Place de l’échographie dans le diagnostic et le traitement des synéchies

Place de l’échographie dans le diagnostic et le traitement des synéchies

Imagerie de la Femme (2012) 22, 208—215 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PASSERELLE CLINIQUE Place de l’échographie dans le diagnosti...

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Imagerie de la Femme (2012) 22, 208—215

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

PASSERELLE CLINIQUE

Place de l’échographie dans le diagnostic et le traitement des synéchies Use of sonography for the diagnosis and treatment of synechia Jean-Marc Levaillant a,∗, Erika Faivre b, Bernard Benoît c, Guillaume Legendre a, Hervé Fernandez a a

Service de gynécologie et obstétrique, hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France b Service de gynécologie et obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France c Service de gynécologie et obstétrique, centre hospitalier Princesse-Grace, 1, avenue Pasteur, BP486MC, 98012 Principauté de Monaco, Monaco Rec ¸u le 25 juin 2012 ; accepté le 4 octobre 2012 Disponible sur Internet le 8 novembre 2012

MOTS CLÉS Échographie ; Synéchie ; Sonographie ; Bilan préopératoire ; Écho-guidage opératoire

KEYWORDS Sonography; Synechias; Per-operatory diagnosis; Ultrasound guidance



Résumé L’échographie 2D a permis d’identifier les synéchies par la visualisation des pertes de substance endométriales sur la coupe sagittale. L’échographie 3D permet de préciser dans les trois plans, sagittaux, axiaux, et coronaux, la topographie exacte de ces pertes de substance et de l’écho médian hyperéchogène de la cavité. La sonographie 2D/3D apparaît comme le « gold standard » pour visualiser le passage de l’eau entre les synéchies et le fond cavitaire, en particulier au niveau des ostias. Pendant l’intervention, l’échographie permet de guider le chirurgien dans la progression des instruments intracavitaires et d’atteindre, avec une bonne sécurité la zone des ostias, en cas de synéchie corporéale. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Bi-dimensional sonography has allowed identifying synechia through the visualisation of the endometrium loss on the sagittal plane. Three-dimensional sonograpy has allowed detailing, on the three planes — sagittal, axial and coronal — an exact topography of this substance loss, as well as the medial echo’s hyper echoic view of the cavity. Bi- or three-dimensional sonography appears as the ‘‘gold standard’’ to visualise the water flow between the synechia and the cavity fundus, especially at the ostias’ level. During operations, sonography allows the surgeon to visualise the intra-cavity tools, and to reach safely the ostias’ level, in case of corporeal synechia. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Levaillant).

1776-9817/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2012.10.001

Place de l’échographie dans le diagnostic et le traitement des synéchies

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Définition Décrites pour la première fois en 1894 par Heinrich Fritsch, puis plus précisément par le gynécologue Joseph Asherman en 1948, la synéchie ou syndrome d’Asherman est une maladie utérine acquise, caractérisée par la formation d’adhérences (tissu de cicatrisation) dans l’utérus. Visuellement, il s’agit d’accolements des parois internes de l’utérus avec une extension plus ou moins prononcée, depuis l’orifice externe du col utérin jusqu’au fond de la cavité utérine ; elles sont : • totales lorsque l’accolement s’étend à l’ensemble de la cavité du corps utérin (cavité corporéale) et de l’isthme utérin ; dans cette situation l’utérus se transforme en organe plein. Ce type de synéchie utérine est rare, car il persiste souvent le canal cervical et une petite portion de l’isthme qui échappe partiellement à l’accolement ; • partielles lorsque l’accolement ne concerne qu’une partie de la cavité corporéale et/ou isthmique de l’utérus. • • • •

Les synéchies sont classées selon leurs sièges en : synéchies corporéales (du corps utérin) partielles ou totales ; synéchies cervico-isthmiques, sténosant ou obturant l’orifice interne du col utérin et de l’isthme ; synéchies complexes corporéales et cervico-isthmiques totales ou partielles ; synéchies de l’orifice externe du col utérin (exceptionnel).

Classifications Il existe plusieurs classifications des synéchies (Tableaux 1—4), sous-utilisées en pratique courante. Celle de la Société américaine de fertilité (score AFS) est une des plus courantes et des plus simples d’utilisation.

Voir et diagnostiquer une synéchie Échographie 2D Les coupes sagittale et parasagittale de l’utérus permettent de mettre en évidence une interruption de l’écho médian Tableau 1

Figure 1. Coupe sagittale 2D ; perte de substance endométriale en coupe sagittale stricte. Sur cette image, il est possible de sus¸on claire une synéchie partielle corporéale. pecter de fac

hyperéchogène de la ligne cavitaire ; attention, cherchez dans les coins en balayage parasagittal pour les synéchies latérales plus difficiles à voir. La présence de synéchie peut également être suspectée lors de la visualisation de calcifications centro-utérines hyperéchogènes (Fig. 1).

Échographie 3D La perte de substance endométriale est bien individualisée dans l’épaisseur de la coupe coronale. La visualisation simultanée des deux coupes — sagittales et coronales — permet une description topographique exacte de la synéchie (Fig. 2—4).

Hystérosonographie 2D—3D Il s’agit de l’examen « gold standard », en même temps diagnostique et préopératoire. L’injection de quelques millilitres de sérum physiologique permet le diagnostic positif des accolements synéchiques. Elle permet également un bilan topographique précis des accolements, grâce à la visualisation du trajet du produit de contraste vers le fond utérin. L’accessibilité de l’eau jusqu’au fond utérin, sous-entend l’existence de tunnel entre les accolements, et la possibilité d’accéder

Classification des synéchies utérine selon March.

Classe I (synéchies légères)

Classe II (synéchies modérées)

Classe III (synéchies sévères)

Occupant moins d’un tiers de la cavité utérine Ostiums tubaires internes visibles

Occupant un tiers à une moitié de la cavité utérine Un ostium tubaire interne visible

Occupant plus d’une moitié de la cavité utérine Pas d’ostium tubaire visible

D’après [1].

Tableau 2 Classification des synéchies utérines en fonction de leur localisation et de leur aspect selon la Société européenne d’hystéroscopie. Degré I

Degré II

Degré III

Adhérence centrale (en pont)

Adhérence marginale (fibres musculaires ou conjonctives) Projection au niveau d’un ostium interne Oblitération d’un ostium

Cavité utérine absente à l’hystérographie Occlusion de l’orifice interne du col (cavité normale au-dessus) Coalescence complète de la cavité (syndrome d’Asherman)

Adhérence fine (adhérence muqueuse aux dépens de l’endomètre) Adhérence épaisse (musculaire ou conjonctive) D’après [2].

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J.-M. Levaillant et al. Classification des synéchies utérines fondée exclusivement sur les constatations hystéroscopiques.

Étendue des adhérences intra-utérines Grade I Adhérences fines Facilement levées par l’extrémité de l’hystéroscope Région cornuale normale Grade II Adhésion dense unique Connectant différentes régions de la cavité utérine Possible visualisation de deux ostiums tubaires Ne pouvant pas être levée par l’extrémité de l’hystéroscope seul Grade IIa Adhérences oblitérant seulement la région de l’orifice cervical interne Partie haute de la cavité utérine normale Grade III Adhérences denses et multiples Connectant différentes régions de la cavité utérines Oblitération unilatérale de la région ostiale tubaire Grade IV Adhérences denses et étendues avec oblitération partielle de la cavité utérine Oblitération bilatérale partielle de la région ostiale tubaire Grade Va Cicatrice et fibrose endométriale étendue combinée à des adhérences de grade I ou II Avec aménorrhée ou hypoménorrhée marquée Grade Vb Cicatrice et fibrose endométriale étendue combinée à des adhérences de grade III ou IV Avec aménorrhée D’après [3]. SEH : Société européenne d’hystéroscopie ; SEEG : Société européenne d’endoscopie gynécologiques.

Figure 2. Coupe 3D. A. Coupe coronale. B. Coupe sagittale. L’interruption de la ligne hyperéchogène cavitaire apparaît large et médiocavitaire. Sur la coupe coronale, la perte de substance est large avec un couloir endométrial central et linéaire, cependant, cette coupe coronale montre bien l’étendue des accolements.

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Figure 3. Coupe 3D. A. Coupe coronale. B. Coupe axiale. La perte de substance est latérale, située à droite de la cavité utérine ; ces deux coupes permettent de comprendre qu’il faut toujours pratiquer des coupes parasagittales.

chirurgicalement jusqu’au fond de la cavité. Le trajet réalisé par le produit de contraste « guide » le chirurgien lors de l’intervention. Il s’agit donc d’une véritable « cartographie » préopératoire précise pour l’hystéro-chirurgien. De plus, l’accessibilité du produit de contraste à la région préostiale est un élément pronostique important : la persistance ou la possibilité de récupération d’une zone préostiale libre peut permettre la récupération d’une fertilité ultérieure spontanée après une cure de synéchie (Fig. 5—8).

Aide de l’échographie en peropératoire

Figure 4. Coupe coronale en coupe épaisse. La perte de sub¸on uniforme stance est médiocavitaire, l’endomètre pousse de fac autour de cette zone d’accolement sphérique.

L’échographie joue un grand rôle dans l’amélioration de l’efficacité du traitement chirurgical et la précision du geste chirurgical sous hystéroscopie. Le chirurgien visualise sur l’écran de l’hystéroscope sa progression dans la cavité (Fig. 9). Il peut visualiser parallèlement sur l’écran de l’échographe la position des instruments par rapport aux

Figure 5. Coupes coronales en multiplanaire, tous les 2 mm au cours d’une hystérosonographie. La distensibilité de la cavité est peu importante due à la synéchie, mais on visualise à gauche et à droite, le passage du sérum physiologique jusqu’au fond cavitaire avec une asymétrie entre la corne gauche (plus petite) et la corne droite injectée jusqu’à l’ostium.

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J.-M. Levaillant et al. Classification de la Société américaine de fertilité.

Étendue de la synéchie Score

< 1/3 1

1/3—2/3 2

> 2/3 4

Type d’adhérences Score

Vélamenteuse 1

Denses clivables 2

Denses scléreuses 4

Mensturations Score

Normales 0

Hypoménorrhée-dysménorrhée 2

Aménorrhée 4

D’après [4]. Stade I : score de 1 à 4 ; Stade II : score de 5 à 8 ; Stade III : score de 9 à 12. Cette classification prend en considération les données de l’hystéroscopie et de l’hystérographie, ainsi que les troubles fonctionnels. Cette classification ne prend pas en considération la localisation de la synéchie : centrale, marginale, localisation par rapport aux ostia.

Figure 6. Sonographie d’une cavité déformée par un processus synéchique touchant le bord gauche de la cavité. Le sérum physiologique remplit bien les deux cornes, on prévoit donc une libération aisée et une récupération d’une cavité triangulaire avec les ostias accessibles. A. Coupe coronale. B. Mode inversion.

Figure 7. Sonographie. A. Coupe coronale. B. Coupe sagittale. Mauvaise distensibilité, mais injection jusqu’à l’ostium gauche, corne droite totalement collée.

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Figure 8. Sonographie, coupe triplan. Aspect synéchique à droite, mais injection de l’eau jusqu’aux deux ostias : renseignement fondamental pour le chirurgien. Bonne distensibilité de la cavité.

différents éléments anatomiques utérins importants : myomètre fundique et latéral, ostiums tubaires, en particulier dans les synéchies complexes. Nous utilisons cette méthode dans notre équipe pour toutes les synéchies difficiles, en particulier dans trois circonstances : • les synéchies descendant très bas, ou l’insertion et la direction initiale des instruments gagnent à être échoguidées ; • les synéchies corporéales totales ou presque, où le fond utérin sera alors bien visible sur l’écran de l’échographe ; • les synéchies fundiques et/ou latérales où les instruments hystéroscopiques risquent de passer la séreuse utérine.

Méthode de guidage échographique Nous utilisons une petite machine 2D/3D — type roulante type S6 ou S8. Elle s’intègre bien au bloc opératoire et se place du côté opposé à la colonne d’hystéroscopie. La vessie de la patiente est alors remplie de 250 mL de sérum physiologique, afin d’obtenir une bonne visualisation de l’utérus jusqu’au fond, et une horizontalisation de l’axe col-corps.

L’écho-guidage L’écho-guidage se fait par sonde abdominale 3D en continu, puis à chaque étape jugée décisive par le

chirurgien, par une analyse triplan, afin de juger des progrès de la progression dans la coupe coronale qui donne le plan le plus précis de la cavité triangulaire. En fin d’intervention, un contrôle échographique 3D vérifie la réussite de l’intervention à l’injection de la cavité (Fig. 10).

Intérêt de l’écho-guidage Cette méthode vise à diminuer les complications : • elle permet de stopper le geste avant perforation, en cas de geste appuyé intentionnellement ; • elle permet également de limiter les résultats incomplets et les interventions multiples en cas de gestes trop « timides ».

Limites de l’échographie peropératoire Lorsque la voie vaginale n’est pas disponible, il faut alors une très bonne imagerie par voie abdominale, en particulier, très bien dégager l’utérus par une réplétion vésicale appropriée. La technique chirurgicale d’artefacts peut provoquer des artefacts, en particulier les bulles d’air créées par l’électrorésection.

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Figure 9. Clichés d’hystéroscopie peropératoire, montrant la libération du fond cavitaire à gauche et à droite vers les ostias, instant délicat, où l’échographie peropératoire peut guider et sécuriser le chirurgien.

J.-M. Levaillant et al.

Figure 10. A. Clichés d’échographie 3D peropératoire T0 ; introduction de l’instrument dans la cavité utérine, vérification du bon axe. B. Échographie peropératoire en 2D, voie abdominale T + 9 MN. Guidage de l’axe de l’instrument et visualisation du progrès de l’ouverture de la cavité utérine. C. Échographie peropératoire 3D, voie abdominale T + 15 MN. Appréciation de la surface cavitaire libérée, repérage des ostias sur la coupe frontale. D. Échographie peropératoire 3D voie abdominale T + 16 MN. Guidage de l’instrument vers la libération de la corne gauche, visualisation d’un fond utérin presque triangulaire. E. Échographie peropératoire 3D voie abdominale T + 19 MN. Guidage de l’instrument vers la corne droite et l’ostium droit : aspect triangulaire du fond. F. Échographie peropératoire 2D voie abdominale T + 20 MN. Visualisation en 2D de la libération de l’ensemble de la cavité qui se remplit jusqu’au fond, bonne distensibilité, fin de l’intervention.

Place de l’échographie dans le diagnostic et le traitement des synéchies

POINTS À RETENIR • Diagnostic en 2D et 3D : interruption de la ligne hyperéchogène cavitaire avec perte de substance endométriale en coupe sagittale, aspect hyperéchogène plus ou moins total de la cavité utérine. • Hystérosonographie en 2D et 3D : précision par le passage de l’eau des alvéoles muqueuses persistantes, visualisation du niveau exact des accolements et de la localisation des ostiums. • Échographie peropératoire pour les synéchies difficiles ou la cavité n’est pas visible : aide à la mise dans l’axe des instruments, visualisation des progrès de l’intervention, visualisation du fond séreux.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Références [1] Daraï E, Deval B, Benifla JL, Guglielmina JN, Sitbon D, Filippini F, et al. Synéchies utérines. Encycl Med Chir Gynecol 1996;155—À—30:1—11. [2] Gervaise A. Prise en charge hystéroscopique des stérilités utérines. In: Fernandez H, editor. Traité de gynécologie. Paris: Médecine-Science Flammarion; 2005. p. 249. [3] Koskas M, Chanelles O, Mergui JL. Infertilité : place de l’hystéroscopie diagnostique. Rev Prat Gynecol Obstet 2008;128:19. [4] The American Fertility Society. The American Fertility Society classification of adnescal adhesions, distal tubal occlusion secondary to tubal ligation, tubal pregnancies, Mullerian anomalies and intrauterine adhesions. Fertil Steril 1992;49: 944—55.