Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé pour tumeur osseuse primitive (à propos de quatre cas)

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé pour tumeur osseuse primitive (à propos de quatre cas)

Chirurgie de la Main 2001 ; 20 : 272-9  2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1297-3203(01)00046-4/FLA Articl...

206KB Sizes 2 Downloads 110 Views

Chirurgie de la Main 2001 ; 20 : 272-9  2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1297-3203(01)00046-4/FLA

Article original

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé pour tumeur osseuse primitive (à propos de quatre cas) M. Rtaimate 1∗ , P. Laffargue 2 , E. Farez 3 , J. Larivière 1 , M.C. Baranzelli 4 1 Clinique

Lille-Sud, SOS MAINS, rue Gustave Delory, 59000 Lesquin, France ; 2 service de traumatologie, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille, 59000 Lille, France ; 3 service d’orthopédie et traumatologie, clinique d’Auchel, 62000 Auchel, France ; 4 service d’oncologie médicale A, centre Oscar Lambret, CHRU de Lille, 59000 Lille, France

Résumé Nous avons observé une tumeur à cellules géantes et trois ostéosarcomes de l’extrémité inférieure du radius. Le recul moyen de cette étude prospective était de dix ans avec des extrêmes de quatre et 13 ans. Nous avons réalisé dans tous les cas une résection tumorale suivie d’une reconstruction par un greffon fibulaire non vascularisé. Le but de notre étude était d’apprécier les résultats carcinologique, fonctionnel et radiologique de cette technique à un recul moyen de dix ans. Le type histologique était trois fois un ostéosarcome de haut grade et une fois une tumeur à cellules géantes de grade I. En moyenne, la flexion du poignet était de 45◦ et l’extension était de 20◦ , la pronation de 30◦ et la supination de 50◦ . L’inclinaison radiale était en moyenne de 10◦ et l’inclinaison ulnaire de 15◦ . Toutes les patientes étaient satisfaites de la fonction du poignet opéré et menaient une vie familiale et professionnelle normales. La force de préhension était trois fois, subjectivement correcte et une fois diminuée. Le délai de consolidation greffonradius restant était en moyenne de six mois avec des extrêmes de quatre et neuf mois.  2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS fibula / greffon osseux / radius / tumeur osseuse Summary – Reconstruction of the distal radius for primary bone tumours using a non-vascularised fibular graft: a series of four cases. We report four cases of primary bone tumour of the distal radius. Follow-up averaged ten years with a range of four to 13. Each case underwent excision of the tumour followed by reconstruction with a non-vascularised fibular graft. The aim of our study was to investigate the carcinologic, functional and radiological results at an average of ten years after the initial surgery. There were three high grade osteosarcomas and one giant cell tumour of bone. The mean postoperative wrist flexion was 45◦ , extension was 20◦ , pronation 30◦ and supination 50◦ . Radial tilt was a mean 10◦ and ulnar tilt 15◦ . All the patients had satisfactory function so as to be able to perform activities of daily living and to work. Grip strength was normal in three cases and reduced in one. Bone graft healing occurred at a mean of six months with a range of from four to nine months. Resection followed by a non-vascularised fibular graft is an effective way of managing these patients.  2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS bone graft / bone tumor / fibula / radius

L’extrémité distale du radius représente un site fréquent pour les tumeurs osseuses primitives [9]. Il peut s’agir de tumeurs bénignes ou malignes. Les

tumeurs malignes sont représentées par les chondrosarcomes et les ostéosarcomes. Les tumeurs bénignes sont représentées par les tumeurs à cellules

∗ Correspondance et tirés à part : M. Rtaimate, 12, rue du Sec Arembault, 59800 Lille, France.

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé

géantes, kystes anévrysmaux osseux et les fibromes chondromyxoïdes [4]. Dans la littérature les tumeurs à cellules géantes sont les tumeurs les plus fréquentes du radius distal [1, 12, 14, 17, 24]. Pour le traitement de ces tumeurs, de nombreuses techniques chirurgicales ont été rapportées. En effet après la résection tumorale, il existe plusieurs alternatives pour la reconstruction du radius qui dépendent de facteurs locaux et fonctionnels [9] : utilisation d’endoprothèses [7], utilisation de la fibula vascularisée ou non [12, 17, 18, 20], utilisation de baguettes tibiales [3], utilisation de fragments de crête iliaque [14], transposition de l’ulna [13, 22] et allogreffe de l’extrémité distale du radius [15]. Pour notre part, nous avons réalisé dans tous les cas une résection tumorale suivie d’une reconstruction par un greffon fibulaire non vascularisé. Le but de notre étude était d’apprécier les résultats carcinologique, fonctionnel et radiologique de cette technique à un recul moyen de dix ans. MATÉRIEL ET MÉTHODES Matériel d’étude Notre série comportait trois patientes opérées entre 1983 à 1996, représentant quatre tumeurs primitives de l’extrémité inférieure du radius, trois fois à gauche et une fois à droite. Dans un cas, une tumeur en « miroir » est apparue à un délai de deux ans après le diagnostic de la tumeur controlatérale. L’âge moyen lors du diagnostic était de 25 ans (extrêmes : 14 et 38 ans). La symptomatologie initiale était semblable pour toutes les patientes. Ces dernières avaient une tuméfaction sans signe inflammatoire, des douleurs modérées limitant pour une patiente la flexion palmaire. Il n’existait pas de complication vasculonerveuse. Méthodes Bilan diagnostic Clinique, biologique et radiologique : avec des clichés radiographiques centrés sur le poignet de face et de profil comprenant les articulations suset sous-jacentes. Des clichés comparatifs ont été réalisés dans un cas. Histologique : la biopsie était indispensable au diagnostic histologique et terminait l’évaluation initiale. Nous réalisions cette biopsie par voie antérieure. Dans un cas, elle a été réalisée ailleurs par voie postérolatérale.

273

Bilan d’extension Nous précisions les éléments de décision d’un traitement conservateur qui dépendaient des conditions générales et locales suivantes : âge du patient y compris âge osseux, examen clinique, état de la peau, mensuration du périmètre de l’avant-bras, rapport avec les pédicules vasculonerveux, radiographies standards osseuse et thoracique, examen tomodensitomètrique du membre et des poumons, examen par imagerie en résonance magnétique (IRM), scintigraphie osseuse du corps entier. Il fallait évaluer les limites de l’envahissement en largeur et en hauteur. Chimiothérapie Une polychimiothérapie séquentielle pré et postopératoire selon le protocole T10 de Rosen a été instituée pour les patientes ayant un ostéosarcome [21]. Technique opératoire Nous avons reconstruit le radius par un transfert de fibula non vascularisée dans tous les cas. Installation : Sous anesthésie générale, le membre supérieur et le membre inférieur étaient installés dans le même temps sous garrot pneumatique, sans bande d’Esmarch pour le membre supérieur, en décubitus dorsal avec surélévation du membre inférieur homolatéral. Intervention : Premier temps : exérèse de la tumeur L’incision était antérolatérale devenant curviligne à la face antérieure de l’avant bras. Elle devait emporter systématiquement et largement la cicatrice de la biopsie. L’utilisation d’une main de plomb nous facilitait les gestes opératoires. L’aponévrose antébrachiale était incisée, le paquet vasculaire radial et la branche antérieure du nerf radial étaient repérées et protégées. Les muscles fléchisseur radial du carpe et fléchisseurs des doigts étaient refoulés en dedans et le muscle brachioradial avec le paquet vasculonerveux en dehors. L’exérèse de la tumeur devait être réalisée en bloc. Le bilan d’extension local nous indiquait le niveau de résection de la diaphyse radiale avec une marge de sécurité qui était pour nous au minimum 6 cm au-dessus de la limite supérieure de la tumeur. Dans un cas devant une image lacunaire du tiers supérieur du radius, il a été nécessaire de réséquer celui-ci en

274

M. Rtaimate et al.

Figure 1. Mise en place du greffon fibulaire avec fixation au radius par plaque d’ostéosynthèse.

totalité en emportant le muscle supinateur. La désinsertion musculaire était réalisée en sous-périosté jusqu’au tiers inférieur afin de préserver le potentiel vasculaire. Si la tumeur était vascularisée par l’artère interosseuse antérieure, celle-ci était liée afin d’éviter toute dissémination. La section du radius était alors effectuée. Nous réalisions une résection monobloc extratumorale large qui emportait une partie du muscle carré pronateur, de la membrane interosseuse et de la capsule articulaire. La tumeur et son atmosphère cellulo-musculaire environnante étaient exposées afin de libérer les tendons extenseurs. Les gaines tendineuses étaient excisées. Les ligaments radio-carpiens antérieur et postérieur et le ligament latéral externe du carpe étaient préservés si la tumeur était strictement métaphysaire. Deuxième temps : prélèvement de la fibula homolatérale L’incision était latérale sur environ 15 cm. Le nerf fibulaire profond était repéré après ouverture de

l’aponévrose juste en arrière du biceps crural, puis disséqué jusqu’à sa bifurcation en nerf fibulaire superficiel et nerf tibial et mis sur lac. La tête de la fibula était alors abordée en sous périosté en conservant l’insertion des fibres les plus postérieures du biceps fémoral afin de permettre la réinsertion du ligament collatéral latéral au niveau du poignet. Nous laissions donc en continuité le biceps fémoral, le ligament collatéral latéral, le périoste de la tête fibulaire et la partie antérieure du muscle long fibulaire. La diaphyse de la fibula était abordée également en sous périosté sur la longueur souhaitée en contrôlant le nerf tibial antérieur. La longueur du greffon était toujours au moins égale à la résection radiale. La résection du greffon fibulaire était alors réalisée. Le tendon du biceps fémoral et le ligament collatéral latéral étaient réinsérés sur la surface articulaire tibiale avivée de l’articulation fibulotibiale supérieure. Nous réinsérions ensuite le long fibulaire en laissant libre la zone de pénétration du nerf fibulaire profond sous ce muscle. La fermeture était réalisée en deux plans sur deux drains de Redon en aspiration.

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé

275

Figure 2. Radiographie de contrôle postopératoire immédiat mettant en évidence l’ostéosynthèse.

Troisième temps : mise en place du greffon fibulaire Le greffon était fixé provisoirement à l’aide de daviers sur le radius afin de vérifier sa longueur et l’absence d’une luxation dorsale ou palmaire par un testing. Le greffon fibulaire était alors fixé au radius par une plaque ou par deux vis antirotation après avoir réalisé une coupe en tenon des extrémités (figures 1, 2). La capsule du côté radial était suturée au fil non résorbable avec le ligament collatéral latéral du genou laissé inséré sur la tête du greffon fibulaire (figure 3). Dans tous les cas, il a été impossible de conserver un ligament triangulaire suffisamment long pour assurer une suture. Au niveau du carpe, le greffon était ensuite fixé par des broches de Kirschner. Par ailleurs, une broche

Figure 3. Description de la réparation ligamentaire. LCLG : ligament collatéral latéral du genou, LCR : ligament collatéral radial restant.

solidarisait le greffon à l’extrémité inférieure de l’ulna. La tête de la fibula était en contact direct avec le scaphoïde carpien dans le cas où la résection totale du radius a été nécessaire, nous avions réalisé un vissage de la tête radiale sur l’extrémité inférieure du greffon. Fermeture cutanée Elle était effectuée en deux plans sur drains de Redon en aspiration laissé en place 72 heures en moyenne.

276

M. Rtaimate et al.

Soins postopératoires Une antibiothérapie était prescrite. Une immobilisation par plâtre brachio-antébrachiopalmaire était assurée pendant six semaines. Les broches étaient laissées en place également six semaines. RÉSULTATS Présentation de la série Le recul moyen de cette étude de quatre cas, était de dix ans avec des extrêmes de quatre et 13 ans. Le coté dominant était deux fois à droite et une fois à gauche. Le type histologique était trois fois un ostéosarcome de haut grade et une fois une tumeur à cellules géantes de grade I. La tumeur en « miroir » était un ostéosarcome. Le bilan d’extension n’a révélé aucune localisation secondaire. Dans tous les cas, les limites de la résection passaient en zone saine. La patiente qui avait l’ostéosarcome « en miroir » a bénéficié d’une arthrodèse du poignet gauche réalisée six ans après la première intervention ; par plaque selon la technique de Müller associée à une ostéotomie d’accourcissement de l’ulna selon la technique de Darrach [16]. RÉSULTATS À LA RÉVISION Résultat carcinologique Toutes les patientes étaient « bons répondeurs à la chimiothérapie » selon la classification de Huvos [10]. Dans aucun cas, nous n’avons observé de récidive locale ou générale, ou de métastase. Résultat fonctionnel (tableau I) En moyenne, la flexion du poignet était de 45◦ (extrêmes : 20 et 70◦ ) et l’extension était de 20◦ (ex-

trêmes : 0 et 45◦ ). Nous avons observé en moyenne une pronation de 35◦ (extrêmes : 15 et 45◦ ) et une supination de 50◦ (extrêmes : 40 et 80◦ ). La somme des moyennes des amplitudes de mouvement, flexion, extension et pronosupination était de 150◦ . L’inclinaison radiale était en moyenne de 10◦ (extrêmes : 0 et 20◦ ) et l’inclinaison ulnaire de 15◦ (extrêmes : 0 et 20◦ ). La mobilité des chaînes digitales était normale dans tous les cas. La mobilité du coude homolatéral à la lésion était normale dans trois cas. Un cas avait une flexion à 110◦ et un déficit d’extension de 20◦ . Toutes les patientes étaient satisfaites de la fonction du poignet opéré et menaient une vie familiale et professionnelle normales. Dans deux cas, il existait des douleurs épisodiques, climatiques et à l’effort. La force de préhension subjectivement jugée était trois fois correcte et une fois diminuée. Résultat radiologique Le délai de consolidation greffon-radius restant était de quatre, six, et neuf mois. Nous n’avons observé aucune résorption du greffon au plus long recul. Il existait une arthrose entre le greffon et la première rangée du carpe dans tous les cas. Dans un cas, il y avait une luxation radio-ulnaire distale. Dans le cas où la tête radiale a été vissée à l’extrémité inférieure du greffon fibulaire, nous n’avons constaté ni arthrose radio-humérale, ni cubitus-valgus. Quant à l’arthrodèse, il existait une fusion complète des interlignes arthrodèsés. L’indice de translation et l’angle d’inclinaison du carpe étaient normaux. Aucune ossification hétérotopique n’a été constatée. Complications Complications chirurgicales Dans un cas, des troubles sensitifs dans le territoire du nerf radial apparus en postopératoire ont régressé

Tableau I. Récapitulatif des différentes mobilités et de la force. FLEX/EXT

PRO/SUP

IR

IU

40◦ /40◦

10◦

20◦

Force correcte

Dep

D

20◦ /0◦

Dep

G

45◦ /0◦

40◦ /40◦

0◦

0◦

diminuée

Del

G

50◦ /30◦

15◦ /80◦

15◦

15◦

correcte

G

70◦ /45◦

45◦ /40◦

20◦

20◦

correcte

Lou

Flex : flexion, Ext : extension, Pro : pronation, sup : supination, IR : inclinaison radiale, IU : inclinaison ulnaire.

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé

partiellement. La vis d’ostéosynthèse de la tête radiale utilisée pour ce cas limitait la fonction du coude. Nous avons noté une main bote radiale dans un cas suivie d’une luxation antérieure du carpe qui a nécessité une reprise par arthrodèse associée à un accourcissement de l’ulna. Une algodystrophie dont l’évolution était favorable sous traitement a été observée. Aucune complication au niveau du site de prélèvement n’a été constatée. Complications de la chimiothérapie Aucune complication n’a nécessité l’arrêt du traitement. Dans un cas, une hématémèse survenue au cours de la chimiothérapie a nécessité une hospitalisation. Dans les autres cas, nous avons rencontré les effets secondaires habituels sans gravité de la chimiothérapie. DISCUSSION L’étendue de la résection nécessaire dans les tumeurs osseuses dépend du diagnostic et du grade histologique de la tumeur déterminés par la biopsie. En règle générale, les tumeurs bénignes et de bas grade histologique (grade I ou II) selon la classification d’Enneking, sont fréquemment traitées par un curetage-comblement par greffe osseuse ou ciment [17]. Les tumeurs de grade III et de grade II récidivantes sont traitées par résection distale du radius et des parties molles adjacentes [5, 17]. Les tumeurs malignes de bas grade doivent être traitées par une résection large de l’extrémité distale du radius pour les grades IA et IB. La résection doit emporter les parties molles adjacentes. Les tumeurs malignes de haut grade nécessitent une résection large voire une amputation [5, 6]. Dans notre série, nous avons réalisé une résection large de l’extrémité distale du radius trois fois et une radiectomie une fois. Pour éviter une récidive, dont la fréquence varie selon les auteurs [8, 11, 19, 26] qui publient 50 à 85 % de récidives tumorales après curetage-comblement pour tumeurs à cellules géantes, nous avons préférés traiter d’emblée notre cas de tumeur à cellules géantes par résection large et reconstruction. Cette attitude thérapeutique est d’ailleurs retrouvée dans d’autres études [1, 12, 23]. Pour la reconstruction radiale différents greffons peuvent être utilisés : la crête iliaque comme Wilson [28], des baguettes tibiales comme Campbell [3], l’ulna par translocation

277

comme Lalla et Seradge [13, 22], des allogreffes comme Mankin [15] et la fibula vascularisée ou non comme Murray [17], Lachman [12], Noellert [18] et Pho [20]. Les quatre cas de notre série ont bénéficié d’une reconstruction par greffon fibulaire dont l’extrémité supérieure a une anatomie proche de l’extrémité distal du radius. C’est pourquoi, l’utilisation de ce greffon a permis d’éviter une arthrodèse de principe et de conserver une mobilité à l’inverse de certains auteurs qui ne la conserve pas de principe ou qui n’ont pas réussi à la conserver [13, 14, 24]. Aucune arthrodèse de principe n’a été réalisée car il existait toutes les conditions nécessaires en per-opératoire pour conserver la mobilité. En effet, les structures capsuloligamentaires et tendineuses étaient préservées après résection permettant ainsi d’assurer une stabilité, la surface articulaire entre le greffon et le carpe était congruente et enfin, nous pouvions prévoir compte tenu de leur jeune âge et de l’intégrité articulaire une fonction permettant au patient de poursuivre ses activités antérieures. Cependant, nous pensons comme Hackbarth [9] que lorsque ces conditions ne sont pas réunies ou si le patient a un travail manuel de force, une arthrodèse donne de meilleurs résultats fonctionnels. Pour nos patientes, le délai de consolidation était en moyenne de six mois comme pour Lachman et Murray [12, 17], alors que d’autres auteurs en utilisant un greffon vascularisé obtenaient une consolidation en deux à trois mois permettant ainsi une immobilisation plus courte [20, 27, 29]. Pour ces auteurs, l’utilisation d’un greffon vascularisé représente une greffe vivante ayant conservé son potentiel ostéogénique à l’inverse des greffes non vascularisées comme l’a montré Bonnel [2]. La conservation d’une greffe vivante permet le maintien de ses propriétés mécaniques notamment sa résistance. De plus, l’apport sanguin permet d’éviter la résorption osseuse, complication majeure des greffes non vascularisées génératrices de fractures de fatigue à long terme [12, 17]. Nous pensons que les avantages des greffons vascularisés au niveau du radius sont moins importants car, la possibilité de couvrir une partie de la greffe avec les extenseurs du pouce ou l’extenseur ulnaire du carpe et l’utilisation d’une fixation stable protègent le greffon non vascularisé contre les fractures de fatigue [26]. De plus, ces interventions longues nécessitent le sacrifice de deux artères importantes (artère radiale ou interosseuse quand elle

278

M. Rtaimate et al.

n’est pas ligaturée pour des raisons carcinologiques et l’artère fibulaire) [13]. Aucune intervention de type Darrach ou SauvéKapandji n’a été réalisée de première intention dans notre étude. En effet, nous pensons comme Usui [25] que ces interventions sont indiquées secondairement en cas de limitation de la mobilité du poignet. Globalement, les résultats fonctionnels de notre série sont acceptables et superposables à ceux observés par certains auteurs, notamment, Lachman qui obtient une somme des moyennes d’amplitude de mouvement de 137◦ après reconstruction radiale par greffon fibulaire vascularisé chez 12 patients qui avaient une tumeur à cellules géantes [12]. Usui observaient une somme des moyennes de 147◦ dans leur série de six patients, atteints de tumeurs à cellules géantes dans trois cas, d’un angiosarcome dans un cas, d’un ostéosarcome dans un cas, d’une tumeur desmoïde juxtacorticale dans un cas et traités par reconstruction radiale par greffon fibulaire non vascularisé [25]. En effet, la somme des moyennes d’amplitude de mouvement de notre étude était de 150◦ . Toutes les patientes étaient satisfaites et ont repris leurs activités familiales et professionnelles antérieures malgré des douleurs épisodiques dans deux cas. L’importance des résections tumorales nécessaires n’a pas entraîné de complication fonctionnelle majeure. Cependant une parésie radiale transitoire et une algodystrophie ont été notées. Les tumeurs de l’extrémité inférieure du radius sont essentiellement des tumeurs à cellules géantes comme le confirme la quasi totalité des publications. Dans notre série nous avons observé une seule tumeur à cellules géantes et surtout trois cas d’ostéosarcome. La particularité de notre étude était d’avoir un taux d’ostéosarcome élevé avec un cas d’ostéosarcome en « miroir ». Devant l’agressivité de ces ostéosarcomes, la résection tumorale devait être plus étendue pour être aussi efficace qu’une amputation sur le plan carcinologique. Malgré le mauvais pronostic de l’ostéosarcome, nous n’avons observé aucune récidive locale ou générale à un recul moyen de dix ans. CONCLUSION L’objectif principal du geste chirurgical dans les tumeurs du radius est de permettre la guérison du patient sur le plan carcinologique. Un diagnostic et un bilan d’extension préopératoire précis sont nécessaires pour apprécier le niveau de résection osseuse

et évaluer l’importance des éléments musculotendineux envahis afin d’envisager le type de reconstruction. La reconstruction de l’extrémité distale du radius après exérèse tumorale semble être réalisée au mieux par un transfert de l’extrémité supérieure de la fibula, permettant de traiter en un temps le problème carcinologique et le problème orthopédique. Dans les récidives tumorales ou les tumeurs agressives, ce procédé semble être une technique fiable, bien codifiée et donnant un résultat cosmétique et fonctionnel excellent pour une gêne minime. Face au taux moyen de récidive tumorale publié par de nombreux auteurs, nous ne retenons pas l’indication d’un curetage-comblement par greffe osseuse ou ciment dans le traitement d’une tumeur bénigne, s’agissant le plus souvent d’une tumeurs à cellules géantes. Les résultats de notre série superposables à ceux d’autres auteurs ont montré que le greffon fibulaire non vascularisé était une solution efficace pour la reconstruction du radius. L’avenir nous amènera peut-être à utiliser un greffon vascularisé qui, s’il n’a pas permis d’obtenir de meilleurs résultats fonctionnels dans les autres séries, a réduit le délai de consolidation et d’immobilisation. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’en matière de carcinologie le pronostic fonctionnel vient après le pronostic vital et que le mode de reconstruction est fonction d’École. RÉFÉRENCES 1 Begue T, Garcon P, Roy-Camille R. Tumeur à cellules géantes du radius : résection-reconstruction par greffe du péroné vascularisé. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 583-6. 2 Bonnel F, Teissier J, Allieu Y. Evolution des greffons osseux libres vascularisés dans les transferts osseux libres vascularisés. Rev Chir Orthop 1982 ; 68(Suppl II) : 21-3. 3 Campbell CJ, Akbarnia BA. Giant cell tumor of the radius treated by massive resection and tibial bone graft. J Bone Joint Surg 1975 ; 57A : 982-6. 4 Chase SW, Herndon CH. The fate of autologous and homologous bone grafts. J Bone Joint Surg 1955 ; 37A : 809-41. 5 Enneking WF, Spanier SS, Goodman MA. System for surgical staging of muskuloskeletal sarcomas. Clin Orthop 1980 ; 153 : 106-20. 6 Enneking WF. Muskuloskeletal tumor surgery. New York : Churchill Livingstone ; 1983. p. 437. 7 Gold AM. Use of a prothesis for the distal portion of the radius of following resection of recurrent giant-cell tumors. J Bone Joint Surg 1957 ; 39A : 1374-80. 8 Goldenberg RR, Campell CJ, Bonfiglio M. Giant cell tumor of bone. An analysis of two hundred and eighteen cases. J Bone Joint Surg 1970 ; 52A : 619-64.

Reconstruction du radius par greffon fibulaire non vascularisé

9 Hackbarth DA. Resections and reconstruction for tumors of the distal radius. Orthop Clinics of North America 1991 ; 22 : 49-64. 10 Huvos AG, Rosen G, Marcove RC. Primary osteogenic sarcoma. Pathologic aspects in 20 patients after treatment with chemotherapy, en bloc resection and prosthetic bone replacement. Arch Pathol Lab Med 1977 ; 10 : 14-8. 11 Johnson Jr, Dahlin DC. Treatment of giant-cell tumor of bone. J Bone Joint Surg 1959 ; 41A : 895-904. 12 Lachman RD, Mc Donald DJ, Beckenbaugh RD, Sim FH. Fibular reconstruction for giant-cell tumor of the distal radius. Clin Orthop 1987 ; 218 : 232-8. 13 Lalla RN, Bhupathi SC. Treatment of giant cell tumor of the distal radius by ulnar translocation. Orthopaedics 1987 ; 10 : 735-9. 14 Leung PC, Chan KT. Giant-cell tumor of the distal end of the radius treated by resection and free vascularized iliac graft. Clin Orthop 1986 ; 202 : 232-6. 15 Mankin HJ, Dopplet S, Tonford WW. Clinical experience with allograft implantation: The first ten years. Clin Orthop 1983 ; 174 : 69-86. 16 Müller ME, Allgower M, Schneider R, Willenegger M. Manuel d’ostéosynthèse « technique A.O. ». Berlin : Springer Verlag ; 1980. 17 Murray JA, Schlafly B. Giant cell tumors in the distal end of the radius. Treatment by resection and fibular autograft interpositional arthrodesis. J Bone Joint Surg 1986 ; 68A : 687-94. 18 Noellert RC, Louis DS. Long-term follow-up of non vascularized fibular autografts for distal radial reconstruction. J Hand Surg 1985 ; 10A : 335-40. 19 O’Donnell RJ, Springfield DS, Motwani HK, Ready JE, Gebhardt MC, Mankin HJ. Recurrence of giant cell tumors of the long bones after curettage and packing with cement.

279

J Bone Joint Surg 1994 ; 76A : 1827-33. 20 Pho RWH. Malignant giant-cell tumor of the distal end of the radius treated by a free vascularized fibular transplant. J Bone Joint Surg 1981 ; 63A : 877-84. 21 Rosen G. Preoperative (Neoadjuvant) chemotherapy for osteogenic sarcoma: a ten years experience. Orthopaedics 1985 ; 8 : 659-64. 22 Seradge H. Distal ulnar translocation in the treatment of giant cell tumors of the distal end of the radius. J Bone Joint Surg 1982 ; 64A : 67-73. 23 Szabo RM, Thorson EP, Raskind JR. Allograft replacement with distal radioulnar joint fusion and ulnar osteotomy for treatment of giant cell tumors of the distal radius. J Hand Surg 1990 ; 15A : 929-33. 24 Tomeno B, Trevoux L. Tumeurs à cellules géantes de l’extrémité inférieure du radius, traitées par résectionarthrodèse. A propos de 9 cas. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 420-4. 25 Usui M, Murakami T, Naito T, Wada T, Takahashi T, Ischii S. Some problems in wrist reconstruction after tumor resection with vascularized fibularhead graft. J Reconstr Micro Surg 1996 ; 12 : 81-8. 26 Vander Griend RA, Funderburck CH. The treatment of giant-cell tumors of the distal part of the radius. J Bone Joint Surg 1993 ; 75A : 899-908. 27 Weiland AJ, Kleinert HE, Kutz JE, Danvier RK. Free vascularized bone grafts in surgery of the upper extremity. J Hand Surg 1979 ; 4A : 129-44. 28 Wilson PD. A clinical study of the biomechanical behaviour of massive bone transplants used to, reconstruct large bone defect. Clin Orthop 1972 ; 87 : 81-109. 29 Wood MB. Upper extremity reconstruction by vascularized bone transfers. Results and complications. J Hand Surg 1987 ; 12A : 422-7.