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Motricité cérébrale 2004 ; 25(2) : 57-62 www.e2med.com/moce
Prévention et traitement des troubles orthopédiques
Réflexions et expérience pratique sur la conception et les adaptations particulières des sièges moulés M. Leclercq, R. Wos Centre I.M.C. du CHR de la Citadelle de Liège, 3, quai de Wallonie, 4000 Liège, Belgique. Tirés à part : M. Leclerq, à l’adresse ci-dessus. Tél : 00 32 4 227 15 81. Fax : 00 32 4 227 88 21. e-mail :
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Résumé Idéalement, la conception et la réalisation d’un siège moulé est l’affaire d’une équipe plutôt que d’un individu. De la prise en compte du plus grand nombre possible de paramètres concernant les aspects pratiques et l’utilisation quotidienne du siège moulé dépend souvent l’acceptation du siège par l’enfant et son entourage. Le moulage en position assise permet la réalisation de sièges avec enroulement des épaules ou avec appuinuque incorporé. L’exécution correcte du siège par l’atelier d’orthopédie dépend, en grande partie, non seulement du moulage mais de la qualité des informations fournies sur les caractéristiques spécifiques de chaque siège. Mots-clés : équipe, moulage, acceptation, spécificité, adaptations.
INTRODUCTION
Notre but, dans cet article, n’est pas de redéfinir la conception du siège moulé en fonction de l’évaluation clinique factorielle. Ce fait a déjà été largement étudié et décrit. Dès lors, notre but est de partager l’expérience que nous avons acquise et développée au fil des ans, dans le moulage et certaines adaptations de ces sièges, au CHR de la Citadelle de Liège.
l’enfant, les parents, l’équipe éducative et rééducative permet de tenter de tenir compte des différents critères pratiques d’utilisation du siège par l’enfant. En effet, le fait de réaliser un siège après une analyse clinique factorielle correctement exécutée est une chose, essayer de tenir compte de tous les aspects pratiques liés au siège moulé et à son utilisation quotidienne par l’enfant atteint d’infirmité motrice cérébrale en est une autre. Quels sont les différents facteurs envisagés ?
RÉALISATION
– la correction de la posture ;
D’emblée, il nous apparaît que ce ne peut être un travail individuel, mais le travail d’une équipe. Si la conception et la réalisation du siège moulé dépendent essentiellement du médecin, du kiné et de l’ergo, une concertation préalable avec
– la prévention des troubles orthopédiques ; – le nombre d’heures passées dans le siège ; – le confort de l’enfant ; – l’alimentation de l’enfant ;
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– l’alternance des périodes de travail et de repos ; – l’amélioration des conditions de travail et de loisir ; – les conditions d’utilisation du siège à la maison. mais aussi : – l’acceptation du siège par l’enfant et son entourage ; – l’acquisition de l’autonomie maximale ; – l’installation du siège dans un fauteuil roulant ; – la possibilité d’utiliser un urinal sans sortir du siège ; – le transport de l’enfant dans le car scolaire ou dans la voiture familiale ; – les facilités d’entretien du siège. À certaines exceptions près, nous avons au CHR abandonné le siège moulé en plâtre au profit du siège en matériau thermo-formable (PVC extrudé, polyéthylène, plastique ABS), recouvert de deux couches de mousse Nortform et d’une couche de plastazote. Celui-ci est solide, confortable, multifonctionnel et esthétique (fig. 1). À la finition, le plastazote (fig. 2) sera ôté et remplacé par une couche en peau de vachette colorée traitée contre l’humidité et l’urine. Cette couverture anti-allergique et esthétique a, en plus, le mérite de rendre le siège socialement acceptable (fig. 3).
FIG. 2. — Siège semi-fini.
FIG. 1. — Siège fini.
FIG. 3. — Siège terminé avec sa couverture en cuir.
Le moulage est réalisé au Centre par l’ergothérapeute et le kinésithérapeute ayant l’enfant en charge. Le moulage est ensuite confié au technicien orthopédiste avec toutes les informations précises pour la réalisation du siège (respect du moulage, des asymétries éventuelles, des angles d’abduction et/ou de flexion des hanches, de la forme de l’appuinuque, de l’enroulement des épaules, …). Le
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FIG. 4. — Moulage d’un siège en forme de selle : vue de face.
respect des informations fournies pour la réalisation du siège est capital, car on remarque trop souvent que certains techniciens « transforment » le moulage pour réaliser un siège symétrique et esthétique. Pour éviter cette dérive, des photos du moulage (sous différents angles) et de l’enfant installé dans son siège en plâtre sont remises au technicien (figs. 4, 5 et 6).
FIG. 6. — Vue de dos.
Pendant de nombreuses années, à l’instar de M. Le Metayer, nous avons effectué le moulage,
l’enfant étant en couché ventral (fig. 7). Cette technique présente l’avantage de permettre une grande précision dans l’agencement de la position et son contrôle par les opérateurs. À l’usage, il nous est cependant apparu que, pour les sièges « hauts » et notamment pour ceux qui comptent un appui-nuque incorporé ou ceux qui provoquent l’enroulement des épaules (fig. 8), les courbures dorsales et cervicales ne correspondent plus à celles du moulage lorsque l’enfant est installé dans son siège et soumis à l’effet de la pesanteur. Par conséquent, nous avons, chaque fois que cela était possible, opté pour la réalisation du
FIG. 5. — Vue de profil.
FIG. 7. — Moulage en couché ventral.
MOULAGE
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FIG. 9. — Positif d’un moulage tête-nuque-épaules. FIG. 8. — Moulage avec enroulement des épaules et appui-nuque incorporé réalisé en position assise.
moulage en installant directement l’enfant en position assise.
Avantages Cette façon de procéder présente des avantages.
les mouvements pathologiques ne sont pas trop importants. SPÉCIFICITÉS
– respect des courbures vertébrales en situation anti-gravitaire ;
L’appui-nuque et l’enroulement des épaules
– positionnement de l’enfant en tenant compte de ses réactions posturales et de ses possibilités ou difficultés à maintenir une posture correcte ;
Le moulage du siège est effectué jusqu’à hauteur des omoplates. Après durcissement du plâtre, la tête de l’enfant est maintenue en posture corrigée et l’appui nuque peut être moulé. La difficulté majeure chez certains de nos enfants réside dans l’acceptation et la possibilité du maintien d’une posture corrigée pendant un laps de temps relativement long. Dès lors, nous avons opté pour un autre procédé : nous profitons d’un autre moment pour mouler l’arrière de la tête, la nuque et les épaules. Le négatif est alors transformé en positif (fig. 9) : celui-ci pourra alors être utilisé ultérieurement lors de la confection du siège moulé ou d’un appui nuque spécifique en mousse (type plastica) facilitant l’usage d’aides techniques (figs. 10, 11 et 12). Ce procédé présente en outre l’avantage de permettre un moulage en « enroulement » des épaules de façon beaucoup plus aisée. Précisons que, dans ce type de siège, le dossier est découpé au niveau lombaire de façon à pouvoir s’adapter à la croissance de l’enfant (fig. 13).
– indications de l’enfant sur le confort ou l’inconfort de la position ; – moulage précis de l’appui nuque permettant un maintien correct de la tête (posture, déglutition, orientation du regard) ; – moulage en enroulement des épaules possible si nécessaire.
Inconvénients Mais cette façon de procéder présente aussi quelques inconvénients : – la correction de la posture par l’opérateur est plus difficile à obtenir ; – le moulage nécessite l’intervention de plusieurs opérateurs (de 3 à 4 selon les cas) ; – le moulage n’est réalisable que s’il existe une possibilité de maintien postural, si on peut obtenir une participation volontaire de l’enfant et si
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FIG. 10. — Appui-nuque amovible.
FIG. 12. — Essai d’un appui-nuque, avant finition, facilitant la conduite de la voiturette électrique.
FIG. 14. — Sangle « téléphone ».
FIG. 11. — Utilisation de l’appui-nuque.
FIG. 13. — Découpe lombaire d’un siège avec enroulement des épaules.
FIG. 15. — Maintien du bassin par sangle « téléphone ».
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Téléphone Le siège moulé étant utilisé par l’enfant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et ce, en toutes saisons, le moulage des cuisses peut, selon les vêtements portés par l’enfant, ne plus remplir son rôle de maintien du bassin à cent pour cent. Pour pallier à cet inconvénient, nous avons imaginé, en collaboration avec le technicien orthopédiste, un système simple et efficace : le « téléphone » (figs. 14 et 15). Celui-ci est constitué d’une lame en aluminium recouverte à ses extrémités par un mousse Nortform (taillé en L) et recouvert de cuir. Il s’applique sur les EIAS et est fixé au siège par deux lanières orientées obliquement vers l’arrière et le bas du siège. De cette façon, il immobilise le bassin et permet d’éviter la rotation de ce dernier. Il est peu contraignant et bien supporté par l’enfant. Son efficacité est toutefois sujette à une fixation correcte.
tiquables et sujettes à amélioration. Nous avons voulu partager notre expérience et susciter la réflexion. Ainsi, nous serions heureux de connaître le vécu des lecteurs et lectrices, de façon à continuer à œuvrer au mieux avec les enfants qui nous sont confiés. RÉFÉRENCES [1] JACOB V. Prévention des troubles orthopédiques et facilitation de l’activité des membres supérieurs par le positionnement chez trois enfants IMC. Mémoire de fin d’étude. École d’ergothérapie de Liège, 1994-1995. [2] LAUMONIER E., RIETZ MF., LACHENAL B. La selle moulée. Motricité cérébrale, 1994 ; 15. [3] LE METAYER M. Divers types de sièges proposés pour les paralysés cérébraux (IMC, IMOC et polyhandicapés) en fonction de l’évaluation clinique factorielle en position assise. Motricité cérébrale, 1998 ; 3.
CONCLUSION
[4] LE METAYER M. Rééducation cérébromotrice du jeune enfant. Masson éditeur, 1998.
Nous sommes bien conscients que toute « technique » et toute « façon de faire » sont toujours cri-
[5] LESPARGOT A., DEBEDDE S. Les sièges, leurs caractéristiques. Journée d’étude du C.D.I. des 15 et 16 décembre 2000.