Quels sont les facteurs de risque de cancer colorectal ?

Quels sont les facteurs de risque de cancer colorectal ?

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Philippe Letonturier

C T U A L I T É S

Panorama

Quels sont les facteurs de risque de cancer colorectal?

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rois chiffres retiennent l’attention à propos des cancers colorectaux en France: 36000 nouveaux cas par an, 15000 décès annuels, une survie à 5 ans tous stades confondus aux alentours de 50 %. Après une amélioration considérable du pronostic au cours des 20 dernières années, il faut bien reconnaître qu’il y a actuellement une stagnation (Rev Epidemiol Sante Publique 2005; 53: 267-82). C’est dire l’intérêt de tous les travaux concernant aussi bien la connaissance des éventuelles prédispositions héréditaires que celle des facteurs de risque présents dans l’alimentation comme en témoigne de nombreuses publications ces dernières semaines.

DEUX TYPES DE PRÉDISPOSITIONS HÉRÉDITAIRES MAJEURES

Diverses altérations génétiques surviennent à différents stades de la carcinogénèse. Elles s’intègrent dans 2 types de cancers colorectaux identifiés récemment et caractérisés par 2 mécanismes moléculaires différents d’instabilité, à savoir l’instabilité chromosomique et l’instabilité génétique. Ce double mécanisme moléculaire est étayé par l’existence de 2 types de prédispositions héréditaires majeures aux cancers colorectaux ; il s’agit de la polypose adénomateuse familiale d’une part, du syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer) d’autre part (Rev Epidemiol Sante Publique 2005; 53: 267-82). Concernant ce dernier, un consortium international a défini en 1991 des critères diagnostiques dits “d’Amsterdam” dans un but de standardisation (Gastroenterol Clin Biol 2005; 29: 701-10). Ces critères sont au nombre de 4 : 3 apparentés atteints de cancer colorectal histologiquement prouvé, un des apparentés devant être lié au premier degré avec les deux autres; au moins 2 générations successives atteintes ; un des cancers au moins diagnostiqué avant l’âge de 50 ans; exclusion de la polypose familiale. En fait, ces critères d’Amsterdam man24 septembre 2005 • tome 34 • n°16 • cahier 1

quent de sensibilité et ont été élargis en 1997, notamment à la suite de la conférence de Bethesda. La fréquence du syndrome HNPCC n’est pas encore bien connue, puisque la proportion d’individus ayant un cancer colorectal et répondant aux critères d’Amsterdam varie de 0,3 à 4,4 % selon les études, avec une moyenne de l’ordre de 1 %. Un groupe de travail, réuni à la demande du Ministère de la santé, a eu pour missions de faire le point des connaissances et de définir des stratégies pour l’identification du syndrome et la prise en charge des membres des familles concernées. Il apparaît notamment pour les personnes asymptomatiques que le dépistage des tumeurs colorectales a un intérêt chez celles avec une mutation délétère d’un des principaux gènes MMR (MisMatch Repair), comme chez les apparentés au premier degré des personnes atteintes de cancer colorectal dont l’histoire familiale répond aux critères d’Amsterdam. Ce dépistage doit être réalisé par coloscopies, à débuter au plus tard à 25 ans et à répéter tous les 2 ans. Chez les personnes atteintes de cancer colorectal, la recherche des antécédents familiaux par l’interrogatoire préopératoire est une règle. Il est bien précisé que ce travail constitue une étape et non une fin (Gastroenterol Clin Biol 2005; 29: 701-10). Quoi qu’il en soit, l’identification des tumeurs survenant dans le cadre d’un syndrome HNPCC paraît de plus en plus nécessaire chez les malades ayant développé un cancer entre 40 et 60 ans ou chez ceux ayant un antécédent familial ou personnel de cancer appartenant au spectre des tumeurs de ce syndrome (Gastroenterol Clin Biol 2005; 29: 657-8). Une étude du typage allèlique microsatellitaire (l’instabilité microsatellitaire est due à un défaut de réparation des mésappariements de l’ADN) a permis chez de tels patients de mettre en évidence des gènes MMR avec une fréquence particulièrement élevée (Gastroenterol Clin Biol 2005; 29: 667-75).

EN DEHORS DE LA GÉNÉTIQUE Depuis plusieurs décennies, des études sont consacrées au rôle éventuel de l’alimentation. Ainsi, une étude prospective a porté sur 478 040 hommes et femmes recrutés dans 10 pays européens différents suivis en moyenne pendant 5 ans (J Natl Cancer Institute 2005; 97: 12). Il est montré que le risque de cancer colorectal est d’un tiers plus élevé chez les sujets qui consomment régulièrement 2 portions ou plus de viande rouge et charcuterie par jour par rapport à ceux qui mangent 1 portion ou moins par semaine. La consommation de volailles est sans effet et il y a réduction du risque de 40 % chez les sujets qui mangent du poisson tous les 2 jours par rapport à ceux qui en mangent moins d’une fois par semaine. Les mécanismes à l’origine de variations de ce risque ne sont pas encore complètement élucidés. Quoi qu’il en soit, dans cette étude, la relation entre viande rouge, charcuterie et cancer colorectal existait indépendamment de l’apport en fibres. D’ailleurs l’étude de la réduction du risque avec la consommation de fruits et légumes (essentiellement de légumes) donne lieu à des résultats contradictoires (Lancet 2005; 366: 527-9). Il y a bien diminution du risque cardio-vasculaire. Mais peut être que les constituants responsables de cet effet protecteur sont différents, des recherches récentes ayant montré, dans certains groupes de population génétiquement définis, que des types spécifiques de fibres diminueraient le risque de cancer colorectal (Lancet 2005; 366: 521). Enfin, une prise prolongée d’aspirine (ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens) réduit le risque de cancer colorectal. Mais ce bénéfice de l’aspirine ne devient significatif que pour des durées de prise supérieures à 10 ans et pour des doses de plus de 14 comprimés (de 325 mg) par semaine (JAMA 2005; 294: 914-23), donc nettement plus élevées que celles recommandées pour la prévention cardiovasculaire (et attention au risque d’hémorragie digestive en fonction de la dose). ■ La Presse Médicale - 1181