois. Il est nécessaire, sur un faisceau d’arguments, d’éliminer un rhumatisme défini tel un lupus, une connectivite ou une arthrite virale. Les dernières recommandations du « clinical guide » parues dans les Annals of Rheumatic Diseases [6] notent que toute raideur matinale supérieure à 30 minutes associée ou non à une douleur des métacarpophalangiennes et/ou des métatarsophalangiennes objectivée par un squeeze test positif et un gonflement de plus de trois articulations nécessite une prise en charge spécialisée d’un rhumatologue qui doit évaluer les facteurs d’évolution vers la chronicité. 1.2. Identifier les facteurs d’évolution vers la chronicité et la destruction articulaire Parmi ces facteurs on peut citer le début à un âge jeune, l’atteinte d’emblée polyarticulaire, la durée d’évolution
Tableau l Score de Leiden [9] : plus le score est élevé, plus la polyarthrite risque d’être chronique selon le score SL/P ou érosive selon le score E/NE. Durée symptômes < 6 semaines 6 semaines–6 mois ≥ 6 mois DM ≥ 1 heure Arthrites ≥ 3 Douleur MTP FR+ Anticitrulline + Érosions radio (mains, pieds de face)
score SL1P
score E/NE
0 2 3 1 1 1 2 3 2
0 0 0 1 1 2 2 3 infini
Score SL/P : résolutive/persistante ; Score E/NE : érosive/non érosive ; DM : dérouillage matinal ; MTP : métatarsophalangiennes ; FR : facteur rhumatoïde
au-delà de trois mois, les antécédents familiaux de polyarthrite rhumatoïde, le handicap fonctionnel initial reflété par le HAQ (Health Assessment Questionnaire), la présence au départ des critères ACR de polyarthrite rhumatoïde, l’importance du syndrome inflammatoire biologique (vitesse de sédimentation, C-réactive protéine [CRP]), la forte positivité du facteur rhumatoïde (IgM, IgA), sur le plan génétique, la présence des gènes HLA DRB1*04 (avec augmentation du risque si le gène est présent sur les 2 chromosomes) et, radiologiquement, des lésions érosives précoces [7,8]. La distinction entre les facteurs prédictifs de l’évolution vers la chronicité ou vers la destruction articulaire selon Visser [9] est rapportée dans le Tableau 1. Nous allons évoquer quelques éléments plus récents de mauvais pronostic. On sait maintenant que les anticorps antipeptides citrullinés ou anti-CCP, les anticorps antikératine, antifilaggrine et antipérinucléaires reconnaissent un peptide citrulliné dans lequel un acide aminé, l’arginine, a été modifié en citrulline [10]. Un travail récent [11] a évalué la corrélation entre les anticorps anticitrulline et les destructions radiologiques à cinq ans d’évolution. L’étude était prospective comportant 191 cas de polyarthrite récente répondant aux critères de l’ACR 1987 [12]. Les auteurs ont étudié l’aggravation radiologique selon le score de Sharp modifié par van der Heijde à trois ans et cinq ans d’évolution. 58,9 % des patients avaient un taux d’anticorps AntiCCP positif. Le score de Sharp moyen était plus élevé chez ces patients. Les auteurs ont noté que la probabilité d’augmenter le score de Sharp à cinq ans était significativement plus importante chez les patients CCP positif avec un odds ratio de 2,5 (sensibilité 67 %). Les auteurs ont conclu que les anticorps AntiCCP et antipérinucléaires étaient prédictifs d’une destruction articulaire radiologique. Un article encore plus récent [13] portant sur 83 patients a rapporté une sensibilité et spécificité, relative au caractère prédictif d’érosion de la polyarthrite, respectivement de 34 et 98 % pour les antiCCP, 34 et 95 % pour l’IgA du facteur rhumatoïde et de 21 et 99 % pour l’association AntiCCP et IgA et ceci pour une médiane de 2,5 ans avant l’apparition de la polyarthrite rhumatoïde chez ces patients.
N. Raissouni et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200
197
Fig. 1. Courbe logarithmique évaluant la probabilité d’évolution de la polyarthrite débutante vers la chronicité ou vers l’érosion [9].
Garnero et al. [14] se sont intéressés à la corrélation entre un marqueur de dégradation ostéocartilagineuse dans les urines, le CTX (C-terminal cross-linking telopeptide) de type I et II et les érosions radiologiques. L’étude prospective COBRA a inclus 110 cas de polyarthrite récente. Les auteurs ont évalué la destruction radiologique par l’aggravation du score de Sharp modifié par van der Heijde à quatre ans. Ils ont noté, qu’en l’absence de lésions radiologiques à l’inclusion, les patients qui avaient un taux de CTX I ou II élevé dans les urines à l’inclusion avaient le plus de destructions à quatre ans d’évolution avec un odds ratio de 14,9 pour le CTX I et de 25,7 pour le CTX II. Le CTX est donc associé à un risque élevé de destruction ostéocartilagineuse et est prédicteur de la destruction radiologique avant même l’apparition radiologique des érosions. Enfin, un critère composite a été récemment proposé. Il s’agit du score de Leiden qui comporte en fait deux scores, l’un permettant de prédire l’évolution vers la chronicité, l’autre vers les érosions articulaires. Ce score est calculé sur un certain nombre de critères cliniques, biologiques et radiologiques (Tableau 1) [9]. Visser et al. [9] ont établi une courbe logarithmique du risque d’évoluer vers la chronicité ou de développer des érosions articulaires (Fig. 1).
2. Traitement d’un rhumatisme inflammatoire récent pouvant être une polyarthrite rhumatoïde • Quand introduire un traitement de fond ? • Quel(s) traitement(s) de fond choisir ? (mono- ou multithérapie ?) • Enfin, faut-il ou non associer des corticoïdes ?
2.1. Quand traiter ? On sait maintenant que certains traitements de fond agissent efficacement sur la progression radiologique et sur le développement du handicap fonctionnel à terme. C’est pourquoi, la plupart des auteurs recommandent actuellement d’utiliser des traitements de fond efficaces dès le début de la maladie, et donc dès le diagnostic. Lard et al. [15], dans une étude comparative, non randomisée ont regroupé près de 200 polyarthrites récentes qu’ils ont réparties en deux groupes. Le premier groupe (n = 109) a reçu un traitement de fond après 123 jours (4 mois) et le deuxième groupe (n = 97) après 15 jours. Le traitement de fond était soit de la sulfasalazine à la dose de 2 g par jour, soit de la chloroquine à 400 mg par jour. Les auteurs ont évalué l’aggravation radiologique selon le score de Sharp à deux ans d’évolution. Parmi les patients qui n’avaient pas d’érosions radiologiques à l’inclusion, ceux qui ont été traités précocement avaient un score de Sharp à 2 points à deux ans versus un score de 4 pour ceux traités tardivement (p = 0,08). Les patients du premier groupe qui avaient initialement des érosions radiologiques n’ont pas aggravé leur score après deux ans tandis que ceux du second groupe l’ont aggravé de 12 points (p = 0,002), montrant l’intérêt de l’introduction précoce du traitement de fond. Verstappen et al. [16] dans une étude récente ont comparé les avantages du traitement de fond à dose forte initiale par rapport à l’approche pyramidale. Leur étude randomisée a compris 238 patients atteints d’une polyarthrite récente qu’ils ont répartis en deux groupes. Le premier (n = 57) a reçu un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant un an, suivi d’un traitement de fond par sels d’or à la dose de 50 mg par semaine, par hydroxychloroquine à raison de
198
N. Raissouni et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200
400 mg par jour ou par méthotrexate à la dose de 7,5 à 15 mg par semaine. Les patients du deuxième groupe (n = 181) ont d’emblée reçu un des traitements de fond. À un an, 48 % des patients du premier groupe versus 65 % du second groupe ont eu une amélioration clinique significative (p = 0,05) alors qu’à cinq ans, les résultats étaient quasiment similaires (66 versus 64 %). Au plan radiologique, le score de Sharp modifié par van der Heijde à cinq ans était de 37 points dans le premier groupe versus 34 points pour le second groupe. La différence observée à un an s’est estompée à cinq ans. Ceci veut-il dire que le retard initial d’un an peut se rattraper par la suite ? En fait, le maximum de lésions radiologiques apparaissant au cours des deux premières années d’évolution de la maladie [1,2], instaurer un traitement de fond relativement tôt, au cours de la première année de survenue de la maladie, rattraperait le retard initial. Les auteurs concluent alors que l’introduction précoce d’un traitement de fond semble souhaitable. 2.2. Comment traiter ? En 1999, une étude randomisée [17] a comparé 205 cas de polyarthrites récentes. Ces patients ont été traités dans un groupe (n = 68) par 2 g de sulfasalazine par jour, dans le deuxième groupe (n = 69) par du méthotrexate à une dose variant de 7,5 à 15 mg par semaine et enfin dans le troisième groupe (n = 68) par association de ces deux traitements. L’évolution clinique a été étudiée à un an selon la réponse Eular avec respectivement 34, 38, 38 % de réponse dans les trois groupes, selon la réponse ACR 20 avec respectivement 59, 59, 65 % de réponse, et l’évolution radiologique par le score de Sharp modifié par van der Heijde avec +2,4, +2,4, +1,9 points dans les trois groupes. Les résultats cliniques et radiologiques dans les trois groupes étaient quasiment similaires et il a été conclu à l’absence de différence significative entre la mono- et la multithérapie. Proudman et al. [18] ont conduit une étude randomisée de 82 cas de polyarthrites récentes jusque là non traitées. Ils les ont répartis en deux groupes ; le premier (n = 40) a reçu l’association méthotrexate (7,5 à 15 mg par semaine) cyclosporine (1,5 à 4,2 mg/kg par jour selon la tolérance du produit) et le second groupe (n = 42) de la sulfasalazine seule (1 à 2 g par jour). Les auteurs ont évalué l’ACR 20 et l’aggravation radiologique selon le score de Sharp. À six mois, 40 % des patients du premier groupe avait atteint l’ACR 50 versus 24 % des patients du second groupe (p = 0,15). À un an, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes (40 versus 31 % p = 0,48) et l’aggravation du score de Sharp a été d’un point dans le premier groupe versus 1,25 points dans le second groupe. Calguneri et al. [19] ont mené une étude randomisée regroupant 180 patients souffrant d’une polyarthrite récente. Ils ont traité ces patients en trois groupes ; le premier a reçu de la sulfasalazine (1 à 2 g par jour) ou de l’hydroxychloroquine (200 mg par jour), le deuxième groupe du méthotrexate (7,5 à 15 mg par semaine) associé à l’un ou l’autre
des deux médicaments sus-cités et le troisième groupe les trois médicaments à la fois. Les auteurs ont évalué l’amélioration clinique (Rémission ACR), l’aggravation radiologique par le score de Larsen et le syndrome inflammatoire par la mesure de la vitesse de sédimentation et le dosage de la C-réactive protéine. À deux ans, les patients appartenant au troisième groupe avaient significativement mieux répondu que ceux des deux autres groupes aussi bien sur le plan de la rémission ACR (groupe III : 60,3 %, groupe I : 31,5 %, et groupe II : 44,6 %) que sur l’absence d’aggravation radiologique (68,9 %, 24,5 et 64,2 % respectivement ). La différence était significative entre le groupe I et II et I et III mais non significative entre le groupe II et III au plan radiologique (68,9 et 64,2 %). Möttönen et al. [20] ont repris l’étude Fin-RACo paru dans le Lancet en 1999 [19] et qui a regroupé 195 patients souffrant d’une polyarthrite récente. Ces patients ont été répartis en deux groupes. Le premier (n = 97) a reçu une multithérapie associant le méthotrexate (7,5 à 15 mg par semaine), la sulfasalazine (1 à 2 g par jour) et l’hydroxychloroquine (300 mg par jour). Le second groupe (n = 98) une monothérapie à base soit de sulfasalazine soit de méthotrexate. Certains de ces patients ont été traités dans un délai de quatre mois, d’autres au-delà de quatre mois. Les auteurs ont étudié la rémission ACR [20]. À un an, 25 % des patients du premier groupe étaient en rémission ACR contre 11 % dans le second groupe (p = 0,011) et à deux ans, 37 contre 18 % (p = 0,003). Parmi les patients du second groupe, ceux traités précocement dans un délai de quatre mois avaient un taux de rémission ACR plus élevé à 35 versus 11 % (p = 0,021) à deux ans. À travers ces études, il apparaît que le traitement précoce est nécessaire. Les résultats de la multithérapie sont plus controversés mais les études de Calguneri [19] et Möttönen [20] plaident en faveur de sa supériorité par rapport à la monothérapie. Cependant, le grand intérêt de la multithérapie est de permettre un gain de temps, dans ce sens qu’en moins d’un an, les traitements de fond « classiques » ont été utilisés et en cas d’échec patent on peut rapidement envisager le passage aux nouveaux traitements, à savoir les anti-TNF. Cependant il est connu que l’utilisation de certains traitements de fond classiques n’a pas que des avantages. Dans une étude, Van Jaarsveld [21] a pesé le rapport bénéfice/risque (effets indésirables) des différents traitements de fonds classiques. Ainsi, l’incidence de survenue de divers effets secondaires pour 100 patients par an est de 6 % pour l’hydroxychloroquine, 16 % pour les sels d’or, 15 % pour le méthotrexate et 11 % pour l’association de ces différents traitements. L’association de plusieurs traitements de fond ne signifie donc pas nécessairement l’association de leurs effets indésirables (11 versus 16 et 15 %), ce qui est un argument pour préférer la multi- à la monothérapie. La place des nouveaux traitements de fond dans la polyarthrite récente n’est pas encore bien établie. Plusieurs études comparant diverses biothérapies au méthotrexate ont été rapportées avec des résultats fort intéressant : méthotrexate
N. Raissouni et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200
versus Etanercept [22,23], méthotrexate versus infliximab [24,25] en mono- et multithérapie. Saint-Clair et al. [26] dans une étude récente regroupant 1049 cas de polyarthrites récentes de moins de trois ans d’évolution, n’ayant jamais eu de méthotrexate ni d’infliximab, ont comparé les patients recevant du méthotrexate et un placebo, à ceux recevant du méthotrexate associé à l’infliximab (3 ou 6 mg/kg à S0, S2, S6 et toutes les 8 semaines sur 46 semaines). À la 54e semaine, le pourcentage d’amélioration des critères ACR (ACR-N) était meilleur dans le groupe infliximab associé au méthotrexate que dans le groupe de patients sous méthotrexate seul : 38,9 et 42 versus 24,8 % (p < 0,001). De plus, la progression radiographique était plus faible dans le groupe infliximab et méthotrexate que méthotrexate seul : modification du score de Sharp modifié par Van den Heijde 0,4 ± 5,8 et 0,5 ± 5,6 versus 3,7 ± 9,6 (p < 0,001). Le score fonctionnel s’améliorait également plus sous infliximab. Certes ces chiffres traduisent la supériorité de l’infliximab plus méthotrexate comparé au méthotrexate seul aussi bien sur le plan clinique que radiologique, mais l’idéal aurait été d’avoir des études comparant la biothérapie à la multithérapie comprenant, entre autres, du méthotrexate. 2.3. Associer ou non des corticoïdes ? Boers et al. [27] ont mené l’étude COBRA qui a regroupé 155 cas de polyarthrite récente. Ils ont réparti les patients en deux groupes. Le premier (n = 76) a reçu de la sulfasalazine associée aux corticoïdes à la dose initiale de 60 mg par jour et dégressée progressivement pour être arrêtée à 28 semaines et du méthotrexate (7,5 mg par semaine) arrêté après 40 semaines. Le second groupe (n = 79) a reçu de la sulfasalazine seule. Les auteurs ont évalué l’ACR 20 et l’aggravation selon le score de Sharp modifié par van der Heijde. À la 28e semaine, à l’arrêt de la corticothérapie, 72 % des patients du premier groupe avait atteint l’ACR 20 contre 49 % dans le second groupe. L’aggravation du score de Sharp dans le premier groupe a été d’un point contre quatre dans le second groupe (p < 0,0001). À la 56e semaine, le score Sharp a été augmenté de deux points dans le premier groupe contre six dans le second groupe (p = 0,004) et à la 80e semaine de quatre contre 12 points (p = 0,01). Les auteurs ont conclu à l’intérêt de l’association de la corticothérapie aux traitements de fond. Van Everdingen et al. [28] ont mené une étude randomisée en double insu qui a rassemblé 81 cas de polyarthrites récentes non traitées. Ces patients ont été répartis en deux groupes. Le premier groupe (n = 41) a reçu 10 mg par jour de corticoïdes pendant six mois suivi par de la sulfasalazine à 2 g par jour. Le second groupe (n = 40) a reçu un placebo pendant six mois puis la sulfasalazine à même dose. Les auteurs ont évalué la réponse clinique par l’HAQ et l’aggravation radiologique selon le score de Sharp. Aussi bien à trois mois qu’à six mois, les patients du premier groupe avaient significativement amélioré leur HAQ par rapport à ceux du second groupe. À un an, 33 % des patients du 1er groupe ont amélioré leur HAQ de plus de dix points versus 24 % du second groupe et
199
à deux ans, 30 versus 22 %. Sur le plan radiologique, les patients du premier groupe avaient moins aggravé leur score de Sharp que ceux du second groupe à 12 et 24 mois (8 points versus 15 à un an, p = 0,008 et 16 versus 29 à deux ans, soit p = 0,007). L’introduction précoce de la corticothérapie entraînait une amélioration clinique et une limitation des érosions radiologiques.
3. Conclusion Il faut savoir diagnostiquer une polyarthrite récente et non attendre le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde pour agir. Une fois la polyarthrite récente retenue, il faut évaluer les facteurs de risques évolutifs vers la chronicité et introduire un traitement de fond précocement, dès le diagnostic. En cas de facteurs de risque importants, la multithérapie semble souhaitable, éventuellement associée à une corticothérapie initiale à faible dose. La place des antiTNF reste à définir dans la polyarthrite récente.
Références [1]
Goldbach R, Lipsky PE. New concepts in the treatment of rheumatoid arthritis. Annu Rev Med 2003;54:197–216.
[2]
Lee DM, Weinblatt ME. Rheumatoid arthritis. Lancet 2001;358:903– 11.
[3]
Williamson AA, Mc Coll JG. Early rhumatoid arthritis: can we predict its outcome? Intern Med J 2001;31:168–80.
[4]
Gabriel SE, Crowson CS, Kremers HM, Doran MF, Turesson C, O’Fallon WM, et al.Survival in rheumatoid arthritis: a populationbased analysis of trends over 40 years. Arthritis Rheum 2003;48:54–8.
[5]
Combe B, Dougados M. La polyarthrite rhumatoïde est morte. Vive la polyarthrite chronique évolutive. La Lettre du Rhumatologue 2001;no 277:3–4.
[6]
Weisman MH. Newly diagnosed Rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2002;61:287–9.
[7]
Combe B. Évolution et pronostic de la polyarthrite rhumatoïde. La Lettre du Rhumatologue 1996;no 277(suppl).
[8]
Combe B. Les facteurs de pronostic des rhumatismes inflammatoires au début de la maladie. Rev Med Interne 1996;17:224–30.
[9]
VisserR H, Le Cessie S, Vos K, Breedveld FC, Hazes JM. How to diagnose rheumatoid arthritis early: a model for persistent (erosive) arthritis. Arthritis Rheum 2002;46:286–90.
[10] Mariette X. Polyarthrite rhumatoïde : pathogénie et clinique. La Lettre du Rhumatologue 2003;no 288:7–11. [11] Meyer O, Labarre C, Dougados M, Goupille PH, Cantagrel A, Dubois A, et al.Anticitrullinated protein/peptide antibody assays in early rheumatoid arthritis for predicting five years radiographic damage. Ann Rheum Dis 2003;62:120–6. [12] Arnett FC, Edworthy SM, Bloch DA, McShane DJ, Fries JF, Cooper NS, et al.The American Rheumatism Association 1987 revised criteria for the classification of rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 1988;31:315–24. [13] Rantapaa-Dahlqvist S, Jong W, Halmans G, Wadell G, Stendlund H, Sundin U, et al.Antibodies against cyclic citrullinated peptide and IgA rheumatoid factor predict the development of rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2003;48:2741–9.
200
N. Raissouni et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 195–200
[14] Garnero P, Landewe R, Boers M, Verhoven A, Vanderlinden S, Christgau S. Association of baseline levels of markers of bone and cartilage degradation with long term progression of joint damage in patients with early rheumatoid arthritis. The COBRA study. Arthritis Rheum 2002;46:2847–56. [15] Lard L, Visser H, Speyer I, Vanderhorst-Bruisma I, Zwinderman AH, Breedveld FC, et al.Early versus delayed treatment in patients with recent-onset rheumatoid arthritis: comparison of two cohorts who received different treatment strategies. Am J Med 2001;111:446–51. [16] Verstappen S, Jacobs J, Bijlsma J, Heurkens A, Booma-Frankfort C, Borg E, et al.Five years follow up of rheumatoid arthritis patients after early treatment with DMARD versus treatment according to the pyramid approch in the first year. Arthritis Rheum 2003;48:1797–807. [17] Dougados M, Combe B, Cantagrel A, Goupille P, Olive P, Schattenkirchner P, et al.Combination therapy in early rheumatoid arthritis: a randomized, controlled, double blind 52 week clinical trial of sulphasalazine and methotrexate compared with the single components. Ann Rheum Dis 1999;58:220–5. [18] Proudman SM, Conaghan PG, Richardson C, Griffiths B, Green MJ, McGonagle D. Treatment of poor prognosis early rheumatoid arthritis. A randomized study of treatment with methotrexate, cyclosporin A and intraarticular corticosteroids compared with sulfasalazine alone. Arthritis Rheum 2000;43:1809–19. [19] Calguneri M, Pay S, Caliskaner Z, Apras S, Kiraz S, Ertenli I, et al.Combination therapy versus monotherapy for the treatment patients with rheumatoid arthritis. Clin Exp Rheumatol 1999;6:699– 704. [20] Mottonen T, Hannonen P, Korpela M, Nissila M, Kautiainen H, Iilonen J, et al.Delay to institution of therapy and induction of remission using single-drug or combination disease modifying antirheumatic drug therapy in early rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2002;46:894–8.
[21] Jaarsveld C, Jahangier Z, Jacobs J, Blaauw A, Albada-Kuipers G, Borg E, et al.Toxicity of anti-rheumatic drugs in a randomized clinical trial of early rheumatoid arthritis. Rheumatology 2000;39:1374–82. [22] Bathon JM, Martin RW, Fleischmann RM, Tesser JR, Schiff MH, Keystone FC, et al.A comparison of etanercept and methotrexate in patients with early rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2000;343: 1586–663. [23] Weinblatt ME, Kremer JM, Bankhurst AD, Bulpitt KJ, Fleischmann RM, Fox RI, et al.A trial of etanercept, a recombinant tumor necrosis factor receptor: Fc fusion protein, in patients with rheumatoid arthritis receiving methotrexate. N Engl J Med 1999;340:253–9. [24] Maini RN, Breedveld FC, Kalden JR, Smolen JS, Davis D, Macfarlane JD, et al.Therapeutic efficacy of multiple intravenous infusions of antitumor necrosis factor alpha monoclonal antibody combined with low- dose weekly methotrexate in rheumatoid arthritis. Arthritis rhum 1998;41:1552–63. [25] Lipsky PE, Van der Heijde DM, St Clair EW, Furst DE, Breedveld FC, Kalden JR, et al.Infliximab and methotrexate in the treatment of rheumatoid arthritis. Anti-tumor Necrosis Factor Trial in Rheumatoid Arthritis with concomitant Therapy Study Group. N Engl J Med 2000;343:1594–602. [26] Smolen JS, Emery P, Bathon J, Keystone E, Maini RN, Kalden J, et al.Treatment of early rheumatoid arthritis with infliximab plus methotrexate or methotrexate alone: preliminary results of the ASPIRE trial. Ann Rheum Dis 2003;62(suppl1):64 (abstract). [27] Boers M, Verhoeven AC, Markusse HM, Vandelaar MA, Westhose R, Vandenderen JC, et al.Randomized comparison of combined stepdown prednisolone methotrexate and sulphasalazine with sulphasalazine alone in early rheumatoid arthritis. Lancet 1997;350:309–18. [28] Vaneverdingen AA, Jacobs JW, Siewertsz Van Reesema DR, Bijlsm JW. Low dose prednisolone therapy for patients with early active rheumatoid arthritis: clinical efficacy, disease-modifying properties, and side effects: a randomized, double blind, placebocontrolled clinical trial. Ann Intern Med 2002;136:1–12.