Recommandations concernant la prévention et la prise en charge des tuberculoses survenant sous infliximab

Recommandations concernant la prévention et la prise en charge des tuberculoses survenant sous infliximab

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Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 256-9 Recommendations about the prevention and management of tuberculosis in patients taking infliximab – Joint bone spine 2002; 69; 170-72 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002003204/FLA

Recommandations concernant la prévention et la prise en charge des tuberculoses survenant sous infliximab GTI (Groupe tuberculose et infliximab)1*, Afssaps2 Résumé – Un nombre inhabituel de cas de tuberculoses souvent miliaires ou disséminées a été constaté chez des patients traités par infliximab pour polyarthrite rhumatoïde ou maladie de Crohn. Des recommandations françaises ont été établies, définissant les patients à risque, les méthodes de dépistage des patients à risque et les traitements préventifs éventuels. Cette mise au point a également pour objectif d’aider les prescripteurs dans la prise en charge d’une tuberculose, avant ou pendant un traitement par infliximab. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS tuberculose / anti-TNF-α / infliximab / recommandations Summary – Recommendations about the prevention and management of tuberculosis in patients taking infliximab. An unusually large number of cases of tuberculosis, often with miliary or dissemination, has been reported in patients taking infliximab for rheumatoid arthritis or Crohn’s disease. Recommendations have been issued in France regarding the definition of high-risk patients, the screening methods to be used in these patients, and possible prophylactic treatments. The present update is also intended to help physicians manage tuberculosis occurring before or during infliximab therapy. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anti-TNFα / infliximab / recommendations / tuberculosis

L’infliximab (Remicadet) est un anticorps monoclonal qui inhibe l’activité biologique du facteur de nécrose

*Correspondance et tirés à part : D. Salmon : service de médecine interne, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France. 1

Membres du GTI (Groupe tuberculose et infliximab) : V. Abitbol, F. Berenbaum, M. Breban, F. Bricaire, J.F. Colombel, B. Dautzenberg, P. Dellamonica, D. Dusser, D. Emilie, B. Flourie, D. Heresbach, M. Lemann, C. Leport, O. Lortholary, X. Mariette, C. Michelet, C. Roux, D. Salmon, D. Vittecoq au nom de l’APPIT (Association des professeurs de pathologie infectieuse tropicale), de la Société française de gastro-entérologie, de la Société française de rhumatologie et de la Société de pneumologie de langue française. 2 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (www. afssaps.sante.fr)

tumorale alpha (TNF-α). Il est indiqué dans le traitement au long cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) active [1], la maladie de Crohn active et sévère [2], dont l’indication a été très récemment restreinte aux patients qui n’ont pas répondu malgré un traitement approprié et bien conduit par un corticoïde et un immunosuppresseur ou chez les patients intolérants ou ayant des contre-indications médicales à de tels traitements. Depuis la commercialisation de l’infliximab en 1998, les données internationales de pharmacovigilance confirment que le risque d’infections est préoccupant, notamment en ce qui concerne la tuberculose. Ainsi, jusqu’à fin 2001, environ 130 cas de tuberculose active (tuberculoses miliaires ou de localisation extrapulmonaire) dans 40 % des cas ont été rapportés, dont cer

Prévention et prise en charge des tuberculoses survenant sous infliximab

tains ont été fatals [3]. Ce risque de tuberculose a amené l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) à réviser l’autorisation de mise sur le marché de l’infliximab, en renforçant les contreindications et les précautions d’emploi. Cette mise au point a pour objectif d’aider les prescripteurs dans la prise en charge et le dépistage d’une tuberculose, avant ou pendant un traitement par infliximab. QUELS SONT LES PATIENTS À RISQUE ? Les patients à risque sont soit des sujets ayant une tuberculose latente (ou tuberculose–infection), risque de réactivation tuberculeuse sous infliximab et, définis par : – sujet ayant fait une tuberculose dans le passé, mais ayant été traité avant 1970, ou n’ayant pas eu un traitement d’au moins six mois comprenant au moins deux mois du couple rifampicine–pyrazinamide ; – sujet ayant une IDR à la tuberculine à 10 UI > 10 mm à distance du BCG (> 10 ans) ou phlycténulaire, n’ayant jamais fait de tuberculose active et n’ayant jamais reçu de traitement ; – sujet ayant des séquelles tuberculeuses importantes > à 1 cm3 sans que l’on ait la certitude d’un traitement stérilisant. Le risque de primo-infection tuberculeuse (virage ou augmentation de diamètre de l’IDR à la tuberculine de plus de 10 mm, après contact avec une personne atteinte d’une tuberculose), est faible chez les patients sous infliximab. Les patients seront cependant informés de ce risque et il leur sera recommandé d’éviter, dans la mesure du possible, le contact avec les personnes contagieuses et si un tel contact est suspecté, de consulter. Les sujets ayant fait une tuberculose active mais ayant été traités au moins six mois avec au moins deux mois du couple rifampicine–pyrazinamide ne sont a priori plus à risque de réactivation. EN CAS DE TUBERCULOSE ACTIVE (OU TUBERCULOSE MALADIE) Les sujets suspects de tuberculose active devront bénéficier d’un bilan diagnostic complet à la recherche de cette maladie et d’un traitement antituberculeux complet. Si une tuberculose est suspectée ou diagnostiquée, le traitement par infliximab doit être différé.

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COMMENT DÉPISTER UN PATIENT À RISQUE ? Avant de débuter un traitement par infliximab, il est nécessaire d’évaluer pour chaque patient le risque de tuberculose latente ou active par : – un interrogatoire détaillé comprenant la notion et la date de vaccination par le BCG et le résultat des IDR anciennes à la tuberculine, – la notion de contage (antécédents familiaux y compris dans l’enfance), – la notion d’exposition (origine ou séjours prolongés dans un pays de forte endémie…), les antécédents personnels de tuberculose (latente ou active), la notion de traitement anti-tuberculeux antérieur (médicaments prescrits, dose et durée). Les signes cliniques de tuberculose maladie (signes généraux, pulmonaires ou extrapulmonaires) seront systématiquement recherchés. – Une radiographie pulmonaire et une intradermoréaction à la tuberculine à 10 UI3 chez tous les patients doivent être réalisées. La présence d’une IDR phycténulaire nécessite la recherche de BK par tubage trois jours de suite. Un scanner thoracique est indiqué avec éventuel avis spécialisé s’il existe des images évocatrices de séquelles tuberculeuses à la radiographie pulmonaire. – Il est recommandé de noter les dates de ces examens sur la carte « patient » qui sera délivrée au patient avec le traitement. PRISE EN CHARGE D’UNE TUBERCULOSE LATENTE Avant d’instaurer un traitement par infliximab, une chimioprophylaxie antituberculeuse est mise en route chez tous les sujets à fort risque de réactivation tuberculeuse ou en cas de primo-infection. Deux schémas thérapeutiques concernant le traitement prophylactique sont possibles : – association rifampicine (Rifadinet) : 10 mg/kg/j + pyrazinamide (Pirilènet) : 20 mg/kg/j en une seule prise pour les deux traitements et pendant deux mois. Ce schéma n’a cependant été validé à visée prophylactique que chez les sujets VIH + [4-6] ; – association rifampicine (Rifadinet) : 10 mg/kg/j en une seule prise + isoniazide (Rimifont) : 4 mg/kg/j pendant trois mois ou Rifinaht (deux comprimés/j en une seule prise).

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Une nouvelle tuberculine devrait être prochainement disponible qui nécessitera une réévaluation du seuil de risque.

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D. Salmon

L’isoniazide seul pendant neuf mois est une alternative en cas de toxicité hépatique ou chez les sujets très âgés ou cirrhotiques. Cette prévention doit être mise en route au moins trois semaines avant la première perfusion d’infliximab. Si les BK tubages reviennent positifs, un traitement curatif remplacera le traitement prophylactique. La surveillance est celle d’un traitement antituberculeux classique. Il n’y a pas lieu de traiter un patient ayant un antécédent de tuberculose correctement traitée. PRISE EN CHARGE D’UNE TUBERCULOSE ACTIVE DIAGNOSTIQUÉE AVANT L’INITIATION OU SURVENANT SOUS INFLIXIMAB [4] Tous les patients doivent être informés de la nécessité de consulter un médecin en cas d’apparition de signes ou de symptômes évoquant une tuberculose (toux persistante, asthénie, perte de poids, fièvre) pendant ou jusqu’à six mois après l’administration de la dernière prise d’infliximab. En cas de suspicion de tuberculose, les examens suivants doivent être réalisés : – recherche de BK trois jours de suite par crachats ou tubages, IDR à la tuberculine, radiographie pulmonaire éventuellement complétée d’un scanner thoracique en cas de doute (nodule, adénopathie), ECBU à la recherche d’une leucocyturie ; – les autres examens et prélèvements bactériologiques seront orientés selon la localisation et les manifestations cliniques ; – un test tuberculinique peut s’avérer faussement négatif chez les patients immunodéprimés ou sévèrement malades. Le traitement curatif comporte : – une trithérapie : rifampicine (10 mg/kg/j en une seule prise), isonazide (4 mg/kg/j), pyrazinamide (20 mg/kg/j en une prise) pendant les deux premiers mois, poursuivis ensuite par une bithérapie : rifampicine + isoniazide. L’éthambutol (20 mg/kg/j) doit être associé pendant les deux premiers mois en cas de rechute ou de suspicion de résistance (patient originaire d’un pays d’endémie). Le traitement peut être simplifié par utilisation de Rifatert (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide) à la dose d’un comprimé pour 12 kg pendant les deux premiers mois puis Rifinaht deux comprimés durant quatre mois (si poids 50–70 kg).

Il est n’est pas souhaitable d’initier le traitement de ces patients dans les services fréquentés par d’autres patients immunodéprimés par l’infliximab. La durée totale du traitement sans reprise d’infliximab dépend de la localisation : – tuberculose pulmonaire ou monoganglionnaire : six à neuf mois ; – tuberculose disséminée ou pluriganglionnaire : neuf mois (l’évolution étant souvent lentement favorable) ; – tuberculoses osseuses ou neuroméningée : 12 mois au moins. La surveillance du traitement est celle d’un traitement antituberculeux classique. Un contrôle de la négativité de l’expectoration est utile vers le 15e jour dans les formes initialement bacillifères. Peut-on reprendre le traitement par infliximab ? En l’absence de données prospectives, il n’est pas recommandé de reprendre l’infliximab. Si l’intérêt clinique de l’infliximab est considéré comme majeur, le traitement par infliximab ne sera repris qu’après un délai supérieur ou égal à deux mois, après s’être assuré de la normalisation complète des signes cliniques, radiologiques et/ou biologiques (négativité des recherches de BK). En l’état actuel des connaissances, il est recommandé de poursuivre le traitement antituberculeux (isoniazide seul ou isoniazide + rifampicine) de façon prolongée en cas de reprise du traitement par infliximab. Une surveillance particulière est alors nécessaire en s’entourant d’une approche multidisciplinaire. Prescription d’un traitement corticoïde par voie générale ou locale en cas de tuberculose sous infliximab Il n’y a pas de contre-indication à une corticothérapie intra-articulaire ou par voie générale. Elle est même indiquée dans certaines formes graves de tuberculose (méningite, péricardite, miliaire sévère). Celle-ci peut s’avérer moins efficace du fait de l’administration concomitante de rifampicine qui augmente le catabolisme des corticoïdes, aussi les doses devront être augmentées de 40 %. CONCLUSION L’utilisation de ces recommandations devraient permettre de réduire significativement la fréquence et la gravité des tuberculoses sous infliximab. Cependant,

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une vigilance reste nécessaire car d’autres infections opportunistes sont susceptibles d’être favorisées par l’infliximab. En l’état actuel des connaissances, de nombreuses incertitudes persistent et ces recommandations sont susceptibles d’évoluer dans un futur proche. RE´FE´RENCES 1 Lipsky PE, Van der Heijde DM, Saint-Clair EW, Furst DE, Breedveld FC, Kalden JR, et al. Infliximab and methotrexate in the treatment of rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1594-602. 2 Rutgeerts P, D’Haens G, Targan S, Vasiliauskas E, Hanauer SB, Present L, et al. Efficacy and safety of retreatment with anti-tumor necrosis factor antibody (infliximab) to main-

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tain remission in Crohn’s disease. Gastroenterology 1999 ; 117 : 761-9. Keane J, Gershon S, Wise RP, Mirabile-Levens E, Kasznica J, Schwieterman WD, et al. Tuberculosis associated with infliximab, a tumor necrosis factor alpha-neutralizing agent. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1098-104. Haas S. Mycobacterium tuberculosis. In : Mandell GL, Bennett JE, Dolin R, Eds. Principle and practice of infectious diseases. 5th ed. London : Churchill-Livingstone ; 2000. p. 2576-607. Babu Swai O, Aluoch JA, Githui WA, Thiong’o R, Edwards EA, Darbyshire JH, et al. Controlled clinical trial of a regimen of two durations for the treatment of isoniazid resistant pulmonary tuberculosis. Tubercle 1988 ; 69 : 5-14. Rose DN. Short course prophylaxis againts tuberculosis in HIV-infected patients. Ann Intern Med 1998 ; 129 : 779-86.