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Savoirs / Contribution originale
Recherche clinique en kinésithérapie : enjeux et difficultés Clinical research in physiotherapy in France: Obstacles and solutions? Thomas Davergne a Marion Gallois b Jean-Philippe Regnaux c,d
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Université Pierre et Marie Curie Paris VI, 75005 Paris, France b Université Paris Descartes, 75005 Paris, France c EHESP, Université Paris Sorbonne Cité, 93210 Saint-Denis, France d CRESS, Inserm U1153, Equipe Methods, 75004 Paris, France Reçu le 14 septembre 2015 ; reçu sous la forme révisée le 23 mai 2016 ; accepté le 23 mai 2016
RÉSUMÉ
MOTS CLÉS
La recherche paramédicale intéresse un grand nombre de professionnels de santé. Les résultats de la recherche paramédicale occupent une part importante de la littérature internationale. Ils sont le fondement à de nombreuses interventions de soins paramédicaux et répondent à des enjeux de santé sociétaux. La recherche paramédicale est complexe, difficile à réaliser, coûteuse. Elle doit faire face à de nombreux obstacles méthodologiques, législatifs, organisationnels et structurels. Un effort est nécessaire pour améliorer, en France, sa place dans la recherche clinique et changer son organisation afin de lui permettre de répondre plus efficacement aux problématiques de santé. Niveau de preuve. – Non adapté.
Freins Kinésithérapie Perspectives Pratique fondée sur les preuves Recherche clinique
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Obstacles Physiotherapy Solutions Evidence-based practice Clinical research
SUMMARY Many health professionals are concerned by paramedical research, and their results make an important contribution to the international literature. They are the basis of many paramedical practices, responding to public health expectations. Paramedical research is complex, hard to perform and expensive, running up against many methodological, legal, organizational and structural obstacles. An effort is required to improve its position within clinical research in France, changing the way in which it is organised, so as to deal with health issues more efficiently. Level of evidence. – Non-applicables. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
INTRODUCTION La profession de masseur-kinésithérapeute est en constante évolution. Une augmentation de l'attrait pour la recherche est constatée depuis plusieurs années avec pour volonté une amélioration de la qualité des soins. Cela peut s'expliquer par une valorisation des connaissances basées sur des preuves,
associée aux connaissances empiriques, c'est-à-dire basées sur l'expérience professionnelle. En parallèle, la production scientifique dans le domaine de la kinésithérapie augmente de façon exponentielle. La réforme des études en masso-kinésithérapie de 2015 tient compte de cette évolution en intégrant des enseignements dédiés à la compréhension et l'utilisation des données de la recherche clinique.
Auteur correspondant : J.-P. Regnaux, Centre d'épidémiologie clinique, hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France. Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.018 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1
Pour citer cet article : Davergne T, et al. Recherche clinique en kinésithérapie : enjeux et difficultés. Kinesither Rev (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.018
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Savoirs / Contribution originale Omniprésente dans le champ actuel de la kinésithérapie, la recherche clinique apparaît comme un élément clé pour l'amélioration des pratiques. Cependant, sa réalisation et son utilisation peuvent présenter de nombreux défis. L'objectif de cet article est de favoriser la compréhension et l'utilisation des connaissances issues de la recherche clinique en kinésithérapie. Pour cela, nous avons fait une description des principales caractéristiques de la recherche en kinésithérapie. Nous avons exposé des difficultés, proposé des solutions et pistes de réflexion.
ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES Conception des études Les interventions dispensées en kinésithérapie sont des interventions non-médicamenteuses (INM). Ces INM présentent des caractéristiques spécifiques et nécessitent par conséquent, des techniques d'évaluation spécifiques. Elles présentent une grande variété, allant de l'éducation au renforcement musculaire, en passant par la promotion de la santé, le massage, la thérapie manuelle, le désencombrement bronchique, etc. L'efficacité des INM est complexe à évaluer [1]. En recherche clinique, divers questionnements existent : pronostique, étiologique, diagnostique ou encore thérapeutique. Pour répondre à ces problématiques, il est possible d'utiliser des méthodes quantitatives, qualitatives ou mixtes. Parmi les méthodes quantitatives, l'essai contrôlé randomisé (ECR) est considéré comme le gold standard pour l'évaluation thérapeutique. Il possède cependant des limites méthodologiques pour l'évaluation des INM qui impacte l'interprétation et la généralisation des résultats [2]. Par exemple, une puissance statistique satisfaisante nécessite un nombre important de sujets inclus, ce qui n'est pas toujours réalisable dans un ECR compte tenu de la complexité de la méthode. Autre exemple spécifique à la kinésithérapie : le maintien de l'aveugle du sujet et du thérapeute est régulièrement impossible. Cette absence d'aveugle influence les résultats d'études parce que ces interventions sont fortement liées au facteur humain compte tenu de la relation sujet–thérapeute. Le thérapeute délivrant l'intervention peut influencer, même inconsciemment, les performances de l'intervention.
Solutions et pistes de réflexion En alternative aux ECR, d'autres méthodes existent comme les études observationnelles, avec des scores de propension ou les small clinical trials [3]. Ces méthodes présentent l'avantage d'apporter des connaissances dans des situations où l'ECR ne pourrait pas être réalisé. Les connaissances produites par les études observationnelles ont un faible niveau de preuve en comparaison d'une étude interventionnelle type ECR. Cependant, cette gradation pourrait être discutée dans le cas d'une production de connaissances émanant d'un ECR de 20 sujets par rapport à une cohorte de 10 000 sujets. L'évaluation d'une intervention en kinésithérapie nécessite l'utilisation de méthodologies scientifiques validées et spécifiques. Si de nombreuses méthodologies d'études existent, d'autres restent à découvrir ou à adapter. Les études de doses pour le renforcement musculaire sont un exemple actuel. Peu d'indications fiables sur la dose de renforcement musculaire du sujet pathologique sont disponibles dans la littérature scientifique, faute de méthodologie appropriée. Dans une étude
réalisée récemment (publication à venir) incluant 408 études publiées et en cours de réalisation, seules 24 % des études apportées une justification crédible aux composantes de la dose (volume, intensité, fréquence) des programmes d'exercices délivrés [4]. Il est peu concevable qu'une intervention avec une dose donnée soit bénéfique pour tous (one fit for all). Au contraire, la question se pose s'il faut pouvoir adapter les interventions en fonction de la gravité, de l'ancienneté, de la fragilité, de l'expertise, de l'environnement et/ou de l'adhérence du sujet. C'est-à-dire de s'adapter à chaque situation. Pour pouvoir identifier tous ces facteurs intervenant en kinésithérapie et leurs interactions, il peut être nécessaire d'utiliser des méthodes quantitatives de recherche de dose ou des méthodes provenant des sciences humaines et sociales, dites qualitatives. Une autre solution pour prendre en compte les différents facteurs influençant les interventions en kinésithérapie est l'utilisation de revues systématiques. Bien que plus rapides à réaliser qu'un essai clinique, elles nécessitent néanmoins certaines ressources ; plusieurs intervenants (clinicien, méthodologiste, statisticien) sur un temps conséquent (un an au minimum).
Gaspillage de la recherche Le développement de la recherche permet des évolutions constructives, mais génère en parallèle des situations complexes, voire paradoxales. Il paraît intéressant ici d'aborder la notion de gaspillage de la recherche car plusieurs évolutions dont la réforme des études et le développement de l'intérêt des professionnels pour la recherche, tendent à espérer que l'activité de recherche en France progresse fortement à court terme. La notion de gaspillage de la recherche est très commentée actuellement, surtout dans les pays anglophones. Depuis plusieurs années, les rapports internationaux s'accumulent pour signaler la mauvaise qualité de la recherche [5,6]. En 2014, le prestigieux journal Lancet a édité une série d'articles sur ce sujet. La mauvaise description des interventions, l'utilisation de critères d'évaluation non validés, l'absence d'enregistrement systématique des effets indésirables ou encore l'absence d'intérêt pour la pratique clinique, sont des facteurs qui contribuent à ce gaspillage. Les interventions en kinésithérapie sont, elles aussi, exposées aux erreurs méthodologiques et donc au gaspillage. Le gâchis de la recherche s'exprime également par la sous-utilisation des données de la recherche par les cliniciens. Le transfert des connaissances vers la pratique clinique est souvent très lent et complexe. Le manque de qualité de la recherche peut en être une des explications [7]. Les revues systématiques même rigoureusement menées, peuvent être incapables de conclure par manque de qualité méthodologique des études cliniques qu'elles incluent. Pour conclure sur la problématique du gâchis de la recherche, la notion de quantité de recherche produite est importante, mais la notion de qualité l'est encore plus. C'est l'enseignement que les anglo-saxons tirent actuellement de cette problématique.
Solutions et pistes de réflexion En réponse à ce gâchis de la recherche, de nombreuses initiatives émergent. Par exemple, le projet OMERACT
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propose une évaluation rigoureuse et standardisée des effets des interventions en rhumatologie. Ce projet, porté par un réseau international, dresse une liste définie de critères de jugement devant figurer au minimum dans toutes les études rhumatologiques menées. L'exemple de solution, proposée par l'association américaine de physiothérapie, est aussi intéressant. Il s'agit de produire un agenda de recherche comprenant les questions cliniques prioritaires des cliniciens [8]. Une autre solution pour réduire le gâchis de la recherche est de s'assurer de son utilisation en basant sa pratique ou ses enseignements sur les données actuelles de la science. Les avancées scientifiques dans le champ de la kinésithérapie étant importantes, il est nécessaire d'actualiser ses propres connaissances régulièrement. Pour cela, la réforme des études ainsi que les formations evidence-based practice (EBP, « pratique fondée sur les preuves ») permettent de former les professionnels et les étudiants à la culture du questionnement : est-ce que mon traitement est recommandé pour mon patient ? Est-ce qu'il est efficace ? Est-ce qu'il existe d'autres alternatives de traitements ? Est-ce que ce traitement doit être combiné à un autre pour être efficace ? Dernier exemple, de nombreuses initiatives sont également prises pour améliorer la transmission des connaissances scientifiques en proposant des guides de reporting (de description des interventions testées). Ces guides de reporting indiquent l'ensemble des éléments devant figurer dans une étude pour garantir une transmission adéquate de l'information scientifique. Par exemple, les personnes souhaitant rédiger une étude randomisée contrôlée pourront s'aider du guide CONSORT. De nombreux guides existent pour d'autres schémas d'études, il est possible de les consulter gratuitement sur le site http://www. equator-network.org/ Equator-Network ou de télécharger gratuitement le numéro 157 de Kinésithérapie la revue [9].
ASPECT FINANCIER L'évaluation des effets d'une intervention est coûteuse. Elle nécessite des moyens humains (attachés de recherche clinique [ARC], technicien d'études cliniques [TEC], évaluateurs, statisticiens), matériels (informatiques, traduction, cahier de recueil), organisationnels (transport des sujets, bilans médicaux, centres multiples). Tous ces coûts doivent être estimés au préalable lors de la création du protocole de recherche. Ils sont régulièrement sous-évalués face à la complexité de réalisation d'un essai clinique. Tous les coûts doivent être anticipés au risque de menacer le déroulement de la recherche. La capacité à inclure les participants peut-être plus faible que la prévision. Dans ce cas, la durée de l'essai clinique est allongée ainsi que son budget. La mission de recherche peut être considérée comme non prioritaire par rapport au soin dans certains services. Un autre exemple est le déplacement des sujets pour recevoir le traitement testé. La prise en charge des moyens de transport doit être organisée et permettre le remboursement des frais éventuels en fonction de la fréquence des séances ou des examens. Elle est souvent plus élevée que la valeur du traitement lui-même. De même, il existe des frais de publication de la recherche à intégrer : traduction en anglais de l'article, frais de soumission dans un journal en open access, présentation des résultats dans un congrès. Le budget attribué par le financeur est définitif sauf dans des cas extrêmement rares.
Savoirs / Contribution originale Actuellement, le financement de la recherche clinique paramédicale est majoritairement public. Souvent considérée comme onéreuse, elle peine à être financée au profit d'autres projets dirigés par d'autres professions. Le montant des financements diffère en fonction des appels à projets. La dotation d'un projet non pharmacologique peut varier d'un facteur 1 à 4 selon le type d'appel à projets. Bien que tous les projets non pharmacologiques ne concernent pas uniquement les interventions chirurgicales, ils sont constitués d'interventions en kinésithérapie, en psychiatrie ou en diététique. Le soutien financier semble moins important pour des appels d'offres spécifiques paramédicaux (PHRIP) que dans le soin en général (PHRC). Cela peut constituer un obstacle au développement des recherches. La constitution des dossiers et l'obtention des financements sont complexes à réaliser et à obtenir. Ils mobilisent une véritable expertise et du temps. Ils nécessitent une coordination de différents acteurs spécialisés où la formation initiale, l'exercice professionnel ou la formation de management ne suffisent pas. Solutions et pistes de réflexion : le rapprochement vers des unités de recherche clinique (URC) aiderait à mieux prévoir les budgets des recherches. De nouvelles structures restent à créer pour soutenir les équipes réalisant une recherche clinique et permettre le développement de la recherche paramédicale en France. Des formations spécifiques s'accompagnant de véritables débouchés professionnels doivent également être créées si l'on veut permettre aux paramédicaux de participer au développement durable de la recherche paramédicale.
ASPECT ÉTHIQUE ET RÉGLEMENTAIRE La recherche clinique en France est réglementée. Elle est encadrée par le code de la santé publique et vise à protéger les personnes participant à la recherche. L'article L. 1121-1 du Code de la santé publique définit la recherche clinique comme étant une « recherche organisée et pratiquée sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales » [10]. La réglementation dans le domaine de la recherche clinique repose sur des principes éthiques internationalement reconnus, exposés dans la Déclaration d'Helsinki et dans la loi Huriet-Séculat. Selon le type de recherche réalisée (recherche sur des données, recherche sur l'humain à caractère interventionnelle, non interventionnelle, soins courants), la recherche clinique est soumise à une réglementation plus ou moins exigeante. La recherche clinique en lien avec les pratiques de kinésithérapie, bien que non médicamenteuse et la plupart du temps sans geste agressif, est considérée comme un « dispositif médical ». Cela veut dire qu'elle rentre dans la catégorie de la recherche biomédicale. Par conséquent, un essai clinique doit, avant de débuter, recevoir l'autorisation de deux instances : le Comité de protection des personnes (CPP) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Selon le type de recherche, les promoteurs et investigateurs du projet doivent se conformer à une réglementation riche et complexe : Code de la santé publique, loi informatique et
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Pour citer cet article : Davergne T, et al. Recherche clinique en kinésithérapie : enjeux et difficultés. Kinesither Rev (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.018
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Savoirs / Contribution originale libertés, bonnes pratiques cliniques, Comité consultatif pour le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS), Commission nationale informatique et libertés (CNIL), Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), Comités de protection des personnes (CPP) [11,12]. La complexité administrative de cette réglementation peut ralentir le déroulement des études, voir décourager les investigateurs. Le promoteur doit également souscrire à une assurance qui engage des contraintes financières. Toutes ces démarches sont rarement respectées dans les projets de recherche menés dans de petites structures ou par des étudiants au sein des instituts de formation. Autre aspect éthique : il est probable que les résultats d'une recherche mal conduite ne profitent jamais à personne, constituant un gâchis de recherche.
Solutions et pistes de réflexion Pour assumer cette charge réglementaire, il est important pour la personne souhaitant être promoteur ou investigateur d'un projet de recherche, de bien maîtriser cette réglementation. Pour cela, de nombreux documents sont disponibles en accès libres sur Internet via certaines universités françaises, sur le site de la HAS [13], l'ANSM [12] ou encore Légifrance [14]. Enfin, il est primordial de s'assurer de la bonne qualité de sa recherche pour éviter le gâchis des ressources de la recherche (temps des patients et des intervenants, ressources financières).
ACCÈS AUX RÉSULTATS DE LA RECHERCHE La recherche clinique permet d'apporter des réponses aux questions soulevées par la pratique clinique. En se basant sur une démarche scientifique, la recherche clinique utilise les moyens les plus fiables pour répondre à une question donnée. La pratique de la kinésithérapie est source de nombreuses questions : quel est le meilleur traitement pour telle pathologie ? Quelle est l'efficacité de telle intervention pour telle pathologie ? Quelle est la précision de tel test pour diagnostiquer telle lésion ?. . . pour chaque situation clinique amenant une question, il est très probable que des éléments de réponse soient déjà présents dans la littérature. Pour un clinicien, l'accès aux résultats de la recherche permettra de s'informer sur une question précise ou de s'informer de façon générale. Dans le cas d'un clinicien souhaitant s'informer sur une question précise, l'objectif sera de trouver le plus simplement et le plus rapidement possible une réponse à cette question. Pour cela il peut demander directement à une personne susceptible de connaître la réponse, chercher dans un bouquin, dans une revue, sur Internet ou même se replonger dans ses cours. Une fois la réponse obtenue, la question à se poser sera : dans quelle mesure puis-je baser mon soin sur cette information ? Ou encore quelle est la fiabilité de cette réponse ? Dans le domaine de la kinésithérapie, si trouver une réponse à une question posée est quelque chose de simple, trouver une réponse fiable est en revanche plus compliqué. Pour évaluer la fiabilité d'une information, la première chose relativement simple à faire est de regarder la source primaire de cette information. Que vous obteniez l'information de votre collègue de cabinet, d'une formation, d'un site de recommandations de bonnes pratiques comme la HAS ou de votre revue préférée, la source primaire de cette information est un
élément essentiel pour évaluer sa fiabilité. Provient-elle d'une étude scientifique ? Est-ce un avis d'expert ? Est-ce une extrapolation provenant d'une recommandation de bonne pratique ? Une fois que vous vous êtes renseigné sur la source primaire de votre information, la deuxième étape, un peu plus exigeante, consiste à critiquer la méthode ayant servi à générer cette information. Quel est le design de l'étude ? Quel est le niveau de preuve attribué à ce design ? Y a-t-il des biais dans la méthodologie utilisée ? L'étude est-elle de bonne qualité ? En résumé, dans quelle mesure, l'information obtenue peutelle me servir pour améliorer mes soins. Dans le cas d'un clinicien souhaitant s'informer de façon générale, en consultant par exemple une revue ou un site de diffusion d'information scientifique, la démarche reste la même. Grâce à une recherche rapide, il est possible de trouver de très nombreuses informations de nature et de sources variées, l'essentiel étant de pouvoir estimer leurs fiabilités.
Solutions et pistes de réflexion Le coût d'accès : le coût d'accès aux résultats de la recherche est aujourd'hui devenu un frein négligeable pour le clinicien. En effet, si certaines revues sont en accès payant, les résumés sont eux en accès libre. De plus, de nombreux articles sont maintenant accessibles intégralement en accès libre, comme le sont les recommandations de bonne pratique ainsi que certains sites de diffusions. Enfin, l'accès aux documents payants peut être facilité en passant par les universités, hôpitaux et sociétés savantes. Par exemple, l'adhésion à la Société française de physiothérapie (SFP) permet actuellement un accès intégral à la librairie Cochrane pour ses membres. Les bons réflexes et la formation : les bons réflexes et la formation à la lecture critique peuvent en revanche être des facteurs limitants dans l'accès aux résultats de la recherche. En effet, se prêter à l'exercice demande un peu d'habitude, du temps et de la motivation. La maîtrise de la langue anglaise n'est pas obligatoire, mais facilite l'accès aux publications anglophones, majoritairement présentes dans la littérature scientifique. Pour se former à la démarche de recherche d'informations, de nombreuses formations existent : e-learning gratuits comme les conférences en ligne ouvertes à tous (Massive Open Online Courses [MOOC]), formations professionnelles continues sur l'EBP, diplôme universitaires (DU) ou master de science.
CULTURE ET FORMATION À LA RECHERCHE Le grade de docteur est le niveau le plus élevé en recherche. Il est délivré par l'université. Dans un cursus de recherche classique, le grade de docteur est une condition minimum pour prétendre à une activité professionnelle reconnue. L'apprentissage de la recherche s'effectue au sein d'équipes de recherche d'université faisant un lien entre formations et recherche. Pour qu'un grade de docteur soit reconnu, il doit être délivré par une école doctorale labellisée par le ministère. À notre connaissance, aucune école doctorale ne délivre à ce jour de doctorat en sciences paramédicales ou équivalent. Actuellement, il n'existe pas de discipline universitaire permettant de recruter à l'université française des
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Pour citer cet article : Davergne T, et al. Recherche clinique en kinésithérapie : enjeux et difficultés. Kinesither Rev (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.018
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enseignants-chercheurs en sciences paramédicales, contrairement à différents pays étrangers. L'absence d'enseignants à l'université et de doctorat en sciences paramédicales compromet la création d'un cursus de formation universitaire (licence, master). En France, les kinésithérapeutes souhaitant parvenir au doctorat le font dans une discipline annexe telle que la santé publique, sciences sociales ou activités physiques. L'absence d'une voie universitaire clairement établie pour la recherche paramédicale constitue vraisemblablement un obstacle au développement de la profession de kinésithérapeute.
Solutions et pistes de réflexions La réforme des programmes d'enseignements paramédicaux est une première étape vers le développement de la recherche paramédicale avec le développement des axes de santé publique, de recherche clinique, de lecture critique d'article mais aussi de gestion des outils statistiques. La réforme de 2015 du programme de formation en kinésithérapie en est un bon exemple et la profession attend beaucoup de celle-ci. Pour les professionnels, comme mentionné plus haut, différents moyens sont aujourd'hui disponibles pour se former à la recherche paramédicale. Un guide de formations continue est disponible en libre accès sur le site de la FNEK [15]. Il présente une liste riche et détaillée des différentes formations accessibles au kinésithérapeute.
CONCLUSION La recherche clinique est une étape clé pour l'amélioration des pratiques cliniques. Son attrait dans le monde de la kinésithérapie augmente chaque année. Cependant, sa réalisation et son utilisation présentent certains enjeux tels que la nécessité d'une méthodologie rigoureuse, d'une gestion efficace des ressources financières, d'une maîtrise du cadre éthique et réglementaire, d'une lecture et d'une analyse critique des résultats, d'un accès à la formation à la recherche pour les kinésithérapeutes. Des solutions existent actuellement pour répondre en partie aux contraintes exposées dans cet article. En revanche, pour que tous les thérapeutes enrichissent leurs connaissances et leurs pratiques, ces solutions doivent être développées à l'échelle nationale. L'objectif final restant l'amélioration de la qualité des soins délivrés aux patients. Contributions TD, MG et JPR ont contribué à l'élaboration, la rédaction et la relecture du manuscrit.
Savoirs / Contribution originale Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent être membres de la Société française de physiothérapie. JPR est salarié de l'EHESP et a reçu un financement pour un projet de recherche PHRIP.
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Pour citer cet article : Davergne T, et al. Recherche clinique en kinésithérapie : enjeux et difficultés. Kinesither Rev (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2016.05.018