Influence des changements incessants opérés par les antibiotiques sur la pratique clinique et thérapeutique du généraliste

Mddecine et MaladiesInfectieuses-- 1984 -- 14 -- N° 12 -- 653 ~ 654

I N F L U E N C E DES C H A N G E M E N T S SUR L A P R A T I Q U E C L I N I Q U E

I N C E S S A N T S OPERES P A R LES A N T I B I O T I Q U E S ET T H I ~ R A P E U T I Q U E D U G E N E R A L I S T E *

par J. P I N C E M I N * *

R E S U M E - Pour explorer I'arsenal antibiotique utilis~ et ses modifications dans une vie de m~decin, un questionnaire d'opinion, avec I'aide de la Caisse R~gionale d'Assurance Maladie, a ~t~ adress~ aux g~ndralistes de la r~gion Midi-Pyr~n~es, soit 2.285 m~decins. 1.114 ont r~pondu (48,7 %).

L'arsenal antibiotique du g~n~raliste est diversifi~. II est constitu~ par ordre de fr~quence d'utilisation : - 1) de 6 antibiotiques usuels : macrolides (92,2 % des m~decins en prescrivent), amoxycilline (97,3 %), cyclines (97,7 %), cotrimoxazole (96,1%), ampicilline (88,3 %). - 2) de 6 autres antibiotiques moins fr~quemment utilis~s. :aminosides (9i,9 % des m~decins en prescrivent), c~phalosporines (84,4 %), c01imycine (46,2 %), pristinamycine (45',7 %), lincosamines (31,9 %), ph~nicol~s (20,2 %). 71,4 % des g~n~ralistes utilisent chacun des 6 antibiotiques usuels : 61,7 % utilisent chacun des antibi0tiques des 2 groupes &. I'exception de 3 antibiotiques au plus et 17,2 % toutes les classes,saul une. La majorit~ des praticiens utilise donc un arsenal de 9 ~ 12 mol6cules antibiotiques diff~rentes..' - 9 6 2 ordonnances relev~es en deux jours ont prescrit par ordre d~croissant de fr~quence : p~nicillineS TABLEAU I (357 prescriptions, soit 37,1%) r~partis en : amoxicilline Classification des sp~cialit6s antibiotiques en fonction (25 %), ampicilline (6,3 %), p~nicilline V (4,6 %), p~nide leur fr~quence d'utilisation, sur 962 ordonnances cilline M (0,i %) ; macrolides (25,8 %) ; cyclines (14 %) ; (enqu~te sur 2 j0urs en Midi-Pyr6n~es)., cotrimoxazole (10;9 %) ;' c~phalosporines (7,2 %);' aminosides (2,5 %) ; colimycine (1,1%) ; ph~nicol~s (0,5 %); Antibiotiques % utilisation % cumul~ antituberculeux (0,3 %). Sur los 85 sp~cialit~s antibiotiNbre Nom ques diff~rentes prescrites, deux antibiotiques en repr~sentent 25 % et six antibiotiques 50 % (tableau I). ' 1 Clamoxyl 14,4 14,4 - L'arsenal individuel de chaque m~decin se modi2 Josacine 13,2 27,7 fie tout au long de sa carri~re, du fait de I'apparition de 3 8actrim 8,8 36,5 Hiconcil 4,8 41,3 nouvelles sp~cialit~s, de r~sistances rencontr~es ~ I'action 4 Oracilline 4,5 45,7 des traitements, de I'exp~rience technique cumul~e, des 5 V ibramycine 4,5 50,2 accidents observes. 63,9 % des m~decins utilisent moins 6 Erythrocine 3,6 53,8 fr~quemment certains antibiotiques et la modification de 7 Rovamycine 3,2 57,1 leur arsenal qui en r~sulte se precise avec I'~ge. 75 % des 8 Totapen 2,9 60,0 9 m~decins de plus de 55 ans ont modifi~ I'arsenal de leurs T.A.O. 2,8 62,8 lO premieres ann~es d'installation. En g~n~ral, I'ampicilline 11 Bristamox 2,6 65,4 a ~t~ d~laiss~e au profit de I'amoxicilline plus perfor12 A. Gram 2,1 67,5 mante ; la t~tracycline base au profit des nouvelles cycli13 Alfatil 2,1 69,5 nes mieux absorb~es ; le T.A.O. du fait d'interactions 14 Mi nocine 2,0 71,5 Oracefal 1,9 73,4 m~dicamenteuses ; le chloramph~nicol pour son action 15 Bacampiciline 1,2 74,6 h~matologique potentielle ; la clindalycine et la lincomy16 Penglobe 1,2 75,9 cine pour leurs dangers colitiques ; certains aminosides 17 Chymocycline 1,1 77,0 pour leurs effets secondaires r~naux ou auditifs ; la p~ni18 Keforal 1,0 78,1 cilline G ~ cause des I.M. n~cessairement r~p~t~es. Ces 19 Reste (66 AB) 21,9 100 antibiotiques toutefois n'ont pas ~t~ abandonn~s. Tout 85 se passe comme si les m~decins ~g~s faisaient une place aux nouveaux produits ~ c6t~ des anciens, tandis que les plus jeunes avaient tendance ~ n'utiliser que les nouveaux (tableau II). 63 % des g~n~ralistes n'ont pas remarqu~ une augmentation des r~sistances microbiennes aux antibiotiques. IIs n'en tiennent pas compte. II apparait, disent les autres, que certains antibiotiq.ues perdent de leur efficacit~, par exemple les cyclines (c'est I'opinion de 29 % de ces m~decins), I'ampicilline (16,6 %), la p~nicilline G (61%). I Is notent une r~sistance aux traitements des infections urinaires (cit~ 94'f0is), bfonchopulmonaires (69 fois) ou OR L (50 fois). C'ertains germes leur sont apparus de plus en plus .((.rdsistantS ))., principalement le colibacille, le 653

staphylocoque, le gonocoque, le proteus, mais il ne s'agit pas d'une r~sistance au sens bact~riologique du terme ; plut(~t de maladies difficiles ~ traiter. 53 % des g~n~ralistes disent avoir modifi~ leur habitude de prescription du fait de leur experience, 67,2 % utilisent moins souvent les antibiotiques dans leur pratique. Les plus ~g~s les ordonnent en cures plus Iongues, les plus jeunes en cures plus courtes. Les associations sont surtout utilis~es par les m~decins ~g~s (48 % apr~s 55 ans, 29 % avant 35 ans). Un antibiotique responsable d'un accident est en g~n~ral abandonn~ d~finitivement par le m~decin qui a v~cu un tel drame dans sa clientele. Chaque m~decin en volt d'autant plus qu'il avance en ~ge : 23 % avant 35 ans, 63 % apr~s 55 ans. En fin de carri~re, un m~decin sur deux en a fait I'exp~rience (tableau III).

TABLEAU II

T A B L E A U III

% d'utilisation de certains antibiotiques an fonction de l'~ge du m~lecin (enqu~te d'opinion Midi-Pyr6n6es).

Liste de 228 accidents graves dus aux antibiotiques relev6s au cours de leur carrie}re par 848 m~lecins g6n6ralistes (enqu~te opinion Midi-Pyr6n~,es)

Age des m~decins 35ans 35&45 Ampicilline Amoxicilline Colimycine Cotrimoxazole Gentamycine C~faclor

Accidents

46&55 ~ 6 5 a n s

20,1 82,3 1,4 50,4

32,8 82,2 5,4 61,9

47,1 73,2 9,1 71,9

8,7

! 6,6

27,4

14,9 76,6 25,2

17,7

15,3

12,4

11,2

Choc apr~s injection R~actions cutan6ess6v~res

58,9 69,2

Colite pseudo-membraneuse Accidents h~matologiques Oed~me de la glotte I nsuffisance r~nale aigu~ Atteinte auditive s6v~re Mort subite

Nombre de cas 53 45 (dont 21 Lyell) 25 24 (dont 10 aplasies) 21 17 11 7

En presence d'une infection s~v~re, I'attitude des m~decins est de prescrire un antibiotique par la voie IM (20 %) & fortes doses (14 %) et de r~clamer des examens compl~mentaires (66 %). Le recours & I'hospitalisation ou I'appel au sp~cialiste est envisag~ ult~rieurement (12 % et 4 % des cas). Le m~decin g~n~raliste de nos jours a plus de puissance dans le traitement des maladies infectieuses s~v~res que le plus grand des m~decins consultants d'autrefois. Mots-cl6s :

Antibiotiques - Changements - Usage clinique.

INFLUENCE OF CONTINOUS CHANGES IN ANTIBIOTICS A S ON THERAPEUTIC AND CLINICAL MANAGEMENT OF A GENERAL PRACTITIONER. SUMMARY The discovery of antibiotiques has completely transformed the methods employed by the general practitioner in his struggle against infectious disease. Indeed, over the last forty years, with the use o f antibiotics, clinical and therapeutic practice has been subjected to constant change development. An investigation, conducted with the co-operation of 1100 general practitioners, enabled these developments to be studied : a certain number o f illnesses have disappeared; a large number o f illnesses are cured quickly; the weapons employed by the medical profession against disease have changed over the years; iatrogenic accidents have appeared, However, all things considered, the profession o f G.P. nowadays, compared with that of former years, may be pursued with far greater efficiency. K e y words : Antibiotics - Change - Clinical use.

* Communication pr~sent~e au Symposium international en Langue francaise sur (( Quarante ann~es d'utilisation des antibiotiques )), Toulouse, Universit6 Paul Sabatier, 18-19-20 octobre 1984. ** M~decin g~n~raliste, F -- 09310 Les Cabannes. 654