Cahier FM
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Cahier FMC
Gastroenterol Clin Biol 2007;31:716-718
Entretien
Questions au Professeur Frédéric Prat Quel est le traitement endoscopique moderne d’une hémorragie ulcéreuse ? À l’heure de l’utilisation large des inhibiteurs de la pompe à protons, la supériorité de l’association de deux méthodes hémostatiques est-elle toujours réelle ? hémodynamique est de 30 à 35 mL. D’autre part, si la pose de clips seule est théoriquement une méthode idéale, il est souvent difficile ou impossible d’appliquer un ou des clips de façon optimale, en particulier dans certains sites d’approche endoscopique difficile (grosse tubérosité, face postérieure du bulbe…). C’est notamment dans de tels cas que la combinaison de deux méthodes prend toute sa valeur.
Réponse
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La réponse est clairement oui ! Plusieurs études randomisées bien conduites ont montré, qu’indépendamment du traitement par inhibiteurs de la pompe à protons par voie veineuse et à forte dose, l’association de deux méthodes hémostatiques était supérieure à l’absence d’hémostase endoscopique et à l’emploi d’une seule méthode hémostatique. Il peut s’agir de la combinaison d’une méthode d’injection (sérum salé, sérum adrénaliné) et d’une méthode thermique (Bicap®, coagulation au plasma argon), d’injections et d’une méthode mécanique (clips hémostatiques) ou encore d’une méthode thermique et d’une méthode mécanique. Il faut rappeler que le sérum adrénaliné doit être dilué au 1/10 000 et que la quantité à injecter pour une hémostase efficace et sans risque
Si la pose de clips seule est théoriquement une méthode idéale, il est souvent difficile ou impossible d’appliquer un ou des clips de façon optimale, en particulier dans certains sites d’approche endoscopique difficile.
Est-il possible d’utiliser la coagulation au plasma argon en cas d’hémorragie active ? sans action sur la base de la lésion hémorragique. L’extrémité active de la sonde va être immédiatement oblitérée par ce caillot et devenir inefficace. Il est nécessaire de laver le site hémorragique, de réaliser une première hémostase par injection et/ou clippage, puis seulement d’utiliser le plasma argon qui va alors efficacement coaguler le tissu hémorragique et non le sang qui en jaillit. Bien entendu, en cas de caillot adhérent, la coagulation à l’argon n’aura là encore de réelle efficacité que lorsque le caillot aura été détaché de la lésion hémorragique par le lavage.
Réponse ••••••••••••••••••••
Il est toujours préférable d’avoir interrompu ou au moins atténué le saignement actif avant d’utiliser une méthode thermique.
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C’est possible, et le plasma argon a une efficacité comparable à celle de la sonde bipolaire dans ce contexte, mais il est toujours préférable d’avoir interrompu ou au moins atténué le saignement actif avant d’utiliser une méthode thermique. En effet, l’arc électrique produit par l’électrocoagulation sur un site inondé de sang frais va avoir pour effet de former un caillot
Le plasma argon va efficacement coaguler le tissu hémorragique et non le sang qui en jaillit.
Reste-t-il des indications à la Bicap®, et si oui, lesquelles ? aient montré son efficacité dans la prévention de la récidive hémorragique d’origine ulcéreuse. En revanche, elle est couramment utilisée dans cette indication dans d’autres pays, notamment aux États-Unis. Il existe au moins deux produits disponibles sur le marché français. La cause de cette faible utilisation tient, à mon avis, à plusieurs facteurs : un manque d’information des gastroentérologues français, l’existence du plasma argon, et le coût de ces sondes à usage unique. L’adjonction d’une méthode thermique à une méthode d’injection ou à la pose de clips est souhaitable en cas d’hémorragie
Réponse La Bicap® est une sonde d’électrocoagulation bipolaire. Elle n’a jamais été populaire en France bien que de nombreuses études Tirés à part : F. PRAT, Service de gastroentérologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris. E-mail :
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Il est donc intéressant de disposer de quelques sondes Bicap® pour faire face à ce type de situation. •••••••••••••••••••
ulcéreuse de type Forrest I ou IIa afin de réduire le risque de récidive hémorragique. La sonde Bicap® est efficace dans ce cadre mais le plasma d’argon l’est probablement tout autant. Aussi, un service équipé d’un module de coagulation à l’argon peut choisir de privilégier cette dernière méthode. Cependant, la sonde Bicap® reste bien utile lorsqu’on est amené à intervenir sur un site de réanimation ou d’urgence ou lorsqu’on ne dispose pas de la coagulation au plasma argon.
La sonde Bicap® reste bien utile lorsqu’on est amené à intervenir sur un site de réanimation ou d’urgence.
Y-a-t-il des différences d’efficacité entre les clips proposés par les différents fabricants ? — la mise en place de plusieurs clips, généralement indispensable pour un geste d’hémostase efficace, est désormais facile et économique ; — le clip de la société Boston Scientific a l’avantage de pouvoir être aisément repositionné plusieurs fois, ce qui accroît les chances d’une mise en place efficace dès le premier clip ; — le Triclip® de la société Cook Endoscopy pourrait, grâce à ses 3 branches, assurer une hémostase plus efficace. Cependant, sa longueur et sa rigidité le rendent plus difficile à positionner. Il n’y a donc pas actuellement un clip idéal qu’il faudrait recommander particulièrement, mais il est utile de disposer d’un chargeur de clips réutilisable pour un usage courant avec clips multiples, et de clips prémontés à usage unique pour une utilisation en urgence, dont il faut bien sûr équiper son chariot d’urgences.
Réponse ••••••••••••••
Chaque type de clip a des caractéristiques potentiellement avantageuses.
Il n’existe pas à ma connaissance d’étude solide comparant les différents types de clips. Trois firmes proposent actuellement des clips hémostatiques, et la société Olympus, pionnière dans ce domaine, présente une gamme de clips à usage unique ou avec porteur stérilisable. Certains industriels ayant un savoir-faire dans la suture chirurgicale commercialiseront sans doute prochainement des chargeurs multiclips. Chaque type de clip a des caractéristiques potentiellement avantageuses : — chez Olympus, le principal atout est un porte-clips réutilisable sur lequel il est devenu très aisé de monter des clips en quelques secondes ;
En cas d’ulcère de Dieulafoy hémorragique, quelle est la meilleure méthode d’hémostase ? l’hémostase standard ne peut avoir qu’une efficacité très transitoire, d’où la récidive fréquente après injection sclérosante simple. La destruction de cette formation vasculaire est également plus difficilement accessible à la coagulation par hyperthermie (coagulation au plasma argon ou Bicap®) en raison de la source sous-muqueuse du saignement. En revanche, la ligature élastique est à même de créer une ischémie localisée englobant la sous-muqueuse et l’injection de colle de permettre une occlusion des néoformations vasculaires sous-muqueuses. Les résultats rapportés sont particulièrement intéressants pour la ligature élastique avec 100 % de succès dans deux études. C’est donc la technique à privilégier en première intention.
Réponse ••••••••••••••••••••
L’ulcère de Dieulafoy étant dû à l’érosion d’un peloton vasculaire sous-muqueux, l’hémostase standard ne peut avoir qu’une efficacité très transitoire.
Plusieurs méthodes ont été proposées. Il me semble que deux méthodes peuvent retenir l’attention : la ligature élastique et l’injection de colle. En effet, l’ulcère de Dieulafoy étant dû à l’érosion d’un peloton vasculaire sous-muqueux, habituellement localisé dans la partie haute du corps gastrique,
En cas de malformations vasculaires acquises hémorragiques, faut-il débuter le traitement endoscopique dès le diagnostic fait ? avec une préparation colique parfaite en cas de lésion cæcale. Si la préparation est insuffisante, il est recommandable de différer le geste en renforçant ou en complétant la préparation colique. Ce type de geste hémostatique peut d’ailleurs être réalisé sans arrêter un traitement anticoagulant ou antiplaquettaire.
Réponse Il n’y a aucune raison de différer le début du traitement lorsqu’une hémorragie a été extériorisée ou s’il existe une anémie. Il convient simplement de réaliser le geste thérapeutique dans des conditions adéquates, donc
En cas de polype à large pédicule (> 5 mm) faut-il utiliser un traitement préventif de l’hémorragie ? Si oui lequel préférer : la mise en place d’une endoloop ou l’injection d’adrénaline ? En effet, cette méthode, si elle peut limiter le risque de saignement immédiat, ne prévient en aucun cas le saignement différé, le plus ennuyeux puisqu’il survient généralement après la sortie du patient. Il vaut mieux observer le saignement lors de la résection et le traiter immédiatement. L’Endoloop® est une excellente méthode préventive et je recommande son usage lorsqu’il est possible et justifié. De plus, l’Endoloop® pré montée à usage unique est maintenant d’une manipulation très facile. L’Endoloop® doit être placée à la base du pédicule et il faut laisser
Réponse ••••••••••••••••••••
Je ne crois pas beaucoup à l’utilité d’une injection d’adrénaline dans le pédicule avant résection endoscopique à l’anse.
Je ne crois pas beaucoup à l’utilité d’une injection d’adrénaline dans le pédicule avant résection endoscopique à l’anse. 717
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Questions au Professeur Frédéric Prat
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fait pas de doute s’il est supérieur à 1 cm, mais elle n’est pas inutile entre 5 et 10 mm. •••••••••••••••••••
une marge de sécurité d’au moins 2 mm pour placer l’anse diathermique entre l’endoloop et la base de la tête du polype, la section devant se faire idéalement à plus de 5 mm de cette dernière. Une utilisation confortable de l’Endoloop® n’est donc possible que lorsque la longueur du pédicule est supérieure à 10 mm. Bien entendu, le lasso doit être convenablement serré et on doit observer le bleuissement de la tête du polype traduisant l’ischémie avant de le larguer. Quant au diamètre du pédicule, l’indication de l’endoloop ne
Une utilisation confortable de l’Endoloop® n’est donc possible que lorsque la longueur du pédicule est supérieure à 10 mm.
Pour les hémorragies retardées après polypectomie, quelle est la meilleure méthode hémostatique ? habituellement le cas — ou non. En cas de persistance, une nouvelle exploration endoscopique sera nécessaire, avec nouvelle préparation colique complète en cas de saignement d’origine basse (ou plusieurs lavements en cas de saignement rectal), car il est essentiel de permettre une bonne visualisation du site hémorragique. Il n’y a pas de méthode à privilégier mais, à l’instar de l’hémorragie ulcéreuse, on peut recommander la combinaison de deux méthodes hémostatiques. Le clippage peut toutefois être recommandé comme l’une des deux méthodes à combiner dans la plupart des cas.
Réponse
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En cas d’hémorragie retardée, survenant entre 24 heures et 10 jours ou plus après la résection endoscopique, parfois à l’occasion de la reprise d’un traitement anticoagulant et souvent après le retour au domicile, la première mesure à prendre est d’hospitaliser le patient et de le mettre en observation mais pas nécessairement à jeun. Après avoir corrigé si nécessaire une éventuelle déglobulisation, assuré un bon accès veineux et un bon contrôle hémodynamique, plusieurs cas de figure sont possibles : si l’hémodynamique est stable et si les selles se normalisent, sans reproduction du saignement, aucune mesure complémentaire n’est nécessaire ; si l’hémodynamique est stable avec un saignement persistant, la prise de 2 litres de PEG sur 24 heures permet, avec la surveillance de l’effluent, de savoir si le saignement se tarit spontanément — ce qui sera
La prise de 2 litres de PEG sur 24 heures permet, avec la surveillance de l’effluent, de savoir si le saignement se tarit spontanément.
L’association injections et clips, parfois critiquée, est-elle logique ou illogique ? logique dans leur association puisque l’injection permet à la fois le lavage du site hémorragique et l’induction d’une vasoconstriction, suffisante pour mieux visualiser le vaisseau lésé, sans en empêcher le repérage, et la pose de clips vient, en complément, faire l’occlusion de ce vaisseau.
Réponse Comme indiqué à propos de l’hémorragie ulcéreuse et du saignement postpolypectomie, il n’y a pas d’incompatibilité entre ces 2 méthodes d’hémostase. Il y a même une certaine
Peut-on encore, et si oui, dans quelles indications injecter des produits sclérosants ? combinaison, ils n’ont jamais prouvé leur supériorité sur l’injection adrénalinée.
Réponse
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Les produits sclérosants tels que l’aetoxysclérol ou l’alcool absolu n’ont plus guère d’indication. Même s’ils ont peu d’effets secondaires, leur efficacité n’est pas immédiate et, seuls ou en
Les produits sclérosants n’ont jamais prouvé leur supériorité sur l’injection adrénalinée.
Après mucosectomie endoscopique, une hémostase systématique par clips doit-elle être envisagée ? — le simple fait d’ajouter une manipulation instrumentale supplémentaire ajoute au risque iatrogène : on peut faire saigner ou perforer le fond de la mucosectomie par ces manœuvres ; — si plusieurs clips sont utilisés systématiquement, le coût induit par cette mesure est élevé, et non justifié par un bénéfice manifeste.
Réponse
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La mise en place systématique de clips ne semble pas devoir être systématique après une mucosectomie, pour au moins quatre raisons : — si aucun saignement ou perforation n’est visible au décours du geste, il n’est pas possible de prédire à chaque fois d’où peut provenir un saignement ultérieur ; — si un saignement survient secondairement alors que des clips ont été mis en place, ceux-ci risquent de gêner le geste d’hémostase secondaire, et particulièrement la mise en place de nouveaux clips ;
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Après mucosectomie endoscopique, l’utilisation de clips doit être sélective et non systématique.